Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Communication de hamou amirouche au colloque sur le congrès de la soummam (26 août 2016)

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Communication de hamou amirouche au colloque sur le congrès de la soummam (26 août 2016)

    Ramdane Abane, le rassembleur

    “Si, des décennies après l’indépendance, aucune force politique, aucune force sociale n’est capable de faire accepter à tous un modèle de société”, pour reprendre Mohamed Harbi (1), c’est peut-être parce que notre Nation n'a jamais su engendrer ou garder vivant bien longtemps un rassembleur, un rassembleur autour d’une doctrine.

    La Révolution algérienne est la seule à ma connaissance, avec la révolution française, à n'avoir jamais eu de chef. Ni le groupe des “22” ni le congrès de la Soummam n'ont coopté un leader. Le Congrès structure l’Algérie en guerre en six zones militaires et la Zone autonome d’Alger mais ne désigne pas de chef d’État-major. Nous assistons ainsi à une série de fractures du mouvement national d'abord, puis durant la révolution elle-même, d’autres fractures marquées par l'assassinat inqualifiable de Ramdane Abane et qui culmineront en affrontements sanglants durant l'été 62. À part l'implosion du PPA/MTLD, qui marginalisa un rassembleur charismatique, Messali Hadj, les autres cassures/frictions, entre Abane et la Délégation extérieure déjà avant le Congrès de la Soummam, ensuite entre les combattants de l'Intérieur et le GPRA à partir de 1958, ont une cause commune : l’approvisionnement en armes et en munitions des maquis. Le GPRA, même s’il a négocié et arraché l’indépendance en 1962, s’était délégitimé de fait vis-à vis de l’Intérieur par son incapacité à fournir aux maquis les armes nécessaires pour soutenir le combat. C’est cet échec qui a permis à l’armée des frontières de prendre le pouvoir et de le garder en s’appuyant sur un populisme de bon aloi.

    La scission du PPA/MTLD et ses conséquences
    Ben Youcef Benkhedda a admis avec une candeur qui honore sa mémoire qu’il était responsable de l’éclatement du PPA/MTLD (2). Chacun sait que l’éclatement du PPA/MTLD entre partisans de Messali et le Comité Central (CC) a fait naître, le 23 mars 1954, le Comité Révolutionnaire pour l’Unité et l’Action (CRUA) qui ambitionnait de réunifier les rangs. L’obstination de Messali, la pression des Tunisiens et des Marocains qui avaient lancé leur lutte armée firent que le CRUA se donna à peine trois mois pour tenter de raccommoder les deux factions qui allaient bientôt s’entre-tuer. On décida, en juin 1954, d’allumer l’incendie dans l’improvisation la plus totale. Quand on lit de la plume de Ben Khedda : “Il a suffi à Messali de se lever et de condamner le CC pour que la quasi-totalité des militants en Algérie comme en France se rangeât derrière lui” (3), on reste franchement perplexe. On ne comprend pas que le CC ait prit le risque de s'aliéner ainsi la “quasi-totalité” des militants nationalistes.
    Le point de vue d’Abane rapporté par Belaïd Abdessélam mérite d’être médité : “… À ma sortie de prison…, j’ai demandé immédiatement à rencontrer Krim et Ouamrane. Lorsqu’ils m’ont exposé le bilan des effectifs dont ils disposaient, du nombre et de la qualité des armes en leur possession et des ressources financières et matérielles qu’ils détenaient, je leur ai dit que je les considérais comme des criminels pour avoir engagé le pays dans une gigantesque aventure avec des moyens aussi dérisoires… mais que je me joignais à eux, et qu’il fallait tout faire pour aboutir à la réussite”. (4)

    Abane rassembleur
    Abane alors s’attache à rassembler autour du FLN les forces nationales susceptibles de contribuer à sa réussite. Rappelons qu’il arriva à Alger vers le 7 février 1955, peu de temps avant l’arrestation de Rabah Bitat le 23 mars de la même année. Et dès le 1er avril 1955, il commença à s’exprimer au nom du FLN/ALN dans un appel dans lequel il invitait les Algériens à adhérer en masse au FLN.
    Entre fin 55 et juin 56, Abane rallia au FLN les Centralistes, l'UDMA de Ferhat Abbas, l'Association des Ulémas et le Parti Communiste Algérien. Malheureusement, tout en rassemblant d'un côté, Abane provoquait des antagonismes et s'aliénait les membres de la délégation extérieure qu’il interpellait sans ménagement. “… Je sais une chose…, militants du Front et groupes armés sont tous montés contre vous… [Ils] ne cessent de nous répéter : si ces gens-là sont incapables d’être utiles à la cause à l’étranger, qu’ils rentrent au moins mourir avec nous. Depuis dix mois au moins vous n’avez pas été fichus de nous envoyer quoique ce soit.” (5) Cette interpellation date du 20 septembre 1955. N’était-il pas informé qu’Aït Ahmed Hocine, assisté de M’Hammed Yazid, venait de concrétiser à la Conférence de Bandoeng en avril 1955 l’un des objectifs énoncés par la Proclamation du 1er-Novembre, à savoir l’internationalisation du conflit ?
    Abane reconnut qu’il a été violent dans son interpellation de l’Extérieur et il a fait amende honorable dans le message suivant, le 8 octobre 1955 : “Je vous demande de m’excuser pour le ton de ma précédente lettre. J’avoue que j’avais dépassé les limites et j’en suis confus…” (6)
    À ce propos, il est intéressant de connaître le commentaire de Abane quand il annonça à Krim la nouvelle de la capture des “Cinq” le 22 octobre 1956 : “Nos touristes se sont fait avoir.” (7)
    Abane était cassant, autoritaire, parce qu’il n’avait pas de complexe. Il n’avait pas vécu l’implosion du PPA/MTLD. Il n’a pas été un membre du CC déchu par Messali. C’était un intellectuel qui non seulement participait pleinement à l’action mais devait être le maître d’œuvre, avec Larbi Ben M’hidi, de l’une des victoires les plus spectaculaires de la Révolution algérienne : le Congrès de la Soummam. Ses assises dotèrent l’Algérie en guerre d’un Parlement, le Conseil National de la Révolution Algérienne, et d’un Exécutif, le Comité de Coordination et d’Exécution. Les principes qui définirent la Charte de la Soummam, la primauté de l’Intérieur sur l’Extérieur, du politique sur le militaire, une majorité de “politiques” au CCE ont vécu exactement un an. En août 1957, ils furent “amendés”, et Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Abdallah Bentobbal, les trois “B” accaparèrent tous les pouvoirs. L’année 1957 fut une année charnière dans la Révolution algérienne. Elle marqua la descente aux enfers de l’ex-Intérieur devenu extérieur et sa perte de légitimité vis-à-vis des combattants de l’Intérieur qui permirent à l’armée des sanctuaires des frontières d’accaparer le pouvoir.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Délégitimation des trois “B”

    En effet, avec l’achèvement des lignes électrifiées Morice et Challe et les quelque 8 millions de mines plantées le long des frontières, fin 57, la révolte des maquis commença à gronder. Tout comme Abane interpellait sans ménagement la délégation extérieure deux ans auparavant sur le problème des armes, c’est maintenant les Wilayas qui accusaient de carence le GPRA formé en septembre 1958. La pénurie de munitions combinée aux vastes opérations du plan Challe aggrava le sentiment d’abandon des maquis. À telle enseigne que plusieurs unités refusèrent d’obéir au ministre de la Guerre ; d’autres se mutinèrent puis rallièrent l’armée française, à l’instar de l’unité de Ali Hambli en mars 1959. Pour ce qui concerne la Wilaya III, signalons par contre les orientations fermes du colonel Amirouche qui mettait l’accent dans chacun de ses discours aux troupes sur la nécessité impérieuse de récupérer de l’ennemi armes et munitions. Je me rappelle avoir rédigé au début de l’année 1958, sur ses instructions, une circulaire qui avertissait que “tout officier qui montait une embuscade, sans récupérer des armes et des munitions, serait dégradé”. Dans ses discours aux troupes, il soulignait que “la mesure du succès d’une embuscade n’est nullement le nombre de soldats tués mais le nombre d’armes récupérées”.
    Ce fut la gravité de la situation prévalant dans les maquis qui incita le colonel Amirouche à organiser une réunion qui se tint du 6 au 12 décembre 1958 au Nord-Constantinois et qui regroupa quatre chefs de Wilaya. Dans les “Doléances” présentées par le Conseil de Wilaya réuni en session extraordinaire le 2 mars 1959, Amirouche formula l’hypothèse d’une “négligence criminelle des responsables de l’acheminement d’armes. Il n’est pas exagéré de dire qu’il y a eu sabotage, volontaire ou non, et que la situation, si elle se détériore, est la conséquence de cette négligence”. (8)
    Le colonel Si Salah Zamoum de la Wilaya IV s’était également insurgé et s’était livré à un véritable réquisitoire contre le chef d’état-major général et le GPRA. “Nous ne pouvons en aucune manière assister les bras croisés à l’anéantissement progressif de notre chère ALN…” (9)
    Non pas qu’avec plein d’armes et de munitions on aurait réédité l’exploit du général Giap à Diên Biên Phû en Indochine. Abane exagérait quand il écrivait le 20 septembre 1955 à la Délégation extérieure : “Si vous arrivez à nous faire parvenir des armes, dans six mois la France sera mise à genoux.” (10)
    La “France” ne nous livrait pas le combat avec ses fantassins mais avec son artillerie lourde, ses chasseurs bombardiers, son napalm made in USA. Le gouvernement américain de Dwight Eisenhower était au pouvoir (1952-1960) pendant presque toute la guerre d'Algérie. Ce fut durant son règne et sous son autorité que l'OTAN décida le 25 juin 1955 de livrer à la France les redoutables hélicoptères Sikorsky. En passant à l’offensive dans la nuit du 1er novembre 1954, les fondateurs du FLN ont eu historiquement raison. Ils purent même ultérieurement se prévaloir de cette “légitimité” révolutionnaire qui leur permit de supplanter leurs adversaires et d’arracher l’indépendance.

