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Le voile en Islam : ce qu’en dit le Coran

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  • Le voile en Islam : ce qu’en dit le Coran

    Dans l’interview réalisée par Arthur Nourel avec le Pr Azab, il est question du voile et de la femme en islam. Parler du voile exige de plonger dans la période qui a vu apparaitre la religion musulmane, ce qui exige donc des connaissances sérieuses dans plusieurs disciplines dont l’histoire, la linguistique, la grammaire. Dans la société ante islamique de la péninsule arabique, la femme n’avait pas beaucoup de droits. « Plus nous nous rapprochons de l’apparition de l’Islam, moins le statut de la femme est enviable. », dit le professeur en rappelant que certaines familles ensevelissaient des nouveaux nés de sexe féminin. « La répudiation d’une femme par son époux la laisse sans droits et sans recours. Donc dans un temps rapproché de l’apparition de l’Islam, « un homme épousait à sa guise et en même temps le nombre de femmes qu’il voulait ; et qui dépendaient souvent de lui pour survivre ; de la même manière, il pouvait aussi en répudier autant qu’il voulait, sans avoir d’obligations légales vitales vis à vis d’elles. Assez vite, ces femmes répudiées qui dépendaient des époux pour vivre, se retrouvaient dans la misère. Lorsqu’elles ne tombaient pas en esclavage dans le strict sens du mot, elles se livraient à la prostitution qui est une forme terrible d’esclavage. Et pour attirer l’attention, elles avaient souvent la poitrine nue, à l’image des prostituées sacrées, connues en Mésopotamie et en Inde, régions avec lesquelles la péninsule arabique commerçait et avait des échanges culturels et humains intenses. » Les femmes de mœurs légères déambulaient donc la poitrine nue, ce qui n’était pas le cas des autres femmes, mariées ou pas. La poitrine nue était le signe distinctif des prostituées. Ce détail est capital pour la compréhension de la sourate liée directement à la question de la pudeur exigée dans la Sourate « Al Nour » qui utilise le mot « Khimar ». « Wa liyadrabna bi khumurihenna ala jouyoubihenna ».

    Cependant, le professeur précise que lors d’un certain pèlerinage païen, « il était de tradition, avant l’apparition de l’Islam, que les hommes et les femmes effectuent nus le pèlerinage païen autour de la Kaaba », ajoutant que « C’était une pratique répandue avant l’apparition de l’Islam et que le texte (verset En-Nour, ndlr) vient interdire de manière formelle et définitive. »

    Mais que signifie khimar (pluriel « khumurs » utilisé dans la sourate En-Nour ? Le Pr Azab précise : « la traduction du mot la mieux admise indique que c’est un vêtement large. Le mot « jouyoub » veut dire « poches » en arabe moderne. Mais un poète ante islamique, parlant de la beauté d’une belle, évoque ses « jouyoub » et nous apprend que la belle laissait « nue », c’est-à-dire visible, sa poitrine. Le texte sacré invite donc les femmes à ne pas montrer leurs seins et à rabattre leurs amples vêtements sur leurs poitrines ; à ne se dévoiler que devant les leurs ; à ne pas avoir de conduite provocatrice. Rien que de très banal en somme comme recommandation. Et cette invitation à la mesure se retrouve dans les trois religions monothéistes. En Islam, cette invitation s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes. » Le verset ne demande pas de se couvrir la tête mais la poitrine. C’est donc clair, net et précis.

    A la question « Comment le voile est-il évoqué dans le texte du Coran ? », le Pr Azab répond : « Le terme « voile » en français, celui que l’on porte sur la tête, est utilisé comme traduction du mot arabe « hijab ». Et du point de vue du linguiste, cette traduction est un glissement de sens. Le thème du hijab est abordé huit fois dans le Coran. Et pas une seule fois pour désigner l’habit dont la femme devrait se couvrir la tête. »

    Voici les sourate en question où le mot hidjab est utilisé mais pas pour signifier le voile que portent les femmes sur la tête. Chaque mot est polysémique, et là, voile est utilisé comme image, ou au sens figuré.

    1/ « Dans la Sourate 7, verset 46, le texte, qui évoque l’au-delà dit : « Un voile épais est placé entre le Paradis et la Géhenne (.). » Là, le mot hijab en arabe prend clairement le sens de rideau de séparation, comme dans les sept autres Sourates, même si le contexte est différent. »

    2 : « La Sourate 17, verset 45 : « Quand tu lis le Coran, nous plaçons un voile épais entre toi et ceux qui ne croient pas à la vie future ». Il s’agit ici de la protection que Dieu apporte à Son Prophète lorsqu’il lit le Coran.

    3 : « La Sourate 19 verset 17: « (V16) Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu vers l’Orient. (V 17) Elle plaça un voile entre elle et les siens. » Voile symbolise ici la distance géographique entre Marie et les siens. Car, comme un voile, la distance empêche de la voir.

