Dans un entretien à « La Croix », le ministre de l’intérieur détaille le projet de « Fondation pour l’islam de France » ainsi que le dispositif de formation des imams.
La Croix le 28/08/2016 à 19h00
Après les attentats de juillet et dans un contexte de tensions, Bernard Cazeneuve consulte lundi 29 août, place Beauvau, les membres du Conseil français du culte musulman, les personnes pressenties pour participer au conseil d’administration de la nouvelle fondation ainsi que des représentants de la société civile.
Il entend franchir une « nouvelle étape » pour « réussir la construction d’un islam de France dans le respect des valeurs de la République »
Q- Quel est l’objectif de cette réunion aujourd’hui sur « l’islam de France » ?
Bernard Cazeneuve : Cette journée constitue une nouvelle étape d’un travail engagé depuis de nombreux mois pour réussir la construction d’un islam de France dans le respect des valeurs de la République. La France a plus que jamais besoin d’une relation apaisée avec les musulmans. Cela suppose que la République soit déterminée à prendre dans ses bras tous ses enfants. Cela suppose aussi que tous les musulmans, avec l’ensemble des Francais, s’engagent dans une défense totale de la République face au terrorisme, face au salafisme, car la République est bien leur première appartenance. La France est en effet une République laïque et l’adhésion aux valeurs républicaines doit transcender toutes les autres.
« L’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion ne saurait être pour lui ni une cause de privilège, ni une cause de disgrâce », disait Jean Jaurès. Les musulmans de France ont très majoritairement manifesté leur attachement à la République. Ils l’ont fait après chacun des attentats qui ont frappé notre pays. Ils ont adopté le Manifeste citoyen du 29 novembre dernier qui traduit sans ambiguïté leur engagement pour les valeurs de fraternité, de tolérance et de respect que nous avons en partage. En première ligne, aux côtés de tous les républicains, avec eux, ils doivent porter ces valeurs pour faire vivre en France un islam moderne.
Q - En quoi la Fondation pour l’islam de France y contribuera-t-elle ?
B. C. : La fondation, laïque, reconnue d’utilité publique, ne pourra pas financer le culte, c’est-à-dire la construction de mosquées ou la formation théologique des imams. Elle aura vocation à soutenir des projets, dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’engagement des jeunes, elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie, être un acteur d’une meilleure connaissance de l’islam à travers ses productions littéraires et artistiques. J’ai prévu qu’elle puisse bénéficier de fonds publics pour son démarrage, à côté du financement des entreprises et des particuliers.
Q- Qui en sera le président ?
B. C. : Jean-Pierre Chevènement a accepté d’en prendre la présidence. C’est un grand républicain, qui a été le premier à mettre sur le métier une déclaration commune entre l’État et les responsables musulmans, dès les années 1990. Il connaît bien le monde musulman et son attachement à la laïcité est incontestable. Je rappelle que la fondation traite de la relation entre la République et les musulmans : qu’un grand républicain en prenne la tête au moment de sa création, avec en son sein de nombreux musulmans, revêt une vraie dimension symbolique, puisque cette nouvelle structure sera le pont entre la République et les musulmans de France. Par la suite, la fondation – nous en avons parlé ensemble – a vocation à prendre son envol et avoir à sa tête à terme d’autres personnalités. Il y a beaucoup de talents parmi les Français de confession musulmane qui ont la volonté de s’engager et de contribuer au succès de la fondation.
Q - La fondation ne pourra donc pas intervenir dans la formation théologique des imams. Comment avancer sur ce dossier ?
B. C. : À côté de la fondation, nous proposons la création d’une association cultuelle, qui serait dirigée entièrement par les représentants musulmans et pour laquelle l’État ne sera évidemment pas partie prenante. Elle aura plusieurs objectifs : centraliser l’ensemble des financements nationaux pour la construction de mosquées – sachant que beaucoup ont déjà été construites – et la formation théologique des imams. Nous souhaitons que transitent par elle des fonds, dont elle garantira la transparence : non pas une taxe mais une contribution – volontaire et négociée – des acteurs de la filière halal, ainsi que les dons des fidèles.
Q - Comment s’organisera la formation – théologique et profane – des imams ?
B. C. : Même en Alsace-Moselle, l’État ne peut pas créer une « Faculté de théologie musulmane », sauf à s’engager dans une réforme constitutionnelle longue et source de divisions dans le pays. Ce que nous proposons – et qui a été confirmé par les arbitrages du premier ministre, avec l’engagement de la Ministre de l’éducation nationale et de la recherche – c’est la création de nouveaux départements d’islamologie au sein des universités, avec un très haut niveau d’exigence scientifique dans les matières profanes, qu’il s’agisse de l’histoire des religions ou de l’étude des courants d’idées s’y rattachant. Ils ne se substitueront pas, bien entendu, aux instituts privés de théologie musulmane où se forment les futurs imams, mais ces derniers doivent pouvoir bénéficier en parallèle d’une formation universitaire dans les matières « non-confessantes ». Le Conseil français du culte musulman, comme l’État, souhaite des imams dotés d’un haut niveau de qualification, et non pas autoproclamés ou ne sachant pas parler français. C’est un chemin qui implique de la détermination : nous devons aller vers un dispositif complet de formation en France, qui permettra de mettre fin progressivement au système des imams « détachés » par des pays étrangers. Encore une fois, l’objectif est de faire émerger de manière volontariste, dans le respect de la laïcité, dans le dialogue et le respect mutuel, un islam de France ancré dans les valeurs de la République.
