Annonce

Réduire
Aucune annonce.

François Cominardi, un humain parmi nous

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • François Cominardi, un humain parmi nous

    Voilà trois ans que le père François Cominardi a changé sa façon de vivre. Physiquement, l’homme est décédé le dernier jour du mois d’avril 2005, le mois du Patrimoine et de la Terre. Réellement il continue à poser problème, à habiter la mémoire de cette ville énigmatique d’Aïn Séfra, plantée au pied du djebel Mekhter comme une soumission à la grandeur de la nature. Comme signe de cette soumission, une sagesse devenue légendaire, un sens de l’humour presque spontané et le culte de l’amour que seule la poésie sait s’en réclamer, se lisent dans le regard des habitants de cette ville au destin capricieux.
    S’y lisent aussi des contes qu’ils demeurent seuls à savoir livrer aux oreilles attentives, puisés dans la seule vie, juste en regardant autour de soi, en écoutant le grondement des crues de l’oued Tiout du temps où il pouvait encore gronder. Du temps où le petit ksar berbère vivait de ses jardins plantés en pleine préhistoire dont témoignent les gravures rupestres, signes des temps et de la présence humaine, pour lui conserver sa fraîcheur. Et l’on comprend parfaitement la profondeur des mots qui décorent les soirées où le thé, au lieu de perpétuer son rituel devient un simple prétexte pour dire comment l’on s’y est pris pour traverser le temps. Et l’on comprend les pâturages que les anciens décrivent avec une petite boule au fond de la gorge, juste de quoi faire couler une larme discrète qui épouse les sillons du visage, pour échouer dans le mouvement lent des commissures. François Cominardi s’incrustait dans le décor de ce peuple de la steppe comme une rose dans le sable.

    L’homme n’aurait jamais tenté une quelconque conversion des hommes à sa religion. Père blanc de l’ordre du cardinal Lavigerie, fondateur de la mission d’Afrique, il se considérait comme un pèlerin du bien cherchant le bonheur dans les coeurs, au fond de cette humanité qui ne laisse au bonheur que peu de place. Une générosité disponible pour enraciner des métiers dans les mains des jeunes et leur éviter d’aller trop loin chercher ce qu’ils peuvent trouver au seuil de leurs portes pourvu que quelqu’un les aide à les ouvrir.
    C’est que l’homme a connu les privations de l’absence d’un père qu’il avait perdu à l’âge de cinq ans, compensées par la douceur d’une mère qui l’a, malgré la faiblesse de ses moyens, accompagné jusqu’à l’obtention de son baccalauréat en philosophie.

    Il suivra alors son chemin jusqu’à son ordination en qualité de prêtre à Carthage, un signe du destin des voyageurs du lointain. Grâce à son sens de l’effort, il apprend la langue arabe en Tunisie, avant de rejoindre le Liban pour professer au séminaire de Rayak. Mais il reste attiré par l’Algérie. El-Oued, Laghouat et enfin Aïn Séfra pour diriger un centre de formation et découvrir sa passion pour l’histoire à travers les gravures rupestres, qui longent ce que l’on nomme la «Route des ksours» par défaut de langage.