    4 : « Dans la Sourate 33, verset 53, le texte recommande à ceux qui sont invités à entrer dans la demeure du Prophète et éventuellement à y prendre un repas, de ne pas s’attarder après avoir mangé et de se retirer sans entreprendre de conversations familières après le repas. Elle ajoute : « Quand vous demandez quelque objet aux épouses du Prophète, faites le derrière un voile. Cela est plus pur pour votre cœur et pour le leur ». Là aussi, le mot hijab à le sens de rideau et non pas celui du voile que l’on veut poser sur les têtes des femmes. Et ce n’est qu’en s’adressant aux épouses du Prophète que l’on doit le faire derrière un voile. » Il s’agit uniquement des femmes du prophète auxquelles on doit parler à traves un voile, un rideau !

    5 / « Dans la très poétique Sourate 38, le verset 33 évoque le hijab dans le sens de « crépuscule » : « Quand un soir on lui présenta de nobles cavales, il dit : « j’ai préféré l’amour de ce bien au souvenir de mon seigneur, jusqu’à ce que ces chevaux aient disparu derrière le voile. Ramenez-les-moi. » il se mit alors à leur trancher les jarrets et le cou ».
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    6 : « La Sourate 41, verset 5 évoque ceux qui se détournent de l’appel du Prophète : « Ils disent : « Nos cœurs sont enveloppés d’un voile épais qui nous cache ce vers quoi tu nous appelles ; nos oreilles sont atteintes de surdité ; un voile est placé entre nous et toi. Agis donc, et nous aussi nous agissons » ». Ainsi donc, le voile (hijab) peut être positif (pour préserver le croyant qui risquerait de succomber aux charmes des épouses du Prophète), ou négatif puisqu’il empêche certains d’entendre l’appel de l’islam.

    7 : « La sourate 42, verset 51 aborde la parole que Dieu transmet à l’homme. « Il n’a pas été donné à un mortel que Dieu lui parle si ce n’est par inspiration ou derrière un voile ou encore, en lui envoyant un Messager à qui est révélé, avec sa permission, ce qu’il veut. Il est très haut et sage ». Dieu ne parle à un mortel (les hommes) qu’à travers un voile, par inspiration ou par la voie des prophètes et des messagers.

    8 : « Dans la Sourate 83 verset 15, enfin, le Texte prévient les incroyants de leur sort : « Non ! Ils seront, ce Jour-là, séparés de leur Seigneur, puis ils tomberont dans la fournaise. On leur dira alors : « Voici ce que vous traitez de mensonge ! » ». (NDLR La traduction utilise le mot « séparation » pour restituer le mot arabe lamahgouboun construit sur la base de hijab). »

    Le mot hidjab est donc utilisé (7 fois mais traduit 8 fois, dans la sourate 83-verset 15) mais jamais pour signifier le voile, le fichu ou l’habit que portent les femmes. Le Pr Azab précise que l’utilisation du mot « hijab » pour désigner le voile qui couvre la tête des femmes est «un contre sens linguistique par rapport au vocabulaire coranique. Et les femmes musulmanes qui disent que le hijab est cité dans le Coran se trompent sur le sens du mot. Elles doivent comprendre le sens donné au mot. »

    « Au contre sens-linguistique, il faut ajouter un contre sens de but. Le contre sens de but est le suivant : le voile devait désigner les femmes libérées de l’esclavage, parce qu’elles rejoignent la nouvelle religion. La communauté prendra désormais en charge les besoins de celles qui ne parviennent pas à subvenir à leurs propres besoins seules. C’est donc une « libération » à l’époque. J’insiste sur le mot « à l’époque ». Parce qu’aujourd’hui, dans beaucoup de cas, le voile apparaît comme un asservissement de la femme. Ainsi donc il produit un effet contraire à celui qu’il doit atteindre. Que faut-il alors privilégier ? Le voile coûte que coûte ou sa portée symbolique ? Faut-il vouloir la forme plus que la liberté ? »

    A la question « Est-ce que le Coran recommande à toutes les femmes de se couvrir la tête et les épaules ? Et dans quel vocabulaire le fait-il ? », le Pr Azab répond : que seule la sourate En-nour est en relation avec le costume féminin en demandant « Wa liyadrabna bi khumurihenna ala jouyoubihenna ».

    Ainsi donc, selon le Pr Azab, « Le Coran ne traite les habits de la femme que dans le large contexte de la vie sociale, de l’éducation et de la famille. » Le Coran recommande la pudeur ou plutôt bienséance, car le mot « pudeur » (ihtichem) a aujourd’hui une nette connotation sexuelle. « Le Coran vise d’abord à la préservation sociale. Et dans cette lecture, il invite plus à la bienséance qu’à la pudeur avec sa connotation sexuelle, du moins lorsqu’il traite des habits. Mais les injonctions qui visent à la bienséance vestimentaire ne concernent pas que la femme ! Et c’est là une erreur majeure commise par les interprètes qui n’ont pas assez étudié. A chaque fois que le Coran parle de la tenue vestimentaire, il parle aux deux sexes.

