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Cuba: il y a dix ans, Fidel Castro cédait le pouvoir à Raul

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  • Cuba: il y a dix ans, Fidel Castro cédait le pouvoir à Raul

    Ce 31 juillet marque les dix ans de la passation de pouvoir entre le « Lider Maximo » Fidel Castro, père de la révolution cubaine, et son frère Raul Castro. Au pouvoir depuis une décennie, d’abord provisoirement avant d’être officiellement élu en 2008, le cadet des Castro est devenu l’artisan du rapprochement avec les Etats-Unis et d’une relative ouverture économique de l’île. Retour sur cette page majeure de l’histoire de Cuba.

    Le 31 juillet 2006, le secrétaire personnel de Fidel Castro, Carlos Valenciaga, apparaît à la télévision nationale pour lire un communiqué officiel. Pour la première fois depuis le début de la révolution en 1959, Fidel Castro annonce dans cette « proclamation du Commandant en chef au peuple de Cuba » qu’il va déléguer ses pouvoirs de premier secrétaire du Parti communiste, ainsi que de président du Conseil d’Etat et de commandant en chef de l’armée, à son frère Raul Castro, de 5 ans son cadet.

    La note, longue d’une dizaine de minutes, précise que suite à une opération chirurgicale en urgence destinée à soigner des saignements intestinaux, il restera éloigné du pouvoir pendant plusieurs semaines. Des semaines qui se transforment en mois, et la passation de pouvoir provisoire s’éternise. Raul Castro, jusque-là éminence grise évoluant dans l’ombre de son aîné, multiplie les apparitions publiques.

    De l’ombre à la lumière

    Vice-président du Conseil des ministres et ministre de la Défense depuis 1959, l’éternel second est souvent décrit à la fois comme plus dogmatique mais plus pragmatique que son frère. Raul est un des principaux artisans de la révolution armée mais aussi de la répression qui lui succède, en tant que chef de la police et des renseignements, réputé sévère, terne, loin du charisme flamboyant du « Lider Maximo » et de ses discours fleuves.

    L’homme de l’ombre prend les rênes du pouvoir. L’incertitude règne dans le pays, alors que les hypothèses sur l’avenir de l’île et du régime vont bon train. Le monde scrute, les Cubains attendent. Mais l’absence de Fidel dure, rythmée par la publication de photos du « Comandante », vêtu d’un survêtement Adidas, et des « réflexions » qu'il signe dans le journal Granma, le quotidien du Parti communiste, comme ultimes preuves que le père de la révolution est toujours bien là, bien vivant.

    Le 26 juillet 2007, lors de la fête nationale, et moins d’un an après l’hospitalisation de son grand frère, le chef d’Etat par intérim se fend d’un discours retentissant. Il y annonce des « changements structurels et conceptuels ». L’orateur reste vague mais la déclaration préfigure, timidement, une nouvelle ère.

    Le 18 février 2008, Fidel Castro annonce : « Je n’aspirerai pas à être président du Conseil d’État ni n’accepterai de l’être. » Six jours plus tard, le 24 février, Raul Castro est élu président du Conseil d’État et du Conseil des ministres par l’Assemblée nationale du pouvoir populaire.

    La laborieuse transition prend un virage, s’accélère. Désormais officiellement à la tête du pays, Raul s’entoure de membres de la vieille garde en signe de continuité puis fait son ménage, écartant les dauphins et collaborateurs de son aîné, opère un large remaniement des ministres pour placer des proches. Et il met notamment son second à la tête de Gaesa, la holding qui gère en grande partie l’économie du pays, et son fils au ministère de l’Intérieur.

    Le nouveau chef de l’Etat parfait son couronnement en avril 2011, avec le VIe congrès du Parti communiste cubain. Raul Castro est élu Premier secrétaire du PCC. L’appareil communiste a son nouveau chef, la passation de pouvoir est complète. Fidel Castro, dans un jogging bleu sombre, tient de sa main gauche le bras levé de son cadet et scelle ainsi sa succession dans une image à forte portée symbolique.

