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Maghreb : faux-semblants à Tunis

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  • Maghreb : faux-semblants à Tunis

    La démocratie qui s'est installée en moins de six ans n'est pas une exception mais une hérésie au sein du monde arabe.

    PAR NOTRE CORRESPONDANT À TUNIS, BENOÎT DELMAS


    Il y a deux Tunisies. Celle célébrée à l'international, couronnée par le Nobel de la paix, fêtée à la Maison-Blanche, l'ONU, l'Élysée…

    Et la Tunisie du quotidien. Celle qui souffre, qui regarde au journal de 20 heures ses dirigeants reçus par Obama & Co et qui ne comprend pas la nature de cet emballement. Cette Tunisie-là subit un chômage de masse, une corruption vertigineuse (l'économie informelle pèse pour 50 %), un espace public qui s'est transformé en une décharge à ciel ouvert, une précarité qui va crescendo.

    Tunisie : un décalage entre perception et réalité
    L'image extérieure de la Tunisie, médiatiquement et politiquement parlant, est au firmament. Le décalage entre la perception et la réalité malmène le citoyen. La Tunisie est libre. De parler, de vitupérer, de s'insulter sur les plateaux télévisés. Libre de gueuler son mécontentement. De griller les feux rouges et de déverser ses déchets sur les bords des routes. La Tunisie de 2016 ne ressemble pas à celle de 2011. Elle n'a plus confiance en elle, elle doute, elle s'accable de tous les maux. Et sa vitrine qui séduit une partie de la planète menace de se fissurer. D'autant que les régimes arabes ne pardonnent pas le mauvais exemple donné par ce peuple qui a chassé sans armes son despote.

    « Nous sommes un contre-projet dans la région »
    S'ajoute à cela son « exception ». La fameuse « exception ». C'est le vieux briscard de la vie politique tunisienne, 89 ans, cinq fois ministre sous Bourguiba puis second chef du gouvernement de la Tunisie sans Ben Ali en 2011, qui décrypte la situation : « Il n'y a pas de Printemps arabe, et nous sommes un contre-projet dans la région. » Béji Caïd Essebsi s'exprime depuis le palais de Carthage en tant que président de la République. Ce vétéran de la politique appose un regard laser sur la gloire en mondovision que recueille son pays et sa solitude au sein d'un monde arabe dominé au mieux par des régimes autoritaires, au pire par des dictatures islamistes.

    Les pays arabes aux abonnés absents...
    Les pétromonarchies devaient aider financièrement ce jeune chevalier démocratique ? Au final, le Qatar aura prêté un milliard avec taux d'intérêt afférents. Remboursable en 2017 s'il vous plaît. Des investissements évoqués en 2014 par des pays du Golfe, il ne reste que des projets remisés. Si l'Occident, quelques nations asiatiques (Japon), les États-Unis et une poignée de démocraties éparpillées à travers le globe ne cessent de vanter la révolution du 14 janvier 2011 qui s'est muée en une nouvelle Constitution et des élections sans taches, silence radio au sein du monde arabe.

    Seul le Maroc, via la venue du très décontracté M6, s'est distingué. Au Monopoly géopolitique, le Moyen-Orient demeure plus que dubitatif quand à cette « exception » démocratique qui contamine la jeunesse arabe via les réseaux sociaux. Car dans la foulée de la fuite de Ben Ali, après vingt-trois ans d'un règne policier défini par la corruption, l'Égypte et la Libye ont emboîté leurs colères dans les pas de celle des Tunisiens. Moubarak a rejoint la case prison ; Kadhafi, une sépulture anonyme après quarante-deux ans d'un régime entre répression, pétrodollars, drogues et abus de mercenaires.

    Après la parenthèse désenchantée des Frères musulmans, les militaires égyptiens ont réprimé le résultat des élections avec les us et coutumes locaux : geôles, procès expéditifs, peines de mort en cascade. Le maréchal al-Sissi dirige désormais d'une poigne en titane son pays. Pays dont l'économie s'effondre en attendant l'arrivée imminente de la cavalerie du FMI.

    Écartelée entre milices, tribus, pétroliers, la Libye a renoué avec les démons de la partition. Neuvième au classement mondial des réserves en hydrocarbures, la Libye manque de tout. Deux millions de ses habitants ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

    Pendant ce temps, la Tunisie...
    Au sein de ce chaos, seule la Tunisie affiche sa démocratie. Et son salut ne viendra pas de ses voisins. Le monde démocratique lui offrira visites et paroles de circonstances. Des promesses de prêts s'empilent. « La démocratie, ça ne se décrète pas, ça se pratique », disait Béji Caïd Essebsi à quelques journalistes étrangers. Pendant qu'à New York, au sommet USA-Africa, BCE est interviewé par John Kerry, on proteste dans une partie du pays contre les coupures d'eau, on s'immole à Fernana (à 2 heures de route de Tunis), on a mal à son « exception ». Tunisie béatifiée VS Tunisie réelle.


    le Point fr
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