Aucun système éducatif n’est parfait. Mais certains parviennent mieux
que les autres à se réformer… Coup de projecteur sur cinq pays
qui ont su adapter leur école aux défis d’aujourd’hui.
1. Québec : une école en phase avec la société
Longtemps à la traîne en matière de scolarisation (1), la Belle Province a parcouru du chemin depuis 50 ans, au point qu’elle figure désormais dans le peloton de tête des systèmes éducatifs. Non seulement, selon toutes les évaluations internationales, ses élèves sont très bons, surtout en maths, mais les plus faibles sont inclus aussi dans la réussite (2). Ces résultats n’ont pas manqué de surprendre les Québécois, volontiers critiques. Comment expliquer cette remontée ?
Denis Meuret, chercheur en sciences de l’éducation, fait démarrer l’histoire au début des années 1960. Le système éducatif est alors entre les mains de l’Église, qui impose un enseignement élitiste, payant et régi par les Humanités. À leur arrivée au pouvoir, les libéraux lancent une profonde réforme inspirée du rapport Parent. Ce travail, remis entre 1963 et 1966, est fondé sur une série de consultations et de visites d’établissements au Québec et à l’étranger. Le rapport propose une réorganisation totale de l’école. Guidés par ces principes, les libéraux jettent les bases d’une école publique, démocratique, ouverte sur les nouveaux défis technologiques, économiques et sociaux de l’époque. Fini l’enseignement magistral : il s’agit désormais de cultiver le goût d’apprendre, les capacités d’analyse mais aussi d’adaptation de ces chères têtes blondes.
Un modèle souple
Le modèle québécois repose d’abord sur un tronc commun, qui prévaut les huit premières années d’études (six de primaire et deux du secondaire). Souple, il propose ensuite des passerelles nombreuses et fréquentes entre cursus professionnel et général. À 14-15 ans, les élèves ont le choix entre un « parcours de formation axé sur l’emploi » (1 à 3 ans), qui débouche sur un DEP (diplôme d’études professionnelles) ou une formation générale (3 ans) menant au DES (diplôme d’études secondaires). Ce titre leur ouvre les portes du Cégep (collège d’enseignement général et professionnel). Cet établissement original dispense un programme menant à un emploi et un programme préuniversitaire qui prépare au supérieur à travers l’apprentissage de l’autonomie. La formation pour adultes, très développée, permet aussi de reprendre des études, quel que soit l’âge.
Haro sur le décrochage
En dépit de ces atouts, le système, perfectible, fait l’objet depuis les années 1970-1980 de critiques sur la qualité de l’enseignement. Le décrochage dans le secondaire reste élevé.
Au point que depuis la fin des années 1990, les gouvernements successifs ont fait de la réussite de tous une priorité. Le combat passe par une individualisation des pratiques, la prise en charge de la difficulté par des professionnels, un développement de l’évaluation et des établissements plus autonomes qui doivent rendre des comptes à la tutelle et à la communauté scolaire (« la redevabilité* »).
Des chercheurs de l’université de Québec (3) montrent que ces mesures pragmatiques, plutôt bien vues par l’opinion, se sont aussi traduites par une montée des logiques de choix scolaire et de concurrence public/privé. Une diversification de l’offre, « très légitime aux yeux des parents », qui, selon Christian Maroy, apparaît un peu « comme une dérive du tronc commun voulu par le rapport Parent »…
(1) Denis Meuret, Pour une école qui aime le monde. Leçons d’une comparaison France-Québec (1960-2012), Presses universitaires de Rennes, 2013.
(2) Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, « Résultats canadiens de l’étude Pisa de l’OCDE », 2013. En maths, les élèves du premier décile (les 10 % les plus faibles) enregistrent un score moyen de 412, contre 375 au sein de l’OCDE et 365 en France (Pisa 2012).
