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Heidegger ignorait les sciences et méprisait la pensée judéo-chrétienne

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  • Heidegger ignorait les sciences et méprisait la pensée judéo-chrétienne

    Claude Tresmontant, comme on le lira dans les extraits ci-dessous, a parfaitement identifié chez Heidegger deux des grands maux de la philosophie moderne et contemporaine. Je reprendrai ces deux maux pour les exposer et j’en ajouterai un troisième.
    Heidegger, incarnation des maux de la philosophie moderne

    L’ignorance des sciences de la natures est le premier de ces maux. Martin Heidegger (1889 -1976), comme son maître Nietzsche, professe un mépris souverain pour les sciences expérimentales. Il croit que la philosophie se construit sans base objective, à partir de rien, a priori. Il pense pouvoir traiter de l’être et du temps, de la liberté de l’homme dans le monde, sans tenir compte des grandes découvertes de l’astrophysique, de la biologie, de la neurophysiologie. Or les connaissances expérimentales modernes concernant l’Univers, la nature et son histoire doivent former la base de toute recherche philosophique qui se veut rigoureuse et réaliste. Sans quoi on peut raconter tout et n’importe quoi, en toute impunité. Il suffit, comme Heidegger, d’inventer un pseudo-vocabulaire ésotérique pour se faire ensuite passer pour un grand penseur que tout le monde admire. Dans le même ordre d’idées, on trouvera aussi chez Heidegger un mépris absolu pour la technique, conséquence de son mépris pour les sciences. C’est une forme subtile de platonisme masquée sous une apparence de pensée novatrice.

    Ensuite, le mépris pour la pensée judéo-chrétienne est le second des maux de la philosophie moderne et contemporaine. Comme le dit Tresmontant, Heidegger ignore délibérément et systématiquement la pensée des Hébreux, la pensée biblique. Il n’y a de pensée véritable, à ses yeux, que la pensée grecque et allemande. Cela peut paraître étonnant mais c’est l’une des raisons profondes, métaphysique, de l’antilibéralisme viscéral de Heidegger et de ses disciples. Expliquons.

    En effet, l’histoire de la pensée occidentale, comme je le montre chaque année à mes élèves, est l’histoire d’un conflit entre deux grandes visions du monde : la vision hellénique et la vision biblique. Pour les Grecs, l’Univers est divin, les astres sont divins, la Nature est divine, l’Univers est incréé, suffisant, éternel dans le passé, éternel dans l’avenir, sans genèse, sans commencement, sans usure, sans vieillissement, cyclique. Au contraire, dans la vision hébraïque du monde, telle qu’elle apparaît dans la Bible, l’Univers n’est pas divin, il n’est pas l’Être absolu, il a commencé et il se terminera, il n’est pas cyclique. D’où la désacralisation qui en résulte, tant de la nature que du pouvoir, que de la nation.
    Les effets éthiques et politiques de ces deux visions du monde sont radicalement différents. Pour les Grecs (je mets Aristote un peu à part pour sa critique judicieuse de Platon), la cité doit être gouvernée par le haut de façon autoritaire, chacun étant à la place que lui destine la nature. L’ordre du monde étant immuable, l’ordre de la cité est immuable. L’individu n’existe pas, seul existe le corps politique, seul existe le Tout. Au contraire, dans la pensée biblique, comme l’a bien montré Marcel Gauchet dans son livre Le désenchantement du monde : Une histoire politique de la religion, il y a une dissociation de l’ici-bas et de l’Au-delà qui rend possible aussi bien l’autonomie que le progrès. Cette dualité, du monde matériel et du monde divin, qui découle de la doctrine de la création, est la condition de la liberté comme de la responsabilité individuelle. Désormais il y a place pour la contestation, pour l’innovation, pour l’historicité et donc pour l’individualité. On change de paradigme, on entre dans la modernité. C’est d’ailleurs cette doctrine de la création qui ouvre un champ libre pour le développement des sciences et des techniques mais aussi du commerce comme alternative à la guerre.

    Personnellement, j’ajouterais une troisième caractéristique, typique de la pensée de Heidegger et de toute la philosophie moderne et contemporaine : la détestation de l’économie politique. Cette détestation est le symptôme d’une forme de pensée adolescente, qui refuse le réel, et qui le récuse comme un obstacle à ses désirs. C’est aussi la conséquence des deux premiers maux : mépris pour les sciences, mépris pour la pensée biblique (qui permet de penser l’autonomie de la science économique).

    On trouvera ce symptôme « adolescentrique » également chez Carl Schmitt, son alter ego, comme chez Sartre et tous les autres. Si Heidegger et Schmitt ont pu adhérer au nazisme, c’est bien parce que leur ignorance abyssale des réalités économiques les prédisposait à devenir socialistes, nationalistes certes, mais socialistes tout de même. C’est d’ailleurs un symptôme fort répandu chez certains penseurs catholiques, qu’ils soient maurassiens ou heideggeriens et c’est encore une source de leur anti-libéralisme obsessionnel.

    Heidegger associait les Juifs à « l’esprit de calcul » et les rendait coupables de tous les maux de l’Allemagne. On comprend pourquoi il ne devait pas aimer non plus l’économie, elle qui prend pour hypothèse de base de ses recherches, la faculté de l’homme à calculer son intérêt, à réagir aux incitations… Trop trivial, trop humain !

