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Tatouage : des médecins alertent sur les risques cancérigènes

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  • Tatouage : des médecins alertent sur les risques cancérigènes

    Alors que le "body art" explose, un rapport de la Commision européenne pointe ses risques sanitaires. Le potentiel cancérigène des colorants n’est pas écarté.

    Un dragon aux lignes légères sur l'épaule du nageur Camille Lacourt, de mystérieuses arabesques accrochées au flanc de Florent Manaudou, un oiseau de paradis au bras de la basketteuse américaine Brittney Griner… Depuis dix jours aux jeux de Rio, les athlètes du monde entier exhibent leurs peaux tatouées. Ils arborent de petits signes noirs mais aussi d'immenses toiles colorées qui colonisent tout le dos ou les membres.



    Si les jeunes raffolent de ces motifs géants, certains experts les ont, eux, en ligne de mire, comme en témoigne un article paru en janvier dans la revue médicale The Lancet et qui résume leurs inquiétudes. Derrière le rouge ou le jaune qui claquent, ces scientifiques repèrent des produits chimiques à la toxicité mal évaluée.

    Les encres peuvent contenir des métaux lourds
    Alertée par leurs soins et par la croissance des effets secondaires, la Commission européenne a commandé un rapport d'information sur la sécurité des tatouages à son *comité scientifique, le Joint Research Center (JRC). La synthèse, mise en ligne le 23 juillet, questionne notamment les "effets à long terme" de ces produits prisés par la jeunesse (en France, 20% des 25-34 ans ont au moins un tatouage) mais soumis à une réglementation assez légère.

    La plongée dans la palette des *tatoueurs est instructive. On y apprend que la centaine de colorants utilisés aujourd'hui contient en majorité des pigments issus de la chimie, les mêmes que ceux qui recouvrent nos vêtements ou nos voitures. En théorie, les substances cancérigènes sont interdites par les États européens depuis qu'une "liste négative" de produits de tatouage dangereux a été établie à partir de 2003. Plutôt en pointe sur la sécurité, la France y a même ajouté les ingrédients bannis dans les cosmétiques.

    Mais en pratique, toutes les encres ne sont pas propres. Elles peuvent en effet contenir des *hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA), des métaux lourds, des amines aromatiques, toxiques et/ou cancérigènes. Ces molécules peuvent aussi apparaître une fois le dessin gravé, à cause du soleil ou lorsque le pigment se dégrade dans le derme. Autre motif d'inquiétude, elles peuvent être transportées de la peau aux autres organes via le système lymphatique. "Les produits de tatouage contenant des substances dangereuses sont disponibles sur le marché européen", conclut le rapport, qui préconise "une évaluation complète des risques" et l'application du principe de précaution concernant les amines aromatiques.

    Depuis des années, la dermatologue belge Christa De Cuyper alerte sur la nécessaire prise en compte de ce "risque toxicologique". "Pour un petit tatouage, la dose est minimale, mais aujourd'hui la mode est aux grosses pièces nécessitant plus d'encre", argumente- t-elle. Cette spécialiste a coordonné dans son pays la rédaction d'un rapport paru en janvier 2015 qui pointe, lui aussi, un danger ("De nombreux composants ont des propriétés cancérigènes") sans pour autant le juger "très élevé", en partie parce qu'il est mal étayé : "Compte tenu de la multitude d'influences cancérigènes et du temps de latence très long, il est très difficile de démontrer l'effet cancérigène des tatouages comme facteur individuel."

    Alors, si rien n'est démontré, pourquoi brandir l'épouvantail du cancer? Pour le toxicologue André Cicolella, président du Réseau environnement santé, la présence de chrome, de nickel ou de HPA, parfois sous forme de nanoparticules, dans les encres suffit à légitimer les doutes. "C'est du grand n'importe quoi : ces substances sont impliquées dans le risque de cancer en général et certaines sont des perturbateurs endocriniens. On fait encore comme si le risque chimique n'existait pas", accuse-t-il. Expert ayant contribué au récent rapport du JRC, qu'il juge "inquiétant", le docteur Wolfgang Bäumler, de l'hôpital universitaire de Ratisbonne, en Allemagne, convient qu'il n'existe pour l'instant "aucune preuve épidémiologique, ni même toxicologique, pour confirmer les craintes. Sans elles, personne ne peut dire s'il y a un risque cancérigène ou non. Mais vu le nombre important de gens tatoués en Europe, il est urgent de lancer des recherches le plus vite possible."

    "La pire complication, c'est le regret"
    Lui aussi favorable à ce que "tous les produits potentiellement cancérigènes soient retirés du marché", le dermatologue Nicolas Kluger propose une lecture bien moins anxiogène des risques toxicologiques. "Même s'il n'est plus réservé aux mauvais garçons, le *tatouage demeure un sujet passionnel. Boire du café aussi, c'est s'exposer à un produit probablement cancérigène. Aucune étude n'a montré une augmentation des cancers de la peau sur tatouage", nuance-t-il. Pour ce chercheur spécialiste des tatouages, tout est une question de point de vue. "Pour l'instant, dans la vraie vie, aucun signal d'alerte n'est apparu."

    Il y a cependant un point sur lequel s'accordent les experts. Si la survenue d'infection est aujourd'hui rare et les tatoueurs bien formés à l'hygiène, d'autres complications sont à signaler. À commencer par les allergies, certes peu fréquentes (moins de 5%) mais gênantes. "La principale, c'est celle à la couleur rouge, détaille la docteure De *Cuyper. En général, le problème se traite bien mais parfois cela persiste et il faut retirer le rouge du tatouage."

    Lorsqu'elle exerçait encore à l'hôpital en Belgique, ses confrères envoyaient à cette dermatologue, aujourd'hui retraitée, leurs patients atteints de complications : tatouages boursouflés, granuleux… "Mais la pire de toutes, c'est le regret", *explique celle qui est aussi une spécialiste du détatouage. Vingt pour cent des porteurs auraient envie de faire disparaître au laser le prénom de leur ex-cher/chère et tendre ou le dauphin ridicule qu'ils trouvaient sublime à 20 ans. "C'est long, cher et ça ne marche pas toujours parfaitement. Il reste des traces, surtout quand il y a beaucoup de couleurs", avertit Christa De Cuyper. Là encore, le risque sanitaire n'est pas nul : possible dépigmentation, cicatrices…

    Durant tout l'été, la médecin écume les festivals musicaux en Belgique pour sensibiliser les jeunes dans le cadre d'une campagne lancée par la Société européenne de dermatologie. "J'essaie de leur faire passer l'idée que se faire tatouer n'a rien d'anodin et nécessite une réflexion préalable. En général, je suis plutôt bien accueillie." Même si l'Agence européenne de chimie planche sur un possible encadrement plus sévère du tatouage, *notamment au moyen de son inclusion dans le règlement Reach sur les produits chimiques, il n'est pas certain que les responsables politiques soient aussi réceptifs que les jeunes. "On leur répète depuis des années qu'il faut réguler ce secteur et dresser une liste des produits autorisés, assène Christa De Cuyper. Ils répondent que le sujet est passionnant mais que pour l'instant ce n'est pas une priorité."

    leJDD
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