    D’ailleurs, dans la soutate En-Nour il est dit dans le verset 23: « Ceux qui lancent des accusations contre des femmes vertueuses, chastes et croyantes sont maudits ici-bas comme dans l’au-delà ; et ils auront un énorme châtiment. » Dans le verset 30, il est écrit : « Dis aux croyants de baisser leur regard et de préserver leur chasteté. C’est plus pur pour eux. Allah connait parfaitement ce qu’ils font. » Dieu le Dit aux mâles, et insiste en ajoutant pour « eux ». Or les hommes, accablent la femme, l’accusant de ne pas couvrir sa « aoura », soit tout son corps, pour certains, puisqu’ils considèrent que non seulement les cheveux mais même les mains sont des objets de désir, des objets d’excitation, des tentations à voiler, à biffer. Le Coran considère-t-il l’homme comme une bête sexuelle ? Un malade mental qui n’a que ça dans la tête ? en vérité, les wahhabites qui sont derrière ces recommandations-injonctions visant à biffer le corps de la femme, veulent l’interdire de l’environnement social, politique et économique, en ordonnant le contraire des prescriptions coraniques venues pourtant donner sa liberté à la femme, à l’homme, abolir l’esclavage, l’injustice, permettre à la femme d’être un partenaire, un coéquipier (puisque le Prophète a fait des courses à pied avec Aïcha), d’être utile sur tous les plans, donc d’être émancipée, pas brimée…

    A la question « Faut-il donc comprendre de votre propos que le « khimar » est plus un vêtement sur les épaules qu’un voile qui partirait de la tête, la couvrant ainsi que la poitrine ? », le Pr Azab répond : « Absolument. Les commentateurs anciens, comme Al Tabari par exemple, étaient peut-être plus proches du sens exact du texte parce qu’ils savaient à quoi le texte faisait allusion avec précision et quelle était la situation préalable au texte et que le texte sacré allait donc modifier. Comme avant l’apparition de l’Islam, certaines femmes avaient les seins nus pour les raisons déjà évoquées, alors le texte vient corriger les effets d’une situation préjudiciable aux droits de la femme. Ainsi donc, la démarche essentielle du texte, le propos principal, n’est pas de voiler ou non la tête ou les seins des femmes, mais de leur apporter liberté et protection par rapport au contexte dans lequel elles se trouvent. Et si aujourd’hui le contexte dans lequel elles se trouvent perçoit le voile comme une soumission, alors elles peuvent, pour dire leur liberté acquise par l’Islam, se montrer tête nue. »

    Evidemment, le Pr Azab explique ce qui est énoncé dans le Coran et non pas la manière dont le verset a été interprété depuis, y compris à l’époque du Prophète, où des femmes se sont mises à se couvrir la tête avec des voiles noirs. Il précise : « Le Coran prévoit une solution presque « technique » pour atteindre l’objectif (le stable). La solution technique à la soumission des femmes, à l’époque, est le voile. Le stable est donc la liberté des hommes et des femmes et leur égalité. Alors, il est nécessaire de ne retenir que le stable. Le voile est un moyen. Ce n’est pas un but. C’est du variable. C’est ce que nous disent les commentateurs anciens lorsqu’ils nous expliquent que le Coran doit être compris par rapport à ce qui le précède et à son contexte. Le statut des femmes tout à fait médiocre dans un temps rapproché de l’apparition de l’Islam et que l’Islam vient améliorer. Si la situation des femmes se détériore à nouveau, aujourd’hui par exemple, l’esprit du Coran, doit primer sur l’interprétation. Cet esprit est de libérer les opprimées. C’est la part stable du message. Le moyen employé est variable. »

    Aujourd’hui, des fatwa wahhabite s’ajoutent à d’anciennes interprétations farfelues ou malintentionnées, afin de néantiser la femme en tant qu’être pour en faire un objet qui se comporte en objet de désir s’auto-censurant, s’auto-anéantissant, se biffant l’existence par un fichu, un voile, un tchador, un djilbab qu’elle traine jusque dans la boue, qui l’assimile à la boue, à la poussière ramassée par ses pans salis, à un objet de désir qui a honte du corps que Dieu lui a donné, qui insulte le corps d’Allah, qui l’emprisonne sous un voile qui l’empêche de vivre au moins comme un animal libre, de promener son corps au soleil et de faire le plein de vitamine D, d’offrir ses cheveux à la pluie, d’offrir sa peau au vent. Si, comme ils disent, Dieu a décidé de la priver du regard de l’homme, auquel il demande pourtant de tenir ses yeux, pourquoi prive-t-il sa peau des rayons du soleil nécessaire pour faire le plein de vitamine D… ? Ainsi ils font du port du hidjab un sixième fardh, un sixième obligation, alors qu’on n’en connait pourtant que cinq.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Interview du Pr. Mahmoud Azab

      Entretien réalisé par Arthur Nourel


      Arthur Nourel : Monsieur le Professeur, avant d’aborder directement la question du voile des femmes dans l’Islam, y a-t-il un contexte global de la situation de la femme que vous souhaiteriez exposer afin que nos lecteurs puissent nous accompagner dans le voyage historique et textuel que nous leur proposons ?