    Cette passion lui permet plus tard d’obtenir un diplôme de l’Institut de paléontologie humaine de Paris pour son mémoire sur les stations rupestres de l’Atlas saharien algérien, à Gouiret bent Saloul. Il met ainsi en valeur 9.000 ans d’histoire qui permettent de reconstituer le mode de vie à l’origine des populations de la région. Cet amour pour l’ancien le mène vers la restauration de la mosquée du Ksar Chellala datant du XVe siècle, avec le soutien d’une association lancée grâce aux jeunes de ce ksar.
    Sa passion pour l’écologie le pousse à s’intéresser au processus de désertification et préconiser, grâce à ses recherches, la plantation d’un arbre capable d’enrayer l’ensablement. Un travail de fourmi lui permet de faire l’inventaire de la flore steppique. Il classe sur fiches tous les articles de revues et de journaux concernant la femme en Algérie. Il a en outre manifesté un intérêt pour l’histoire de Cheikh Bouamama, ou encore Isabelle Eberhard, écrivaine suisse d’origine russe, convertie à l’islam, emportée par les eaux de l’oued de Aïn Séfra après avoir été affaiblie par le paludisme. Cominardi avait ou plutôt a toujours cette odeur de thé qu’il distribuait aux malades de l’hôpital de Aïn Séfra ou encore une odeur de chorba, qu’il leur servait durant le mois de Ramadhan et qu’il faisait préparer par les familles. Cette générosité qui fait la grandeur des grands les plonge dans la mémoire collective comme dans un baptême.
    Elle ne permet de voir que leur grandeur acquise au prix du don de soi. Au prix du travail et de la persévérance. Il en reste souvent des images qui façonnent le regard et l’attendrissent. Les grands ne meurent pas, ils vivent autrement en ceux qui les ont connus, approchés, écoutés ou lus. Ils vivent par le texte et ce qu’il transmet à son prochain. Les dunes s’en souviennent aussi à Aïn Séfra. Un peu plus loin à Rouis Edjir, l’histoire a donné raison à Cominardi en révélant que des dinosaures, découverts au hasard du pétrole, vivaient là et leurs ossements sommeillaient dans l’attente du hasard.
    Les souvenirs de ses actes dans une région où l’on sait se souvenir des actes nous renvoient à cette impérieuse nécessité de moralisation de notre vie. Dans le prolongement de François Cominardi et des passions qui l’ont fait vivre.


    Le Quotidien d’Oran
    Le Pèlerin
    dz(0000/1111)dz

  • #2

    Père François Cominardi 1929 - - 2005

    Le 30 avril, fête de Notre-Dame. d'Afrique, le Père François Cominardi nous a quittés, à Bry sur Marne où il était soigné d'une récidive de cancer. Ce jour marquait aussi la fin d'une longue présence des Pères Blancs à Aîn Sefra. Est-ce un signe de ce que la Vierge Marie va continuer en ce lieu le travail de tant de générations de Pères?

    François était une riche nature dans son originalité, un missionnaire d'un dévouement sans limite, un confrère enjoué et passionné, qui a marqué par sa personnalité tous ceux qui l'ont connu.
    Né en 1929 à La Cluse, dans le Doubs (France), il était l'aîné de deux frères et d'une sœur. Dès l'âge de 5 ans, il a la peine de perdre son père. C'est sa mère, profondément chrétienne, qui a le mérite de les élever, non sans peine et sans courage, car la famille n'est pas aisée. François fait une bonne partie de ses études au petit séminaire de Reray, à Aubigny, dans l'Allier. Après qu'il eût obtenu son baccalauréat de philo, sa mère aurait bien voulu le garder pour lui venir en aide, mais François, depuis son plus jeune âge, désirait se consacrer à la prêtrise et à la vie missionnaire. C'est de grand cœur qu'elle donne son consentement au départ de son fils, comme elle le fit encore pour son autre enfant, Jean-Christophe, qui deviendra franciscain et auquel François était très attaché. Celui-ci va donc se former à Kerlois de 1949 à 1951, au noviciat de Maison Carrée en 1952, et au scolasticat de Thibar de 1953 à 1955. Il est ordonné prêtre à Carthage en 1956.

    Pendant cette période de formation, ses professeurs notent une bonne intelligence, aidée par une excellente mémoire, une imagination fertile, ainsi qu'une grande facilité pour décrire une petite scène. Assez sensible, très serviable et adroit au plan pratique, il était apprécié et aimé de tous ses confrères. On note cependant une certaine apathie de caractère qui laisse quelque inquiétude à ses formateurs, de même qu'un petit côté rude et bourru avec ceux qui travaillent avec lui. Mais tous signalent ses efforts et son esprit d'obéissance face aux remarques qui lui étaient faites. Et de fait, quel changement avec celui qu'on a connu par la suite!