(3) Christian Maroy et al., « La trajectoire de la “gestion axée sur les résultats” au Québec. Récits d’action publique, intérêts des acteurs et médiations institutionnelles dans la fabrication d’une politique éducative », Rapport de l’axe 1 du projet de recherche New-AGE Québec, université de Montréal, chaire de recherche du Canada en politiques éducatives.
* REDEVABILITÉ :
La redevabilité s’est imposée au Québec au début des années 2000 dans les politiques publiques. En éducation, ce terme englobe à la fois l’obligation faite aux établissements scolaires, plus autonomes, donc plus responsables, de rendre des comptes à l’administration et à la communauté, et les procédures par lesquelles ces comptes sont rendus (épreuves scolaires, indicateurs, réunions à organiser, etc.).
Pour aller plus loin lire l'article :
«L'école doit accepter de rendre des comptes»
Trois questions à Denis Meuret
2. Allemagne : la guerre aux inégalités
Pédagogie axée sur l’autonomie et le développement personnel (1), professeurs reconnus et bien payés, formation par l’apprentissage efficace… De ce côté du Rhin, le système allemand est souvent présenté comme un modèle. Et pourtant…
Si fière de son école, l’Allemagne n’est pas prête d’oublier le « choc » provoqué dans l’opinion par la publication, en 200,1 de la première enquête Pisa. Non contente de se classer en dessous de la moyenne de l’OCDE, elle remporte la palme de l’inégalité, avec des chances de réussite fortement corrélées au milieu social.
Des mauvais scores très vite attribués aux Länder, compétents en matière d’éducation. Face à l’avalanche de critiques, les régions, jalouses de leur autonomie, n’ont eu d’autre choix que de réformer leur système. Objectif : faire progresser les élèves et s’attaquer aux inégalités.
Pour cela, les Länder ont décidé d’accorder plus d’importance à l’enseignement préscolaire (Kindergarten), s’inspirant entre autres de l’école maternelle française. Notamment par l’augmentation du nombre de places proposées, le développement de la gratuité la dernière année et sa transformation progressive en un lieu d’acquisition de connaissances.
Assouplissement de l’enseignement secondaire
Par ailleurs, beaucoup d’établissements, notamment maternelles et primaires, ont été jusqu’à abandonner l’emblématique demi-journée de classe pour la journée continue, avec une aide aux devoirs. Un élément jugé suffisamment décisif par le gouvernement fédéral pour le pousser à débloquer 4 milliards d’euros qui serviront à équiper les établissements de cantines et de dortoirs.
L’enseignement secondaire, accusé de favoriser la ségrégation, à travers une orientation précoce, n’a pas échappé à la refonte. Traditionnellement, dès leur sortie de l’élémentaire, les élèves étaient dirigés vers une Hauptschule (cycle court débouchant essentiellement sur l’apprentissage), une Realschule (enseignement technique ouvrant sur une poursuite d’études dans les voies professionnelles) ou, pour les meilleurs, vers le Gymnasium, le lycée général menant à l’université. La majorité des Länder a abandonné ou assoupli cette ancienne organisation : à côté du Gymnasium, ils ont créé une autre catégorie d’établissements (regroupant l’Hauptschule et la Realschule) dont le nom varie selon les régions. Et ceux qui ont conservé l’ancienne segmentation ont mis en place des passerelles entre les différents types d’établissements.
Dans un effort d’homogénéisation, les Länder ont aussi adopté des standards nationaux, portant sur les compétences acquises à la fin de chaque année scolaire. « Des services d’évaluation, chargés d’aider les établissements à travailler sur leurs points faibles, ont été créés », précise Werner Zettelmeier, chargé de recherches au Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine et professeur associé à l’université de Cergy-Pontoise. Les enseignants y apprennent notamment à s’adapter à l’hétérogénéité des publics et à mieux diagnostiquer les difficultés.
