Marianne «a le sein nu», «elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre», lance Manuel Valls ajoute que « Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre. C’est ça, la République ! ».
Eh bien non le terrible premier ministre Manuel Valls
Selon l'écrivain Laurent Binet le drapeau français, c’est du signe. Il obéit à l’arbitraire du signe, c’est-à-dire qu’à la base, avant le code couleurs qui associe Paris et la royauté, le bleu-blanc-rouge ne veut rien dire en soi, si bien que n’importe qui peut lui faire dire à peu près n’importe quoi : la France de La Fayette ou celle de Robespierre, Jaurès ou Barrès, De Gaulle ou Pétain, Zidane, Le Pen, Hollande, etc.
Marianne, c’est différent : c’est un symbole, c’est-à-dire un signifiant qui représente quelque chose. Avant d’être l’incarnation de la République française, Marianne est une femme coiffée d’un bonnet phrygien. Personne ne peut ignorer la signification de ce bonnet : l’identité nationale de la France, si une telle chose existe, c’est la Révolution.
Les fameuses "valeurs" de la République que les politiques invoquent à tout bout de champ sans jamais prendre la peine d’en rappeler la nature, contribuant ainsi, dans leur gesticulation martiale, à les vider de leur sens, puisent à cette source révolutionnaire : un jour, les dominés ont renversé les dominants au nom d’un idéal des Lumières et, de ce geste fou, est née la République française. Voilà ce que Marianne nous rappelle avec son bonnet.
Louis-Philippe ne s’y est pas trompé, qui a préféré un petit génie ailé au sommet de la colonne de la Bastille. Les Américains ne s’y sont pas trompés, qui ont préféré au bonnet phrygien une couronne sur la tête de leur statue de la Liberté. Le Pen ne s’y est pas trompé, qui préfère Jeanne d’Arc. Finkielkraut, lui, comme d’habitude, n’a rien compris : "La République, c’est se tenir droit."
"Marianne, le contraire de l'état d'urgence"
L’allégorie de la République française, qu’on le veuille ou non, c’est le tableau de Delacroix, "la Liberté guidant le peuple", dépoitraillée, sur les barricades (car, oui, il s’agit des journées de 1830 qui vont déboucher sur la Monarchie de Juillet, mais en France, la France, la Liberté et la République se confondent depuis 1792) et pas cette figure hiératique que Finkielkraut, Valls et leurs semblables essaient de nous vendre depuis la IIIe République.
Marianne incarne la liberté, c’est-à-dire le contraire de l’état d’urgence. Marianne incarne l’égalité, c’est-à-dire le contraire du pacte de responsabilité. Marianne incarne la fraternité, c’est-à-dire le contraire de Calais. Marianne n’incarne pas la sécurité mais l’insoumission ; elle ne brandit pas de croix, parce qu’elle n’attend rien de Dieu ; elle ne croit pas que la terre ne ment pas, parce qu’elle ne possède pas de terre. La figure de Marianne en semeuse n’aura été qu’une tentative réactionnaire pour faire oublier ses racines révolutionnaires, mais rien n’y fait : Marianne n’est pas Cérès, elle n’a pas besoin d’épi de blé, son bonnet lui suffit.
Terminons cette horrible année 2015 sur une considération optimiste. Charles Martel, Napoléon, Clemenceau, et tous les héros des obsédés de l’identité nationale sont morts. Marianne est une métaphore : il y aura toujours quelqu’un pour la relever.
Source: L'OBS par Laurent Binet
Eh bien non le terrible premier ministre Manuel Valls
Selon l'écrivain Laurent Binet le drapeau français, c’est du signe. Il obéit à l’arbitraire du signe, c’est-à-dire qu’à la base, avant le code couleurs qui associe Paris et la royauté, le bleu-blanc-rouge ne veut rien dire en soi, si bien que n’importe qui peut lui faire dire à peu près n’importe quoi : la France de La Fayette ou celle de Robespierre, Jaurès ou Barrès, De Gaulle ou Pétain, Zidane, Le Pen, Hollande, etc.
Marianne, c’est différent : c’est un symbole, c’est-à-dire un signifiant qui représente quelque chose. Avant d’être l’incarnation de la République française, Marianne est une femme coiffée d’un bonnet phrygien. Personne ne peut ignorer la signification de ce bonnet : l’identité nationale de la France, si une telle chose existe, c’est la Révolution.
Les fameuses "valeurs" de la République que les politiques invoquent à tout bout de champ sans jamais prendre la peine d’en rappeler la nature, contribuant ainsi, dans leur gesticulation martiale, à les vider de leur sens, puisent à cette source révolutionnaire : un jour, les dominés ont renversé les dominants au nom d’un idéal des Lumières et, de ce geste fou, est née la République française. Voilà ce que Marianne nous rappelle avec son bonnet.
Louis-Philippe ne s’y est pas trompé, qui a préféré un petit génie ailé au sommet de la colonne de la Bastille. Les Américains ne s’y sont pas trompés, qui ont préféré au bonnet phrygien une couronne sur la tête de leur statue de la Liberté. Le Pen ne s’y est pas trompé, qui préfère Jeanne d’Arc. Finkielkraut, lui, comme d’habitude, n’a rien compris : "La République, c’est se tenir droit."
"Marianne, le contraire de l'état d'urgence"
L’allégorie de la République française, qu’on le veuille ou non, c’est le tableau de Delacroix, "la Liberté guidant le peuple", dépoitraillée, sur les barricades (car, oui, il s’agit des journées de 1830 qui vont déboucher sur la Monarchie de Juillet, mais en France, la France, la Liberté et la République se confondent depuis 1792) et pas cette figure hiératique que Finkielkraut, Valls et leurs semblables essaient de nous vendre depuis la IIIe République.
Marianne incarne la liberté, c’est-à-dire le contraire de l’état d’urgence. Marianne incarne l’égalité, c’est-à-dire le contraire du pacte de responsabilité. Marianne incarne la fraternité, c’est-à-dire le contraire de Calais. Marianne n’incarne pas la sécurité mais l’insoumission ; elle ne brandit pas de croix, parce qu’elle n’attend rien de Dieu ; elle ne croit pas que la terre ne ment pas, parce qu’elle ne possède pas de terre. La figure de Marianne en semeuse n’aura été qu’une tentative réactionnaire pour faire oublier ses racines révolutionnaires, mais rien n’y fait : Marianne n’est pas Cérès, elle n’a pas besoin d’épi de blé, son bonnet lui suffit.
Terminons cette horrible année 2015 sur une considération optimiste. Charles Martel, Napoléon, Clemenceau, et tous les héros des obsédés de l’identité nationale sont morts. Marianne est une métaphore : il y aura toujours quelqu’un pour la relever.
Source: L'OBS par Laurent Binet
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