      Professeur Mahmoud Azab : Pour traiter le sujet du voile dans l’Islam, il faut d’abord connaître le statut de la femme arabe dans la société ante islamique et le comparer au statut de la femme dans la société judéo chrétienne biblique ainsi qu’à celui de la femme dans les cultures grecque et égyptienne. C’est en examinant l’histoire et le contexte sociologique que l’on peut expliquer et comprendre la position du Coran et de l’Islam, à l’époque, en ce qui concerne la femme.
      La femme dans la société grecque, par exemple, n’était pas regardée comme « objet de désir ». La relation de plaisir était glorifiée entre les hommes. Chez les Grecs, la femme avait un statut très largement inférieur à celui des hommes. Les philosophes grecs sont tous des hommes.
      Examinons le statut de la femme dans la société de la péninsule arabique ante islamique à une période historique très éloignée de celle de l’apparition de l’Islam. Nous apprenons que les femmes avaient globalement une position très forte ; une liberté et des droits plus importants que ceux de l’homme. Une femme avait le droit de répudier son mari. L’inverse était interdit. Souvenez-vous de Belkis, la Reine de Saba. L’ancien testament et le Coran (Sourate des fourmis) l’évoquent dans une position dominante : belle, forte, intelligente. Attention, tout ceci remonte très loin avant dans l’histoire avant l’apparition de l’Islam !

      AN : Cette « liberté » des femmes était applicable dans tous les domaines ou y avait-il des restrictions ?

      MA : Une autre tradition est rapportée par les historiens de l’époque ante islamique et qui atteste de la liberté de la femme. Lorsque, de retour chez lui, un homme trouvait la porte de sa tente verso vers l’extérieur, (inversée donc par rapport à son sens normal d’accrochage), cela voulait dire que l’entrée lui était interdite, provisoirement ou définitivement. A cette époque, une femme avait le droit de coucher avec les hommes de son choix avant le mariage. Lorsqu’elle tombait enceinte et avant même la naissance de l’enfant, elle choisissait parmi ceux qui avaient été ses amants celui qui allait assumer la paternité de l’enfant, peut être conçu par un autre. Bien entendu, elle choisissait le plus fort ou le plus riche ou le plus adroit etc.

      AN : Est ce que ce ne sont pas là des constructions théoriques et à posteriori pour justifier les règles strictes que l’Islam apporte au sujet des femmes ?

      MA : Non. Beaucoup de scientifiques, sociologues et historiens regardent le Coran comme un document qui relate une époque et témoigne de la vie quotidienne plus que comme un livre religieux. Et ils remarquent, à juste titre, que souvent le texte musulman insiste sur des interdits. Lorsque le texte dit « ne faites pas », cela veut dire que cette pratique, désormais interdite, était répandue avant l’apparition de l’Islam. Par exemple, il était de tradition, avant l’apparition de l’Islam, que les hommes et les femmes effectuent nus le pèlerinage païen autour de la Kaaba. Pour cette raison, l’Islam interdit la nudité pendant la prière et le pèlerinage. Comme toujours, pour comprendre une règle, il est important de se pencher sur le contexte socioculturel, spirituel et économique de la formation de cette nouvelle communauté que l’on a appelé les « musulmans ».

      AN : C’est ainsi que l’on explique l’interdiction, faite par l’Islam, d’enterrer les filles (vivantes) à la naissance ?

      MA : Oui. C’était une pratique répandue avant l’apparition de l’Islam et que le texte vient interdire de manière formelle et définitive. J’ajoute que si la punition qui accompagne l’interdiction est forte, cela veut dire que l’acte désormais prohibé était très répandu.

      AN : Vous nous dites que les femmes disposaient de plus de droits que les hommes et étaient plus libres et indépendantes qu’eux, et pourtant, les filles étaient enterrées vivantes à la naissance, considérées comme inutiles. N’est ce pas contradictoire ?

      MA : Ce que je vous raconte sur la très grande liberté des femmes concerne une époque très éloignée de l’apparition de l’Islam. Mais privés de droits, les hommes commencèrent à en revendiquer et inversèrent le cours de l’histoire en changeant progressivement de condition. Parallèlement et en conséquence, la condition de la femme s’est dégradée et l’homme eut le dessus d’une manière tellement totale qu’elle ressemble à une revanche. C’est une manifestation du dialogue de l’histoire semblable à un mouvement de balancier. Plus nous nous rapprochons de l’apparition de l’Islam, moins le statut de la femme est enviable.

      AN : A la veille de l’apparition de l’Islam, le statut de la femme s’était donc gravement détérioré par rapport à ce qu’il était quelques siècles auparavant. En quoi se manifeste cette dégradation ?

      MA : De plusieurs manières. Nous avons évoqué déjà l’ensevelissement des nouveaux nés de sexe féminin. La répudiation d’une femme par son époux la laisse sans droits et sans recours. C’est une autre conséquence visible de la détérioration de la condition féminine. Lorsqu’on regarde la société ante islamique, mais dans un temps rapproché de l’apparition de l’Islam, c’est à dire à une époque où les femmes étaient dominées par les hommes, l’on se rend compte qu’un homme épousait à sa guise et en même temps le nombre de femmes qu’il voulait ; et qui dépendaient souvent de lui pour survivre ; de la même manière, il pouvait aussi en répudier autant qu’il voulait, sans avoir d’obligations légales vitales vis à vis d’elles. Assez vite, ces femmes répudiées qui dépendaient des époux pour vivre, se retrouvaient dans la misère. Lorsqu’elles ne tombaient pas en esclavage dans le strict sens du mot, elles se livraient à la prostitution qui est une forme terrible d’esclavage. Et pour attirer l’attention, elles avaient souvent la poitrine nue, à l’image des prostituées sacrées, connues en Mésopotamie et en Inde, régions avec lesquelles la péninsule arabique commerçait et avait des échanges culturels et humains intenses.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

      Commentaire


      • #4
        AN : C’est donc aux femmes « dans la misère » et « nues » que le Coran demande de porter le voile ?

