Il y a bientôt deux siècles, 2000 Suisses ont quitté leur patrie dans l'espoir d'une vie meilleure.
Ils ont fui la faim et le trépas en direction du Brésil, environ 400 sont morts dans l'Atlantique. Les survivants ont fondé la ville de Nova Friburgo, dans la région de Rio de Janeiro.
Aeby, Jaccoud, Hildebrand, les noms des migrants de Nova Friburgo sont énumérés sur un tableau noir au musée de la Casa Suíça (Maison Suisse). Environ 2000 hommes, femmes et enfants étaient du voyage. La plupart venaient du canton de Fribourg.
La raison de leur départ est décrite sans fard: «Suíça, terra de miséria» («Suisse, pays de misère»). La mort est symbolisée par un moissonneur fauchant les Fribourgeois, et un pâle dessin est légendé ainsi: «La détresse était grande. On voit ici une famille accablée par la faim et la misère, gémissant et pleurant sous un arbre»
Année sans été
La Casa Suíça est un chalet dont l'entrée est ornée de drapeaux suisses et de vaches noires et blanches factices surdimensionnées. Un décor qui ne témoigne guère de la détresse qui a poussé les premiers Suisses à venir ici.
Leur malheur trouve ses origines en 1816, l'année sans été. L'éruption du volcan Tambora en Indonésie, en 1815, a provoqué d'énormes nuages de cendres dans l'atmosphère, et les températures ont chuté.
Le froid et les pluies ont ruiné les récoltes en Europe et en Amérique. La faim, la pauvreté et la mort ont surgi. «Les gens paissaient désormais avec le bétail», écrit le pasteur suisse Ruprecht Zollikofer au sujet de la famine de 1817.
400 Suisses noyés
En Suisse, exactement 2006 personnes ont quitté le pays pour le Brésil en quête de meilleures conditions de vie: 830 Fribourgeois, 500 Bernois, 160 Valaisans, 143 Argoviens, 140 Lucernois, 118 Soleurois, 90 Vaudois, 17 Schwyzois, 5 Neuchâtelois et 3 Genevois.
Le voyage les a menés par l'Aar et le Rhin jusqu'aux Pays-Bas, avant d'arriver enfin en mer, entassés dans sept bateaux. Le premier navire est arrivé à Rio de Janeiro le 4 novembre 1819, après 55 jours. Le plus long trajet a duré 146 jours. La traversée de l'Atlantique a été un cauchemar. Elle a coûté la vie à quelque 400 migrants.
Au rang des esclaves
Les arrivants étaient les bienvenus dans leur nouvelle patrie: le gouvernement fribourgeois avait conclu un accord de colonisation avec le roi portugais Jean VI, parti au Brésil pour fuir les troupes napoléoniennes.
Ce lieu à 130 kilomètres de Rio, entouré de collines boisées à 850 mètres d'altitude, a été choisi car il semblait adapté pour l'élevage ainsi que la production de lait et de fromage. Les nouveaux venus l'ont nommé Nova Friburgo en l'honneur de leur ville natale. La cité a été fondée officiellement le 16 mai 1818. C'était la première colonie non portugaise au Brésil.
Même si les arrivants étaient soutenus par la couronne portugaise, leur sort n'était pas vraiment meilleur que celui des autres migrants dans le monde. Dans la hiérarchie sociale, ils étaient plus proches des esclaves noirs que des maîtres portugais, explique Maurício Pinheiro, directeur de la Maison Suisse de Nova Friburgo.
Et les familles paysannes étaient mal équipées, avec un matériel peu adapté au climat local, précise Maurício Pinheiro. C'est pourquoi beaucoup se sont reconvertis, notamment dans la production de café.
Plus de français
La ville compte désormais quelque 200'000 habitants et abrite les 8e et 9e générations de descendants des migrants. Tous ne connaissent pas leur histoire. «Beaucoup ont des noms suisses, mais ne savent même pas qu'ils sont suisses», note Raphaël Fessler, président de l'association Fribourg-Nova Friburgo. D'autres sont fiers de leur ascendance.
Il y a dix ans, les cours de français à l'école ont été abandonnés. La langue parlée est le portugais, et les langues obligatoires à l'école sont l'anglais et l'espagnol. Au premier regard, il n'y a pas grand-chose qui rappelle la Suisse dans la Fribourg brésilienne. Son urbanisme et son architecture sont typiques du Brésil.
Une trace de tradition s'est tout de même maintenue. Dans la Casa Suíça, l'entreprise Frialp produit du fromage. Quelque mille litres de lait de vache et de chèvre de la région y sont quotidiennement livrés et transformés en fromage. Du chocolat y est aussi fabriqué.
L'agriculture a encore un rôle important. Mais d'autres activités, comme l'industrie textile, sont devenues des piliers. Aeby, Jaccoud, Hildebrand avaient trouvé ici de quoi subsister. La ville a grandi, la population s'est mélangée, et aujourd'hui les décideurs de la nouvelle Fribourg s'appellent Cabral, Santos et Gonçalves.