    Sept ans plus tard, le FLN trouva en Abane le cerveau politique qui lui faisait défaut, qui organisa la lutte en rassemblant toutes les énergies. Il fut à l’origine de la grève des huit jours en janvier 1957. La “bataille d’Alger” qui s’en est suivie ne fut pour Abane et le FLN ni une bataille perdue ni une erreur stratégique. Restituée dans sa perspective historique, elle a contribué à concrétiser un objectif stratégique fixé dès le départ par la proclamation du 1er Novembre 1954, l’internationalisation du problème algérien. La Révolution change de visage dans la mesure où l’armée française ne combattait plus les bandes armées disparates mais une armée structurée dotée d’un Parlement et d’un Exécutif. Il se déroula au nez et à la barbe de l’armée française, grâce à un mulet de mon village natal, Tazmalt. Spécialement dressé, ce mulet lança sur une fausse piste les unités de l’armée française qui allèrent attendre nos congressistes à El-Kalaâ Naith Abbas, pendant que Abane, Ben M’hidi et leurs compagnons débattaient tranquillement, durant une quinzaine de jours à Ifri, des grands principes soummamiens.
    Curieusement, un problème lancinant, un mode d’acheminement rapide des armes et des munitions n’a jamais été édicté. Les compagnies des Wilayas centrales, la III et la IV, continuèrent à faire plus d’un mois de marche vers les frontières, et plus au retour pour revenir chargées comme des mulets. Les membres de l’une de ces compagnies, plus de cent, ont été égorgés par les dissidents de la Wilaya I. Cinq d’entre eux étaient d’Akfadou. Au niveau des structures du GPRA, après l’assassinat d’Abane, les trois “B” s’étaient constitués en club fermé au sein du Comité interministériel de la guerre “CIG” créé en 1960. Mais celui-ci, délégitimé vis-à-vis de l’intérieur, ignoré de l’EMG, n’avait plus aucune autorité.

    Quand le CIG ordonna à l’EMG de rallier le territoire national avant le 31 mars 1961, l’ordre fut ignoré. Quand Bentobbal rendit visite, fin décembre 1961, aux leaders emprisonnés pour les tenir informés du déroulement des négociations algéro-françaises, il apprit qu’ils avaient déjà reçu la visite d’un émissaire de l’EMG, Bouteflika, à la recherche d’une figure de proue, paravent d’un pouvoir réel. Boudiaf aurait décliné l’offre que Ben Bella a acceptée. Boudiaf accepta une offre exactement identique en janvier 1992, dans les circonstances que l’on connaît. Rien n’illustre mieux la perte de légitimité et d’autorité du GPRA que l’affaire de l’avion de reconnaissance de l’armée française abattu par la DCA de l’ALN à Mellègue, à la frontière tunisienne.
    Le gouvernement tunisien sous la pression française exige que le pilote capturé lui soit remis. Boumediene refuse au départ avant de céder et de partir en Allemagne.

    Au lieu de le destituer, on lui garde la place toute chaude. Dans une conférence de presse aux cadres le 5 février 1961, à Tunis, d’après Harbi qui était présent (12), Bentobbal a déclaré : “Celui qui veut le pouvoir n’a qu’à prendre le fusil pour nous l’enlever.” C’est exactement ce que fit Boumediene. Abane, l’intellectuel qui tapait du poing sur la table, le fédérateur ne disposait-il pas d’une force pour le soutenir après l’assassinat de Ben M’hidi ?
    Avait-il raison trop tôt ?

    H. A.
    secrétaire du colonel Amirouche

    Notes
    1. Mohammed Harbi, L’Algérie et son destin-Croyants ou citoyens, Arcantère (Paris: 1992) p. 29.
    2. Ben Khedda, Benyoucef, Les Origines du 1er Novembre 1954, Editions Dahlab,(Alger : 1989) p. 226.
    3. Benyoucef, Ben Khedda, Op.Cit.
    p. 227.
    4. Bennoune, Mahfoud et El Kenz, Ali, Le hasard et l’histoire, Entretiens avec Belaïd Abdesselam, Tome I et II Enag Editions, (Alger : 1990 ) pp. 134-135.
    5. Mabrouk Belhocine, Le Courrier Alger-le Caire, 1954-1956, Casbah Editions, (Alger: 2000), p.90.
    6. Ibid. p.93
    7. Selon la Liaison de Krim Belkacem, Slimane Laïchour, qui était présent.
    8. Harbi, Mohammed et Gilbert Meynier, Le FLN Documents et Histoire 1954-1962, Fayard (Paris : 2004) p. 473.
    9. Ibid. p.481.
    10. Mabrouk Belhocine, Op.Cit. p.92.
    11. The Journal of StrategicStudies, June, 25, 2002, p.12.
    12. Mohamed Harbi, Une vie debout, Mémoires politiques, T1 : 1945-1962, Casbah Editions, (Alger : 2001) p.359.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Un témoignage d'un acteur de cette glorieuse époque, qui peut permettre à des historiens sérieux d'avoir un regard critique sur une période charnière du mouvement national, et les conditions politiques qui ont participé au déclenchement de l'insurrection armée. Il est à noter que ce témoignage met en exergue le rôle de Benkhedda dans la crise du MTLD, les accusations qui étaient portées à son encontre, et s’interroger sur les conditions et les objectifs qui étaient sous-jacents à son enrollement au sein du FLN, qui rappelons le, dès son acte de naissance à travers l'appel du premier novembre avait appelé à l'insurrection armée pour arriver à une paix négociée avec la France, après sa libération par les français en mai 1955. L'arrivée de Benkheda à la tête du GPRA à la veille de la phase finale des négociations avec la France est un élément tout aussi remarquable, ainsi que son basculement, encore un autre, dans le camps de l'EM, quand il arbitre la tête de Houari Boumedienne en la faveur de ce dernier, en conflit avec le GPRA et Krim qui voulait le remplacer...
      Dernière modification par ott, 01 septembre 2016, 08h20.
      Othmane BENZAGHOU

      Commentaire


      • #4
        Le Congrès de la Soummam : un révélateur des forces dynamiques de la révolution

        Par Benyassari
        Dans Libre Algérie le 23 août 2016



        Sous beaucoup d’aspects, le congrès de la Soummam est un tournant dans la dynamique de la guerre de libération nationale, tant sur le plan de l’organisation puisque il va donner une structure fixe à l’armée de libération nationale l’ALN, que sur le plan de la décantation des forces internes à la révolution. Il constitue en plus, une rupture fondamentale par rapport à la pratique politique des partis traditionnels. Sur le plan politique, les objectifs de la lutte sont réaffirmés et reprennent les fondamentaux du mouvement indépendantiste.

        La proclamation du congrès adressée au peuple algérien et aux combattants de la cause nationale, est très claire et insiste sur l’émergence d’une nouvelle génération de militants décidés à en découdre avec le colonialisme et sur la nécessité de la rupture avec les pratiques anciennes, pour sortir le mouvement de l’impasse.

        La proclamation, réaffirme la prééminence du Front de Libération Nationale (FLN), sur les autres organisations et son caractère interclassiste. Ce dernier, se présente comme un cadre rassembleur inclusif « de tous les patriotes algériens, de toutes les conditions sociales, de tous les partis et de tous les mouvements algériens purs »1.


        Le congrès a d’emblée tablé sur l’ouverture la plus large possible sur la société algérienne et de façon très didactique, il énonce un principe idoine qui porte la griffe d’une personnalité comme Abane Ramdane ou celle de Ben M’hidi : « la libération de l’Algérie sera l’œuvre de tous les Algériens, et pas seulement d’une partie du peuple Algérien, quelle que soit son importance. Pour Ben M’hidi et ses compagnons, le FLN devait être le moteur du changement. Les Algériens devaient s’affirmer et demander ce qui leur revenait de droit. En tant que tels, ils prêchaient la confiance en soi.


        C’était en fait, une nouvelle doctrine en action. Elle était à l’origine d’un esprit nouveau dans le peuple. Le Front de libération nationale, « dans sa lutte comptera sur toutes les forces anticolonialistes, mêmes si certaines échappent à son contrôle ». Cela montre bien entendu, le caractère d’ouverture et la volonté de mobiliser toutes les forces sociales pour l’objectif stratégique de la lutte.


        Au-delà du caractère tactique rassembleur du FLN, il y avait un saut qualitatif qui caractérise les dirigeants de l’insurrection depuis le premier novembre 1954, sur la prise de conscience de l’importance de l’esprit de l’action de masse qui incontestablement s’est imposé à travers la dynamique objective.


        Ce facteur explique absolument le choix tactique d’une démarche rassembleuse qui est celle d’Abane Ramdane. Ce faisant, cette démarche éminemment tactique ne se dispense pas du choix d’une voie plus radicale et plus révolutionnaire qui apparait dans la volonté de donner un contenu social à la lutte de libération nationale et d’agréger des forces sociales comme la paysannerie par la revendication de la réforme agraire et la nécessité d’encadrer les paysans qui les premiers, ont adhéré massivement à la lutte armée.


        La plate-forme du congrès de la Soummam, souligne que seule l’indépendance, est à même de poser et de régler la question de la terre. Une réforme agraire radicale est indissociable de la destruction du régime colonial.


        Tout en réaffirmant l’unicité de la nation « une et indivisible » le FLN, affirme sa prééminence comme « unique organisation qui représente le peuple algérien et seule assignée à mener les négociations »2. La direction sera collégiale (CNRA, CCE). La renaissance de l’Etat algérien, est placée dans la perspective d’ « une République démocratique et sociale et ne signifiera en rien la restauration d’une quelconque théocratie ». Le rôle du Parti communiste algérien, son absence dans les moments décisifs, sont signalés. Il a disparu en tant qu’organisation avant tout « à cause de l’influence des éléments européens dans ses rangs »3. Le congrès de la Soummam, est enfin le cadre dans lequel s’est manifestée la volonté de coordonner l’activité politique et militaire ». Avant le congrès, certains groupes de combat étaient militairement séparés et le travail politique en leur sein, était insuffisant.


