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La grande illusion de l’avenir

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  • La grande illusion de l’avenir

    L’avenir doit toujours être meilleur pour les tenants du progrès. Face aux espoirs déçus, les mots en “isme” qui proposent des solutions collectives fleurissent.

    En 1900, une étude fut réalisée. L’institut de sondage posait la question suivante : « Comment voyez-vous l’avenir ? »

    Toutes les personnes interrogées prévoyaient un avenir meilleur. Les machines commençaient tout juste à faire leurs premiers pas, mais les gens en cernaient déjà le potentiel.

    Actuellement, vous pouvez voir un peu de cet optimisme s’afficher sur les murs du métro parisien.

    À la station Montparnasse, une illustration datant de la fin des années 1800 montre ce que cet artiste imaginait, à propos du siècle suivant. Sa vision est fantastique : des véhicules volants… des trottoirs aériens… des instruments mécaniques incroyables, tous élaborés grâce à la technologie de l’Ère de la Machine telle qu’on la concevait à l’époque.

    Il n’y a aucune trace de systèmes hydrauliques, de moteurs à réaction ou d’instruments électriques, par exemple. Il n’y a que des engrenages et des poulies… et des machines volantes battant des ailes telles des oiseaux.

    Pour revenir à cette étude, lorsque la question de savoir ce que réservait l’avenir fut posée aux sondés, l’avis le plus remarquable, du moins de notre point de vue, fut le suivant : le gouvernement aurait moins de pouvoir et son poids diminuerait.

    Presque tout le monde le pensait. Nous n’aurions plus tellement besoin d’un gouvernement, déclaraient les gens. Tout le monde serait riche. Les gens riches fraudent et grugent peut-être mais ils ne s’embusquent pas dans des ruelles obscures pour en assommer d’autres et leur voler leur portefeuille.

    Ils n’ont pas besoin de percevoir de pension de l’État, ni de bénéficier de l’assurance-maladie. Ils n’attaquent pas non plus leurs voisins.

    La Grande Illusion

    En 1909, Norman Angell, homme politique britannique, publia un best-seller intitulé The Great Illusion dans lequel il expliquait pourquoi.

    La richesse n’est plus basée sur les terres, argumentait Angell, mais dépend plutôt des usines, du monde financier, et de relations délicates entre fournisseurs, fabricants et consommateurs. Et comme ce capitalisme améliore la vie des gens, ils n’auront pas envie de faire quoi que ce soit pour le perturber, car cela ne ferait que les appauvrir.

    Le vicomte Esher, membre du Comité de défense impériale britannique, figurait parmi ses lecteurs les plus éminents. Ce comité, instauré en 1904, était chargé de rechercher et coordonner des stratégies militaires pour l’empire britannique.

    Esher avait déclaré à un auditoire que « les nouveaux facteurs économiques prouvaient nettement l’absurdité des guerres agressives ».

    À la fin du 19ème siècle, le commerce était l’une des principales composantes de la richesse. Le capitalisme prospère en période de paix, de stabilité de la monnaie, de respect des droits de propriété et de libre-échange. Il était clair que tout le monde en bénéficiait. Qui aurait voulu chambouler tout ça ?

    « Bientôt, les guerres appartiendront au passé », concluait Esher.

    Il avait tort. En août 1914, tout se trouva chamboulé malgré tout.

    La Grande Guerre éclata cinq ans après que le livre d’Angell soit devenu un best-seller. La première journée de la Bataille de la Somme, il y a 100 ans, fit plus de 70 000 morts.

    Lorsque les Américains arrivèrent en 1917, l’espérance de vie du soldat moyen envoyé au front n’était que de 21 jours. Et le Jour de l’Armistice — le 11ème jour du 11ème mois de l’année 1918, à 11 heures du matin – cette guerre avait fait 17 millions de morts, 20 millions de blessés et déboulonné les principales familles régnantes d’Europe continentale : les Hohenzollern, les Habsbourg et les Romanov (les Bourbon et les Bonaparte avaient déjà quitté la France).

    L’ère des idéologies en « isme »

    À la Grande Guerre succéda une période troublée qui dura 30 ans.

    La désintégration des institutions d’avant-guerre brisa les liens solides qui unissaient les économies civilisées à leurs gouvernements.

    Les réparations infligées à la République de Weimar, après la guerre, déclenchèrent l’hyperinflation en Allemagne. Pendant ce temps, l’Amérique savourait les Années Folles, tandis que les Européens réglaient leurs dettes, en or, aux créanciers américains.

    Mais la fête s’acheva en 1929. Alors, l’État noya le carburateur en s’efforçant maladroitement et désastreusement de faire redémarrer le moteur, notamment avec le Smoot-Hawley Act qui limitait les échanges internationaux.

    Les idéologies en isme – fascisme, communisme, syndicalisme, socialisme, anarchisme –envahirent l’espace à la manière des émissions de CO2.

    Elles proposaient des solutions !

    Finalement, le fragile communisme (avec l’aide du capitalisme démocratique moderne) rencontra les méandres noirs du fascisme dans une nouvelle explosion de violence menée par les gouvernements, et qui dura six ans : la Deuxième Guerre mondiale.

    À la fin de cette période, l’Occident en avait assez. L’Europe s’apaisa, ses gouvernements adoptant diverses formes de social-démocratie.

    L’Amérique retourna à ses moutons, ses carnets de commandes bien remplis et ses usines toujours intactes.

    La fin de l’Histoire ?

    Les idéologies en isme tinrent bon en Union soviétique et se déplacèrent vers l’Asie, usant un peu plus de la machine de guerre en Corée… et, plus tard, au Vietnam.

    Finalement, en 1979, le leader chinois Deng Xiaoping annonça que, même si le Parti Communiste conservait le pouvoir, le pays allait abandonner ses principes marxistes-léninistes-maoïstes.

    La Chine rejoignit l’économie mondiale avec sa version bien à elle d’un capitalisme piloté par l’État. Ensuite, 10 ans plus tard, l’Union soviétique renonça encore plus totalement… rejetant aussi bien le Parti communiste que le communisme lui-même.

    Cet évènement fut salué dans un essai stupide intitulé La Fin de l’Histoire ? publié par le politologue américain Francis Fukuyama.

    Au bout du compte, cette longue bataille avait été gagnée. Selon Fukuyama, « cela marquait la fin de l’évolution idéologique de l’humanité et la généralisation de la démocratie libérale occidentale, qui serait le tout dernier modèle de gouvernement de l’humanité. »

    L’avenir lui donnera-t-il raison ?



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