Par La Rédaction • septembre 15, 2016
Madaniya - Civique et citoyen. Ce site se veut un lanceur d’alerte. Il nourrit l’ambition d’assumer la fonction d’un vigile. Dénoncer et combattre l’instrumentalisation de la religion comme arme de combat politique. Prôner la neutralité de l’Etat, de même que la séparation de la religion de l’Etat.
Réclamer un statut civil identique à l’ensemble des concitoyens. Promouvoir la citoyenneté et non l’appartenance communautaire. Madaniya s'honore de la responsabilité d'abriter au sein de sa rédaction des opposants démocratiques en exil en provenance des pays du golfe, dont la contribution se fera, pour des raisons de sécurité, sous le sceau de l'anonymat, par le biais de pseudonyme.
La contestation syndicale française contre la Loi el Khomry, lors du printemps et de l’été 2016, remet en lumière la condition ouvrière dans les pays capitalistes, particulièrement aux États-Unis. madaniya soumet à l’attention de ses lecteurs cette étude de Loren Goldner sur «La lutte des Classes aux États-Unis depuis le Krach de 2008»
Et pour aller plus loin, cet article prophétique de l’ancien premier ministre français et fondateur de la «deuxième gauche» Michel Rocard «Resister aux sociétés multinationales» La lutte de classes aux États-Unis depuis le krach de 2008
Revue, Échanges. N°138. Automne 2011. Par Loren Goldner.
Depuis juillet [2011], les médias dominants parlent de plus en plus fréquemment d’une «récession» «à double plongée» aux États-Unis. Mais nous pouvons affirmer sans crainte que, pour la plupart des travailleurs, la «récession» n’a jamais pris fin, et qu’elle va s’aggraver.
ANTÉCÉDENTS
Pour comprendre la lutte des classes aux États-Unis depuis la crise financière de 2007-2008, il nous faut d’abord rappeler brièvement l’histoire des quatre décennies précédentes, depuis la fin de l’insurrection des dernières années 1960 et du début des années 1970.
Comme on le sait, depuis 1973 environ, l’histoire de la classe ouvrière américaine est celle d’une régression et d’une suite quasiment ininterrompue de défaites. On l’a décrite comme «une guerre des classes au cours de laquelle un seul camp se battait». Pendant cette période, les salaires réels ont baissé de 15 % au bas mot et dès 1960 on a assisté à la disparition de la famille ouvrière vivant sur un salaire unique.
De nos jours, il faut 2 ou 3 salaires à la famille ouvrière typique, dont un pour couvrir les frais de logement (50 % du revenu du foyer). La semaine de travail moyenne s’est allongée d’au moins 10 % pour ceux qui ont un travail à temps plein ; en réalité la force de travail ressemble de plus en plus à «la société en forme de sablier», avec une couche de «professions libérales» qui travaillent 70 heures par semaine et une majorité de la population précarisée par des emplois intermittents à temps partiel.
Pendant la même période, les 10 % de la population formant la couche supérieure se sont vu attribuer environ 70 % de toutes les augmentations de revenu. Et on sait bien aussi que de vastes régions du nord-est autrefois industriel ont été transformées en «poubelles», où les emplois de «service» peu rémunérés et sans avenir (par exemple Walmart) se substituent aux anciens emplois ouvriers relativement stables et correctement payés.
États-Unis et Corée du Sud : Les lieux de travail les plus dangereux du monde capitaliste «avancé».
Les États-Unis ont, avec la Corée du Sud, les lieux de travail les plus dangereux du monde capitaliste «avancé» : 14 travailleurs y meurent quotidiennement. 2% de la population (sept millions de personnes) (1), majoritairement des Noirs et des Latinos, sont en attente d’un jugement, en prison ou en libération conditionnelle, surtout à cause de la «guerre contre la drogue». Des centaines de milliers de personnes perdent leur logement après avoir perdu leur travail, le nombre des sans-abri monte en flèche, et la «guerre contre les pauvres» s’intensifie par le harcèlement policier, l’entassement des gens dans des refuges sordides semblables à des prisons et la criminalisation de ceux qui vivent dans la rue.
Revue de détails de la réalité sociale dans «le pays le plus riche du monde».
I – LE DÉCLIN DE LA GRÈVE
Face à cette offensive capitaliste depuis la décennie 1970, et sans parler de la grève sauvage, la grève classique est devenue quasi inexistante. 20 % des travailleurs américains ont participé à une grève ou un lock-out chaque année au cours des années 1970 contre seulement 0,05 % en 2009. Les vieux syndicats industriels ont été sérieusement affaiblis par la désindustrialisation ; ils représentaient 35% de la main-d’œuvre en 1955 mais seulement 12% aujourd’hui, et la plupart de ceux qui existent encore sont des syndicats du secteur public. (Afin de dissiper toute ambiguïté, je précise que jusqu’en 1973, la plupart des grandes centrales syndicales luttaient contre les mobilisations sauvages de la base et pas contre les capitalistes. Il n’en reste pas moins que la diminution du nombre de leurs adhérents est due en partie à leur incapacité à assurer même ce «syndicalisme de négociation» qui les caractérisait au cours des années 1970.)