        Dès mars 1956, dans le cadre des préparatifs du congrès de la Soummam, Sâad Dahlab, est envoyé par Abane Ramdane dans le Nord Constantinois pour s’entretenir avec Youssef Zighoud. Ce dernier rapporte Harbi, « ne soulève pas de problèmes politiques ». Il est intéressé « par la question de l’approvisionnement en armes, le découpage territorial, la définition des responsabilités de chacun et l’unification du commandement militaire ».


        Tous les fondamentaux du congrès, montrent que le mouvement de libération n’avait pas un horizon borné exclusivement par un but principal et unique qui est « la création de l’Etat national, sans égard à son futur contenu ». Pour Aït Ahmed, dans une déclaration au Quotidien d’Oran, en 2002, « le principe de la primauté du politique sur le militaire, avait une portée et garde jusqu’à nos jours sa validité ». Il faut rappeler que parmi la délégation extérieure, Aït Ahmed a été un des rares, pour ne pas dire le seul à apporter son soutien aux résolutions du congrès. Il considère, qu’il a été « un consensus salutaire pour constituer le GPRA et en finir avec la lutte des clans ». Le congrès, a donc été « un pacte politique contractuel fondé sur le pluralisme et non sur un quelconque consensus populiste (El Watan 18 août 2016).

        Au sein des couches populaires qui ont adhéré spontanément à la lutte de libération, le sentiment que « la nouvelle Algérie libre doit signifier la liberté pour toutes les couches sociales », est très développé. Pour ces couches et ces classes sociales, le premier attribut de cette liberté est l’idée de justice sociale. C’est de l’ordre du bouleversement sémantique.


        La décolonisation dit Fanon « ne passe jamais inaperçue car elle porte sur l’être, elle modifie fondamentalement l’être et transforme des spectateurs écrasés d’inessentialité en acteurs privilégiés, saisis de façon quasi grandiose par le faisceau de l’histoire »4 et plus loin, pour confirmer le fait que l’engagement des couches et des classes populaires pose de fait l’exigence du contenu social de la dynamique objective du combat libérateur « la chose colonisée, devient homme dans le processus même par lequel elle se libère »5.


        Dans la décolonisation, « il y a exigence d’une remise en question intégrale de la situation coloniale »6. On ne bouleverse pas une société de fond en comble, si on n’est pas décidé d’aller jusqu’au bout. Il fallait bien entendu, une organisation rigoureuse des actions militantes de masse qui montrent la volonté d’aller de l’avant et plus que tout, la disponibilité vis-à-vis du projet commun c’est-à-dire la volonté de souffrir et de se sacrifier. Les masses elles, tirent de leur expérience quotidienne la leçon qu’« il n’y a pas d’autres choix que la résistance armée et violente »7.


        Un combattant de la liberté, dit Nelson Mandela « apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte et il ne reste souvent à l’opprimé d’autre recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. A un certain moment, on ne peut combattre le feu que par le feu ».


        La guerre de libération nationale est « centrée sur l’héroïsme et le martyre des Algériens. Un peuple qui ne craint pas le martyre ne peut être vaincu »8. La Révolution, « est l’acte par lequel le peuple avec son propre dynamisme, change son cheminement historique »9.


        Pour Mohammed Harbi, « le 1er novembre 1954, inaugure de façon décisive, un nouveau rapport entre les classes sociales au sein du mouvement national ». Pour lui, « l’entrée directe des paysans dans la lutte fait franchir une nouvelle étape à la Révolution algérienne ». Le douar, « va supplanter la ville dans le leadership de la lutte ». La dynamique du mouvement et les initiatives des uns et des autres, faisaient que l’enjeu du congrès, devenu une nécessité pour plus de cohérence était, « non le programme mais la direction du mouvement ».


        Dans le congrès Ben M’hidi met toute son autorité morale et son prestige au service des objectifs définis par Abane Ramdane qui cherche à en découdre avec l’extérieur et notamment Boudiaf et Ben Bella. Le congrès, va « légiférer pour l’ensemble du FLN ». La plate-forme du congrès aura pour « principal rédacteur Amar Ouzegane, ex secrétaire général du Parti Communiste Algérien ». Cela marquera à jamais, d’un langage marxisant « le nationalisme, le populisme et même le conservatisme social ». Au-delà, de la lutte pour le leadership que le congrès va susciter et au-delà de l’échec d’Abane Ramdane car la prépondérance du politique n’apparaîtra jamais, le mouvement « n’arrivant jamais à dépasser ses insuffisances originelles », la cristallisation de celui-ci a bel et bien atteint un point de non retour. C’est pourquoi, sur le plan de la description dit Frantz Fanon, « toute décolonisation est une réussite ».

        1 ALGERIE. Témoignage d’un reporter Yougoslave sur la guerre d’Algérie. Zdravko Pecar.

        2 Op. cité.

        3 Op. cité.

        4 Les damnés de la terre. Frantz FANON.

        5 Op. cité.

        6 Op. cité.

        7 Un chemin vers la liberté. Nelson Mandela.

        8 Abane, guide de la révolution était grand, mort, il est plus grand. A. Y. Abdenour. El Watan 18 août 2016.
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

        Commentaire


        • #5
          HOCINE AÏT AHMED SUR LE 20 Août 1956

          « Le sens capital de cet événement réside dans la nature politique et contractuelle d’une stratégie de libération nationale élaborée par le congrès de la Soummam. »Dans un entretien réalisé en novembre 2002 par K.Selim dans un contexte de vives polémiques en Algérie avec des accusations, choquantes, de trahison, Hocine Aït Ahmed, élève le débat. Un entretien passionnant qui clarifie les enjeux politiques et de mémoires pour les jeunes algériens. Et pour les moins jeunes aussi.

          Que fut réellement le congrès de la Soummam, un renforcement de la révolution ou une déviation ?

          Hocine Aït Ahmed: Le fait de poser cette question près de quarante ans après la tenue de ce congrès me paraît sidérant. Autant soulever la même question sur le rôle du 1er Novembre 1954, au moment même où l’Algérie vient d’en célébrer le 40ème anniversaire.

          Soyons clairs : je ne me suis jamais considéré comme un “historique”. J’en ai assez souvent martelé les raisons pour ne pas avoir à les ressasser aujourd’hui.

          Permettez-moi de les résumer en une seule phrase: la guerre de libération n’est en aucune façon réductible à un appareil, à un parti, encore moins à un homme, un complot, où une coterie, quels que soient par ailleurs les rôles des uns et des autres assumés dans des périodes et des étapes données.

          Pas plus que je ne suis spécialiste d’étiologie, terme barbare pour dire philosophie politique. Je vous livre donc un témoignage plus existentiel que théorique.

          En tant que militant de terrain, je m’interroge d’abord sur le sens des évènements que recouvrent les mots. Ces deux tournants politiques ne sont pas des météorites tombées du ciel. Leur restituer leur signification et leur portée exige le rappel – faute d’analyse – des causes et des enchaînements politiques qui les ont créés.

          Le déclenchement de la lutte armée en Algérie, le 1er Novembre 1954, a été, bien sûr, déterminé par la radicalisation des combats patriotiques en Tunisie et au Maroc.

          Le rêve d’un soulèvement maghrébin généralisé était à nos portes. Mais l’annonce de la lutte armée en Algérie est fondamentalement la résultante de la poussée populaire en travail depuis les répressions coloniales sanglantes de mai 1945.


          N’oublions jamais les dynamiques sociales profondes dont les personnalités et les partis ne sont souvent que la face visible de l’iceberg nationaliste.


          C’est vrai que les formations politiques ou religieuse, le PPA-MTLD, l’UDMA, le PCA, les Oulémas, s’étaient coupées des masses, tellement leurs stratégies “légalistes” leur paraissaient dérisoires et sans issue.

          C’est elles qui, de surcroît, en payaient les notes douloureuses, notamment à chacun des “scrutins” grossièrement truqués sous le règne de Naegelen. La formule “élections à l’algérienne” était devenue proverbiale en France même à la moindre anicroche touchant le suffrage universel. Formule ô combien ! Prémonitoire.

          Ce jeu de toboggan piégé et savonné qui ramenait toujours au point de départ avait fini par excéder nos compatriotes: “Ne nous appelez ni à l’abstention ni à la participation électorale ! Donnez-nous des armes !”: ce message nous parvenait de partout. C’est à ce message qu’a finalement répondu l’appel du 1er Novembre.

          Pouvons-nous conclure que les dirigeants politiques de l’étape précédente avaient trahi ?

          H.A.A. : Pas d’anathèmes ! Accuser à tout bout de champ de trahison, c’est ce genre de retours destructifs au passé qu’il faut éviter. Il y a des mots qui tuent, surtout dans un pays où la vie et l’opinion des gens continuent de perdre de leurs valeurs.

          Le sens de la responsabilité doit inciter à la sérénité et à la prudence quand il s’agit de porter des jugements d’ordre politique. Sauf à ravaler ses propres agressions verbales, lorsque les formations en question deviendront parties prenantes à ces premières assises constitutives du FLN.

          Le sens capital de cet événement réside dans la nature politique et contractuelle d’une stratégie de libération nationale élaborée par le congrès de la Soummam.

          De toute évidence, ce pacte national n’aurait pas pu avoir lieu sans le formidable électrochoc psychologique et politique provoqué par les actions entreprises le 1er Novembre 1954, amplifiées par Saout El-Arab et par la panique qui avait gagné les autorités coloniales.

          Certes, les insuffisances militaires du déclenchement de “La Révolution” s’expliquaient par les improvisations qui ont présidé à son organisation. En prenant, en 1951, la décision de dissoudre l’OS, de démanteler son dispositif et son encadrement, les dirigeants du PPA-MTLD avaient commis une grave faute politique.

          L’absence d’une stratégie politique qui devait accompagner la proclamation du 1er Novembre sur le terrain risquait de couper les groupes armés de la population. Du reste, les stratèges de la guerre coloniale ne tarderont pas à exploiter ce vide politique.

          Quand le gouverneur général Soustelle – jusqu’au-boutiste de l’Algérie française – prendra la mesure de remettre en liberté quelques dirigeants politiques algériens qui avaient été arrêtés, au lendemain de la Toussaint, son intention stratégique était d’engager les nationalistes modérés à remplir le vide politique afin de retarder ou de prévenir la généralisation de la dissidence armée.

