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Accepter notre fragilité

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  • Accepter notre fragilité

    Rien ne sert de refuser la vulnérabilité humaine. Il faut donc plutôt apprendre à faire et à penser avec elle. Ce qui suppose d’accepter la place du corps et des émotions dans notre vie.

    « Comment faut-il vivre ? » À cette question qui guide toute son œuvre, la philosophe américaine Martha Nussbaum invite à répondre par un retour à la philosophie antique, mais aussi aux auteurs tragiques. N’en déplaise, Sophocle pour le philosophe moral est une source tout aussi légitime que Platon ou Épicure.

    Trois concepts permettent de mieux comprendre pour quelles raisons Nussbaum élargit le corpus de la philosophie au-delà des traités théoriques ordinairement considérés : la vulnérabilité, le corps et les émotions.
    Bien des philosophes antiques ont conçu leur approche de la vie bonne comme une conquête de la maîtrise de soi, et comme une lutte contre la vulnérabilité de l’être humain. Bien vivre, selon cette perspective, ce serait apprendre, grâce à la philosophie, que rien ne peut atteindre l’homme de bien. Tout au contraire, Nussbaum nous invite à considérer que notre bien est celui d’un animal vulnérable, c’est-à-dire d’un animal qui, inéluctablement, dépend d’autrui et de circonstances du monde qu’il ne maîtrise pas. La métaphore que Nussbaum emprunte à l’écrivain Henri James pour illustrer cette image de la vie bonne est celle de la coupe brisée : un objet précieux, mais fragile et imparfait. Loin de lutter contre cette réalité en cherchant à s’en défendre, Nussbaum soutient qu’il n’existe pas de vie bonne qui n’accepte la vulnérabilité. Dans l’une de ses conférences récentes, elle exprime joliment cette idée en reprenant les termes d’un air fameux du Chérubin des Noces de Figaro : « Ricerco un bene fuori di me » – « Je cherche un bien qui se trouve hors de moi. » Voilà ce que les tragiques grecs ont bien compris, eux qui nous montrent des héros blessés, trahis, abandonnés, livrés aux coups du sort, mais héros néanmoins dans leur manière de réagir aux circonstances qui sont les leurs.

    L’intelligence des émotions

    La mise en avant du corps est un deuxième écart important de Nussbaum par rapport aux écoles philosophiques antiques qu’elle commente dans La Fragilité du bien. Le corps n’est pas l’antithèse d’un être humain défini d’abord par sa rationalité. Il en est partie prenante. Cela signifie que le bien et la vie bonne que nous devons rechercher ne sont pas seulement le bien et la vie bonne d’une rationalité universelle, mais aussi celles d’un animal doté d’un corps qui évolue, vieillit, faillit.

    La mise en avant des émotions, enfin, est la conséquence logique de l’accent placé sur la vulnérabilité et le corps. Pour Nussbaum, les émotions ne sont pas des réactions corporelles dénuées de lien avec la raison. Tout au contraire, elles sont les indices de « ce qui a de l’importance » à nos yeux, mais qui échappe pourtant en partie à notre contrôle. Les émotions sont la contrepartie de notre vulnérabilité : la manière dont se reflète un monde précieux mais incontrôlable pour un animal rationnel mais fini. C’est pourquoi Nussbaum dit qu’il existe une « intelligence des émotions » : elles nous apportent un discernement particulier qui a toute sa place dans la vie bonne. C’est aussi pour cela que les tragédies grecques, ou les romans, peuvent être des ressources aussi précieuses pour le philosophe : ces genres littéraires sont conçus pour en appeler à nos émotions, et pour nous faire ressentir, en imagination, la valeur d’une vie et de ses circonstances.
    La philosophie de Nussbaum se construit ainsi comme une invitation à explorer les conditions de la vie bonne pour un être humain, en alternant, comme une respiration, l’enseignement des récits et de la littérature, et la réflexivité abstraite propre à la philosophie. Cette recherche, à la fois stylistique et philosophique, la conduit à adopter une forme d’écriture qui fait place à de longues citations d’œuvres littéraires aux côtés de l’argumentation technique, dans une manière d’en appeler à la fois aux émotions du lecteur et à sa raison.

    Les capabilités de base

    Et puisque bien vivre, pour l’animal vulnérable et social que nous sommes, est une affaire collective et politique, le questionnement original de Nussbaum se poursuit logiquement vers la philosophie politique : elle apporte à la réflexion sur la justice ces enseignements découverts au fil de la lecture des tragiques grecs ou de Proust. Une société juste n’est pas seulement celle qui garantit des droits de manière abstraite. Elle est celle qui donne aux citoyens les moyens de transformer ces droits en « capabilités ». Ce concept, développé avec l’économiste Amartya Sen, désigne pour Nussbaum la capacité effective de faire ou d’être quelque chose. Par exemple, si je jeûne volontairement, je n’en ai pas moins la capabilité de me nourrir ; mais si la famine sévit, alors cette capabilité m’est enlevée. Or, pour elle, les capabilités de base que toute société juste devrait assurer reflètent cette conception d’une vie bonne qui n’est pas celle d’un pur esprit contrôlant parfaitement son environnement, mais celle d’un animal rationnel très facilement jouet des circonstances. Ainsi, parmi les capabilités participant d’une vie bonne selon Nussbaum trouve-t-on la capacité à éprouver des émotions, à jouer, et à pouvoir exercer une forme de contrôle sur son environnement naturel et politique.
    De la philosophie morale à la philosophie politique, de l’étude de l’amour romantique à celle du droit des femmes, les réflexions de Nussbaum donnent l’exemple d’un questionnement où l’argument et le récit sont deux ingrédients indispensables d’une rationalité incarnée, et où la vie bonne se trouve dans l’aller-retour entre émotion et réflexion.

    Sciences humaines

  • #2
    Nietzsche disait : l homme est une corde entre le surhomme et l animal.

    Il est bon d accepter le fait qu' on soit des êtres inachevés, imparfaits, dépendants, sensible, ...

    Il est si bon de perdre le contrôle et le pouvoir sur nous même, parfois...

    Cependant, les animaux intelligents que nous sommes doivent connaître les limites de tout et équilibrer les choses.

    Tout est question de juste mesure. «aurea mediocritas».
    La vie est belle
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