Lorsqu’ils font grève, les travailleurs qui ont encore des emplois permanents, des salaires décents et une couverture sociale, restent, presque sans exception, dans les limites de la légalité et des «cellules de négociation» dont les objectifs sont étroitement déterminés et leur assurent la défaite avant même d’engager la lutte.
II – ENDETTEMENT DES CONSOMMATEURS EN CASCADE
Après les années 1970, la classe ouvrière américaine et la «classe moyenne» (terme truffé d’idéologie qui se réfère au moribond «rêve américain» d’un travail stable, d’un logement à soi et d’une retraite décente) ont compensé la baisse des salaires réels en s’endettant de plus en plus.
Dès la décennie 1990 s’y est ajoutée la bulle immobilière, propagée par le mythe promotionnel des médias («les prix de l’immobilier ne baissent jamais») et grossie, dans les années 2000, par la bulle des sub-primes. C’était l’époque où presque tout le monde pouvait obtenir un prêt et acheter son logement, ou obtenir un second prêt, et utiliser ces «avoirs» imaginaires pour obtenir encore plus de crédits. La «relance» suite à la dégringolade de la bulle informatique de 2000-2003 était en grande partie liée au secteur de la construction et de ses industries satellites, ameublement et électro-ménager par exemple.
Cet empilement de dettes de consommation par les travailleurs, qu’ils soient ouvriers ou du secteur tertiaire, suivait en parallèle l’augmentation jusque-là inouïe de la dette de l’État (État Fédéral, états régionaux ou municipalités), ainsi que la dette extérieure des États-Unis (total net des dollars détenus à l’étranger, moins les actifs américains à l’étranger) qui s’élève à plus de 10 000 milliards de dollars.
Ainsi, avec l’éclatement de la bulle immobilière en 2007, suivi en 2008 par des convulsions dans le secteur bancaire, l’irruption de la crise ne fut que le point culminant d’un long processus d’atermoiement par une cascade de dettes depuis les années 1970, révélant une crise du profit sous-jacente (et finalement de la valeur au sens que lui donnait Marx) dans l’économie «réelle». Mais c’est une autre histoire, qui n’a pas sa place dans cet article
Madaniya - Civique et citoyen. Ce site se veut un lanceur d’alerte. Il nourrit l’ambition d’assumer la fonction d’un vigile. Dénoncer et combattre l’instrumentalisation de la religion comme arme de combat politique. Prôner la neutralité de l’Etat, de même que la séparation de la religion de l’Etat.
Réclamer un statut civil identique à l’ensemble des concitoyens. Promouvoir la citoyenneté et non l’appartenance communautaire. Madaniya s'honore de la responsabilité d'abriter au sein de sa rédaction des opposants démocratiques en exil en provenance des pays du golfe, dont la contribution se fera, pour des raisons de sécurité, sous le sceau de l'anonymat, par le biais de pseudonyme.
La contestation syndicale française contre la Loi el Khomry, lors du printemps et de l’été 2016, remet en lumière la condition ouvrière dans les pays capitalistes, particulièrement aux États-Unis. madaniya soumet à l’attention de ses lecteurs cette étude de Loren Goldner sur «La lutte des Classes aux États-Unis depuis le Krach de 2008»
Et pour aller plus loin, cet article prophétique de l’ancien premier ministre français et fondateur de la «deuxième gauche» Michel Rocard «Resister aux sociétés multinationales» La lutte de classes aux États-Unis depuis le krach de 2008
Revue, Échanges. N°138. Automne 2011. Par Loren Goldner.
Depuis juillet [2011], les médias dominants parlent de plus en plus fréquemment d’une «récession» «à double plongée» aux États-Unis. Mais nous pouvons affirmer sans crainte que, pour la plupart des travailleurs, la «récession» n’a jamais pris fin, et qu’elle va s’aggraver.
ANTÉCÉDENTS
Pour comprendre la lutte des classes aux États-Unis depuis la crise financière de 2007-2008, il nous faut d’abord rappeler brièvement l’histoire des quatre décennies précédentes, depuis la fin de l’insurrection des dernières années 1960 et du début des années 1970.
Comme on le sait, depuis 1973 environ, l’histoire de la classe ouvrière américaine est celle d’une régression et d’une suite quasiment ininterrompue de défaites. On l’a décrite comme «une guerre des classes au cours de laquelle un seul camp se battait». Pendant cette période, les salaires réels ont baissé de 15 % au bas mot et dès 1960 on a assisté à la disparition de la famille ouvrière vivant sur un salaire unique.