          Apparemment, il a été pris de court par Abane Ramdane !

          H.A.A. : Tout à fait. Dès son retour au pays, Abane Ramdane, qui venait de purger des années de prison dans le nord de la France, prit contact avec Ouamrane en Kabylie (Ndlr: responsable de la willaya 4, il se réfugia dans la willaya 3 après avoir dirigé des attaques armées dans la région de Blida pour s’informer).

          Ayant longtemps assumé des responsabilités, d’abord au sein de l’organisation clandestine du PPA, et ensuite à la tête de l’OS pour la région de Sétif, Ramdane était un véritable animal politique et un organisateur expérimenté.


          Il n’avait pas besoin de son intuition de mathématicien pour, en premier lieu, identifier le sens du problème prioritaire et urgent: l’absence de vision et de stratégie politiques, et, en deuxième lieu, pour mettre en place les structures cohérentes destinées à soutenir la dynamique populaire.

          Sans perdre de temps, il se rendit alors au domicile de Rebbah Lakhdar, à Belcourt (Sidi M’hammed). Qui ne connaissait ce personnage hors du commun ? Certes, il était militant chevronné du PPA, mais il était respecté et aimé, y compris par les adversaires politiques, et ce n’est pas peu dire.

          Car, il avait cet art naturel d’un entregent exceptionnel, fait de gentillesse, d’ouverture d’esprit et d’une serviabilité doublée d’humilité. Petit commerçant dynamique, il connaissait l’ensemble de la classe politique algérienne ainsi que les personnalités religieuses et du monde des affaires.

          (Cet homme avait toujours refusé d’assumer des responsabilités publiques. Sauf une fois: contraint et forcé par ses dirigeants, il se porta candidat aux élections à l’Assemblée algérienne d’avril 1948, à Sour El-Ghozlane, sa circonscription d’origine.

          Son tort fut d’être l’enfant du pays idolâtré, puisque c’est là que le coup de force électoral, sous le règne de Naegelen, prit une tournure dramatique avec des “électeurs assassinés à Aumale” et Deschmya. Et ainsi un béni-oui-oui d’une crasse politique fut proclamé représentant du peuple).

          Abane ne pouvait donc pas trouver un intermédiaire plus crédible. De but en blanc, il s’adressa en ces termes à Rebbah: “Je veux rencontrer toutes les personnalités qui comptent dans notre société”.

          Pendant des semaines, il squatta l’appartement pour y recevoir ses nombreux interlocuteurs: dirigeants centralistes du PPA-MTLD, de l’UDMA, du PCA, des Oulémas, Aïssat Idir, le futur chef de l’UGTA, Moufdi Zakaria, l’éternel poète symbole d’un Mzab fidèle à lui-même et à l’Algérie, qui sera l’auteur de l’hymne national de notre pays.

          Sans compter quelques figures de la bourgeoisie en formation pour l’aide financière, nerf de la guerre. L’impact de ces contacts est immense dans la perspective de la mobilisation de toutes les catégories sociales.

          Au niveau politique et à la suite de multiples rencontres, Ramdane réussit à arracher aux délégués attitrés qu’ils procèdent à la dissolution de leurs formations politiques respectives et qu’à titre individuel, leurs militants s’intègrent dans le processus de création du FLN en vue de soutenir l’ALN dans tous les domaines.

          Les dirigeants principaux de l’Association des Oulémas se rallieront aussi à cette perspective de rassemblement national. Il restait à transformer l’essai, c’est-à-dire à organiser le Congrès constitutif du FLN.

          C’était une véritable gageure. OU, QUAND et COMMENT. Mission quasi-impossible ? Où se réunir en pleine guerre, mais dans des conditions de sécurité absolues ?

          Quand se réunir et dans l’urgence absolue, l’hystérie des répressions coloniales risquant d’étouffer et de réduire les foyers de résistance armée, et comment acheminer les délégués et surtout les états-majors des willayas, étant donné le redoutable quadrillage du territoire par les forces et les opérations de guerre ?

          Force est de constater que ce quasi-miracle s’est réalisé. Grâce à la réflexion et au savoir-faire du tandem Ben M’hidi Larbi-Abane Ramdane, aux officiers de l’ALN, à celles et ceux qui ont participé aux commissions préparatoires des assises de cet événement, et aussi à ce mur de vigilance patriotique des villageois qui étaient mobilisés par le sens de l’honneur, sans même savoir la nature de l’événement attendu.

          En ce qui concerne les résultats des travaux, je vous renvoie aux textes publiés par nos historiens honnêtes. En résumé, pour la première fois, le FLN se donne une plate-forme politique; on peut en discuter les lacunes et les insuffisances. Mais, une première également, les structures de l’ALN et du FLN ont été précisées.

          Les professions de foi ne sont pas définies seulement par des idéaux mais par la stratégie de mise en application. En effet, juger comme si les moyens ne sont pas partie intégrante d’un programme relève de l’ignorance délibérée ou de la dissimulation. Ce qui explique que le principe de la primauté du politique sur le militaire avait une portée et garde, jusqu’à nos jours, une validité incontestable.
          Dernière modification par nacer-eddine06, 31 août 2016, 23h15.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

          Commentaire


          • #6
            Des historiques se sont opposés au congrès de la Soummam ?

            H.A.A. : Quelques historiques se sont effectivement opposés au congrès de la Soummam. Un congrès antagoniste avait même été prévu, soutenu par Nasser et Bourguiba, qui avait notamment mis la “Garde nationale” à la disposition des tenants de la contestation.

            Une crise extrêmement plus grave que celle qui avait opposé Centralistes et Messalistes par congrès rivaux interposés. Imaginez les engrenages de tueries opposant des hommes, voire des régions ou des wilayas en armes: c’était la guerre fratricide se substituant à la guerre de libération.

            J’étais le seul à la prison de la Santé à reconnaître les décisions du congrès de la Soummam. Pour toutes les raisons indiquées, et surtout en raison du consensus national qui y fut esquissé et qui pouvait servir de support international à la constitution d’un gouvernement provisoire.

            J’avais transmis au CCE – la nouvelle direction élue par le Congrès -, par l’intermédiaire du sénateur Ahmed Boumendjel, notre avocat, un message écrit dans lequel je soulignais l’absurdité d’un conflit de souveraineté, alors que le pouvoir colonial continuait à en être le vrai détenteur au regard de la communauté internationale. Et que je tenais à leur disposition un rapport concernant la constitution urgente d’un gouvernement provisoire.

            Une initiative qui, non seulement pouvait transcender les blocages résultant des luttes de clans et de personnes, mais qui devait principalement créer la dynamique diplomatique et médiatique indispensable à une solution négociée avec la puissance coloniale.

            Quant aux prolongements sur la situation actuelle, que dire sinon que l’Algérie n’en serait pas là, exsangue et dévastée, si Abane n’avait pas été assassiné par les siens et si Ben M’hidi n’avait pas été exécuté par les autres. En d’autres termes, si le principe du primat du politique sur le militaire avait été respecté.
            Le congrès de la Soummam donne lieu à des lectures idéologiques contradictoires…

            H.A.A. : Aucune autre lecture idéologique ou partisane ne pouvait être faite de ce congrès. La plate-forme de la Soummam a été, je le répète, le premier pacte politique contractuel, donc fondé sur le respect du pluralisme et non pas sur un consensus populiste. Sauf qu’on n’empêchera pas les racontars d’aujourd’hui – à l’exemple des racontars d’hier – de tenter d’asservir l’histoire à des fins de légitimation et de propagande.

            Vous avez connu Abane Ramdane. Pouvez-vous nous parler de l’individu, de l’homme qu’il fut ?

            H.A.A. : J’ai connu Ramdane au cours de cet été 1945, le plus chaud et le plus surréaliste. Il venait de Châteaudun – Chelghoum Laïd – où il travaillait comme secrétaire dans l’administration. Il était profondément marqué, malgré sa froideur apparente, par les répressions et la chasse à “l’arabe” qu’il avait vécues de très près.

            Je préfère vous parler de l’homme avant de vous donner quelques repères sur son itinéraire. Quelques semaines avant de passer l’examen du baccalauréat 2ème partie au lycée de Blida, il avait sollicité de l’administration d’être dispensé des heures de gymnastique pour mieux se préparer aux examens, car, en plus au lieu de choisir entre le bac philo et le bac mathématiques, il tenait à se présenter aux deux examens.

            La dispense lui ayant été refusée, il se mit en colère et alla se briser le bras contre un rempart de fer ou de marbre. Ce qui ne l’empêcha pas de bouder les exercices physiques pour mieux se préparer et réussir brillamment le double examen.

            Autre anecdote sans commentaire: arrêté par la PRG, alors qu’il était le responsable de l’OS dans la région de Sétif, il n’avait pas fait le moindre aveu malgré toutes les formes de torture utilisées pour le faire parler.

            Combien de fois il fut transféré d’une prison à une autre, à force de faire des grèves de la faim ou d’inciter les droits communs à l’agitation ou à la violence. Pour se débarrasser de Abane, les services pénitenciers d’Algérie durent l’envoyer en relégation dans le nord de la France. Quel tempérament !

            Son identité, c’est ce qu’il a fait de lui-même dans les pires épreuves. Ceci dit, qui n’a pas de défaut ? Il était autoritaire et jacobin. Son franc-parler le desservait terriblement. Par contre, il savait aussi écouter et exécuter les décisions prises démocratiquement.
            Quels commentaires vous inspire notre rapport à l’histoire ?

            H.A.A. : Pour les Algériens informés, le 20 Août 1956 est inséparable du 1er Novembre 54. Et par-dessus les déclarations officielles, par-dessus les rituels aussi insipides qu’hypocrites, ces deux dates de notre passé suscitent chaque année un engouement de plus en plus réconfortant au sein de notre jeunesse et de ses élites locales et régionales.

            Et cela, en dépit du délabrement planifié de la mémoire historique et peut-être à cause de ce délabrement. Chez ces exclus, cette avidité naturelle ressemble fort à une volonté de réintégration et d’enracinement profond dans le présent et l’avenir de leur nation.

