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La Libye, Kobler et les psychopathes d’Etat : Après Daech, ce sera encore Daech Par SAAD ZIANE

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  • La Libye, Kobler et les psychopathes d’Etat : Après Daech, ce sera encore Daech Par SAAD ZIANE

    Dans Libre Algérie le 06 septembre 2016



    C’est le New York Times, qui le rapporte : Martin Kobler, l’envoyé spécial de l’Onu pour la Libye aimait à dire que le seul Etat qui fonctionne dans le pays est celui de l’EI ou Daech. Heureusement, note le journal de l’establishment américain, Kobler a admis récemment que sa blague était obsolète depuis que les milices ralliées au gouvernement d’Union nationale basée à Tripoli ont repris – au prix d’au moins 400 morts – la ville de Syrte avec un soutien aérien américain.

    Le gag de M. Kobler est plutôt mièvre mais il laissait entendre au moins que la blague Daech en Libye qui masque la forêt des ingérences et des manipulations était finie… Mais rien ne se perd, surtout pas les blagues stratégiques qui font la routine des drames des peuples et qui s’appuient toujours souvent sur un élément réel pour voiler la vérité.


    Dans cette trame stratégique, l’islamisme dans ses différentes déclinaisons, notamment les plus radicales, est un ingrédient majeur, avec des marionnettes spécialistes de l’incantation qui font les idiots utiles pour faire peur aux opinions des pays occidentaux.


    La (vieille) blague de Kobler a toute les chances de ne pas être obsolète et elle va donc d’être resservie avec une nouvelle sauce. Nous voilà donc déjà convié après la chute de la «dawla » de Daech à nous inquiéter contre le risque de l’éparpillement des éléments de Daech dans les pays voisins de la Libye.

    « Il nous faut commencer à appréhender sérieusement la question de l’éparpillement des terroristes, une fois Syrte, peut-être demain Benghazi reprises aux djihadistes » a déclaré le ministre de la défense français.


    Après Daech, c’est toujours Daech, ce sera toujours Daech, ou une de ses variantes. C’est le résumé de l’action des Occidentaux depuis, au moins l’invasion de l’Irak. On commence par détruire un Etat, on disloque le peu d’institutions viables qu’il a – l’armée notamment -, on encourage les régressions sectaires et tribales, on les arme et on ouvre un boulevard aux «djihadistes » et le tour est durablement joué.


    A Washington ou ailleurs, on dira qu’il n’y a pas de «complot » mais une succession d’imprévus. Pourtant, les américains ont suffisamment d’intelligence dans leurs structures politico-militaires pour savoir que la décision de leur proconsul en Irak, Paul Bremer, de dissoudre l’armée irakienne en 2003 était un acte de destruction massive avec des réactions en chaine infinies.

    Ceux qui dominent ne «complotent jamais »

    Ceux qui dominent disent qu’ils ne «complotent jamais » (et ils mobilisent toute une armée d’éditocrates contre les théories dites conspirationnistes), mais «agissent » en vertu de leur puissance et si des choses indésirables arrivent et qu’on ne peut cacher, on dira qu’elles ne sont jamais «voulues ».

    Si l’Irak a sombré dans la guerre civile sectaire, ce n’est donc pas la faute à Bush et à son caniche Blair, c’est la faute aux irakiens, à leur « arriération », à leur penchant pour la «violence ». Ce sont les gens les plus brutaux, ceux qui décident des guerres sans justification, en dehors des lois, qui vous l’assènent.

    Et pour la Libye aussi, on ne cesse de nous le répéter. Ce qui s’y passe n’est pas la faute de l’Otan, de Sarkozy, Cameron et Blair, non c’est la faute aux Libyens qui n’ont pas su «profiter » de la «guerre démocratique » livrée par l’Otan, c’est la faute, là aussi, à leur arriération.


    L’argumentaire des Occidentaux se moque de la logique, il exprime la réalité de la force brutale. Dans les thrillers qui mettent en scène des psychopathes, il y a souvent cette réplique dans la bouche des tueurs : « je l’ai fait parce que je pouvais le faire». Or, non seulement les dirigeants occidentaux «peuvent » le faire mais ils ont aussi des motivations très cupides qui les incitent à exercer ce «pouvoir ».


    Quand on a objecté à Karl Rove, le chef de cabinet de George W. Bush que les Etats-Unis menaient des politiques qui vont à l’encontre des réalités, il a eu une réponse de psychopathe d’Etat assuré de l’impunité.


    « Ce n’est plus de cette manière que le monde marche réellement. Nous sommes un empire à présent, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement, comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons d’autres réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’histoire. (…) Et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous faisons. »


    Extrême violence

    A étudier donc et à encaisser surtout par les populations concernées. La politique des Occidentaux est donc d’exercer une extrême violence sur un pays (au nom de n’importe quoi) de sorte à détruire sa capacité à rester un pays, ce qui deviendra la «nouvelle réalité » qui s’imposera aux autres.

