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La prochaine vague de régressions sociales qui se profile …

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  • La prochaine vague de régressions sociales qui se profile …

    Posté par 2ccr le 26 août 2015

    ModelDiscrètement, le gouvernement prépare déjà une nouvelle offensive contre le droit du travail, dans la foulée des lois Macron et Rebsamen. Les milieux patronaux en rêvent depuis longtemps : que les règles de travail négociées dans l’entreprise, là où la pression sur les salariés est la plus forte, puissent s’imposer à la loi et aux conventions collectives. Ce rêve est-il sur le point de devenir réalité ? Pour plancher sur la question, le gouvernement vient de créer une commission, en partie composée d’ « experts » proches des milieux néolibéraux. Leur rapport est attendu pour la rentrée. Sous prétexte de simplifier le Code du travail, ce rapport pourrait être annonciateur de nouvelles régressions pour les salariés.

    Le gouvernement a décidé d’enclencher la vitesse supérieure sur les « réformes » du marché du travail. Les lois Macron et Rebsamen sont à peine adoptées, qu’une nouvelle dérégulation d’ampleur est en préparation. Présentée le 4 mai dernier, une commission « accords collectifs et travail », surnommée « mission Combrexelle » du nom de son président, est actuellement à pied d’œuvre à la demande du Premier ministre. Son objectif ? Produire, pour la rentrée, un rapport dont les préconisations devront inspirer une réforme pour donner plus de place aux accords collectifs – c’est à dire les accords de branche et surtout d’entreprise – dans la définition des règles qui encadrent le travail et le lien de subordination des employés à leurs employeurs. Sous couvert de bon sens et de pragmatisme – le « dialogue social de terrain » serait plus adapté à la réalité des entreprises – le projet s’attaque en fait à l’un des piliers du droit social français, suivant l’une des revendications les plus anciennes du Medef.

    Dans le code du travail, deux principes jouent un rôle crucial. La « hiérarchie des normes », d’abord, consacre la primauté de la loi : cette dernière s’impose aux conventions de branche qui s’imposent, elles-mêmes, aux accords d’entreprise. En vertu du second, appelé « principe de faveur », une règle négociée au niveau d’une branche ou d’une entreprise ne peut être que davantage favorable aux salariés. En clair, si une convention de branche fixe le salaire horaire minimum à douze euros, un accord d’entreprise, dans le même secteur, ne pourra prévoir un salaire inférieur à cette somme. En revanche, rien n’interdit d’aller au delà, par exemple à treize euros. Logique, à moins de rendre la loi ou les accords de branche caducs. En principe, donc, ces règles garantissent les mêmes droits pour tous les salariés, et préviennent le dumping social au sein d’une même branche d’activité.

    En pratique, les dérogations sont nombreuses. Rendues possibles, d’abord, par les lois Auroux en 1982, puis par les lois Aubry sur les 35 heures, enfin par les réformes successives des gouvernements Raffarin, Fillon et Ayrault, elles concernent essentiellement l’organisation du temps de travail, et parfois les salaires. Ainsi, depuis 2008, la durée minimale de repos journalier, légalement fixée à onze heures, peut, dans certains secteurs, être ramenée à neuf heures par accord de branche ou d’entreprise. Concernant les rémunérations, la loi du 14 juin 2013, transcription législative de l’Accord national interprofessionnel (ANI, lire ici), autorise, en cas de difficultés économiques, une réduction des salaires par simple accord d’entreprise – les fameux accords de maintien de l’emploi, étendus par la loi Macron. La dérogation deviendra-t-elle la règle et le respect de la loi l’exception ?

    La commission regroupe, de fait, des experts habitués à naviguer entre public et privé, certains affichant des orientations ouvertement néolibérales. Après avoir été directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry, Yves Barou, actuel président de l’AFPA, a intégré la direction RH de l’entreprise Thalès. Longtemps membre du Conseil d’analyse économique, Michel Didier est quant à lui président du Coe-Rexecode, un « institut privé d’études économiques » proche du Medef. Il est aussi proche du très libéral Cercle des économistes, tout comme Pierre Cahuc, favorable à la réduction du « coût » du travail et à l’assouplissement des conditions de licenciement. Dans la commission, on trouve aussi, pêle-mêle, le président du groupe Alpha (un cabinet de conseil en relations sociales), Pierre Ferracci, la DRH de Lafarge France, une ex-DRH enseignant désormais en business school, ou encore le juriste Paul-Henri Antonmattei, fervent soutien de François Bayrou lors de la dernière présidentielle. Voilà qui promet !