        MA : Le voile se généralise avec l’Islam comme symbole d’une dignité retrouvée, à l’époque. La religion demande aux femmes qui se convertissent de se voiler afin d’être distinguée des esclaves ; comme une manière de dire pour chacune : « nous n’avons plus besoin de nous vendre (d’être des esclaves) ; la nouvelle religion nous apporte un statut et désormais nous avons des droits. Nos maris ne peuvent plus nous répudier à tort ou à raison et si le divorce est prononcé, nous conservons des moyens de subsistance ».
        Ainsi donc le voile à de l’importance uniquement en fonction du contexte socioculturel dans lequel il apparaît. Il n’est donc pas un principe fondamental de l’Islam.

        AN : Vous nous dites qu’aux premiers jours de l’Islam, le voile était recommandé comme un signe ostensible de « libération » de la femme. Y a t il d’autres éléments du texte sacré qui attestent de cette volonté de l’Islam de libérer la femme et la rendant l’égale de l’homme ?

        MA : Dans les deux autres religions monothéistes révélées, le judaïsme et le christianisme, la femme est rendue seule responsable de l’expulsion du paradis. Dans l’ancien testament, c’est Eve la responsable du Péché. Le serpent séduit Eve qui séduit l’homme. C’est pourquoi dans la Genèse, Dieu punit chacun ; il condamne le serpent à ramper et à manger de la terre et la femme est condamnée à accoucher dans la douleur et à être « soumise » à l’homme.
        Dans le Coran, Dieu s’adresse « aux deux » protagonistes du paradis (Adam et Eve). Il use de la forme grammaticale du duel. Le texte met l’homme et la femme à totale égalité dans la responsabilité. Mais hélas, les interprétations coraniques qui sont souvent faites par des hommes, seront manipulées et l’on entendra dire que c’est Eve qui a incité Adam à manger du fruit de l’arbre défendu. Le Coran dit le contraire. « Satan les a séduits tous les deux. » Si j’insiste sur cette histoire biblique ET coranique, c’est pour dire qu’elle a une influence à travers les siècles sur les consciences et les imaginations des peuples et non pas pour juger les textes sacrés. Je reviens vers la Bible pour dire simplement l’évolution d’éléments communs dans les cultures sémitiques monothéistes.

        AN : Comment le voile est-il évoqué dans le texte du Coran ?

        MA : Le terme « voile » en français, celui que l’on porte sur la tête, est utilisé comme traduction du mot arabe « hijab ». Et du point de vue du linguiste, cette traduction est un glissement de sens. Le thème du hijab est abordé huit fois dans le Coran. Et pas une seule fois pour désigner l’habit dont la femme devrait se couvrir la tête.

        AN : Pouvez vous nous donner les références des huit Sourates en question ?

        MA : Dans la Sourate 7, verset 46, le texte, qui évoque l’au-delà dit : « Un voile épais est placé entre le Paradis et la Géhenne (…). » Là, le mot hijab en arabe prend clairement le sens de rideau de séparation, comme dans les sept autres Sourates, même si le contexte est différent.
        La Sourate 17, verset 45 aborde la protection « virtuelle » que Dieu apporte à Son Prophète lorsqu’il lit le Coran : « Quand tu lis le Coran, nous plaçons un voile épais entre toi et ceux qui ne croient pas à la vie future ».
        La Sourate 19 verset 17 le mot voile est utilisé pour figurer la distance géographique que l’on met volontairement entre soi et d’autres : « (V16) Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu vers l’Orient. (V 17) Elle plaça un voile entre elle et les siens.
        Dans la Sourate 33, verset 53, le texte indique à ceux qui sont invités à entrer dans la demeure du Prophète et éventuellement à y prendre un repas, la conduite qu’ils doivent y avoir. La Sourate leur recommande de ne pas s’attarder après avoir mangé et de se retirer sans entreprendre de conversations familières après le repas. Et ajoute : « Quand vous demandez quelque objet aux épouses du Prophète, faites le derrière un voile. Cela est plus pur pour votre cœur et pour le leur ». Là aussi, le mot hijab à le sens de rideau et non pas celui du voile que l’on veut poser sur les têtes des femmes. Et ce n’est qu’en s’adressant aux épouses du Prophète que l’on doit le faire derrière un voile.
        Dans la très poétique Sourate 38, le verset 33 évoque le hijab dans le sens de « crépuscule » : « Quand un soir on lui présenta de nobles cavales, il dit : « j’ai préféré l’amour de ce bien au souvenir de mon seigneur, jusqu’à ce que ces chevaux aient disparu derrière le voile. Ramenez-les-moi. » il se mit alors à leur trancher les jarrets et le cou ».
        La Sourate 41, verset 5 évoque ceux qui se détournent de l’appel du Prophète : « Ils disent : « Nos cœurs sont enveloppés d’un voile épais qui nous cache ce vers quoi tu nous appelles ; nos oreilles sont atteintes de surdité ; un voile est placé entre nous et toi. Agis donc, et nous aussi nous agissons » ». Nous voyons bien là combien le voile (hijab) peut être positif (pour préserver le croyant qui risquerait de succomber aux charmes des épouses du Prophète, ou négatif puisqu’il empêche certains d’entendre l’appel de la nouvelle foi.
        La sourate 42, verset 51 aborde la parole que Dieu transmet à l’homme. « Il n’a pas été donné à un mortel que Dieu lui parle si ce n’est par inspiration ou derrière un voile ou encore, en lui envoyant un Messager à qui est révélé, avec sa permission, ce qu’il veut. Il est très haut et sage ».
        Dans la Sourate 83 verset 15, enfin, le Texte prévient les incroyants de leur sort : « Non ! Ils seront, ce Jour-là, séparés de leur Seigneur, puis ils tomberont dans la fournaise. On leur dira alors : « Voici ce que vous traitez de mensonge ! » ». (NDLR La traduction utilise le mot « séparation » pour restituer le mot arabe lamahgouboun construit sur la base de hijab).