            Ce ne sont pas les retours en arrière, à la recherche nostalgique de faits glorieux, qui les intéressent. Ils attendent de l’histoire, en tant que discipline, qu’elle leur livre des leçons et des enseignements. Leur rêve est de participer pleinement et efficacement à l’histoire comme dynamique populaire qui se construit dans les luttes quotidiennes pour une vie de liberté, de dignité et de justice pour tous et toutes.
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

            Commentaire


            • #7
              On retrouve Benkhedda, encore une fois, dans une période charnière avec l'ouverture politique, utilisant l'islam politiquement et créant El Oumma... Il s'insurge contre l'arrêt du processus électoral et affiche ses accointances avec la matrice islamiste algérienne en créant le mouvement Ettadhamoun avec Sahnoun...
              Othmane BENZAGHOU

              Commentaire


              • #8
                «Les centralistes ont toujours ouvré pour l'unité de la révolution et de la nation»
                Chafik B., La Tribune, 19 août 2000

                Benyoucef Ben Khedda est-il surtout un militant atypique -parce qu'il porte témoignage par écrit sur la nature et les enjeux des luttes qui ont marqué sa vie- ou encore un intellectuel tout aussi atypique, tout entier chevillé à la lutte politique ? En juillet 1962, c'est lui qui, formellement du moins, représente encore, aux yeux de l'opinion internationale, la légitimité du combat libérateur des Algériens. Il s'exprimera autant sur «les origines du 1er Novembre» que sur «la crise de juillet 1962» et sur «les Accords d'Evian» dont le gouvernement qu'il dirigeait était l'artisan principal. Ces textes, comme il le relève, ne le libéreront pas pourtant de la proscription qui le frappe comme elle aura frappé d'autres acteurs du nationalisme algérien. L'entretien qu'il accorde à la Tribune, très circonstancié sur des aspects décisifs de l'histoire de la guerre de libération, par son ampleur, rompt d'une certaine manière le temps des silences et de la stigmatisation. Il est notable que Ben Khedda se soit trouvé, en 1954 d'abord, en 1957 ensuite et 1962, au croisement des crises les plus décisives de l'histoire de la libération nationale. La question valait de lui être posée, de savoir si, de tous les choix opérés en ces circonstances, quelques-uns étaient éligibles au regret. Qui attend sa réponse. C. B.

                Samedi 19 août 2000

                La Tribune : Le retour dans l'espace public national des figures de Abbas, Boudiaf ou plus récemment de Messali Hadj marque-t-il, à votre avis, la fin de l'ère de la proscription et vous-même avez-vous le sentiment d'être un proscrit de l'histoire du nationalisme et de la libération nationale ?

                Benyoucef Ben Khedda : Depuis l'indépendance et l'avènement du parti unique, une véritable chape de plomb s'est abattue sur le pays. L'histoire de la Révolution, avant et après 1954, a été complètement occultée. Ce n'est que dans les années 80, avec le président Chadli Bendjedid, qu'est apparu le phénomène du multipartisme et que les partis et les associations ont proliféré. Malheureusement, cela n'a pas duré longtemps. L'expérience a été brutalement interrompue par la «démission» de Bendjedid, l'arrêt du processus électoral et l'instauration en janvier 1992 de l'état d'urgence. Mais les idées étaient déjà semées et, avec le retour de Boudiaf au pouvoir, les gens se sont mis à réfléchir et à se poser un tas de questions sur Boudiaf dont le nom était ignoré par toute une génération, sur son passé et sur le parti auquel il avait appartenu, ainsi que sur son rôle dans le déclenchement de la lutte insurrectionnelle. Les jeunes ne savaient grand-chose ni du mouvement national ni des figures qui, telles Messali, Abbas et d'autres encore, y avaient inscrit leur empreinte. Ce fut une révélation pour eux que de découvrir, dans les années 90, tout un pan, jusqu'ici soigneusement escamoté, de notre histoire nationale contemporaine. Les hauts responsables qui se sont succédé à la tête de l'Algérie ont tout fait pour passer sous silence cette période, simplement parce que leur nom ne figure pas parmi les promoteurs ou les artisans de l'indépendance. Prenez, par exemple, deux dates : le 19 mars 1962 et le 19 juin 1965. La première a marqué la fin d'une guerre de sept ans et demi et elle a consacré une grande victoire : l'indépendance. La seconde évoque le coup d'Etat opéré par l'état-major général de l'ANP. Elle est commémorée comme une fête nationale et donne lieu chaque année à une journée chômée et payée, tandis que l'autre est une journée comme les autres, totalement dépouillée de sa signification symbolique et historique. Pourquoi ? Parce que le 19 mars demeure malgré tout l'ouvre du GPRA aux prises avec l'hostilité et l'indiscipline de l'état-major de Ghardimaou. Une fois parvenus au pouvoir, au prix d'un coup d'Etat en bonne et due forme, les anciens chefs de ce dernier avaient préféré mettre sous le boisseau le souvenir d'un événement aussi capital, mais dans lequel ils n'étaient pas directement partie prenante, d'autant plus qu'au CNRA de 1962, ils étaient les seuls à s'opposer à la signature des Accords d'Evian. Un autre exemple est celui de l'anniversaire de l'indépendance célébré le 5 juillet, alors que la proclamation de l'indépendance de l'Algérie et sa reconnaissance officielle par la France sont du 3 juillet 1962. Là encore, des raisons politiciennes et personnelles ont prévalu sur la vérité historique. J'ai essayé pour ma part, avec mes faibles moyens, de combler les lacunes consécutives aux occultations, aux non-dits et aux approximations qui dénaturent le contenu réel de notre histoire récente. J'ai, à cet effet, écrit trois livres : Les origines du 1er Novembre 1954, Les Accords d'Evian et La crise de 1962. C'est peu et insuffisant, mais c'est, je pense, une contribution à la réémergence et à la réappropriation de la vérité sur le Mouvement national et sur son rôle majeur dans la préparation et la mise en ouvre du 1er Novembre 1954. Je dois dire que, malgré le silence médiatique qui a accompagné leur parution, ces livres sont aujourd'hui épuisés. Ce ne sont pas à proprement parler des livres d'histoire ; ce ne sont pas non plus des mémoires ou des thèses au sens universitaire -je n'en ai ni la capacité ni le talent-, mais des témoignages sur les événements que j'ai vécus au cours de mon itinéraire de militant, accompagnés de réflexions politiques et morales personnelles.Lorsque l'occasion m'est offerte, j'exprime mes idées. Depuis 1962, je n'ai cessé d'être «proscrit» tantôt ouvertement, tantôt d'une manière plus insidieuse. Avec beaucoup d'autres responsables de la Révolution, j'ai dû subir la «conspiration du silence» à laquelle n'est sans doute pas étrangère ma qualité d'ancien président du GPRA, ou de membre du CCE. Nous étions devenus en quelque sorte, et à notre corps défendant, les «pestiférés» de la politique. Hormis quelques rares invitations, et uniquement dans le cadre des anciens moudjahidine, pas la moindre référence publique qui soit de nature à rappeler avec un minimum d'objectivité le rôle politique qui fut celui du GPRA.Je dois ajouter que la proscription que vous évoquez n'est pas seulement le fait des autorités officielles. Elle est même d'usage chez certains organes de la presse dite «indépendante», à qui il arrive de faire l'impasse sur certains de mes écrits que je leur avais demandé de publier. Il y a pire. L'année dernière, par exemple, un quotidien avait reproduit une information erronée sur ma position à propos des élections présidentielles. Je lui avais adressé alors un démenti, qui fut mis sous le coude, je ne sais trop pourquoi. En dépit de mes interventions répétées, il avait fallu les menaces de Me Amar Bentoumi d'actionner la justice, pour que le démenti pût enfin paraître après cinq jours de «suspense».

                On sait que vous êtes entré très jeune en militance. Quelles étaient les couleurs de l'enfance d'un chef ?

                Vous parlez de «chef». Je me considère comme militant de la cause nationale, c'est tout. Ce sont les évènements qui ont fait de moi ce que j'ai été. J'ai appartenu à la génération qui a préparé et entrepris la lutte d'indépendance. Au lycée Ibnou-Rochd à Blida, ex-collège colonial, devenu lycée Duveyrier, nous étions, dans les années 1930 un petit noyau de trois : Saâd Dahlab et moi-même, sous le patronage de notre aîné Mohammed-Lamine Debbaghine. Il nous arrivait de lire El Ouma, édité à Paris, quand elle nous parvenait. Le noyau s'est enrichi ensuite de Yazid, Abane.Avec Dahlab, nous étions dans la même promotion : une classe d'une trentaine d'élèves environ avec quatre Algériens (on disait «indigènes»), le reste tous des Européens ; le régime colonial dispensant l'instruction au compte-gouttes aux jeunes Algériens. L'année 1936 est celle qui nous a marqués de façon particulière. C'était l'avènement du Front populaire et la bouffée d'oxygène, toute relative, qui en résulta vit cependant une certaine prolifération de formations politiques, culturelles et autres. C'est aussi dans ce contexte que s'affirma la personnalité de Messali Hadj dont les prêches en faveur de l'indépendance nationale se feront chaque jour plus pressantes et plus enflammées. A Blida même, tous les partis nationaux étaient représentés.Un jour, le principal du Collège, qui était le prototype de ce que pouvait produire le droite coloniale et réactionnaire de l'époque, entra inopinément dans notre classe, je me souviens, c'était en classe de physique. Il s'adressa au petit groupe d'Algériens que nous étions, et nous dit : «Vous les indigènes, vous voulez vous instruire pour mieux nous poignarder dans le dos ! C'est un crime que de vous instruire. Quand vous pensez que Lassaker est secrétaire général de l'Etoile nord-africaine à Blida ![...]», s'exclama-t-il avec dépit. Mohammed Lassaker, élève d'une autre promotion au Collège, ne cachait pas ses convictions politiques. Il était externe et il arborait ostensiblement sa cravate verte avec le croissant et l'étoile rouges de l'Etoile nord-africaine. Dahlab ne fit ni une ni deux. Il prit sa belle plume et rédigea un petit article au titre provocateur : «Vous êtes des poignards !» où il relatait l'événement. Cela provoqua chez nous une intense émotion lorsque nous lûmes l'article en question dans El-Ouma. Un autre fait qui a marqué notre adolescence fut la langue arabe enseignée au Collège comme «langue étrangère» au même titre que l'anglais ou l'allemand, alors que c'était notre langue maternelle - la langue officielle étant la langue française -. Cela nous choquait et nous chagrinait car nous aspirions tellement à l'acquérir afin de goûter aux chefs d'ouvre de nos ancêtres et à l'éclat de la culture arabo-islamique qui nous fascinaient littéralement.Ces souvenirs sont restés.
                Othmane BENZAGHOU

                Commentaire


                • #9
                  Vous accédez à la direction du prestigieux MTLD et lors de la crise vous donnez figure au courant «centraliste». Centralisme, est-ce une tare ?

