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Semer la vie sur d'autres planètes en envoyant des microbes ? Ça n'a rien de farfelu

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  • Semer la vie sur d'autres planètes en envoyant des microbes ? Ça n'a rien de farfelu

    La vie serait apparue sur Terre au plus tôt voici environ 4,1 milliards d'années, mais elle s'est très longtemps limitée à des organismes unicellulaires. Ce n'est qu'il y a 2,1 milliards d'années que les premiers organismes multicellulaires seraient apparus, et la complexité de la vie telle que nous la connaissons ne daterait que de ce que les spécialistes nomment "l'explosion cambrienne", voici 500 millions d'années. Il a donc fallu dans les 4 milliards d'années à la vie pour acquérir une grande diversité.

    Claudius Gros, professeur de physique théorique à l'université Goethe de Francfort, part donc de ce principe : si la vie évolue très rapidement sous forme microbienne lorsque les conditions s'y prêtent, il lui faut des périodes étendues pour qu'elle puisse évoluer vers des formes complexes. Or, d'après nos observations actuelles, de nombreuses exoplanètes ne seraient habitables que de manière passagère, en tout cas à l'échelle de l'histoire d'un système solaire.

    Donner un coup de pouce à la nature

    Si elles ne disposent que de quelques centaines de millions d'années, ou même un petit milliard, elles n'auront alors pas assez de temps pour une vie plus évoluée. Pas de forêts verdoyantes, de poissons dans les rivières, d'oiseaux dans les airs, d'animaux gambadant joyeusement dans les prés... et encore moins de primates supérieurs bâtissant une technologie suffisante pour s'affranchir de leur environnement naturel. Juste un paradis pour microbes.

    Ce serait par exemple le cas de Vénus, dont une étude récente a envisagé qu'elle ait pu avoir un océan et des conditions climatiques potentiellement favorables à l'apparition d'une vie unicellulaire, à une époque où le Soleil était moins lumineux. Il pourrait y avoir d'autres Vénus ailleurs, situées dans la partie de la zone habitable la plus proche de leur étoile, et qui pourraient ne laisser place qu'à un gros bouillon de culture, faute de temps pour évoluer davantage.

    L'idée du professeur Gros est de donner un coup de pouce à la nature en fournissant à ces planètes le cocktail de vie que nous possédions juste avant la fameuse explosion cambrienne, en espérant qu'elles en feront bon usage. Un raccourci de l'évolution, qui ensemencerait d'autres systèmes solaires avec de la vie d'origine terrienne.

    Une technologie accessible dans le futur

    Ce "projet Genesis", comme il l'a baptisé, ne réclamerait pas une technologie au-dessus de nos moyens, ou en tout cas accessible dans un futur proche :

    "Il pourrait être mis en oeuvre par des micro-sondes robotiques à relativement bas prix, équipées d'un laboratoire génétique de bord pour synthétiser les microbes sur place."

    Et au contraire d'une mission d'exploration, dont on pourrait espérer des résultats dans la durée d'une vie humaine, un tel projet n'aurait pas de limitation de durée puisqu'il s'agirait d'ensemencer des planètes pour un résultat "visible" des millions d'années plus tard. Le rayon d'action de telles sondes et le temps qu'il leur faudrait pour atteindre leurs cibles ne serait donc importants qu'en tant que paramètres pour leur construction. En résumé, on lance les sondes, et elles vont parsemer notre petit coin de galaxie de germes de vie terrienne.

    Une fois arrivée sur place, la mini-sonde analyserait son environnement avant de synthétiser dans son laboratoire embarqué le cocktail de microbes le mieux adapté aux conditions locales à partir d'une base de données de génomes terrestres. Une nano-capsule dédiée serait alors éjectée vers la planète pour répandre les micro-organismes. Mieux encore, la sonde pourrait rester en orbite et répéter l'opération sur une durée de plusieurs siècles, en adaptant les organismes en fonction de l'évolution de l'environnement de l'exoplanète.

    Reste ensuite à espérer que la vie ainsi introduite évoluera vers des formes plus complexes... qui ne seront pas forcément similaires à ce que nous avons sur Terre, mais dépendront du milieu dans lequel elles se développeront.

    L'univers n'est pas un parc naturel à protéger

    Outre l'aspect scientifique et technologique, un tel projet a une dimension éthique non négligeable. Aujourd'hui, les agences spatiales, la NASA en tête, respectent une sorte de "pacte de protection", en faisant leur possible pour ne pas contaminer les milieux extraterrestres avec nos microbes.

    Sur la Lune, où la vie ne peut exister, la question ne se pose pas, mais sur Mars, introduire des microbes terrestres pourrait fausser toute recherche de vie locale passée et interférer avec une éventuelle vie microbienne encore présente sous la surface. Le professeur Gros a pris en compte ce questionnement, en précisant qu'on n'ensemencerait pas une planète dont l'atmosphère aurait déjà un fort taux d'oxygène : elle aurait déjà un environnement propice, et très probablement une vie indigène.

    D'autres pensent qu'il faut à tout prix préserver les autres planètes, et les laisser telles quelles, transformant l'espace à explorer en d'immenses réserves naturelles dans lesquelles nous ne pourrions être que de timides et furtifs visiteurs. Après tout, pourquoi les humains se prendraient-ils pour des dieux amenant la vie ailleurs ? Mais l'univers n'est ni un zoo ni un parc naturel.

    Faut-il protéger d'éventuels microbes indigènes, ou prendre le risque de les éradiquer en privilégiant le but ultime de répandre la vie dans l'univers ? Certains scientifiques partent du principe que la vie est faite pour se développer, et qu'il serait donc naturel d'ensemencer l'univers avec la vie terrestre. C'est la théorie dite de la "panspermie".

    Si la vie est rare, il faut la propager

    Aujourd'hui, nous ne pouvons pas encore évaluer la rareté de la vie dans l'univers. Mais si la Terre était le seul monde à héberger des formes de vie évoluées, du moins dans notre galaxie et à notre époque, ne serait-ce pas un devoir éthique de la propager avant qu'elle ne s'éteigne ?

    Et même s'il y avait un nombre raisonnable de mondes où des formes de vie complexes ont évolué, il y en aurait encore bien davantage où la vie serait théoriquement possible mais où elle n'aurait pas vu le jour pour diverses raisons. Ces planètes-là, parmi lesquelles celles que cible le professeur Gros, pourraient donc être à leur tour des havres de vie dans l'univers grâce à l'intervention humaine.

    Le projet Genesis "nous permettrait de rendre quelque chose à la vie", déclare Claudius Gros. Un projet qui, s'il pourrait être réalisable d'ici quelques petites dizaines d'années, devrait probablement être financé par des mécènes. Mais au moins, si la vie venait à disparaître sur Terre en raison d'une catastrophe, elle évoluerait peut-être sur d'autres mondes, emmenant ainsi notre héritage vivant bien au-delà de l'espérance de vie de l'espèce humaine.

    l'OBS
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