Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Système scolaire et référent religieux.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Système scolaire et référent religieux.

    L’école est atteinte par la propagande islamiste qui a tenté d’en faire le relais des mosquées et la voie de la conquête des esprits au détriment de la formation et de l’éducation.

    Il faut réfléchir sur les voies et moyens de corriger les terribles dysfonctionnements qui l’affectent et de réorienter la politique d’éducation et de formation dans des directions permettant l’émergence de citoyens du monde moderne et non de partisans d’époques révolues . En fait, c’est à l’école que se joue le devenir politique du pays, car l’investissement effectué maintenant ne sera rentabilisé que dans une ou deux décennies et, selon ce que l’on aura investi, on récoltera une jeunesse formée, ouverte et motivée pour construire un avenir démocratique ou une jeunesse désenchantée, révoltée et disponible pour n’importe quelle aventure.

    Il faut un pacte culturel sur l’école et l’éducation pour sortir d’une confrontation idéologique obsessionnelle, dépassée et stérile qui pervertit et détruit l’école au lieu de l’aider à devenir un lieu de formation des citoyens de demain.

    Le référent arabo-musulman, désormais, fonctionne comme socle identitaire, comme premier des thawabit (acquis de la Révolution), convoqué et brandi constamment chaque fois que des tentatives de rénovation ou de changement à l’intérieur de l’école semblent se dessiner.

    Système scolaire et référent religieux

    L’évolution du système éducatif algérien est révélatrice de l’investissement consenti sur plus d’une trentaine d’années :

    Tout l’argumentaire du préambule fixant la conception de base de l’éducation et de la formation, dans le texte de la réforme d’avril 1976, s’articule autour d’une construction idéologique visant à l’arrimage des options sociopolitiques (démocratisation, arabisation, socialisme) à une valeur donnée comme fondatrice de la communauté algérienne, celle de l’Islam. L’objectif étant d’inscrire l’Algérie dans « l’authenticité » et « la modernité », valeurs arabo-islamiques et conscience socialiste serviront de cadre principal aux missions dévolues au système éducatif.

    Institutionnellement, c’est à travers une matière, dispensée durant tout le cursus de l’enseignement obligatoire que l’éducation islamique est présente au sein de l’école.

    Si dès l’indépendance (1962), l’enseignement des préceptes religieux a été intégré à celui de l’éducation morale et civique, à partir de la réforme de 1976, instituant un enseignement de base obligatoire de neuf années, une discipline spécifique d’éducation islamique a donc été officialisée à tous les niveaux. L’ouverture du système à une forte demande de scolarisation a mené à un recrutement massif d’enseignants :

    – en fait des moniteurs ayant un niveau de qualification inférieur au brevet de fin de collège
    – et à la coopération moyen-orientale pour la réalisation de l’objectif d’arabisation.

    Sans formation appropriée, le corps enseignant présente des lacunes « tant sur les plans culturels et scientifiques que psychopédagogiques et méthodologiques. Ces déficits ont été accentués par la rareté de la documentation, ce qui a conduit à une absence d’autonomie pédagogique et de créativité chez la plupart des enseignants qui dispensent un enseignement stéréotypé, conformiste, peu propice à l’éveil et au développement de l’intelligence des élèves ».

    Pendant près de vingt-trois ans (de 1976 à 1999), les programmes d’éducation islamique sont restés sans changement sérieux sauf à déplacer, avancer ou reculer dans le temps l’apprentissage de sourates considérées comme plus ou moins difficiles. En 1999, et faisant suite à une action d’allégement des programmes menés en 1993, une opération de « nettoyage » des contenus fut initié par le ministère de l’Éducation nationale, touchant tout ce qui apparaissait comme appel à la violence, au djihad et à l’intolérance. Si, pour le premier et deuxième cycle (primaire), c’est le maître unique d’arabe qui a la charge de l’éducation islamique, au troisième cycle (collège), c’est l’enseignant spécialisé en lettres arabes qui prend la relève.

    Dans son avant-projet relatif aux principes généraux de la nouvelle politique de l’éducation et de la réforme de l’enseignement fondamental (décembre 1997), le Conseil supérieur de l’éducation avançait qu’à l’issue de l’enseignement fondamental l’enfant devait être « imprégné de la foi islamique authentique, de patriotisme et du sentiment de fierté et d’appartenance nationale », il devait être capable de « mémoriser une partie du saint Coran et des hadith du prophète, d’accomplir les obligations rituelles et prendre exemple, en parole et en acte sur la conduite du Prophète ».

    Les méthodologies d’enseignement reposent effectivement sur une approche ne laissant aucune place à la diversité et à la créativité, se présentant comme uniques et unifiées sur tout le territoire national. La mission confiée à l’école, dans son action de modelage, et en tant que représentante de l’État, est d’assurer la construction de l’identité collective nationale. C’est le nationalisme comme idéologie politique, qualifié de syncrétique (islamisme, panarabisme, berbérisme, modernisme laïcisant) qui servira d’élément structurant à cette identité.

    Dans les débats se superposent plusieurs types de légitimité : la légitimité islamique, la légitimité historique et la légitimité moderniste (démocratie, justice sociale, droits de l’homme et de la femme). Il en résulte une image brouillée où le référent arabo-islamique fonctionne comme socle identitaire. Partant de la religion comme paradigme de la prescription et de la normation, nous pouvons avancer que le système d’enseignement réfère, par inculcation, mémorisation et restitution, au cadre de pensée traditionnelle.