                  J'ai adhéré au PPA en 1942. En 1943, j'ai été arrêté pour insoumission. J'avais alors refusé d'être incorporé dans une armée française qui combattait pour une cause qui n'était pas la mienne.C'est fin 1947 que j'accédais à la direction du PPA-MTLD. D'abord une petite précision au sujet de cette dénomination. Pour nous, militants, PPA et MTLD, formaient un tout, le MTLD étant la face publique, «légale», la partie visible de l'iceberg, le PPA, la partie cachée, de loin la plus importante. J'ai assisté au Congrès du Parti tenu les 15 et 16 février 1947 qui avait décidé la création de l'OS (Organisation spéciale), l'organisation paramilitaire, qui constituera le noyau de la future ALN (Armée de libération nationale) lorsque celle-ci verra le jour à la date du 1er Novembre 1954. J'en arrive tout de suite à l'année cruciale de 1954, année qui a connu la grande crise entre Messali et le Comité central. J'en ai raconté les péripéties dans Les Origines du 1er Novembre 1954. Je n'y reviendrai pas dans cette interview. Ce sur quoi je voudrai m'étendre c'est sur le point suivant : le déclenchement de l'insurrection du 1er Novembre.On sait qu'à la suite de la scission entre Messali et le Comité central apparut le CRUA (Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action), 3e force, à l'origine de la fameuse assemblée des «22» composée uniquement des anciens de l'OS. Malgré la rupture entre le Comité central et l'OS les contacts seront maintenus. On a essayé d'accréditer l'idée que les centralistes étaient contre l'insurrection, que la Comité central avait fini par verser dans le «réformisme», voire dans la collaboration avec l'ennemi.Ces attaques venues de Messali ont été reprises par certains éléments de l'OS et, aujourd'hui, elles sont encore plus ou moins exhibées non sans certaines arrière- pensées malveillantes. Votre interview m'offre l'occasion de faire le point à ce sujet. Une explication est nécessaire à cet égard. Toujours convaincu de la nécessité de l'action armée, le Comité central divergeait avec le CRUA sur un point : la date du déclenchement. Le CRUA était pour l'action immédiate, tandis que le CC demandait un délai à cause de la crise violente qui l'opposait aux Messalistes, et parce qu'il refusait une action engagée dans la hâte et la précipitation. Partisans, par ailleurs, d'une stratégie unitaire, ils (les centralistes) regrettaient que l'aile activiste du PPA-MTLD, ne comptant que sur elle-même, fût portée à sacrifier à la précipitation en court-circuitant délibérément les autres forces populaires capables d'apporter une adhésion décisive à l'insurrection.. Par deux fois, Lahouel avait demandé à Boudiaf de différer la date du déclenchement de deux ou trois mois afin de mettre sur pied un appareil de combat minimum, désigner une direction et élaborer une plate-forme d'union. Par ailleurs, Abdel-Nasser, du Caire, pressait notre délégation à l'extérieur de franchir le pas et il semblait offrir là dessus des garanties. Le CC chargea alors Lahouel et Yazid d'une mission auprès du Raïs afin d'examiner le bien-fondé de ces garanties, leur nature et leur importance. Lorsque les deux délégués débarquèrent au Caire le 29 octobre, les dés étaient déjà jetés : deux jours après, c'était l'embrasement du 1er Novembre 1954. On a essayé de coller aux centralistes je ne sais quelle étiquette infâmante d'appartenir à la fameuse «troisième force» initiée par Soustelle. Et l'on s'est basé pour cela sur une entrevue que l'ancien Gouverneur général accorda, fin mars 1955, à une délégation de personnalités algériennes de différentes tendances. Composée de Kheïreddine (pour l'Association des Oulama), Francis (pour l'UDMA), Ouagouag (pour le MNA), cette délégation comprenait également Hadj Cherchalli présenté pour l'occasion comme porte-parole des «centralistes». Or, celui-ci avait déjà quitté le PPA-MTLD quatre ans plus tôt, en 1951, et de ce fait, il n'avait aucune qualité pour représenter le CC. A la date de l'entrevue avec Soustelle, c'est-à-dire le 28 mars 1955, les membres du Comité central étaient éparpillés géographiquement : les uns étaient détenus à la prison de Serkadji et les autres se trouvaient soit en France, soit au Caire, ou alors activaient déjà au sein de l'organisation FLN d'Alger.Je dois dire que les centralistes, conscients du danger de la division et des manouvres de l'Administration coloniale, ne se sont jamais prêtés au jeu de la manipulation. Ils ont toujours ouvré pour l'unité de la Révolution et de la Nation. Au début de la guerre, plus précisément en avril 1955, le FLN lui-même, dans un tract, enjoignit aux militants de «démasquer les messalistes qui continuent à semer le confusion, ainsi que les centralistes qui, par lâcheté, assistent en spectateurs à notre lutte, lorsqu'ils ne la dénigrent pas en privé».L'opportunité m'est offerte ici de rappeler qu'au moment où Abane écrivit ces lignes, les centralistes n'étaient en mesure d'être ni des «spectateurs» ni des «dénigreurs». Et, pour cause ! Hocine Lahouel, ex-Secrétaire général du PPA-MTLD et M'hammed Yazid, ancien chef de la Fédération de France du Parti entre 1950 et 1953, qui se trouvaient au Caire, avaient rejoint le FLN dès le lendemain de la lecture de la Proclamation du 1er Novembre sur les ondes de Saout-el-Arab. Yazid ne tarda d'ailleurs pas à devenir assistant de Hocine Aït Ahmed qu'il accompagna à la Conférence de Bandoeng (avril 1955), et qu'il remplacera à la tête de la Représentation FLN à New York après la capture de ce dernier dans «l'avion des cinq» (octobre 1956). Le groupe le plus nombreux avait été arrêté, pour certains dès novembre 1954 (Ben Khedda, Kiouane, Dekhli.), pour le reste à la date du 22 décembre (Sid-Ali Abdelhamid, Ahmed Bouda, Mustapha Ferroukhi, Abdelhamid Mehri, Saâd Dahlab, Messaoudi Zitouni, Abdelhakim Bencheikh El Hocine, Larbi Demagh-el-Atrous, Koceïr Mustapha.). Ces cadres et responsables ne seront élargis qu'à la mi-mai 1955. Tant que dura leur détention, ils étaient évidemment dans l'impossibilité matérielle de s'exprimer, et encore moins de «gêner» le FLN ou de lui porter tort de quelque façon que ce soit. Ben Khedda, Bouda, Kiouane, Louanchi et Mehri étaient les chefs de file de ce groupe. Se rendant compte de son erreur de jugement quand il dénonçait leur attentisme, Abane entre-temps se ravisa à leur sujet. Il nouera contact avec eux et les rencontrera, a plupart du temps individuellement, afin de sceller l'adhésion au Front de l'ensemble des anciens centralistes. la prison de Serkadji, Ben Khedda et Kiouane avaient reçu séparément, fin février 1955, la visite du Commandant Vincent Monteil, chef du cabinet militaire de Soustelle, venu les «sonder».