20 Minutes
Ils ont fui la faim et le trépas en direction du Brésil, environ 400 sont morts dans l'Atlantique. Les survivants ont fondé la ville de Nova Friburgo, dans la région de Rio de Janeiro.
Aeby, Jaccoud, Hildebrand, les noms des migrants de Nova Friburgo sont énumérés sur un tableau noir au musée de la Casa Suíça (Maison Suisse). Environ 2000 hommes, femmes et enfants étaient du voyage. La plupart venaient du canton de Fribourg.
La raison de leur départ est décrite sans fard: «Suíça, terra de miséria» («Suisse, pays de misère»). La mort est symbolisée par un moissonneur fauchant les Fribourgeois, et un pâle dessin est légendé ainsi: «La détresse était grande. On voit ici une famille accablée par la faim et la misère, gémissant et pleurant sous un arbre»
Année sans été
La Casa Suíça est un chalet dont l'entrée est ornée de drapeaux suisses et de vaches noires et blanches factices surdimensionnées. Un décor qui ne témoigne guère de la détresse qui a poussé les premiers Suisses à venir ici.
Leur malheur trouve ses origines en 1816, l'année sans été. L'éruption du volcan Tambora en Indonésie, en 1815, a provoqué d'énormes nuages de cendres dans l'atmosphère, et les températures ont chuté.
Le froid et les pluies ont ruiné les récoltes en Europe et en Amérique. La faim, la pauvreté et la mort ont surgi. «Les gens paissaient désormais avec le bétail», écrit le pasteur suisse Ruprecht Zollikofer au sujet de la famine de 1817.
400 Suisses noyés
En Suisse, exactement 2006 personnes ont quitté le pays pour le Brésil en quête de meilleures conditions de vie: 830 Fribourgeois, 500 Bernois, 160 Valaisans, 143 Argoviens, 140 Lucernois, 118 Soleurois, 90 Vaudois, 17 Schwyzois, 5 Neuchâtelois et 3 Genevois.
Le voyage les a menés par l'Aar et le Rhin jusqu'aux Pays-Bas, avant d'arriver enfin en mer, entassés dans sept bateaux. Le premier navire est arrivé à Rio de Janeiro le 4 novembre 1819, après 55 jours. Le plus long trajet a duré 146 jours. La traversée de l'Atlantique a été un cauchemar. Elle a coûté la vie à quelque 400 migrants.
Au rang des esclaves
Les arrivants étaient les bienvenus dans leur nouvelle patrie: le gouvernement fribourgeois avait conclu un accord de colonisation avec le roi portugais Jean VI, parti au Brésil pour fuir les troupes napoléoniennes.
Ce lieu à 130 kilomètres de Rio, entouré de collines boisées à 850 mètres d'altitude, a été choisi car il semblait adapté pour l'élevage ainsi que la production de lait et de fromage. Les nouveaux venus l'ont nommé Nova Friburgo en l'honneur de leur ville natale. La cité a été fondée officiellement le 16 mai 1818. C'était la première colonie non portugaise au Brésil.
Même si les arrivants étaient soutenus par la couronne portugaise, leur sort n'était pas vraiment meilleur que celui des autres migrants dans le monde. Dans la hiérarchie sociale, ils étaient plus proches des esclaves noirs que des maîtres portugais, explique Maurício Pinheiro, directeur de la Maison Suisse de Nova Friburgo.
Et les familles paysannes étaient mal équipées, avec un matériel peu adapté au climat local, précise Maurício Pinheiro. C'est pourquoi beaucoup se sont reconvertis, notamment dans la production de café.
Plus de français
La ville compte désormais quelque 200'000 habitants et abrite les 8e et 9e générations de descendants des migrants. Tous ne connaissent pas leur histoire. «Beaucoup ont des noms suisses, mais ne savent même pas qu'ils sont suisses», note Raphaël Fessler, président de l'association Fribourg-Nova Friburgo. D'autres sont fiers de leur ascendance.
Il y a dix ans, les cours de français à l'école ont été abandonnés. La langue parlée est le portugais, et les langues obligatoires à l'école sont l'anglais et l'espagnol. Au premier regard, il n'y a pas grand-chose qui rappelle la Suisse dans la Fribourg brésilienne. Son urbanisme et son architecture sont typiques du Brésil.
Une trace de tradition s'est tout de même maintenue. Dans la Casa Suíça, l'entreprise Frialp produit du fromage. Quelque mille litres de lait de vache et de chèvre de la région y sont quotidiennement livrés et transformés en fromage. Du chocolat y est aussi fabriqué.
L'agriculture a encore un rôle important. Mais d'autres activités, comme l'industrie textile, sont devenues des piliers. Aeby, Jaccoud, Hildebrand avaient trouvé ici de quoi subsister. La ville a grandi, la population s'est mélangée, et aujourd'hui les décideurs de la nouvelle Fribourg s'appellent Cabral, Santos et Gonçalves.
20 Minutes