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Produire de l'hydrogène, se nourrir de pétrole... Rien ne fait peur aux bactéries

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  • Produire de l'hydrogène, se nourrir de pétrole... Rien ne fait peur aux bactéries

    Il y a quelques semaines, nous parlions de la synthèse de l'hydrogène. Elle peut être faite soit en utilisant du gaz naturel (une ressource finie et polluante) soit grâce à des bactéries ou des algues.

    Utiliser le vivant et ses centaines de millions d'années d'évolution permet de bénéficier instantanément du formidable tri de la sélection naturelle. La bactérie X ou Y choisie pour produire une certaine molécule est la descendante de milliards d'individus sélectionnés génération après génération.

    Se baser sur le vivant est très efficace lorsqu'il est possible d'utiliser des caractéristiques intrinsèques des organismes.

    Il y a près de 10 000 ans, l'Homme a remarqué que les bouillies de céréales laissées à l'air libre fermentaient. Les levures présentes dans l'air transforment spontanément les sucres en alcool : la première bière venait d'être brassée.

    Les levures ont ensuite été isolées et utilisées à des fins uniques de fermentation : l'usage industriel du vivant était né.

    Le cas de la fermentation spontanée est simple : les levures dites "de bière" transforment naturellement le sucre en alcool. L'alcool étant le produit recherché, le travail de l'homme s'est limité à sélectionner les souches les plus intéressantes en terme de résistance, de rendement ou de goût...

    Dans les cas plus complexes comme la synthèse de l'hydrogène, la production du microorganisme n'est pas nécessairement optimisée pour le composé recherché.

    Comment faire de la production sur-mesure avec du vivant ?
    La première solution, bien connue, est celle de la sélection de souches. Petit à petit, en ne conservant que les meilleurs individus génération après génération, il est possible d'améliorer certaines caractéristiques.

    Ce travail est long, fastidieux, et le résultat n'est pas garanti. Bien souvent, optimiser une caractéristique conduit à dégrader les autres.

    Aujourd'hui, nous allons voir une autre manière de procéder. Grâce aux progrès de la génétique, les chercheurs savent désormais isoler les gènes qui codent certaines fonctions.

    Il est possible, depuis une dizaine d'année, de transférer en laboratoire des gènes d'un organisme à un autre (y compris entre espèces très éloignées). C'est de cette manière qu'il est possible d'obtenir des souris fluorescentes en leur greffant un gène tiré d'une... méduse !

    La technique du transfert de gènes a beaucoup gagné en maturité ces 10 dernières années. Elle commence à sortir des laboratoires et, les coûts devenant acceptables, devient une solution envisageable dans des procédés industriels.

    Si le vivant permet de produire de manière efficace des composés connus (tels que l'hydrogène, l'alcool, l'arôme de vanille), il permet aussi de créer des molécules quasiment inaccessibles aux procédés chimiques habituels.

    Votre prochain médicament fabriqué par une bactérie ?
    L'industrie pharmaceutique identifie tous les jours de nouvelles molécules susceptibles de présenter un intérêt thérapeutique.

    Qu'il s'agisse d'anticorps destinés à soigner certains cancers, de molécules de traitement de la douleur ou d'enzymes spécifiques, l'identification de la molécule n'est que la première étape avant l'élaboration d'un médicament. Encore faut-il pouvoir la produire en grandes quantités.

    L'utilisation d'organismes génétiquement modifiés permet de produire virtuellement n'importe quel composé chimique. En ajoutant à des micro-organismes les bons gènes, tels des briques de Lego, leur métabolisme est modifié. Ils deviennent de mini-usines vivantes dont la production est la molécule voulue.

    Une fois le micro-organisme correctement modifié, il suffit de le laisser se dupliquer pour obtenir un nombre quasi-illimité d'unités de production.

    Imaginez une usine qui pourrait être reconfigurée à l'envi pour fabriquer des avions, des voitures ou des patins à roulette et dont la capacité de production serait modulable sans surcoût... C'est bien cela dont on parle avec la biologie synthétique !

    La science-fiction et le cinéma ont dépeint l'utilisation du vivant sous un jour inhumain. Oubliez ces images caricaturales : un bioréacteur à bactérie ou à algues n'est qu'un gros réservoir dont la température est soigneusement contrôlée.

    2018 : l'année où une marée noire a été nettoyée en sept jours
    Nous avons tous en tête les images de côtes souillées par les hydrocarbures lors des naufrages de pétroliers ou l'explosion de la plate-forme de BP. Les dégâts environnementaux sont considérables.

    L'impact sur la biodiversité est difficilement quantifiable, notamment quant aux conséquences à long terme de la présence d'hydrocarbures sur les côtes. Le coût humain est colossal, avec des milliers de bénévoles qui passent des journées entières à ramasser le mazout.

    Imaginez que la prochaine marée noire soit nettoyée quelques jours après avoir ensemencé les côtes de quelques kilos de bactéries. En utilisant simplement l'énergie solaire, les bactéries pourraient proliférer tant que les hydrocarbures sont présents. Une fois leur tâche terminée, elles disparaîtraient faute de nutriments.

    Scénario de science-fiction ? Pas du tout : un des axes de recherche de la biologie synthétique est justement la création de bactéries mangeuses d'hydrocarbures.

    Dans ce cas, ce n'est plus la production de ces bactéries qui est intéressante, mais leur alimentation. Des bactéries communes telles que Pseudomonas se sont montrées particulièrement adaptées aux fonctions de nettoyage. En modifiant leur code génétique, il est possible de transformer leur métabolisme pour qu'elles consomment pesticides, nitrates et même le mazout.

    Avec de tels outils, une marée noire ne serait plus qu'un contretemps mineur. On ne parlerait pas plus de catastrophe que dans le cas d'un camion renversé sur une route...

    A quand une arrivée massive de la biologie synthétique sur le marché ?
    La biologie synthétique permet des réalisations impossibles avec la chimie moléculaire traditionnelle. Les micro-organismes modifiés n'ayant pas vocation à être ingérés par des humains ou des animaux, la question de leur dangerosité ne se pose pas... au moins dans le cas des bioréacteurs.

    Si les bactéries modifiées donnent déjà d'excellents résultats en milieu confiné, leur utilisation en milieu ouvert (comme dans le cas d'une marée noire) pose encore quelques problèmes. Personne ne sait dire, aujourd'hui, si la totalité des bactéries disparaîtrait effectivement une fois le nettoyage terminé.

    Il est également impossible d'affirmer que ces bactéries ne transfèreraient pas certains de leurs gènes aux bactéries environnantes... Autant d'incertitudes qui cantonnent pour l'instant la bio-ingénierie aux milieux confinés et sécurisés.

    Le potentiel de cette technologie, qui a de fortes chances d'être à l'origine des prochains supermédicaments, n'en reste pas moins époustouflant !



    la Quotidienne
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