                  Ils s'étaient bornés à lui signifier que les seules personnes qualifiées pour discuter avec les autorités françaises du statut futur de l'Algérie étaient les dirigeants du FLN. Ils lui avaient néanmoins suggéré que si la France était réellement désireuse de négocier, elle devrait, en gage de bonne volonté, libérer la totalité des Algériens arrêtés ou assignés à résidence consécutivement aux évènements du Premier Novembre. S'il est probable que le Gouverneur général Soustelle a caressé l'espoir d'embrigader les centralistes dans une «troisième force» destinée à contrecarrer la représentativité du FLN, il en aura été pour ses frais à tous égards. Aucun d'entre eux ne s'est prêté à un tel stratagème ni à aucun marchandage. Nul parmi eux n'a esquissé le moindre geste qui eût fait douter de son patriotisme. Reste qu'en dénonçant les centralistes dans son tract d'avril 1955, Abane s'était sans doute mépris sur la qualité de l'une des quatre personnalités auxquelles Soustelle avait accordé audience. En l'occurrence, Hadj Mohammed Cherchalli dont la presse du moment s'empressa de clamer abusivement sa soi-disant qualité de centraliste. Enfin, et quitte à contredire Abane une nouvelle fois, il ne serait pas superflu de relever que dès décembre 1954 - janvier 1955, beaucoup de responsables catalogués centralistes étaient déjà sur la brèche à Alger. Tels Ahmed Hassam, Hachemi Touati, Ahmed Akebane et Nadir Kessab, qui avaient rejoint le FLN à cette période par l'intermédiaire de Hadi Bachdjarrah, membre de l'Organisation. Ils constituèrent un réseau, le premier du FLN pour la région couvrant Kouba et une partie de Birmandreïs et de Léveilley/ Hussein-Dey. Tous les chefs de groupe ou de quartier étaient d'ex-centralistes. Parmi eux, Mohammed Dab, Redjimi Badreddine, Abdesselam Rachid, Touati Hamdi, Tahar Kédouï ou Mahmoud Boudjatit, seront les pionniers qui enracineront l'Organisation dans ce secteur important de la partie est d'Alger. Pour la petite histoire, mentionnons que Nadir Kessab abrita dans sa villa à Kouba, quelques semaines avant le 1er Novembre, une réunion à laquelle prirent part Krim, Ouamrane, Boudiaf et Ben Boulaïd. Elle dura deux matinées consécutives et porta, semble-t-il, sur les modalités d'entrée du représentant de la Kabylie au sein de la nouvelle direction de la Révolution. Toujours dans les tout débuts de l'année 1955, activait dans la Casbah, à Bab el Oued, Climat-de-France, Fontaine-Fraîche et Beau-Fraisier, un autre réseau animé par le tandem Hammada-Ahcène Laskri, eux aussi centralistes. Leur réseau et celui de Hassam-Touati à Kouba étaient supervisés par Hachemi Hammoud, assisté de Brahim Chergui, centralistes également. Le même Hachemi Hammoud assurait par ailleurs la coordination avec Mustapha Fettal et ses groupes armés, et travaillait en étroit contact avec Mohammed Ben Mokaddem, autre membre influent du FLN algérois. Pour mémoire, citons le cas de Souyah Lahaouari, cette fois à Oran : ex-centraliste, il fut l'un des assistants de Hadj Ben Alla, adjoint de Ben M'hidi en charge de l'Organisation de la capitale de l'Ouest. Entre autres activités, il fut un maillon important dans les liaisons entre Alger et l'Oranie. Conclusion : les ex-centralistes n'ont pas été si «attentistes» qu'on l'a prétendu non sans complaisance. La plupart d'entre eux, pour peu qu'ils aient pu échapper aux arrestations de novembre et décembre 1954, ont pris promptement leurs responsabilités : moins de deux mois après le déclenchement insurrectionnel, ils ralliaient le FLN, et occupaient déjà en son sein des postes de responsabilité. Enfin, et pour revenir au libellé de votre question, je vous répondrai que l'étiquette de centraliste correspond à une certaine réalité du PPA-MTLD au moment de sa crise en 1953-1954. Par opposition au messalisme, elle exprime avec précision la tendance démocratique du Parti qui s'opposait au populisme outrancier de Messali, refusait avec véhémence le culte de la personnalité dont il était l'objet avec son propre assentiment, et repoussait sa prétention totalitaire à revendiquer la présidence à vie du Parti. Est-ce aussi une tare que d'être taxé de centraliste face à l'arrogance des Messalistes pour lesquels certains font aujourd'hui du forcing afin de les dédouaner de leurs comportements antipatriotiques et antinationaux, et de la guerre sans pitié qu'ils ont menée contre les militants du FLN.Dans leur grande majorité, les centralistes étaient des cadres moyens ou supérieurs du Parti. Après Novembre 1954, on les retrouve, dès qu'ils en ont la possibilité, aux avant-postes et dans tous les rouages de la Révolution. Est-ce là une tare également ? Le fait est que les éléments du CRUA leur pardonnent difficilement d'avoir, selon eux, cherché à entraver le déclenchement insurrectionnel de Novembre. En réalité, ce que les centralistes ont voulu c'était que la préparation de ce déclenchement fût plus réfléchie, non précipitée au point d'exclure les autres forces patriotiques qui militaient pour l'indépendance. Et là encore, est-ce une tare que d'avoir privilégié la cohérence, l'unité de vue et le souci de l'efficacité afin de préserver le mouvement des aléas de l'improvisation ? Sûrement pas, même si d'aucuns tirent argument de cette attitude responsable pour nous imputer aux moindres frais le grief de «tiédeur» ou de «réformisme».Pour clore cette affaire des centralistes, rappelons, qu'en 1961, le CNRA fit encore appel à des centralistes. Bien que «décriés», on savait qu'on pouvait compter sur eux. Dahlab, Ben Khedda, Yazid seront «injectés» dans le processus des pourparlers en cours. Ils contribueront au succès des accords d'Evian qui reconnaîtront à l'Algérie l'indépendance et la souveraineté dans le cadre de son unité territoriale, y compris le Sahara.
                  Dernière modification par ott, 07 septembre 2016, 22h47.
                  Othmane BENZAGHOU

                  Commentaire


                  • #10
                    Avec le recul, quelle lecture faites-vous des termes de cette crise et avez-vous, en particulier, le sentiment qu'une dérive réformiste avait éloigné la direction du parti des «lourds» de l'OS ?

                    J'ai répondu en partie à cette question. S'il y a eu «dérive», c'est à partir de la mort de Abane. Certains dirigeants de la Révolution ne lui ont jamais pardonné son fameux principe de la primauté du politique sur le militaire. Son exécution, au mépris de la légalité révolutionnaire, constitue un camouflet innommable aux principes et valeurs de Novembre. En fait, elle représente le premier coup d'Etat qu'enregistre notre Révolution. Ce sont, en effet, les chefs militaires, membres du CCE élargi en août 1957, qui, après s'être sommairement débarrassé de Abane, se sont adjugés l'intégralité du pouvoir FLN. Abane n'eut pas droit à un procès équitable. Aucune instruction ou procédure à son encontre, aucun tribunal formé de ses pairs pour le juger. Depuis, la réalité de ce pouvoir n'a plus échappé aux militaires. Et c'est là le tournant tragique de la Révolution. C'est là la déviation. Désormais, le pouvoir est entre les mains des militaires qui le garderont pour de bon, et la déviation se poursuivra par la permanence des coups d'Etat. En 1959, c'est un deuxième coup d'Etat qu'ils opèrent en forçant le GPRA à remettre ses pouvoirs à l'assemblée des 10 colonels réunis à Tunis (août-décembre 1959). En 1962, c'est le 3e coup d'Etat, opéré par l'état-major contre le GPRA, assorti de l'instauration du régime du Parti unique. En 1965, quatrième coup d'Etat : c'est le renversement de Ben Bella par Boumediene; désormais les militaires s'emparent de l'Etat directement.En 1992, c'est la «démission» du président Chadli et son remplacement par le HCE avec l'annulation du processus des élections et l'instauration de l'état d'urgence qui conduit l'Algérie là où elle est aujourd'hui.

                    Auprès de Abane, vous contribuez à redéfinir les contours du FLN et à lui donner des assises au Congrès de la Soummam. Finalement, qui avait véritablement adhéré aux thèses de la Soummam et pourquoi le front de contestation -de Ben Bella et des dirigeants de l'extérieur en passant par les responsables de la zone II- a-t-il pu paraître aussi important ?

                    Abane, certes, a été l'architecte du Congrès, mais sans Ben M'hidi ses thèses n'auraient jamais, prévalu. En effet, pour Zighout et les éléments nord-constantinois, Abane était un inconnu. En dehors de son militantisme au PPA-MTLD et de son séjour en prison, ils ne connaissaient pas grand-chose de lui. Par contre, ils avaient une entière confiance en Krim et Ouamrane avec lesquels ils entretenaient d'excellents rapports, ainsi qu'en Ben M'hidi : membre de l'OS dès sa création en 1947, membre des «22» du CRUA, puis du Comité des «6 historiques» du 1er Novembre 1954, c'étaient là autant de titres et de références qui imposeront Si Larbi comme l'homme du consensus. Entouré de respect et de considération, ce n'est pas un hasard si l'honneur de présider les travaux du Congrès lui reviendra. Le succès de la Soummam est donc à porter au compte non du seul Abane mais, davantage, au compte du tandem exemplaire qu'il formait avec Ben M'hidi. On rapporte que Youcef Zighout, sollicité au Congrès de la Soummam pour entrer au CCE, aurait refusé, préférant se consacrer à sa wilaya. Sollicité à son tour, Ben Tobbal aurait eu la même réaction. Zighout et Ben Tobbal, les deux chefs du Nord-Constantinois, ont voté comme le reste des congressistes pour les thèses de la Soummam. Le malheur fut qu'au lendemain du Congrès, Zighout regagnant sa wilaya fut tué dans un accrochage avec l'ennemi. Avec sa disparition, ces thèses perdent un de leurs soutiens les plus loyaux. Il semble que Ben Tobbal ait changé d'avis au Caire lors de la réunion du CNRA, en août 1957, et qu'il ait opéré un revirement à propos des thèses retenues à la Soummam.


                    Comme vous l'observez, la question de la torture des militants algériens par l'Armée française revient au premier plan du débat politico-historique. Vous étiez, à Alger, aux premières lignes de cette période douloureuse.