    Durant son scolasticat, on note également la facilité avec laquelle il s'est mis à parler le dialectal, grâce à l'ardeur de son travail et à sa bonne mémoire, ainsi qu'à son don de contact avec le monde arabe auquel il veut se consacrer; on sent déjà en lui toutes les qualités pour une mission en Afrique du Nord.
    Après son ordination, il est envoyé au Liban, comme professeur au petit séminaire de Rayak mais il exprime son désir de venir en Algérie. C'est là que va s'écouler presque toute sa vie. Après 3 ans d'études d'arabe à la Manouba, en Tunisie, il est nommé successivement à El Oued, Laghouat et surtout Aïn Sefra où il assure la direction du Centre professionnel et lui redonne toute sa valeur. On reconnaît alors en lui un homme de forte volonté, un travailleur acharné, capable de se passionner sur un sujet donné, organisé et méticuleux dans ses recherches qu'il classe sur de multiples fiches et qui lui font aborder l'un après l'autre toutes sortes de problèmes. Il sait d'ailleurs les présenter au public avec beaucoup d'intérêt par des conférences et des projections de grande qualité.

    Il devient connu surtout par ses études sur les gravures rupestres du Sahara et il obtient un diplôme à l'Institut de paléontologie humaine de Paris pour son mémoire sur les stations rupestres de l'Atlas saharien algérien, à Gouiret bent Saloul. Il peut ainsi par ses observations retrouver le mode de vie et l'origine des populations de cette période remontant à plus de 9000 ans. Il s'intéresse successivement avec le même enthousiasme communicatif à d'autres sujets comme la restauration de la mosquée du Ksar Chellala datant du XV° siècle, avec le soutien d'une association lancée par lui et les jeunes de ce ksar. Il s'intéresse également au problème de la désertification du Sahara et préconise avec force la plantation d'un arbre capable d'enrayer l'ensablement. Il collectionne et classe sur fiches tous les articles de revues et de journaux concernant la condition de la femme en Algérie, laissant ainsi une précieuse documentation. À d'autres moments, son intérêt le dirige vers l'histoire de personnages comme le Cheikh Bouamama, ou Isabelle Eberhard, cette femme de lettres bien connue décédée à Aïn Sefra.

    Les dernières années de sa vie, il les passe seul à Aïn Sefra, dans des conditions d'austérité qui auraient peut-être rendue difficile la vie de communauté, mais très aidé par une famille voisine. Ses confrères les plus proches sont à plus de 500 km, à Ghardaïa. Il aime rejoindre de temps à autre les Petits Frères de Jésus, à El Abiod Sidi Cheikh, moins éloignés, et auxquels il peut assurer la messe. Chez lui, il a son lieu de prière, une tente de nomade (photo ci-dessus) qu'il a installée dans une pièce d'entrée et où il passe de longs moments auprès du Seigneur

    "Seigneur, tu m'as semé sur cette terre algérienne. C'est là par ta sainte présence que tu me demandes de témoigner de ton amour. Donne-moi, comme toi, d'aller jusqu'au bout de l'amour, celui qui donne sa vie pour ses amis." François C.

    À cette période, François se dévoue auprès des malades de l'hôpital de Aïn Sefra. Il réussit à former un petit groupe de volontaires pour apporter du thé aux malades démunis, ou, en période de ramadan, la chorba (plat algérien) préparée par une trentaine de familles. C'est là qu'il découvre la valeur de la compassion pour tous ceux qui souffrent. Il en fera part dans un écrit qui nous est resté. C'est là aussi que, de plus en plus attiré par la 'lancinante question de l'islam', selon l'expression du trappiste Christian de Chergé, François devient sensible à la richesse intérieure de certaines des malades, comme cette dame qui, à l'âge de 7 ou 8 ans, avait reçu une illumination sur la transcendance de Dieu et qui en vivait toujours. On se rappelle surtout la jeune Soumia, atteinte d'un cancer, qu'il a accompagnée jusqu'à sa mort, et qui a laissé des poèmes admirables sur sa soumission à Dieu.


    En 2002, François est obligé de rentrer en France où il est opéré d'un cancer. Sur ses instances pourtant, il revient à Aïn Sefra et reprend son activité auprès des malades. Mais deux ans après, on l'oblige à revenir d'urgence à Paris suite à une récidive dont il n'a pas conscience. Il a eu du mal à accepter ce retour. Malgré les soins, son état s'aggrave, et c'est à Bry qu'il termine sa belle vie de missionnaire en terre d'islam. La messe des funérailles est célébrée par son frère Jean-Christophe, au milieu de tous les confrères de Bry.


    Site International des Missionnaires d'Afrique - Pères Blancs
    dz(0000/1111)dz

    Commentaire

    Chargement...
    X