        AN : Vous nous dites donc que les musulmans qui utilisent le mot « hijab » pour désigner le voile qui couvre la tête des femmes commettent un contresens ?

        MA : Oui. Ils commettent un contresens linguistique par rapport au vocabulaire coranique. Et les femmes musulmanes qui disent que le hijab est cité dans le Coran se trompent sur le sens du mot. Elles doivent comprendre le sens donné au mot.

        AN : Au delà de ce contre sens de mot, ceux qui incitent les femmes à se voiler, ne commettent-ils pas d’autres contre-sens ?

        MA : Au contre sens-linguistique, il faut ajouter un contre sens de but.
        Le contre sens de but est le suivant : le voile devait désigner les femmes libérées de l’esclavage, parce qu’elles rejoignent la nouvelle religion. La communauté prendra désormais en charge les besoins de celles qui ne parviennent pas à subvenir à leurs propres besoins seules. C’est donc une « libération » à l’époque. J’insiste sur le mot « à l’époque ». Parce qu’aujourd’hui, dans beaucoup de cas, le voile apparaît comme un asservissement de la femme. Ainsi donc il produit un effet contraire à celui qu’il doit atteindre. Que faut-il alors privilégier ? Le voile coûte que coûte ou sa portée symbolique ? Faut-il vouloir la forme plus que la liberté ?
        La question que nous posons en réalité est celle de l’historicité du texte. La révélation se fait tout de même sur vingt trois ans de vie prophétique. Durant cette période, le Prophète fait bien entendu appel à sa raison pour mettre en adéquation la révélation, qu’il ne conteste pas, avec la réalité.

        AN : Est-ce que le Coran recommande à toutes les femmes de se couvrir la tête et les épaules ? Et dans quel vocabulaire le fait-il ?

        MA : Le Coran ne traite les habits de la femme que dans le large contexte de la vie sociale, de l’éducation et de la famille. Il incite à la « pudeur ».

        AN : Vous dites « pudeur », et ce mot, très employé notamment par les femmes qui portent le voile, à aujourd’hui une nette connotation sexuelle. N’y a t il pas en français une mauvaise traduction du sens du mot « ihticham » ? Ne faut-il pas plutôt parler de la « bienséance » plutôt que de la pudeur ?
        MA : Vous avez probablement raison. Le Coran vise d’abord à la préservation sociale. Et dans cette lecture, il invite plus à la bienséance qu’à la pudeur avec sa connotation sexuelle, du moins lorsqu’il traite des habits. Mais les injonctions qui visent à la bienséance vestimentaire ne concernent pas que la femme ! Et c’est là une erreur majeure commise par les interprètes qui n’ont pas assez étudié. A chaque fois que le Coran parle de la tenue vestimentaire, il parle aux deux sexes.

        AN : Par quel mot en arabe le Coran désigne-t-il ce que les femmes doivent rabattre sur leurs poitrines ?

        MA : La Sourate « Al Nour » que nous venons de citer nous donne le mot « Khimar ». « Wa liyadrabna bi khumurihenna ala jouyoubihenna ». Se demander ce que sont les « khumurs » ouvre une discussion déjà importante : la traduction du mot la mieux admise indique que c’est un vêtement large. Le mot « jouyoub » veut dire « poches » en arabe moderne. Mais un poète ante islamique, parlant de la beauté d’une belle, évoque ses « jouyoub » et nous apprend que la belle laissait « nue », c’est dire visible, sa poitrine. Le texte sacré invite donc les femmes à ne pas montrer leurs seins et à rabattre leurs amples vêtements sur leurs poitrines ; à ne se dévoiler que devant les leurs ; à ne pas avoir de conduite provocatrice. Rien que de très banal en somme comme recommandation. Et cette invitation à la mesure se retrouve dans les trois religions monothéistes. En Islam, cette invitation s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes.
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          AN : Faut-il donc comprendre de votre propos que le « khimar » est plus un vêtement sur les épaules qu’un voile qui partirait de la tête, la couvrant ainsi que la poitrine. ?