                    D'abord, une remarque : la torture n'est pas un phénomène en rapport seulement avec la guerre d'Algérie d'une façon générale, et la bataille d'Alger d'une façon particulière. Elle a toujours été, avant Novembre 1954, le traitement en quelque sorte «classique» par lequel devait obligatoirement passer tout militant en cas d'arrestation. Cependant, la question de la torture en Algérie a pris un relief exceptionnel avec la dévolution, en 1956, à la 10e DP (division parachutiste) des pouvoirs de police relevant jusqu'alors de l'autorité civile. Telle qu'elle fut pratiquée par Massu et ses colonels, Bigeard notamment, la torture n'était pas du tout envisagée comme une simple technique d'obtention et d'exploitation du renseignement. Elle était beaucoup plus encore, puisque les services spécialisés de l'armée l'intégraient dans un dispositif à l'échelle d'une véritable politique d'Etat de répression et de destruction, voulue et encouragée par le gouvernement français lui-même. Dans ce dispositif, la torture était l'élément central, l'élément privilégié d'une horrible entreprise d'avilissement, celle que poursuivaient avec rage les théoriciens de la «guerre subversive». Sous prétexte que l'enjeu de la torture résidait dans la défense de «l'Algérie française» contre la «barbarie» du FLN, on la généralisait à tour de bras, sans le moindre état d'âme. Assimilés indistinctement à des suppôts soit du communisme international, soit de puissances étrangères, les militants algériens, une fois arrêtés, subissaient les pires épreuves physiques et morales. Pour réduire leur résistance, la torture, dans les mains des Paras, devenait un instrument de guerre quasi institutionnalisé avec la bénédiction d'un Guy Mollet, d'un Mitterrand, d'un Bourgès-Menoury, d'un Lacoste ou d'un Max Lejeune. Son efficacité se mesurait à l'aune de son degré d'ignominie.Désireux de frapper vite et fort les éléments du FLN/ALN, les promoteurs de la torture n'ont fait que l'exaspérer. Ils finiront par la systématiser aux dimensions d'une horreur monstrueuse, qui soulèvera l'indignation de la conscience universelle. Couverte par les plus hautes autorités, l'Armée française a répandu en Algérie l'usage de la torture et l'a, en quelque sorte, officialisée et rendue obligatoire. Moyennant quoi, elle a non seulement bafoué les droits de l'Homme les plus élémentaires mais s'est encore déshonorée en se livrant en connaissance de cause aux crimes contre l'humanité les plus atroces. Les anciens de la bataille d'Alger qui ont eu l'infortune d'être capturés se souviendront toujours de ces lieux de sinistre mémoire que furent pour eux la villa Susini, le stade municipal du Ruisseau, la caserne de Fort l'Empereur, l'ex-Bibliothèque nationale de la Casbah, l'immeuble du cinéma «Rex» à El-Biar, l'école Sarrouy, le café dit «qahouet el-hammam», ou encore la villa Gras à Baïnem. Ils s'en souviendront comme ayant été des officines où furent expérimentés les traitements les plus sophistiqués et les plus cruels sous la houlette des capitaines Faulques, Allaire, Léger. ou des lieutenants Erulin, Charbonnier, Schmidt, ce dernier accédant même dans les années 1985, au poste de chef d'état-major de l'Armée de terre. Et quand l'eau, l'électricité, le chalumeau ou la strangulation n'y suffisaient pas, l'exécution sommaire pure et simple était de règle. Les trois mille disparus (le chiffre est trop modeste) de la bataille d'Alger que le Secrétaire général Teitgen de la préfecture d'Alger a osé révéler, furent en fait liquidés sans autre forme de procès. Et la liquidation n'était dans l'esprit des Paras, qu'un banal moyen d'éliminer les éléments qui, trop «amochés» par leurs sévices, ne devraient pas constituer plus tard la preuve vivante de leur innommable barbarie.La torture à vaste échelle employée en Algérie a débouché sur une entreprise de crimes de guerre qui, par leur férocité et leur ampleur, ont fini par se transformer en crimes contre l'humanité, par définition imprescriptible.

                    Il est difficile aussi de ne pas vous interroger sur le figure de Abane qui fut votre condisciple au lycée de Blida.

                    J'ai déjà répondu à cette question l'année dernière dans votre édition du 18/08/1999 et dans celle du 24/06/2000.
                    Othmane BENZAGHOU

                    Commentaire


                    • #11
                      Vous signez, en 1976, un appel commun avec Abbas, Kheïreddine. Le nationalisme, tel que vous l'avez vécu, vous paraît-il incompatible avec les valeurs de liberté et de démocratie ?

                      Vous avez oublié le troisième signataire de l'appel, un nom célèbre, qui, lui aussi a été «proscrit», il s'agit de Hocine Lahouel, ancien Secrétaire général du PPA-MTLD, deuxième personnage du Parti après Messali. (Lire l'encadré de l'«Appel au peuple algérien»). Au moment où Boumediene régnait sans partage sur l'Algérie, il fallait faire entendre une voix d'opposition. L'occasion nous fut donnée, en mars 1976, à propos d'une prétendue «Charte nationale» qu'il avait fait confectionner et qu'il voulait imposer au peuple algérien pour légitimer son pouvoir. L'Algérie se trouvait alors en guerre avec le Maroc, et les deux blocs Est et Ouest étaient en pleine guerre froide.Les signataires de l'Appel craignaient que le conflit ne déborde aux deux ailes du Maghreb et ne soit le prétexte pour les deux Super Grands d'intervenir en Afrique du Nord à l'image de l'Angola où ils s'affrontaient dans un bain de sang dont la population faisait les frais. Nous réclamions la voie des négociations au lieu de celle de la guerre pour régler ce conflit fratricide entre deux peuples voisins.Pour la «Charte nationale», nous réclamions l'élection d'une Assemblée constituante souveraine, seule apte à voter un pareil document.Cette position nous valut :- notre mise en résidence surveillée dans notre domicile,la nationalisation de la pharmacie de Abbas et celle de Ben Khedda, la nationalisation de l'usine de Polymères, propriété de la famille Kheïreddine, la suppression du salaire de Hocine Lahouel, directeur d'une société nationale. La très officielle agence APS nous traitera d'«éléments réactionnaires» agissant pour le compte de l'étranger, dénonciation reprise par les journaux de l'époque. L'événement fut médiatisé à l'extérieur. Boudiaf nous apporta son soutien, suivi de Aït Ahmed, Lebjaoui, Kaïd Ahmed.A l'intérieur, il n'y eu pas de réaction. Seule une équipe de militants, animée par Dahlab, prit l'initiative de faire paraître un Document. Le Document fut suivi d'un Bulletin intitulé Liberté et Démocratie, qui était édité et distribué clandestinement. C'était un bulletin tiré à la ronéo, d'une douzaine de pages environ et dont le dernier numéro date de septembre 1978.Les articles condamnaient le régime, les atteintes aux droits de l'Homme et réclamaient les libertés publiques pour le peuple. Il faut rendre hommage à cette équipe de militants travaillant avec la crainte de tomber entre les mains de la redoutable SM ; celle-ci ne réussit heureusement pas à les identifier malgré les efforts considérables qu'elle avait déployés. Le nationalisme tel que je l'ai vécu est dépassé. Il a rempli sa mission historique : la libération de la patrie. Cependant son esprit reste. Les valeurs qu'il a véhiculées sont plus que jamais d'actualité, car le nationalisme n'a exclu ni la liberté ni la démocratie. Hélas, ces valeurs ont été chez nous galvaudées ou dénaturées. Paraphrasant le cri de cour d'un célèbre politique, je serai tenté de dire : «Liberté! Démocratie! Justice! Tolérance! Que de crimes on continue à commettre en votre nom !» La tragédie que nous vivons prendra fin dans la mesure où nous revenons à l'esprit de la Proclamation du 1er Novembre 1954 qui avait fait notre force au cours de la Guerre de libération et qui appelait à un «Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques».Le nationalisme tel que je l'ai vécu et pratiqué est maintenant dépassé, l'objectif d'indépendance qu'il poursuivait ayant été pleinement atteint. Cependant son esprit n'est pas révolu ; il reste, car il incarne la permanence des valeurs patriotiques et nationales dans lesquelles se reconnaît le peuple.Avec la mondialisation et les nouvelles adaptations qu'elle induit à l'échelle planétaire, l'esprit du nationalisme doit être certes jalousement préservé. Mais il lui incombe d'intégrer avec d'avantage de crédibilité et de conviction les idéaux de liberté, de démocratie, de justice et de tolérance qui conditionnent impérieusement aujourd'hui le devenir harmonieux des Etats et des peuples. Chez nous, des ouvertures vers ces valeurs ont bien été tentées. Hélas, elles ont chaque fois avorté. Paraphrasant le cri de cour d'un célèbre politique, je serais tenté de lancer à mon tour : «Liberté ! Démocratie ! Justice ! Tolérance ! Que de crimes , que de dépassements on continue à commettre en votre nom !»Pourtant, je persiste à penser qu'il faut toujours faire confiance à l'histoire, et ne jamais se laisser aller à insulter l'avenir. Qu'on le veuille ou non, les valeurs démocratiques, greffées sur notre vieux fonds nationaliste, sont, à présent, bel et bien implantées dans notre subconscient collectif. Surtout elle donnent à notre peuple de solides raisons de se réconcilier avec lui-même, et de ne pas régresser. Mes espérances là-dessus sont intactes. En attendant qu'elles trouvent leur voie, je continue, pour ma part, à m'en tenir, quoiqu'il arrive, au seul crEdo qui vaille encore, à mes yeux, la peine d'être observé : celui que la Proclamation du Premier Novembre a merveilleusement exprimé en affirmant : «Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.»

                      Benyoucef Ben Khedda a été président du gouvernement provisoire de la République algérienne qui poursuivit et conclut les négociations d'Evian.
                      Othmane BENZAGHOU

                      Commentaire


                      • #12
                        Othmane BENZAGHOU

                        Commentaire


                        • #13
                          Ce jeu de toboggan piégé et savonné qui ramenait toujours au point de départ avait fini par excéder nos compatriotes: “Ne nous appelez ni à l’abstention ni à la participation électorale ! Donnez-nous des armes !”: ce message nous parvenait de partout. C’est à ce message qu’a finalement répondu l’appel du 1er Novembre.
                          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                          Commentaire


                          • #14
                            Le principe de la lutte armée était entériné dès le congrès d'Hornu en juillet 1954, comme il était en pourparler entre les centralistes et Boudiaf au printemps 1954. Le refus des centralistes de cette insurrection qu'ils disent précipitée à amené Boudiaf à prendre ses distances avec ces derniers... BOUDIAF dit clairement qu'il avait besoin des centralistes pour négocier avec les Français... Le leadership de l'insurrection a été l'occasion de bien des TOBOGGANS PIEGES ET SAVONNES... Sans aveugler les lecteurs par la taille de caractères, ou par un espèce de discours en langue de bois doublé de slogans bien soulignés qui reflète assez bien les méthodes des gardiens d'un temple de l'histoire officielle...




                            a prison de Serkadji, Ben Khedda et Kiouane avaient reçu séparément, fin février 1955, la visite du Commandant Vincent Monteil, chef du cabinet militaire de Soustelle, venu les «sonder».

                            Ils s'étaient bornés à lui signifier que les seules personnes qualifiées pour discuter avec les autorités françaises du statut futur de l'Algérie étaient les dirigeants du FLN
                            En février 1955 Benkhedda affirmait déjà en prison son adhésion pleine et entière à un FLN, unique représentant des algériens, qu'il avait refusé de rejoindre 4 mois auparavant!!! mais qu'il rejoint immédiatement à sa libération de prison en mai 1955... Un gros mensonge assez suspect!!!!
                            Dernière modification par ott, 07 septembre 2016, 23h01.
                            Othmane BENZAGHOU

                            Commentaire

                            Chargement...
                            X