    Réformes économiques

    Cinq ans plus tard, les deux frères apparaissent une nouvelle fois côte-à-côte, à l’issue du VIIe congrès du PCC qui s’est tenu en avril dernier. Entre-temps, le gouvernement de Raul Castro a mis en œuvre un certain nombre de réformes économiques.

    Les Cubains peuvent désormais acheter et vendre biens immobiliers et voitures, acquérir ordinateurs et téléphones portables, alors que le secteur privé connaît un essor non négligeable. Le secteur non étatique emploie officiellement 30% de la population active cubaine, soit environ 1,4 millions de travailleurs.

    Mais l’émergence du secteur privé n'est pas du goût de tous. Car si 178 métiers différents ont été libéralisés, d'autres professions, comme médecin, enseignant, avocat ou ingénieur, dépendent toujours de l'Etat. Janette Habel, maître de conférences à l'Institut des hautes études en Amérique latine (IHEAL) explique que cette différence de traitement a provoqué « une croissance des inégalités sociales ». « Certains se sont enrichis de façon spectaculaire mais cela a provoqué pour d'autres un déclassement social et professionnel », analyse-t-elle.

    A cela vient s'ajouter une « bureaucratie imprégnée d'une mentalité datant de l'Union soviétique, avec des mécanismes institutionnels lourds », souligne cette spécialiste de Cuba. Des mécanismes qui « sont un frein aux changements ». Face à ces résistances, notamment au sein de l'appareil d'Etat, les frères Castro, lors du dernier congrès du PCC, ont, d’une même voix, promis que l’ouverture de l’île à l’économie de marché se ferait à un rythme modéré, graduel, en dépit des attentes nourries par le rapprochement avec les Etats-Unis.

    Rapprochement américain

    Le rétablissement des relations diplomatiques avec l’ennemi historique reste d'ailleurs l’un des chantiers majeurs de la présidence de Raul Castro. Mais là encore le chemin semble semé d'embûches. Depuis l'annonce choc de leur rapprochement fin 2014, les deux pays sont certes parvenus à concrétiser quelques avancées mais malgré ces progrès, la normalisation complète des relations risque de buter encore longtemps sur plusieurs contentieux hérités de la guerre froide.

    Cuba réclame la levée de l'embargo imposé à l'île depuis 1962. Le président Obama l'a assoupli en partie mais il a échoué à le faire lever par le Congrès, dominé par la majorité républicaine. La Havane réclame aussi la restitution de la base de Guantanamo, l'abandon de lois migratoires qui encouragent les Cubains à émigrer, ainsi que 300 milliards de dollars de compensations pour les dommages liés à l'embargo. De leur côté, les Etats-Unis réclament 10 milliards de dollars à Cuba suite aux expropriations d'entreprises américaines après la révolution de 1959. Et la question des droits de l’homme et des libertés continue d’être un point sensible entre les deux parties.

    De l’aveu de Jeffrey DeLaurentis, grand artisan du dégel, le processus de normalisation sera à la fois « complexe et long ». Alors que le départ du président Obama en 2017 approche, le diplomate américain avoue à l'AFP être « concentré sur le fait d’aller de l’avant […] dans les derniers mois de cette administration ». Et d’ajouter : « J’ai l’impression que les partenaires cubains souhaitent la même chose ».

    Raul Castro, de son côté, termine son second mandat en 2018 et a promis qu’il quittera le pouvoir. C'est désormais la question de sa passation de pouvoir qui se pose, après 68 ans de « castrisme », dont 10 de « raulisme ». Si Miguel Diaz-Canel est pressenti pour lui succéder à la présidence, personne « n'apparaît se démarquer pour prendre la relève » quand il s'agit du comité central du parti, note Janette Habel, maître de conférences à l'IHEAL.

    La spécialiste de Cuba insiste sur le fait que l'île est à un « tournant historique majeur » et à une « croisée des chemins avec beaucoup d'inconnues ».

    RFI
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