          MA : Absolument. Les commentateurs anciens, comme Al Tabari par exemple, étaient peut-être plus proches du sens exact du texte parce qu’ils savaient à quoi le texte faisait allusion avec précision et quelle était la situation préalable au texte et que le texte sacré allait donc modifier. Comme avant l’apparition de l’Islam, certaines femmes avaient les seins nus pour les raisons déjà évoquées, alors le texte vient corriger les effets d’une situation préjudiciable aux droits de la femme. Ainsi donc, la démarche essentielle du texte, le propos principal, n’est pas de voiler ou non la tête ou les seins des femmes, mais de leur apporter liberté et protection par rapport au contexte dans lequel elles se trouvent. Et si aujourd’hui le contexte dans lequel elles se trouvent perçoit le voile comme une soumission, alors elles peuvent, pour dire leur liberté acquise par l’Islam, se montrer tête nue.
          Le Coran prévoit une solution presque « technique » pour atteindre l’objectif (le stable). La solution technique à la soumission des femmes, à l’époque, est le voile. Le stable est donc la liberté des hommes et des femmes et leur égalité. Alors, il est nécessaire de ne retenir que le stable. Le voile est un moyen. Ce n’est pas un but. C’est du variable. C’est ce que nous disent les commentateurs anciens lorsqu’ils nous expliquent que le Coran doit être compris par rapport à ce qui le précède et à son contexte. Le statut des femmes tout à fait médiocre dans un temps rapproché de l’apparition de l’Islam et que l’Islam vient améliorer. Si la situation des femmes se détériore à nouveau, aujourd’hui par exemple, l’esprit du Coran, doit primer sur l’interprétation. Cet esprit est de libérer les opprimées. C’est la part stable du message. Le moyen employé est variable.

          AN : A qui s’adressent les injonctions vestimentaires du Coran et quelles en sont les contours ?

          MA : Dans la Sourate 32, verset 59, le Coran nous donne une liste précise de ce qu’il faut faire et à qui cela s’adresse.
          « Ô Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, de se couvrir de leurs « voiles » (il faut comprendre ici le mot voile dans le sens de vêtements) : c’est pour elle le moyen le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensée. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux ».
          Précisons tout de suite que le mot traduit par « voile » dans beaucoup de traductions de qualité est en réalité, en arabe, « jalbibihenna », qui est un possessif féminin pluriel de djellaba (galabeyya en égyptien). Il est donc manifeste que ce n’est pas d’un voile sur la tête qu’il est question mais d’un vêtement dont on se couvre. « Se couvrir de leurs voiles », n’indique donc en rien que la tête doit être couverte. La couverture de la tête à plus de rapport avec des habitudes de commodité qu’avec un symbole religieux quelconque.
          Il suffit de voir une femme (ou un homme !), en occident ou en orient musulman, aux champs, dans le désert ou en mer, pour comprendre que l’on travaille plus confortablement avec les cheveux ramassés et la tête protégée du soleil. De plus, le Coran n’invite pas à se « cacher » en se couvrant, mais à se « désigner aux autres comme un être libre ».
          L’objet de cette sourate n’est pas de « camoufler » d’éventuels charmes féminins mais de permettre aux femmes, anciennement objets de convoitises réductrices de leur liberté, d’affirmer qu’elles sont désormais libres. C’est cela qu’il faut retenir. Et je répète : si le voile aujourd’hui indique la soumission d’une femme, alors il est urgent que les femmes s’en défassent. Pour pouvoir répondre à cette question, demandons- nous si l’Islam invite à la soumission ? et à qui ? à l’homme ou à Dieu ? Dans ce cadre, la « couverture » s’adresse à toutes les femmes ; épouses et filles du prophète, épouses des croyants. Cela veut dire que l’Islam rend libre toutes celles qui l’embrassent.

          AN : Comment distinguer dans le texte entre ce qui s’adresse aux épouses du prophète et ce qui s’adresse à toutes les croyantes ?

          MA : Sourate 32 verset 32 et 33 : Ô vous les femmes (Epouses NDLR) du Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme. Si vous êtes pieuses, ne vous rabaissez pas dans vos propos afin que celui dont le cœur est malade ne vous convoite pas. Usez d’un langage convenable. Restez dans vos maisons, ne vous montrez pas dans vos atours comme le faisaient les femmes au temps de l’ancienne ignorance (Jahiliyya) ». En arabe cela donne : Yanissa’a al Nabi lastunna ka’ahad minal nisa. » Tabari nous explique que le sens du texte est que les femmes ne ressemblent pas, en sortant de leurs demeures, aux esclaves. La liberté apportée aux femmes dont la condition était mauvaise, voilà le sens profond et aujourd’hui perdu du texte.

          AN : Ce qui concerne les épouses du Prophète, présentées comme une sorte de modèle de la femme, peut-il s’appliquer à toutes les femmes musulmanes soucieuses de tendre vers la perfection ?

