La capitale rebelle va tomber sous le contrôle de Damas. Moscou avance ses pions. Analyses croisées de quatre experts russes.
Un an après le début de son opération militaire en Syrie, Moscou est sur le point d’offrir une victoire clef à son allié de Damas: la reprise d’Alep. Grâce aux pilonnages de l’aviation russe, l’offensive terrestre de l’armée syrienne a réussi hier à pénétrer dans l’un des principaux quartiers rebelles de la deuxième ville de Syrie. Ce succès militaire du régime d’Assad s’inscrit bien dans la stratégie du Kremlin.
«Depuis le début, les objectifs de Moscou sont clairs: gagner cette guerre civile, éliminer l’opposition soutenue par les Occidentaux et replacer le président Assad à la tête d’un pays victorieux», affirme Pavel Falgenhauer, expert militaire indépendant, rappelant que Moscou a beau jeu de profiter des divisions d’une administration américaine sur le départ.
Face à la puissance de feu déployée sur Alep, les Occidentaux ont dénoncé «la barbarie» des Syriens et des Russes, les accusant de «crimes de guerre». Une rhétorique qualifiée d’«inadmissible» par Moscou, qui a répété son argumentation. «La stratégie du Kremlin reste la même: renforcer Assad, seul moyen de lutter contre le chaos au Moyen-Orient et contre le terrorisme islamiste en Europe. Bref, éviter un scénario à la libyenne ou l’irakienne», assure Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de Russia in Global Affairs et analyste réputé proche du Kremlin. «Alors que Téhéran soutient la personne même d’Assad, Moscou inscrit ce soutien dans une stratégie plus large pour sauvegarder l’Etat syrien, meilleur rempart contre le chaos.»
Entraver les Occidentaux
Comme à son habitude, Moscou est aussi passé à la contre-offensive dans les mots. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a jugé la situation en Syrie «extraordinairement compliquée» et regretté qu’il n’y ait «toujours pas de séparation entre la soi-disant opposition modérée et les terroristes» à Alep. «C’est un vieil argument des Russes, qui, régulièrement depuis le début du conflit, accusent les Occidentaux de ne pas jouer de leur influence sur les rebelles. La confusion sur le terrain donne raison au discours de Moscou, qui ne cesse d’insister sur l’absence de séparation claire entre rebelles et islamistes, entre population et combattants», décode Alexander Konovalov, président de l’Institut des analyses stratégiques.
Autant d’arguments cyniques aux yeux de Pavel Falgenhauer. «En fait, pour atteindre leurs objectifs, les autorités russes font tout pour exacerber les divisions au sein de l’opposition syrienne. Mais aussi… pour semer le doute dans les opinions occidentales, présentant leur guerre en Syrie comme le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme qui frappe en Europe.»
Critiques ou pro-Kremlin, les analystes russes s’accordent sur un point: au-delà de son soutien à Assad, Moscou œuvre en Syrie avant tout pour empêcher le succès de la stratégie des Occidentaux, élargir son influence non seulement en Syrie mais aussi dans tout le Moyen-Orient. «Officiellement, l’ambition est de combattre les sources du terrorisme islamiste. Mais il y a un agenda caché: après le rattachement de la Crimée à la Russie et toute la crise ukrainienne qui a isolé Moscou, il s’agit de contraindre les Occidentaux à accepter les Russes à la table des négociations», résume Rouslan Poukhov, directeur du Centre pour les analyses de stratégies et de technologies. «C’est un succès car jusque-là les Américains ne voulaient plus parler aux Russes, alors qu’aujourd’hui Kerry cherche un accord avec Lavrov…»
Vitrine des armes russes
Parallèlement, l’intervention en Syrie sert de vitrine à l’industrie militaire russe. «Comme hier la France en Libye ou les Etats-Unis en Irak, la Russie teste ses nouvelles armes. Notamment ses missiles de croisière Kalibr, produits pour la première fois en 2012, testés en conditions réelles en Syrie», explique Rouslan Poukhov. «L’armée russe profite de la situation. Car le terrain de combat est toujours un bon terrain d’essai!» Pour la nouvelle version du Sukhoi 24. Pour les nouveaux missiles de précision armés pour la première fois du système Glonass (le GPR russe). Pour les nouvelles «vacuum bombs», énumère de son côté Pavel Falgenhauer. La guerre en Syrie est un vrai showroom pour tout l’armement russe, qui peut impressionner les pays en voie de développement, ses principaux clients militaires.
