PORTRAIT - Fervent opposant à l'islam politique, l'écrivain jordanien assassiné dimanche à l'âge de 56 ans pour avoir publié sur son compte Facebook un dessin jugé blasphématoire, avait réchappé à plusieurs tentatives d'attentats.
Quelques centaines de sympathisants et des membres de la tribu de Nahed Hattar, l'écrivain jordanien assassiné dimanche, ont manifesté ce lundi 26 septembre à Amman pour lui rendre hommage et réclamer la démission du gouvernement. Elle refuse de récupérer son corps.
Le 25 septembre, le Premier ministre jordanien Hani Mulqi était reconduit. C'est lui qui avait demandé au ministre de l'Intérieur d'engager des poursuites judiciaires contre la victime. Nahed Hattar a été assassiné pour avoir posté cet été sur son compte Facebook une caricature intitulée Seigneur des Daechistes, considérée comme une «incitation à la discorde confessionnelle» et une «insulte» à l'islam par les autorités. Un fanatique lui a tiré dessus devant le tribunal de justice où il allait comparaître. Nahed Hattar avait pourtant affirmé que la caricature Seigneur des Daechistes, «se moque des terroristes et de leur conception de dieu et du paradis. Elle ne porte en aucun cas atteinte à la divinité de dieu».
Au lendemain de son meurtre avec préméditation, alors que le nom du dessinateur reste inconnu, on en sait un peu plus sur le parcours de l'écrivain. Il était décrit comme un «porte-parole des nationalismes arabes de gauche», il a simplement servi de vecteur au dessin.
Chroniqueur pour le journal libanais Al-Akhbar (Les Nouvelles)
Originaire du village chrétien d'al-Fuheis, en Jordanie, Nahed Hattar, 56 ans, se disait athée. Fervent opposant à l'islam politique, il avait déjà connu des démêlés avec la justice de son pays. Avant son arrestation le 13 août dernier pour avoir posté la caricature, il avait à plusieurs reprises été emprisonné, entre 1977 et 1979. Principalement pour avoir critiqué le roi Hussein de Jordanie.
L'affaire du dessin lui avait valu de recevoir des menaces de mort, a assuré sa famille. Et ce n'était pas la première fois. En 1998, Nahed Hattar avait été victime d'une tentative d'assassinat qui l'avait conduit à quitter le royaume hachémite pour le Liban.
Il était alors devenu chroniqueur pour le journal libanais Al-Akhbar (Les Nouvelles), un quotidien proche du Hezbollah. Chroniqueur, il écrivait alors surtout sur des sujets concernant la crise interne du Hezbollah, au moment de son implication dans le conflit syrien. Nahed Hattar soutenait le président Bachar Al-Assad, ainsi que la politique iranienne et celle du Hezbollah libanais.
Engagé et polémique, il considérait les critiques à l'encontre du régime de Bachar Al-Assad comme émanant de «sympathisants terroristes». Il se positionnait aussi contre l'Arabie Saoudite dans son combat au Yémen. Et il s'était également fait défenseur des droits des Jordaniens d'origine palestinienne, qui représentent près de 70% de la population de son pays.
Son assassinat a suscité de nombreuses réactions. Le parti chiite libanais s'indigne dans un communiqué: «M. Hattar a milité contre le projet sioniste et défendu avec force la cause des réfugiés palestiniens en Jordanie». De son côté, le Front pour la libération de la Palestine a affirmé, dans un autre communiqué, que «ce crime odieux vise à brimer les libertés d'opinion et d'expression», ajoutant que la mort du journaliste écrivain «n'est pas seulement une perte pour la Jordanie, mais également pour toutes les forces de la liberté, de la démocratie, de la justice et de la paix dans le monde». Une contradiction? La Jordanie est engagée dans la coalition internationale contre les combattants de Daech.
Le Figaro
26/09/16
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