          MA : Ma réponse doit être en deux temps : Pour parler des croyants des deux sexes le Coran fait usage du mot mou’menina et mou’menati : « qul lelmou’menina (…) wa qul lelmou’menati ». « Dis au Croyants (…) et dis aux croyantes ». Lorsqu’il parle des épouses du Prophète, il utilise les mots épouses. De plus, la Sourate 32 verset 32 explique bien que « les épouses du Prophète ne sont comparables à aucune autre femme ». Le Coran ne demande pas aux femmes de la communauté de ressembler aux épouses du Prophète. Cependant, comme cela n’est pas formellement interdit, les femmes musulmanes peuvent chercher dans les épouses du Prophète un modèle à suivre. Mais il est important qu’elles suivent l’exemple de la spiritualité et de la liberté des épouses du Prophète, et non pas qu’elles cherchent à les imiter sans comprendre les raisons des gestes des épouses du Prophète. La recherche et l’affirmation de la liberté doivent primer.
          Attention tout de même à l’idée qui consiste, pour certaines femmes, à appliquer à elles-mêmes ce qui n’est exigible que des épouses du Prophète. Il leur était interdit, par exemple, de se remarier après la mort du Prophète. Est-ce qu’une femme musulmane veuve trouverait salutaire, parce qu’elle généralise les conditions imposées aux seules épouses du Prophète, que les veuves musulmanes ne puissent pas se remarier ?

          AN : Pourquoi les femmes musulmanes, dans les pays musulmans, se voilent-elles ?

          MA : Il faut effectuer cette recherche à plusieurs niveaux : fouiller l’histoire, les traditions, les cultures des peuples. Lorsqu’on se trouve dans un champ strictement religieux, au niveau du « sacré », lorsqu’on recherche les devoirs des croyants, le licite et l’illicite, la punition, nous devons absolument rechercher « l’esprit du texte », c’est à dire la part stable de celui ci.
          En ce qui concerne le voile, il y a une tendance aujourd’hui à tout vouloir mélanger. C’est un comportement souvent lié à l’ignorance et à lecture du texte à un seul niveau, c’est à dire sans lui accorder de profondeur historique. Le message de l’Islam est intemporel. Comme d’ailleurs celui des deux autres religions monothéistes. Mais il n’est compréhensible que s’il l’on se reporte au contexte dans lequel le Coran à été délivré. C’est exactement ce que ne font pas (ne font plus), les musulmans aujourd’hui. Ainsi, certains fous, certains fondamentalistes, mus par des mobiles qui n’ont rien à voir avec la foi, présentent aux masses ignorantes et analphabètes une lecture limitée et orienté du texte. Pour avoir le courage de la discuter, il faut avoir la culture de la discussion et du débat. Cela s’apprend dans les familles et dans les écoles et ce n’est pas le cas dans la très grande majorité des pays musulmans (et non musulmans !) aujourd’hui. Alors les femmes se voilent. Les hommes cherchent refuge dans un ailleurs meilleur que leur environnement immédiat qui est celui de la misère économique et l’indigence sociale et culturelle. Et progressivement, cet ailleurs s’est transformé en un « après » marchandé. Comme la vie ici-bas est difficile et misérable, l’on se réserve un après meilleur. Et l’on donne à Dieu « des gages » de sa bonne conduite sur terre, et appliquant ce qui est présenté par les manipulateurs et les hypocrites comme étant la foi musulmane, déviée de son sens initial et « vendue » aujourd’hui sous la seule lecture de l’intégrisme qui voile les femmes et hurle sa haine de « l’Occident » en particulier et de « l’autre » en général. La lutte des classes qui se déroulait au sein d’un même pays, au sein d’une même société, est devenue une lutte des régions au sein d’un même monde globalisé. Et cela s’exprime, entre autres, par le biais d’un Islam détourné de son sens, sous l’influence d’ignorants riches et marchands de pétrole, dans le monde musulman et ailleurs.

          [B]AN : Que dites-vous aux femmes et aux filles musulmanes qui se voilent en France ?[/B]

          MA : D’abord, si elles veulent se dire musulmanes, je leur demande de bien connaître leur religion. C’est à dire le texte et son histoire. Connaître avant de choisir. Connaître et débattre. Et choisir lorsqu’elles sont adultes, en âge et en savoir. Ensuite, je les invite à dire leur liberté.
          La liberté ce n’est pas de se voiler si elles le veulent. C’est de s’affirmer comme libre dans une société qui leur ouvre les voies de la liberté. Elles sont françaises. Elles sont donc une partie de la société française. Si le voile est un obstacle à leur liberté, c’est à dire à leur immersion totale dans leur société, alors elles doivent réfléchir et chercher à s’approprier les valeurs de la société française qui est la leur. Les filles musulmanes doivent chercher et parler des valeurs coraniques qui s’adressent à l’humanité toute entière. Elles ne doivent pas se focaliser sur le voile ou d’autres sujets semblables qui dépendent plus d’un contexte variable que d’une vision stable du monde.

          N.B. Pour les citations du Coran, la traduction utilisée est celle de Denise Masson, Essai d’Interprétation du Coran Inimitable, Dar Alkitab Allubnani, Beyrouth, Liban.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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