    Héritage scolaire, conditionnement et impact sur les acteurs

    Très tôt l’enfant est mis dans un espace institutionnel de socialisation où l’essentiel de l’apprentissage se concentre dans l’enseignement religieux. La mémorisation est le vecteur quasi unique de la méthode de transmission formelle.

    A partir de diverses questions relatives à la représentativité d’Algériens dans des champs déterminés, nous pouvons évaluer le niveau d’information et d’ouverture des lycéens, mais aussi d’identification.

    – Quel Algérien représente le mieux l’Histoire ?

    Pour 23 % d’élèves qui ont répondu à cette question, nous avons : Émir Abdelkader (56 réponses), Ibn Badis (22 réponses), Boumediene (5 réponses), Bouamama (4 réponses) et Larbi Ben M’Hidi (3 réponses).

    – L’Algérien qui représente le mieux la guerre de libération ?

    Pour les 26 %, soit 227 lycéens, ayant répondu, 11 noms sont cités soit : Larbi Ben M’Hidi (36), Zabana (12), Émir Abdelkader (11), Boumediene (8), Colonel Lotfi (8), Amirouche (7), Ibn Badis, Ali la Pointe, Ben Boulaïd, Boudiaf, Ben Bella.

    – L’Algérien qui représente le mieux la culture ?

    15 % de réponses et 8 noms cités dont Moufdi Zakaria (36), Ibn Badis (15), personne (9), Kateb Yacine (7), Bachir El Ibrahimi (7), Malek Benabi (6), Cheb Khaled (6).

    Ce sont donc les musulmans nationalistes et réformistes qui apparaissent comme étant les représentants de la culture ; en fait, c’est l’influence de l’école, à travers les programmes scolaires, que l’on retrouve dans les noms cités par les lycéens.

    – L’Algérien qui représente le savoir ?

    Réponse construite sur la même logique que la précédente ; Ibn Badis (68), Bachir El Ibrahimi (4) Malek Benabi (4), personne (9), autres (15).

    – L’Algérien qui représente le mieux la politique ?

    408 noms cités : Abassi Madani (29), Boumediene (20), Boudiaf (18), puis dans l’ordre : Chadli, Ben Bella, Bachir El Ibrahimi, Ali Benhadj, Ait Ahmed. Cependant, pour les filles, c’est d’abord Boudiaf (24) et Madani (22) ; pour les garçons, c’est Madani (36) et Boumediene (19).

    – Le président étranger préféré par les lycéens (63 % d’entre eux) ?

    C’est Saddam Hussein (29) puis personne (19), Bush (10), Castro et Mitterrand (6), les filles citant d’abord Mitterrand (18), et ensuite Castro (3), à la différence des garçons (3 pour le premier et 11 pour le second).

    Très vite s’entremêlent les questions de la personnalité et de la langue, de l’islam et de l’arabisation de la langue d’enseignement comme vecteur de la personnalité et de l’identité algérienne à construire. L’enjeu est dans la fabrication de l’Algérien.

    Débats actuel et enjeux

    Ce n’est pas un hasard si l’école se trouve au cœur des enjeux de pouvoirs entre différentes factions. « L’école est en effet toujours apparue comme un vecteur de pouvoir sur les esprits. Le conditionnement de la jeunesse, sa formation intellectuelle et morale sont l’instrument privilégié d’une diffusion et du maintien du pouvoir des idéologies, qu’elles soient d’inspiration religieuse ou politique ».

    Les changements introduits dans les programmes depuis dix ans répondent essentiellement à des injonctions de type politique ou administratif. « Le sacré religieux, aujourd’hui, se dissocie des institutions établies pour se réinvestir partiellement dans les expériences qui se veulent génératrices de nouvelles formes de la société et de la culture ou d’une nouvelle définition de l’homme ou d’une définition de l’homme ancienne, mais “reprise”, rénovée et revivifiée ».

    Le développement de la violence et du terrorisme depuis 1993 a eu pour conséquence la remise en cause des principes qui sont au fondement de l’école algérienne. « Il n’y a pas d’un coté la modernisation et de l’autre, la tradition : il y a entremêlement, entrechoquement des différents éléments constitutifs du passé et présents de la société algérienne ». (...) Toute la question est de savoir comment va s’opérer le passage de cette laïcisation/sécularisation de la réalité dans le domaine des mentalités. Il y a de fortes chances pour que le retour du religieux auquel nous assistons aujourd’hui soit le moyen historico-culturel par lequel la société cherche à régler son rapport à la religion ».

    Considérant la demande d’islamisation comme contradictoire et irréconciliable avec la demande de modernisation, ce paradoxe résulte avant tout de la perception par les élites modernistes de l’impossibilité du changement de la normativité en islam. En conséquence de quoi, la solution pour le changement passe par « la substitution du droit civil à la Shariâ ».La non-perception par ces élites du rapport étroit entre la normativité et la subjectivité les rend incapables de proposer des pistes de résolution du dilemme auquel se trouve confronté aujourd’hui le monde musulman : comment se moderniser sans perdre son âme ?
    _____________
    Référence : Où va l'Algérie.
Chargement...
X