Ces efforts ont payé : depuis 2001, les performances sont en constante amélioration dans les enquêtes Pisa. L’OCDE salue en particulier en 2013 le rôle central des progrès enregistrés par les élèves issus de milieux défavorisés ou immigrés (2). Mais le tableau n’est pas tout rose : les différences de résultats d’une école à l’autre restent importantes et les inégalités liées au genre ont progressé. En maths, l’écart de performances entre les garçons et les filles est supérieur à la moyenne de l’OCDE.
(1) Le fameux concept de Bildung, élaboré au XIXe siècle par William von Humbold.
(2) OCDE, « Results for Pisa 2012, Germany 2013 », http://www.oecd.org/pisa/keyfindings...ny.pdf.
(3) René Lasserre, « La formation professionnelle en Allemagne. Dynamiques socioéconomiques et capacités d’adaptation du système », note du Cerfa, n° 112, Ifri, mai 2014.
Les défis du «système dual»
Plus de la moitié d’une classe d’âge – un peu plus de 530 000 nouveaux apprentis en 2013 – passe chaque année en Allemagne par l’apprentissage. Malgré un bon taux d’insertion professionnelle et un niveau élevé de qualification, le modèle est en crise. En cause : l’engouement des jeunes Allemands pour les études universitaires. Alors, depuis dix ans, entreprises et pouvoirs publics se mobilisent : développement des capacités d’accueil, ouverture aux étudiants étrangers, développement dans l’enseignement supérieur… Une « recomposition » du modèle en phase avec les nouvelles attentes des entreprises autorise l’optimisme, selon René Lasserre, directeur du Cirac (1).
(1) René Lasserre, « La formation professionnelle en Allemagne. Dynamiques socioéconomiques et capacités d’adaptation du système », note du Cerfa, n° 112, Ifri, mai 2014.
3. Corée : le volontarisme d'État
Cinquième en maths et en compréhension de l’écrit, septième en sciences sur 65 participants : la Corée du Sud est, selon la dernière enquête Pisa (1), l’un des systèmes les plus performants au monde. Elle fait aussi partie de la dizaine de pays de l’OCDE capables d’allier résultats élevés et équité. En attestent les 95 % de petits Coréens qui terminent leur formation du secondaire avec succès et sans retard. Une réussite qui n’est pas liée au hasard. Au sortir de la guerre, la Corée, très pauvre, a tout misé sur l’éducation : l’alphabétisation, qui concernait à peine un cinquième de la population en 1945, approche aujourd’hui les 100 % (2). Des progrès exceptionnels qui ont joué un rôle clé dans le miracle économique du « petit dragon » (3).
La course au diplôme
Pour autant, son système éducatif, régi par le volontarisme étatique, est depuis quelques années fortement contesté, y compris par ses élites. Ses principales limites : des méthodes essentiellement fondées sur la répétition, la mémorisation et une hypercompétition.
Ce modèle s’enracine dans une société confucéenne où sens de l’effort et dépassement de soi constituent des valeurs cardinales. Pas étonnant donc que les familles se sacrifient pour assurer la réussite scolaire de leur progéniture (4), n’hésitant pas à débourser des fortunes pour leur offrir les indispensables cours de soutien privé dès qu’ils ont atteint l’âge de 3-4 ans. En 2012, plus de 80 % des élèves du primaire et 70 % du secondaire prenaient le soir et le week-end le chemin des 100 000 académies privées (hagwons)… Un labeur censé leur assurer la meilleure note possible au fameux suneung, le très sélectif examen d’entrée à l’université. Résultat : les élèves coréens sont stressés (5).
Conscients de ces dérives, les gouvernements successifs ont tenté de s’attaquer à ce système parallèle (interdiction pour les profs du public d’enseigner dans les hagwons, obligation de fermer à 22 heures à Séoul…) et proposé des alternatives publiques (soutien après la classe, cours en ligne gratuits…). Mais la tradition garde le dessus, et le diplôme connaît une véritable inflation, parfois déconnectée des besoins du marché de l’emploi : en 2011, la Corée comptait 64 % de diplômés du supérieur parmi les 25-34 ans, contre 39 % en moyenne dans l’OCDE.
