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AHMED BEDJAOUI, AUTEUR ET CRITIQUE DE CINÉMA, À “LIBERTÉ” “L’image de l’Algérie ne se négocie pas”

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  • AHMED BEDJAOUI, AUTEUR ET CRITIQUE DE CINÉMA, À “LIBERTÉ” “L’image de l’Algérie ne se négocie pas”

    En marge des 14es Rencontres cinématographiques de Béjaïa, Ahmed Bedjaoui était présent pour animer des conférences et pour signer son livre “Littératures et cinémas arabes” (éditions Chihab).
    Dans cet entretien, l‘auteur est revenu sur différents sujets : son nouvel ouvrage, le gel des fonds du Fdatic, et sur la censure du documentaire “Vote off” de Fayçal Hammoum.

    Liberté : Vous êtes à Béjaïa pour présenter votre dernier livre Littératures et cinémas arabes, paru aux éditions Chihab. Quelles en sont les grandes lignes ?
    Ahmed Bedjaoui : Littératures et cinémas arabes est un livre collectif. On s’est dit qu’il y avait une profonde injustice dans la vision des gens, peut-être un peu réductrice sur la présence de la littérature dans le cinéma arabe. Nous avons l’impression qu’il y a peu de livres qui ont été adaptés, mais, cela n’est pas le cas ! On s’aperçoit, d’abord, qu’il y a des ouvrages de la littérature classique comme par exemple Hugo, Dostoïevski qui ont été adaptés au cinéma arabe. Alors, nous avons voulu combler avec mon codirecteur, Michel Cerceau, (professeur et écrivain à Marseille), cette lacune et nous avons demandé également à des représentants de chacun des pays arabes de faire le point et l’état des lieux sur tout ce qui a été adapté. Outre cela, nous avons pris des cadres d’écoles.
    Concernant mon travail, j’ai réalisé un article sur Assia Djebar et le cinéma, l’histoire mouvementée, un peu tragique et douloureuse. J’ai également travaillé sur Mouloud Mammeri et le cinéma, car il a non seulement été adapté, mais, il a écrit également pour le cinéma. J’ai fait également une extension du cinéma amazigh, car il fait partie du monde arabe et il fait aussi partie d’un cinéma spécifique, et j’ai voulu donc faire le point sur tout ce qui a été adapté à partir de livres comme La colline oubliée et également sur les contes populaires kabyles ou berbères qui ont été adaptés au cinéma.
    Dans mon livre, je parle de tous les films qui ont été adaptés d’œuvres littéraires où bien d’œuvres du patrimoine national qui sont les contes et légendes qui ont été réécrits. J’ai abordé l’écrit et le visuel. Le livre est préfacé par Azzedine Mihoubi, pas en tant que ministre, mais en tant qu’écrivain et scénariste, il porte les deux casquettes donc il était bien placé pour présenter cet ouvrage. Nous avons été passionnés par cette histoire et par le désir de restituer où de combler un vide et de rectifier une injustice.
    J’ai réalisé une liste de toutes les œuvres adaptées, d’ailleurs, j’ai listé près de 100 films adaptés de la littérature, et ce n’est pas rien. Nous voulons mettre cet ouvrage au service des chercheurs et des étudiants, cela facilite un peu la tâche car c’est un domaine plutôt vierge. Je pense que ce livre fera l’objet, plus tard, d’une coédition avec Actes Sud pour sa sortie en France.

    Toujours chez le même éditeur, vous prévoyez de sortir un ouvrage sur la guerre de libération et le cinéma…

    Oui, il est complètement bouclé, il sort au prochain Salon international du livre (Sila), je dois juste jeter un dernier coup d’œil chez l’éditeur (éditions Chihab), et après, il part en imprimerie. C’est une monographie de plus de 500 pages, intitulée La guerre d’Algérie dans le cinéma mondial. Il est composé de 1 000 fiches sur 1 000 films consacrés à la guerre de Libération, et ce, pour montrer à quel point la guerre d’Algérie a été le pan des événements majeurs du XXe siècle.
    J’ai retrouvé des films américains, chinois, des films de tous les pays qui parlent de notre histoire et c’est extraordinaire. Ce livre est composé de fiches techniques et il est répertorié par rubrique. Par exemple : des rubriques sur le 8 Mai 1945, le monde rural et le monde ouvrier, le 17 Octobre 1961, l’immigration et il y a même un chapitre consacré à l’OS, soldats perdus.
    Il y a 21 chapitres accompagnés de 21 rubriques dans lesquelles nous avons classifié par ordre chronologique chaque thème, mais à l’intérieur de chacun, on retrouve par exemple le thème de la torture… C’est un beau livre qui sert évidemment de référence parce qu’on apporte des éléments nouveaux et il y a des films dont personne n’a entendu parler.