    Extraits de Claude Tresmontant, Problèmes de notre temps, 1991

    1° Heidegger et l’ignorance des sciences

    Les vieux systèmes gnostiques nous racontaient que l’Homme est tombé dans l’Univers. Le philosophe allemand Martin Heidegger a repris ce thème de la Geworfenheit, le fait d’être jeté dans le Monde.

    — Si l’on analyse d’une manière rationnelle la question posée par l’existence de l’Homme dans l’Univers, alors on découvre que l’Homme n’est pas plus tombé dans l’Univers que la pomme n’est tombée dans le pommier. L’Univers, pendant quelque vingt milliards d’années, prépare l’apparition d’un être capable de le penser. Toute l’histoire antérieure de l’Univers est nécessaire pour comprendre l’apparition de l’Homme.

    Le malheur de la philosophie contemporaine, c’est que, généralement, elle ignore ou néglige les grandes découvertes de l’astrophysique, de la physique, de la biologie, de la neurophysiologie. Ainsi elle passe à côté des problèmes métaphysiques qui s’imposent avec évidence à l’intelligence humaine en cette fin du XXe siècle.

    Heidegger raconte, Introduction à la Métaphysique, 1935, édition allemande p. 64 : « Il n’y a pas de Temps, lorsqu’il n’y avait pas d’Homme » ! — Il aurait fallu demander au philosophe allemand ce qu’il faisait des vingt milliards d’années qui ont précédé l’apparition de l’Homme : toute l’histoire de la Cosmogénèse, de la formation de la Matière, et de la Biogenèse, l’Histoire naturelle des espèces vivantes. Voilà un philosophe qui n’a aucune idée de ce qu’a été l’histoire naturelle de l’Univers avant l’apparition de l’Homme, qui est un événement tout à fait récent. Ses disciples de langue française sont apparemment dans le même cas.

    La philosophie française contemporaine est en très grande majorité fondée sur l’explication de textes, et les auteurs préférés, par exemple Nietzsche ou Heidegger, sont des auteurs qui non seulement n’avaient aucune formation scientifique, mais qui proclament hautement qu’à leurs yeux les sciences expérimentales ne doivent pas être le fondement ni le point de départ de l’analyse philosophique. Leurs disciples et commentateurs, bien entendu, font de même. Les étudiants de ces disciples sont partis dans la même direction. C’est ce qui explique, pensons-nous, l’irrationalisme et le mépris des sciences expérimentales chez les philosophes contemporains qui sont les plus connus, qui font le plus parler de leurs œuvres. C’est ce qui explique surtout l’abîme qui existe entre l’espèce humaine constituée par les savants, et l’espèce constituée par les philosophes régnants. C’est peu dire qu’il n’existe plus de dialogue entre eux.

    2° Heidegger et le mépris pour la pensée judéo-chrétienne

    Le National-socialisme allemand est une résurgence du vieux fond païen de l’Allemagne païenne. Le fond de l’Être, c’est la Guerre, la Tragédie. L’absolu, la Divinité a besoin de la Tragédie et de la Guerre pour se réaliser, pour prendre conscience de soi. L’Absolu est en devenir, en genèse et cette genèse est une genèse tragique.
    Comme l’a dit un jour Goethe : L’honneur de la vieille Allemagne a toujours été de haïr le christianisme.

    La haine du christianisme et la haine du judaïsme — c’est la même haine — se voient en effet dans le développement de la pensée allemande depuis Fichte jusqu’à Nietzsche et Heidegger. Ce qui est tout particulièrement objet d’exécration, c’est l’idée que le Monde n’est pas divin ; que la Nature n’est pas divine ; que l’État, la Nation, ne sont pas divins. C’est la distinction entre l’Absolu et le monde.

    Le propre du paganisme, ce n’est pas de supprimer ou d’abolir le Sacré. Bien au contraire, le propre du paganisme c’est de mettre le Sacré partout. Le propre du monothéisme, c’est de désacraliser l’Univers, et la Nature, et la Nation, et l’État, et le Führer.

    Il est bien normal que les Césars haïssent le monothéisme hébreu. Ils l’ont montré dans les premiers siècles de notre ère, avec les empereurs romains que l’on a appelés les philosophes. Et on l’a vu avec le Maître du Troisième Reich. Ce fut une haine mortelle.

    Le National-socialisme allemand, c’est-à-dire le nationalisme dit socialiste allemand, est fondé sur un Grund, sur un fond originel, qui est le vieux paganisme germanique : la Nature éternelle et divine ; la Guerre ; la naissance des dieux… Tout Wagner.

    On a beaucoup discuté de la question de savoir si Martin Heidegger était antisémite ou non. Nous avons observé dans une chronique antérieure qu’en toute hypothèse l’expression antisémitisme est mal venue, tout simplement parce que les Arabes, les Syriens, etc., sont eux aussi des Sémites. Il faut appeler un chat un chat. Et donc si l’on veut parler de l’exécration du peuple hébreu, il faut trouver un terme précis. Pour Martin Heidegger, la bonne pensée, c’est la pensée qui provient des plus anciens métaphysiciens grecs, Parménide et Héraclite La mauvaise pensée, c’est la pensée qui provient des Hébreux, des Judéens et des chrétiens. Heidegger pense sur ce point exactement comme Fichte ou Schopenhauer ou Nietzsche. Il s’agit donc d’un antijudaïsme.

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