1. Québec : une école en phase avec la société
Longtemps à la traîne en matière de scolarisation (1), la Belle Province a parcouru du chemin depuis 50 ans, au point qu’elle figure désormais dans le peloton de tête des systèmes éducatifs. Non seulement, selon toutes les évaluations internationales, ses élèves sont très bons, surtout en maths, mais les plus faibles sont inclus aussi dans la réussite (2). Ces résultats n’ont pas manqué de surprendre les Québécois, volontiers critiques. Comment expliquer cette remontée ?
Denis Meuret, chercheur en sciences de l’éducation, fait démarrer l’histoire au début des années 1960. Le système éducatif est alors entre les mains de l’Église, qui impose un enseignement élitiste, payant et régi par les Humanités. À leur arrivée au pouvoir, les libéraux lancent une profonde réforme inspirée du rapport Parent. Ce travail, remis entre 1963 et 1966, est fondé sur une série de consultations et de visites d’établissements au Québec et à l’étranger. Le rapport propose une réorganisation totale de l’école. Guidés par ces principes, les libéraux jettent les bases d’une école publique, démocratique, ouverte sur les nouveaux défis technologiques, économiques et sociaux de l’époque. Fini l’enseignement magistral : il s’agit désormais de cultiver le goût d’apprendre, les capacités d’analyse mais aussi d’adaptation de ces chères têtes blondes.
Un modèle souple
Le modèle québécois repose d’abord sur un tronc commun, qui prévaut les huit premières années d’études (six de primaire et deux du secondaire). Souple, il propose ensuite des passerelles nombreuses et fréquentes entre cursus professionnel et général. À 14-15 ans, les élèves ont le choix entre un « parcours de formation axé sur l’emploi » (1 à 3 ans), qui débouche sur un DEP (diplôme d’études professionnelles) ou une formation générale (3 ans) menant au DES (diplôme d’études secondaires). Ce titre leur ouvre les portes du Cégep (collège d’enseignement général et professionnel). Cet établissement original dispense un programme menant à un emploi et un programme préuniversitaire qui prépare au supérieur à travers l’apprentissage de l’autonomie. La formation pour adultes, très développée, permet aussi de reprendre des études, quel que soit l’âge.
Haro sur le décrochage
En dépit de ces atouts, le système, perfectible, fait l’objet depuis les années 1970-1980 de critiques sur la qualité de l’enseignement. Le décrochage dans le secondaire reste élevé.
Au point que depuis la fin des années 1990, les gouvernements successifs ont fait de la réussite de tous une priorité. Le combat passe par une individualisation des pratiques, la prise en charge de la difficulté par des professionnels, un développement de l’évaluation et des établissements plus autonomes qui doivent rendre des comptes à la tutelle et à la communauté scolaire (« la redevabilité* »).
Des chercheurs de l’université de Québec (3) montrent que ces mesures pragmatiques, plutôt bien vues par l’opinion, se sont aussi traduites par une montée des logiques de choix scolaire et de concurrence public/privé. Une diversification de l’offre, « très légitime aux yeux des parents », qui, selon Christian Maroy, apparaît un peu « comme une dérive du tronc commun voulu par le rapport Parent »…
(1) Denis Meuret, Pour une école qui aime le monde. Leçons d’une comparaison France-Québec (1960-2012), Presses universitaires de Rennes, 2013.
(2) Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, « Résultats canadiens de l’étude Pisa de l’OCDE », 2013. En maths, les élèves du premier décile (les 10 % les plus faibles) enregistrent un score moyen de 412, contre 375 au sein de l’OCDE et 365 en France (Pisa 2012).
(3) Christian Maroy et al., « La trajectoire de la “gestion axée sur les résultats” au Québec. Récits d’action publique, intérêts des acteurs et médiations institutionnelles dans la fabrication d’une politique éducative », Rapport de l’axe 1 du projet de recherche New-AGE Québec, université de Montréal, chaire de recherche du Canada en politiques éducatives.