    La participation d’Antoine Lyon-Caen, auteur avec Robert Badinter d’un ouvrage et d’une tribune qui viennent de faire du bruit, est encore plus remarquée. Dans Le travail et la loi, les deux juristes – habituellement classés à gauche – dénoncent la « complexité croissante » et l’« obésité » du code du travail. Ils proposent de réduire ce dernier à 50 principes fondamentaux. Enfin, c’est le pedigree du président de la commission, Jean-Denis Combrexelle, qui laisse perplexe. Dans les milieux syndicaux, le conseiller d’État est décrit comme le « Talleyrand » du ministère du travail : de Jospin à Raffarin, en passant par de Villepin ou Ayrault, le haut-fonctionnaire, ancien directeur général du travail (DGT), survit à tous les gouvernements !

    En parallèle, la multiplication des « assouplissements » affaiblit la norme légale. Chaque gouvernement enfonce un ou plusieurs coins dans le code du travail. On multiplie les dérogations, les droits se différencient selon les secteurs d’activité, les entreprises, les territoires, peu à peu, on instaure une inégalité de traitement, une concurrence de fait entre entreprises et entre salariés. Sous couvert de simplification, l’objectif est de poursuivre l’inversion de la hiérarchie des normes et du principe de faveur. On veut définir un socle de droit minimal, et renvoyer le reste aux accords de branche et d’entreprise. En fait, la simplification est un faux débat, car le code du travail est complexe par nature. Il ne s’agit pas seulement du travail du législateur, mais aussi du résultat de luttes sociales sédimentées. Si on simplifie la base légale, on va produire de la jurisprudence ce qui, pour le coup, est une véritable source de complexité. A force de déroger, on fait du code du travail un véritable gruyère, on fait de la déréglementation par sur-réglementation !

    Serait-ce une manière de rogner, lentement mais sûrement, un siècle d’émancipation sociale ? Jusqu’aux premières lois sociales, à la fin du XIXe siècle, les règles de travail sont fixées par le règlement intérieur de l’entreprise, et sont donc imposées par la direction. Avec la légalisation des syndicats et la création d’une administration du travail, la loi vient fixer des limites à ce pouvoir considérable, tout en harmonisant les droits des salariés sur le territoire national. Les premières lois touchent le travail des enfants, l’hygiène et la sécurité, les temps de repos. Cet encadrement public, réalisé au nom de l’intérêt général, est très tôt combattu par le patronat. Ce dernier y voit une ingérence insupportable, et dénonce une entorse à la propriété privée des entreprises.

    Aujourd’hui, l’heure est à la mondialisation des marchés, à la recherche, coûte que coûte, de compétitivité pour les entreprises. Il faut « assouplir », « faciliter », « réduire le coût du travail ». La loi serait une source de « rigidité », et l’entreprise le lieu idéal pour une redéfinition des normes de travail. Il faut « faire une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise, pour une meilleure adaptabilité des normes aux besoins des entreprises ainsi qu’aux aspirations des salariés », explique Manuel Valls. Mais qui dit négociation, dit acteurs sur un pied d’égalité. Et dans l’entreprise, les salariés sont-ils vraiment en capacité de négocier ?

    Le contexte de chômage de masse s’avère lourdement défavorable aux salariés. Dans l’entreprise, les salariés sont fragilisés, les délégués du personnel exposés, c’est précisément l’une des raisons d’être du code du travail. Le rapport salarial est un rapport de subordination, qui bride, voire rend impossible, les velléités de revendication individuelles mais aussi collectives. Dans le même temps, la loi Rebsamen, indissociable de la mission Combrexelle, vient affaiblir la représentation syndicale

    Depuis son arrivée à Bercy, Emmanuel Macron n’a qu’une obsession : « Nous devons continuer à réformer en profondeur le marché du travail », répète-t-il à l’envie. S’agit-il de renforcer la représentation syndicale ? « L’important, c’est que la loi précise les règles générales et [donne] davantage de place aux accords de branche et d’entreprise, donc aux partenaires sociaux. Cela suppose que les organisations syndicales s’adaptent à l’évolution de leurs responsabilités. » Non content de déréguler le marché du travail, c’est à dire de dégrader nos conditions de travail et d’existence, l’ancien banquier d’affaires chez Rothschild, qui pourra se targuer d’avoir employé trois fois l’article 49-3 de la Constitution pour imposer sa dernière loi, compte aussi expliquer aux syndicats comment ils doivent « s’adapter ». Ces derniers seront-ils en mesure de résister à la révolution menée au pas de course par un exécutif qui n’a plus de socialiste que le nom ?

    D’aprés un article de Thomas Clerget

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    « L’utopie est ce qui n’a pas encore été essayé. »… Théodore Monod
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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