    En tant que président du Fdatic, qu’en est-il du problème relatif au gel des fonds destinés aux porteurs de projets ?

    Je suis arrivé au Fdatic en mai, quelques mois après, on me dit qu’il n’y a plus d’argent. Je n’ai pas d’informations réelles, j’attends d’avoir des rencontres formelles avec les gens du ministère pour qu’ils m’informent. Mais, j’entends dire qu’il n’y a pas d’argent, il y a des restrictions budgétaires ; et que le ministère a reçu des instructions du ministère des Finances pour geler les attributions de fonds en attendant qu’il y ait une nomenclature et une restructuration de ces plans.
    Je ne sais pas s’ils attendent que le pétrole remonte, je n’en sais rien ! je suis d’accord pour plafonner les fonds et les attributions, mais je pense qu’il y a eu une inflation sur les coûts des films avec des porteurs de projets qui ne sont pas forcément des gens capables de porter des films à 500 millions de dinars. J’étais étonné de voir l’explosion des coûts, ce n’est pas normal ! Alors qu’il y a des jeunes qui sont prêts à faire des films moins chers. Il faut arrêter avec ça, avec ce fantasme de cinéma hollywoodien et revenir à des coûts qui permettent à des jeunes de faire des films, parce que le talent n’est pas forcément tributaire du montant du budget. On l’a vu dans Tahya Didou, ce ne sont pas les films les plus chers qui ont marqué le cinéma algérien.
    Je suis d’accord pour dire qu’il faut arrêter cette dérive, ce fantasme de “donne-moi un budget et je n’ai pas de projet”. Je dis “est-ce que tu as un projet ?”. La priorité aujourd’hui, c’est que ces lettres partent et qu’on honore ces engagements. En attendant, je pense qu’on devrait arrêter de se réunir parce que tant que les personnes auxquelles une aide a été promise n’ont rien reçu (lettre de confirmation), il ne sert à rien de continuer à délibérer et à faire semblant. Il faut régler ces problèmes ! Je sais que le ministre de la Culture se bat pour que celui des Finances lui permette d’utiliser les fonds du Fdatic, qui existent, mais qui, actuellement, sont tout simplement gelés.
    Nous sommes disposés à collaborer, nous avons fait trois réunions et une trentaine de films attendent des réponses. Je pense que l’image de l’Algérie ne se négocie pas, la réputation de l’Algérie ce sont des “images” et il ne faut jamais arrêter la production d’images. On peut arrêter l’inflation, les fantasmes hollywoodiens mais des films comme ceux de Damien Ounouri et Karim Moussaoui sont des films qui ne coûtent pas cher, seulement quelques dizaine de millions de dinars, là, on peut les aider. Revenons vers des images qui reflètent l’Algérie et qui donnent du prestige au pays. Et qui assurent notre présence dans les festivals et que ce soit cela les critères de sélection.

    Le documentaire Vote off de Fayçal Hammoum, s’est vu refuser le visa culturel pour sa projection aux RCB. Que pensez-vous de cette censure ?

    Il faut qu’on fasse attention aux films qui passent à la télé, parce que ça rentre chez nous. Vous avez le devoir de préserver votre famille ! Mais le cinéma c’est un déplacement, c’est un choix délibéré, personne ne vous oblige à aller au cinéma.
    Cela touche quelques centaines de personnes, donc cela ne peut pas porter atteinte à des valeurs d’État et il faut laisser cette liberté de choix. Ceux qui n’aiment pas ce film ne sont pas obligés de le regarder. Personne ne vous oblige à aller le voir, donc je ne vois pas pourquoi la censure dans le cinéma existerait.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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