* REDEVABILITÉ :
La redevabilité s’est imposée au Québec au début des années 2000 dans les politiques publiques. En éducation, ce terme englobe à la fois l’obligation faite aux établissements scolaires, plus autonomes, donc plus responsables, de rendre des comptes à l’administration et à la communauté, et les procédures par lesquelles ces comptes sont rendus (épreuves scolaires, indicateurs, réunions à organiser, etc.).
Pour aller plus loin lire l'article :
«L'école doit accepter de rendre des comptes»
Trois questions à Denis Meuret
2. Allemagne : la guerre aux inégalités
Pédagogie axée sur l’autonomie et le développement personnel (1), professeurs reconnus et bien payés, formation par l’apprentissage efficace… De ce côté du Rhin, le système allemand est souvent présenté comme un modèle. Et pourtant…
Si fière de son école, l’Allemagne n’est pas prête d’oublier le « choc » provoqué dans l’opinion par la publication, en 200,1 de la première enquête Pisa. Non contente de se classer en dessous de la moyenne de l’OCDE, elle remporte la palme de l’inégalité, avec des chances de réussite fortement corrélées au milieu social.
Des mauvais scores très vite attribués aux Länder, compétents en matière d’éducation. Face à l’avalanche de critiques, les régions, jalouses de leur autonomie, n’ont eu d’autre choix que de réformer leur système. Objectif : faire progresser les élèves et s’attaquer aux inégalités.
Pour cela, les Länder ont décidé d’accorder plus d’importance à l’enseignement préscolaire (Kindergarten), s’inspirant entre autres de l’école maternelle française. Notamment par l’augmentation du nombre de places proposées, le développement de la gratuité la dernière année et sa transformation progressive en un lieu d’acquisition de connaissances.
Assouplissement de l’enseignement secondaire
Par ailleurs, beaucoup d’établissements, notamment maternelles et primaires, ont été jusqu’à abandonner l’emblématique demi-journée de classe pour la journée continue, avec une aide aux devoirs. Un élément jugé suffisamment décisif par le gouvernement fédéral pour le pousser à débloquer 4 milliards d’euros qui serviront à équiper les établissements de cantines et de dortoirs.
L’enseignement secondaire, accusé de favoriser la ségrégation, à travers une orientation précoce, n’a pas échappé à la refonte. Traditionnellement, dès leur sortie de l’élémentaire, les élèves étaient dirigés vers une Hauptschule (cycle court débouchant essentiellement sur l’apprentissage), une Realschule (enseignement technique ouvrant sur une poursuite d’études dans les voies professionnelles) ou, pour les meilleurs, vers le Gymnasium, le lycée général menant à l’université. La majorité des Länder a abandonné ou assoupli cette ancienne organisation : à côté du Gymnasium, ils ont créé une autre catégorie d’établissements (regroupant l’Hauptschule et la Realschule) dont le nom varie selon les régions. Et ceux qui ont conservé l’ancienne segmentation ont mis en place des passerelles entre les différents types d’établissements.
Dans un effort d’homogénéisation, les Länder ont aussi adopté des standards nationaux, portant sur les compétences acquises à la fin de chaque année scolaire. « Des services d’évaluation, chargés d’aider les établissements à travailler sur leurs points faibles, ont été créés », précise Werner Zettelmeier, chargé de recherches au Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine et professeur associé à l’université de Cergy-Pontoise. Les enseignants y apprennent notamment à s’adapter à l’hétérogénéité des publics et à mieux diagnostiquer les difficultés.
Ces efforts ont payé : depuis 2001, les performances sont en constante amélioration dans les enquêtes Pisa. L’OCDE salue en particulier en 2013 le rôle central des progrès enregistrés par les élèves issus de milieux défavorisés ou immigrés (2). Mais le tableau n’est pas tout rose : les différences de résultats d’une école à l’autre restent importantes et les inégalités liées au genre ont progressé. En maths, l’écart de performances entre les garçons et les filles est supérieur à la moyenne de l’OCDE.