La Croix le 28/08/2016 à 19h00
Après les attentats de juillet et dans un contexte de tensions, Bernard Cazeneuve consulte lundi 29 août, place Beauvau, les membres du Conseil français du culte musulman, les personnes pressenties pour participer au conseil d’administration de la nouvelle fondation ainsi que des représentants de la société civile.
Il entend franchir une « nouvelle étape » pour « réussir la construction d’un islam de France dans le respect des valeurs de la République »
Q- Quel est l’objectif de cette réunion aujourd’hui sur « l’islam de France » ?
Bernard Cazeneuve : Cette journée constitue une nouvelle étape d’un travail engagé depuis de nombreux mois pour réussir la construction d’un islam de France dans le respect des valeurs de la République. La France a plus que jamais besoin d’une relation apaisée avec les musulmans. Cela suppose que la République soit déterminée à prendre dans ses bras tous ses enfants. Cela suppose aussi que tous les musulmans, avec l’ensemble des Francais, s’engagent dans une défense totale de la République face au terrorisme, face au salafisme, car la République est bien leur première appartenance. La France est en effet une République laïque et l’adhésion aux valeurs républicaines doit transcender toutes les autres.
« L’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion ne saurait être pour lui ni une cause de privilège, ni une cause de disgrâce », disait Jean Jaurès. Les musulmans de France ont très majoritairement manifesté leur attachement à la République. Ils l’ont fait après chacun des attentats qui ont frappé notre pays. Ils ont adopté le Manifeste citoyen du 29 novembre dernier qui traduit sans ambiguïté leur engagement pour les valeurs de fraternité, de tolérance et de respect que nous avons en partage. En première ligne, aux côtés de tous les républicains, avec eux, ils doivent porter ces valeurs pour faire vivre en France un islam moderne.
Q - En quoi la Fondation pour l’islam de France y contribuera-t-elle ?
B. C. : La fondation, laïque, reconnue d’utilité publique, ne pourra pas financer le culte, c’est-à-dire la construction de mosquées ou la formation théologique des imams. Elle aura vocation à soutenir des projets, dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’engagement des jeunes, elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie, être un acteur d’une meilleure connaissance de l’islam à travers ses productions littéraires et artistiques. J’ai prévu qu’elle puisse bénéficier de fonds publics pour son démarrage, à côté du financement des entreprises et des particuliers.
Q- Qui en sera le président ?
B. C. : Jean-Pierre Chevènement a accepté d’en prendre la présidence. C’est un grand républicain, qui a été le premier à mettre sur le métier une déclaration commune entre l’État et les responsables musulmans, dès les années 1990. Il connaît bien le monde musulman et son attachement à la laïcité est incontestable. Je rappelle que la fondation traite de la relation entre la République et les musulmans : qu’un grand républicain en prenne la tête au moment de sa création, avec en son sein de nombreux musulmans, revêt une vraie dimension symbolique, puisque cette nouvelle structure sera le pont entre la République et les musulmans de France. Par la suite, la fondation – nous en avons parlé ensemble – a vocation à prendre son envol et avoir à sa tête à terme d’autres personnalités. Il y a beaucoup de talents parmi les Français de confession musulmane qui ont la volonté de s’engager et de contribuer au succès de la fondation.
Q - La fondation ne pourra donc pas intervenir dans la formation théologique des imams. Comment avancer sur ce dossier ?
B. C. : À côté de la fondation, nous proposons la création d’une association cultuelle, qui serait dirigée entièrement par les représentants musulmans et pour laquelle l’État ne sera évidemment pas partie prenante. Elle aura plusieurs objectifs : centraliser l’ensemble des financements nationaux pour la construction de mosquées – sachant que beaucoup ont déjà été construites – et la formation théologique des imams. Nous souhaitons que transitent par elle des fonds, dont elle garantira la transparence : non pas une taxe mais une contribution – volontaire et négociée – des acteurs de la filière halal, ainsi que les dons des fidèles.
Q - Comment s’organisera la formation – théologique et profane – des imams ?
B. C. : Même en Alsace-Moselle, l’État ne peut pas créer une « Faculté de théologie musulmane », sauf à s’engager dans une réforme constitutionnelle longue et source de divisions dans le pays. Ce que nous proposons – et qui a été confirmé par les arbitrages du premier ministre, avec l’engagement de la Ministre de l’éducation nationale et de la recherche – c’est la création de nouveaux départements d’islamologie au sein des universités, avec un très haut niveau d’exigence scientifique dans les matières profanes, qu’il s’agisse de l’histoire des religions ou de l’étude des courants d’idées s’y rattachant. Ils ne se substitueront pas, bien entendu, aux instituts privés de théologie musulmane où se forment les futurs imams, mais ces derniers doivent pouvoir bénéficier en parallèle d’une formation universitaire dans les matières « non-confessantes ». Le Conseil français du culte musulman, comme l’État, souhaite des imams dotés d’un haut niveau de qualification, et non pas autoproclamés ou ne sachant pas parler français. C’est un chemin qui implique de la détermination : nous devons aller vers un dispositif complet de formation en France, qui permettra de mettre fin progressivement au système des imams « détachés » par des pays étrangers. Encore une fois, l’objectif est de faire émerger de manière volontariste, dans le respect de la laïcité, dans le dialogue et le respect mutuel, un islam de France ancré dans les valeurs de la République.
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