L’amour ne vieillira jamais ! Ne prendra jamais de rides. Il avait 82 ans, un peu plus. Avec un cœur et un regard d’un jeune de 18 ! Je vous parle de mon père ! Dans sa vie, il a touché à tous les boulots : notaire, paysan, imam, marchand de chevaux, marchand de moutons, cavalier de la fantasia, liseur de Coran... Il adorait mes sept sœurs, les chevaux, les chiens et le bleu du ciel de notre village. Par-dessus tout, mon père vénérait ma mère ! Elle était la pupille de son œil et sa lueur ! Son souffle. Il ne regardait qu’elle ! Certes, ma mère était une belle femme, coquette et pudique. En couple, ils ont vécu soixante-quatre ans de mariage. Soixante-quatre ans d’amour plutôt. Je suis l’enfant de la magie de cet amour.
Je vous raconte, vrai et vérité ! Par un jour, et pour la première fois, ma mère a décidé de voyager à l’étranger, toute seule. Elle partait pour rendre visite à sa sœur, ma tante. Mon père attendait ce jour comme sur des braises ! Le jour du voyage, en compagnie de mon père, nous l’avons accompagnée à l’aéroport d’Es-Sénia d’Oran. Mon père n’a pas baissé d’une seconde son regard de ma mère. Elle aussi, perturbée par le premier voyage seule, ne cessa de fixer mon père.
Après l’enregistrement, l’heure de l’embarquement est venue. Nous nous sommes dit “au revoir”. Mon père n’a pas pu cacher son chagrin.
Nous montons au niveau deux de l’aérogare, mon père et moi, afin de la guetter, de la voir monter à bord de l’avion. Depuis son coin, le nez collé contre la vitre, mon père fixait les passagers, un par un. L’avion est déjà sur la piste. Le bus arriva pour embarquer les passagers vers l’avion. Un par un les passagers montent dans le bus. Mon père, toujours le nez collé contre la vitre, les yeux fixés sur le bus. Soudain, en enfant, il a sursauté en criant : elle est là-bas, elle est là-bas ! Elle monte dans le bus ! Je l’ai reconnue par sa djellaba ! Il tremblait comme une branche d’arbre face à un vent violent.
Le bus démarre. Le regard fixé sur la piste. La voilà ! Elle grimpe l’échelle vers l’avion !! a dit-il à voix haute. Il change de place pour pouvoir mieux la localiser. Elle entre dans l’avion ! commenta-t-il dans une voix troublée. Il ne veut pas quitter sa vitre. Les yeux braqués sur le vide. Il attend le décollage ! Une bonne petite heure ! L’escabeau est retiré. L’avion a bougé sur la piste. Lui, a bougé aussi ! L’avion s’est éloigné ! Elle décolle ! Son cœur aussi. Cette fois-ci, il a fixé le ciel ! L’avion s’est éclipsé derrière les nuages !
Il se retourne vers moi, comme dans un état de transe. En enfant, il me demande : à quelle vitesse et à quelle altitude vole-t-il ? Puis il me demande l’heure, bien qu’il ait sa montre très ponctuelle, mieux que la mienne ! Je lui ai proposé de prendre un café. Il a refusé, me disant qu’il faut qu’on rentre à la maison. Il faut que je l’appelle dès qu’elle arrive !
Nos prenons le chemin du retour. Assis à mes côtés, il était silencieux, évasif. Je l’ai senti comme égaré et seul sans ma mère !
Puis, d’un seul coup, il a éclaté en sanglots.
Les hommes pleurent !
À 82 ans, après une vie de 64 ans de mariage, d’amour plutôt, beaucoup d’enfants, sept filles et six garçons, mon père pleure l’absence de ma mère.
Les hommes, eux aussi, pleurent.
Les hommes amoureux et fidèles pleurent, les pleurs-vrais.
Allah yrahmek cher père ! Allah yrahmek chère mère !
Mais pourquoi je vous raconte tout cela ?
A. Z.
Je vous raconte, vrai et vérité ! Par un jour, et pour la première fois, ma mère a décidé de voyager à l’étranger, toute seule. Elle partait pour rendre visite à sa sœur, ma tante. Mon père attendait ce jour comme sur des braises ! Le jour du voyage, en compagnie de mon père, nous l’avons accompagnée à l’aéroport d’Es-Sénia d’Oran. Mon père n’a pas baissé d’une seconde son regard de ma mère. Elle aussi, perturbée par le premier voyage seule, ne cessa de fixer mon père.
Après l’enregistrement, l’heure de l’embarquement est venue. Nous nous sommes dit “au revoir”. Mon père n’a pas pu cacher son chagrin.
Nous montons au niveau deux de l’aérogare, mon père et moi, afin de la guetter, de la voir monter à bord de l’avion. Depuis son coin, le nez collé contre la vitre, mon père fixait les passagers, un par un. L’avion est déjà sur la piste. Le bus arriva pour embarquer les passagers vers l’avion. Un par un les passagers montent dans le bus. Mon père, toujours le nez collé contre la vitre, les yeux fixés sur le bus. Soudain, en enfant, il a sursauté en criant : elle est là-bas, elle est là-bas ! Elle monte dans le bus ! Je l’ai reconnue par sa djellaba ! Il tremblait comme une branche d’arbre face à un vent violent.
Le bus démarre. Le regard fixé sur la piste. La voilà ! Elle grimpe l’échelle vers l’avion !! a dit-il à voix haute. Il change de place pour pouvoir mieux la localiser. Elle entre dans l’avion ! commenta-t-il dans une voix troublée. Il ne veut pas quitter sa vitre. Les yeux braqués sur le vide. Il attend le décollage ! Une bonne petite heure ! L’escabeau est retiré. L’avion a bougé sur la piste. Lui, a bougé aussi ! L’avion s’est éloigné ! Elle décolle ! Son cœur aussi. Cette fois-ci, il a fixé le ciel ! L’avion s’est éclipsé derrière les nuages !
Il se retourne vers moi, comme dans un état de transe. En enfant, il me demande : à quelle vitesse et à quelle altitude vole-t-il ? Puis il me demande l’heure, bien qu’il ait sa montre très ponctuelle, mieux que la mienne ! Je lui ai proposé de prendre un café. Il a refusé, me disant qu’il faut qu’on rentre à la maison. Il faut que je l’appelle dès qu’elle arrive !
Nos prenons le chemin du retour. Assis à mes côtés, il était silencieux, évasif. Je l’ai senti comme égaré et seul sans ma mère !
Puis, d’un seul coup, il a éclaté en sanglots.
Les hommes pleurent !
À 82 ans, après une vie de 64 ans de mariage, d’amour plutôt, beaucoup d’enfants, sept filles et six garçons, mon père pleure l’absence de ma mère.
Les hommes, eux aussi, pleurent.
Les hommes amoureux et fidèles pleurent, les pleurs-vrais.
Allah yrahmek cher père ! Allah yrahmek chère mère !
Mais pourquoi je vous raconte tout cela ?
A. Z.
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