(1) Le fameux concept de Bildung, élaboré au XIXe siècle par William von Humbold.
(2) OCDE, « Results for Pisa 2012, Germany 2013 », http://www.oecd.org/pisa/keyfindings...ny.pdf.
(3) René Lasserre, « La formation professionnelle en Allemagne. Dynamiques socioéconomiques et capacités d’adaptation du système », note du Cerfa, n° 112, Ifri, mai 2014.
Les défis du «système dual»
Plus de la moitié d’une classe d’âge – un peu plus de 530 000 nouveaux apprentis en 2013 – passe chaque année en Allemagne par l’apprentissage. Malgré un bon taux d’insertion professionnelle et un niveau élevé de qualification, le modèle est en crise. En cause : l’engouement des jeunes Allemands pour les études universitaires. Alors, depuis dix ans, entreprises et pouvoirs publics se mobilisent : développement des capacités d’accueil, ouverture aux étudiants étrangers, développement dans l’enseignement supérieur… Une « recomposition » du modèle en phase avec les nouvelles attentes des entreprises autorise l’optimisme, selon René Lasserre, directeur du Cirac (1).
(1) René Lasserre, « La formation professionnelle en Allemagne. Dynamiques socioéconomiques et capacités d’adaptation du système », note du Cerfa, n° 112, Ifri, mai 2014.
3. Corée : le volontarisme d'État
Cinquième en maths et en compréhension de l’écrit, septième en sciences sur 65 participants : la Corée du Sud est, selon la dernière enquête Pisa (1), l’un des systèmes les plus performants au monde. Elle fait aussi partie de la dizaine de pays de l’OCDE capables d’allier résultats élevés et équité. En attestent les 95 % de petits Coréens qui terminent leur formation du secondaire avec succès et sans retard. Une réussite qui n’est pas liée au hasard. Au sortir de la guerre, la Corée, très pauvre, a tout misé sur l’éducation : l’alphabétisation, qui concernait à peine un cinquième de la population en 1945, approche aujourd’hui les 100 % (2). Des progrès exceptionnels qui ont joué un rôle clé dans le miracle économique du « petit dragon » (3).
La course au diplôme
Pour autant, son système éducatif, régi par le volontarisme étatique, est depuis quelques années fortement contesté, y compris par ses élites. Ses principales limites : des méthodes essentiellement fondées sur la répétition, la mémorisation et une hypercompétition.
Ce modèle s’enracine dans une société confucéenne où sens de l’effort et dépassement de soi constituent des valeurs cardinales. Pas étonnant donc que les familles se sacrifient pour assurer la réussite scolaire de leur progéniture (4), n’hésitant pas à débourser des fortunes pour leur offrir les indispensables cours de soutien privé dès qu’ils ont atteint l’âge de 3-4 ans. En 2012, plus de 80 % des élèves du primaire et 70 % du secondaire prenaient le soir et le week-end le chemin des 100 000 académies privées (hagwons)… Un labeur censé leur assurer la meilleure note possible au fameux suneung, le très sélectif examen d’entrée à l’université. Résultat : les élèves coréens sont stressés (5).
Conscients de ces dérives, les gouvernements successifs ont tenté de s’attaquer à ce système parallèle (interdiction pour les profs du public d’enseigner dans les hagwons, obligation de fermer à 22 heures à Séoul…) et proposé des alternatives publiques (soutien après la classe, cours en ligne gratuits…). Mais la tradition garde le dessus, et le diplôme connaît une véritable inflation, parfois déconnectée des besoins du marché de l’emploi : en 2011, la Corée comptait 64 % de diplômés du supérieur parmi les 25-34 ans, contre 39 % en moyenne dans l’OCDE.
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