De nos jours, il faut 2 ou 3 salaires à la famille ouvrière typique, dont un pour couvrir les frais de logement (50 % du revenu du foyer). La semaine de travail moyenne s’est allongée d’au moins 10 % pour ceux qui ont un travail à temps plein ; en réalité la force de travail ressemble de plus en plus à «la société en forme de sablier», avec une couche de «professions libérales» qui travaillent 70 heures par semaine et une majorité de la population précarisée par des emplois intermittents à temps partiel.
Pendant la même période, les 10 % de la population formant la couche supérieure se sont vu attribuer environ 70 % de toutes les augmentations de revenu. Et on sait bien aussi que de vastes régions du nord-est autrefois industriel ont été transformées en «poubelles», où les emplois de «service» peu rémunérés et sans avenir (par exemple Walmart) se substituent aux anciens emplois ouvriers relativement stables et correctement payés.
États-Unis et Corée du Sud : Les lieux de travail les plus dangereux du monde capitaliste «avancé».
Les États-Unis ont, avec la Corée du Sud, les lieux de travail les plus dangereux du monde capitaliste «avancé» : 14 travailleurs y meurent quotidiennement. 2% de la population (sept millions de personnes) (1), majoritairement des Noirs et des Latinos, sont en attente d’un jugement, en prison ou en libération conditionnelle, surtout à cause de la «guerre contre la drogue». Des centaines de milliers de personnes perdent leur logement après avoir perdu leur travail, le nombre des sans-abri monte en flèche, et la «guerre contre les pauvres» s’intensifie par le harcèlement policier, l’entassement des gens dans des refuges sordides semblables à des prisons et la criminalisation de ceux qui vivent dans la rue.
Revue de détails de la réalité sociale dans «le pays le plus riche du monde».
I – LE DÉCLIN DE LA GRÈVE
Face à cette offensive capitaliste depuis la décennie 1970, et sans parler de la grève sauvage, la grève classique est devenue quasi inexistante. 20 % des travailleurs américains ont participé à une grève ou un lock-out chaque année au cours des années 1970 contre seulement 0,05 % en 2009. Les vieux syndicats industriels ont été sérieusement affaiblis par la désindustrialisation ; ils représentaient 35% de la main-d’œuvre en 1955 mais seulement 12% aujourd’hui, et la plupart de ceux qui existent encore sont des syndicats du secteur public. (Afin de dissiper toute ambiguïté, je précise que jusqu’en 1973, la plupart des grandes centrales syndicales luttaient contre les mobilisations sauvages de la base et pas contre les capitalistes. Il n’en reste pas moins que la diminution du nombre de leurs adhérents est due en partie à leur incapacité à assurer même ce «syndicalisme de négociation» qui les caractérisait au cours des années 1970.)
Lorsqu’ils font grève, les travailleurs qui ont encore des emplois permanents, des salaires décents et une couverture sociale, restent, presque sans exception, dans les limites de la légalité et des «cellules de négociation» dont les objectifs sont étroitement déterminés et leur assurent la défaite avant même d’engager la lutte.
II – ENDETTEMENT DES CONSOMMATEURS EN CASCADE
Après les années 1970, la classe ouvrière américaine et la «classe moyenne» (terme truffé d’idéologie qui se réfère au moribond «rêve américain» d’un travail stable, d’un logement à soi et d’une retraite décente) ont compensé la baisse des salaires réels en s’endettant de plus en plus.
Dès la décennie 1990 s’y est ajoutée la bulle immobilière, propagée par le mythe promotionnel des médias («les prix de l’immobilier ne baissent jamais») et grossie, dans les années 2000, par la bulle des sub-primes. C’était l’époque où presque tout le monde pouvait obtenir un prêt et acheter son logement, ou obtenir un second prêt, et utiliser ces «avoirs» imaginaires pour obtenir encore plus de crédits. La «relance» suite à la dégringolade de la bulle informatique de 2000-2003 était en grande partie liée au secteur de la construction et de ses industries satellites, ameublement et électro-ménager par exemple.
Cet empilement de dettes de consommation par les travailleurs, qu’ils soient ouvriers ou du secteur tertiaire, suivait en parallèle l’augmentation jusque-là inouïe de la dette de l’État (État Fédéral, états régionaux ou municipalités), ainsi que la dette extérieure des États-Unis (total net des dollars détenus à l’étranger, moins les actifs américains à l’étranger) qui s’élève à plus de 10 000 milliards de dollars.
Ainsi, avec l’éclatement de la bulle immobilière en 2007, suivi en 2008 par des convulsions dans le secteur bancaire, l’irruption de la crise ne fut que le point culminant d’un long processus d’atermoiement par une cascade de dettes depuis les années 1970, révélant une crise du profit sous-jacente (et finalement de la valeur au sens que lui donnait Marx) dans l’économie «réelle». Mais c’est une autre histoire, qui n’a pas sa place dans cet article
Commentaire