    Pour le cas de la Libye, on semble vouloir en rester à Daech alors que sur le terrain tout est fait pour formaliser une partition du pays entre l’est et l’ouest, entre la « Cyrénaïque » et la « Tripolitaine ». Là où il y a, selon la mauvaise blague de Kobler, deux gouvernements fictifs. Et donc pour suivre la blague jusqu’au bas de la porte de l’émissaire onusien, avec la fin de la «dawla de Syrte », il n’y a plus de gouvernement en Libye.

    Certes, les éléments de Daech qui étaient à Syrte ne sont pas tous morts et en toute logique ils doivent s’être «éparpillés » dans le pays voire dans les pays voisins. Mais en quoi cela change la donne libyenne ? Il y avait un enjeu politique symbolique autour de la bataille pour Syrte. Le très sulfureux général Khalifa Haftar, soutenu par l’Egypte, des pays du Golfe et quelques puissances occidentales, a essayé de la prendre avant le gouvernement d’Union installée à Tripoli pour le délégitimer.

    Cette bataille a été gagnée par le gouvernement d’Union que dirige Fayyaz Al-Sarraj. Khalifa Haftar qui a engagé un bras de fer militaire en cyrénaïque n’a pas réussi avec son armée à bousculer les lignes à Benghazi ou, ainsi que le rappelle Ali Bensaad, un des meilleurs spécialistes de la Libye, le djihadisme dispose “d’ancrages et de relais sociaux” plus consistants qu’à Syrte ou en Tripolitaine.

    La réalité, c’est ce qu’ils veulent !

    La fin de la bataille pour Syrte met fin à une existence “territorialisée” de Daech, elle ne met pas fin à sa menace. Mais elle avait l’avantage pour le gouvernement d’Union de mettre fin à la fixation occidentale sur Daech. Mais à l’évidence, on va continuer à parler de Daech pour ne pas parler de Haftar.


    Le général Haftar qui tient dans les faits le parlement de Tobrouk qui refuse de reconnaître le Gouvernement d’Union basé à Tripoli ne peut se prévaloir d’aucun succès militaire. Par contre, il bénéficie d’un réel soutien de l’Egypte et de certaines capitales occidentales accusées à Tripoli de faire double-jeu. C’est souvent au nom de l’anti-islamisme que ce soutien au général Haftar – et probablement aux fédéralistes pour ne pas dire séparatistes – est justifié.


    La stabilisation de la Libye parait suspendue à la «réalité » nouvelle à laquelle tendent les puissances extérieures. C’est la même situation, en plus dramatique, qui prévaut en Irak et en Syrie.

    La «nouvelle réalité » recherchée par ses puissances étrangères – dont les populations payent un prix insoutenable – est d’autant plus difficile à atteindre que les buts sont divergents et contradictoires. Ces puissances s’appuient sur les effets et les acteurs locaux «nouvelle réalité » créée par le coup de force initial qui a armé les pulsions sectaires, tribales ou tout simplement mafieuses.


    Ce que l’Irak, la Syrie et la Libye nous enseignent est que les dictatures affaiblissent les Etats et les rendent facilement perméable aux manipulations. Ce que la «nouvelle réalité » créée par les Dark Vador nous enseigne aussi est qu’il y a quelque de chose de pire qu’un Etat injuste ou mauvais : c’est la perte totale de l’Etat, l’état d’anomie.


    Post-Scriptum : Le bilan libyen de l’Algérie

    Il va de soi que la Libye avec son absence d’Etat, ses manœuvres étrangères, « l’éparpillement du daech» et la poursuite de la blague de Kobler, concerne directement l’Algérie. Nos officiels sont sur la ligne passéiste de 2011 du «nous vous avons averti » des risques d’une intervention militaire en Libye. Que la «nouvelle réalité » libyenne leur donne « raison » à-postériori n’est pas important ou peu important.


    Le fait est que l’Algérie, contrairement à des puissances étrangères dont le lointain Qatar par exemple, ne dispose plus de levier en Libye. La seule action vis-à-vis de la réalité libyenne est défensive avec un déploiement coûteux de l’armée le long de la frontière. Toutes les «ressources » pour utiliser le jargon des diplomates et des hommes du renseignement avec lesquels les officiels et les officieux Algériens travaillaient relevaient de l’ancien régime.


    L’Algérie ne semble pas en avoir dans la nouvelle réalité libyenne où les chances d’une reconstruction de l’Etat ne sont pas plus importantes que celle d’une partition. Jusqu’à présent, personne n’a fait le bilan libyen de l’action de la diplomatie algérienne et des services de renseignements. On se contente de dire que nous «avions averti » en 2011 pendant que d’autres changeaient la «réalité ». Cela mériterait un débat plus sérieux que cette jubilation qu’on retrouve dans les médias officiels à chaque fois qu’une vague publication présente l’Algérie comme un «rempart » contre… la blague qui dure, qui dure.
    Dernière modification par nacer-eddine06, 10 septembre 2016, 20h26.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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