(TDG)
Un an après le début de son opération militaire en Syrie, Moscou est sur le point d’offrir une victoire clef à son allié de Damas: la reprise d’Alep. Grâce aux pilonnages de l’aviation russe, l’offensive terrestre de l’armée syrienne a réussi hier à pénétrer dans l’un des principaux quartiers rebelles de la deuxième ville de Syrie. Ce succès militaire du régime d’Assad s’inscrit bien dans la stratégie du Kremlin.
«Depuis le début, les objectifs de Moscou sont clairs: gagner cette guerre civile, éliminer l’opposition soutenue par les Occidentaux et replacer le président Assad à la tête d’un pays victorieux», affirme Pavel Falgenhauer, expert militaire indépendant, rappelant que Moscou a beau jeu de profiter des divisions d’une administration américaine sur le départ.
Face à la puissance de feu déployée sur Alep, les Occidentaux ont dénoncé «la barbarie» des Syriens et des Russes, les accusant de «crimes de guerre». Une rhétorique qualifiée d’«inadmissible» par Moscou, qui a répété son argumentation. «La stratégie du Kremlin reste la même: renforcer Assad, seul moyen de lutter contre le chaos au Moyen-Orient et contre le terrorisme islamiste en Europe. Bref, éviter un scénario à la libyenne ou l’irakienne», assure Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de Russia in Global Affairs et analyste réputé proche du Kremlin. «Alors que Téhéran soutient la personne même d’Assad, Moscou inscrit ce soutien dans une stratégie plus large pour sauvegarder l’Etat syrien, meilleur rempart contre le chaos.»
Entraver les Occidentaux
Comme à son habitude, Moscou est aussi passé à la contre-offensive dans les mots. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a jugé la situation en Syrie «extraordinairement compliquée» et regretté qu’il n’y ait «toujours pas de séparation entre la soi-disant opposition modérée et les terroristes» à Alep. «C’est un vieil argument des Russes, qui, régulièrement depuis le début du conflit, accusent les Occidentaux de ne pas jouer de leur influence sur les rebelles. La confusion sur le terrain donne raison au discours de Moscou, qui ne cesse d’insister sur l’absence de séparation claire entre rebelles et islamistes, entre population et combattants», décode Alexander Konovalov, président de l’Institut des analyses stratégiques.
Autant d’arguments cyniques aux yeux de Pavel Falgenhauer. «En fait, pour atteindre leurs objectifs, les autorités russes font tout pour exacerber les divisions au sein de l’opposition syrienne. Mais aussi… pour semer le doute dans les opinions occidentales, présentant leur guerre en Syrie comme le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme qui frappe en Europe.»
Critiques ou pro-Kremlin, les analystes russes s’accordent sur un point: au-delà de son soutien à Assad, Moscou œuvre en Syrie avant tout pour empêcher le succès de la stratégie des Occidentaux, élargir son influence non seulement en Syrie mais aussi dans tout le Moyen-Orient. «Officiellement, l’ambition est de combattre les sources du terrorisme islamiste. Mais il y a un agenda caché: après le rattachement de la Crimée à la Russie et toute la crise ukrainienne qui a isolé Moscou, il s’agit de contraindre les Occidentaux à accepter les Russes à la table des négociations», résume Rouslan Poukhov, directeur du Centre pour les analyses de stratégies et de technologies. «C’est un succès car jusque-là les Américains ne voulaient plus parler aux Russes, alors qu’aujourd’hui Kerry cherche un accord avec Lavrov…»
Vitrine des armes russes
Parallèlement, l’intervention en Syrie sert de vitrine à l’industrie militaire russe. «Comme hier la France en Libye ou les Etats-Unis en Irak, la Russie teste ses nouvelles armes. Notamment ses missiles de croisière Kalibr, produits pour la première fois en 2012, testés en conditions réelles en Syrie», explique Rouslan Poukhov. «L’armée russe profite de la situation. Car le terrain de combat est toujours un bon terrain d’essai!» Pour la nouvelle version du Sukhoi 24. Pour les nouveaux missiles de précision armés pour la première fois du système Glonass (le GPR russe). Pour les nouvelles «vacuum bombs», énumère de son côté Pavel Falgenhauer. La guerre en Syrie est un vrai showroom pour tout l’armement russe, qui peut impressionner les pays en voie de développement, ses principaux clients militaires.
(TDG)
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