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La poésie arabe

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  • La poésie arabe

    Aucun peuple n'a été plus sensible que les Arabes à la beauté de l'expression verbale des sentiments et de la pensée; aucun ne s'est voué avec plus de ferveur au nombreux jeu de mots et n'a porté à un plus haut degré de virtuosité la magie de la parole et l'art de la versification.

    "Le nombre de leurs poètes est prodigieux; tout homme adonné aux travaux de l'esprit, fût-il astronome, médecin, chimiste, joignait à son talent spécial le talent général de poète.

    Faire des vers était pour eux une occupation presque familière et leurs entretiens même étaient souvent mêlés d'improvisations que rendait possible l'extrême richesse d'une langue dont le dictionnaire (celui de Firuzabady) ne comptait pas moins de soixante volumes et portait pour titre l'Océan (a) - Qamous - comme si ce mot eût pu seul exprimer l'immensité du sujet.

    L'auteur anonyme d'une histoire de la poésie française, publiée en 1717, n'hésite point à dire que l'Arabie seule à produit plus de poètes que le reste du monde." (1).

    La passion pour la poésie se manifesta chez les Arabes bien avan'y l'avènement de l'Islam.

    Il était d'usage, dans l'Arabie antéislamique, où la vie se passait en guerre et razzias perpétuelles entre tribus, d'observer annuellement une période de paix et de réconciliations.

    Cette sorte de "Trèves de Dieu" était religieusement respectée.

    On pouvait alors s'adonner en toute sécurité aux occupations de la paix.

    C'est au cours de cette Trèves qu'avait lieu le pèlerinage annuel au sanctuaire de la Kaaba (b) et que se tenait la célèbre foire d'Okaz (c).

    Pendant un mois, elle devenait le centre brillant et animé de toute l'Arabie.

    Les chefs de tribu, les riches marchands, les poètes ambulants, les pèlerins innombrables y accouraient de tous les coins du vaste pays.

    On y échangeait des marchandises de toute nature, mais surtout on y échangeait des idées.

    Ce peuple guerrier doué d'un esprit vif et d'une imaginations si fertile, s'y adonnait à cœur joie aux joutes oratoires et aux tournois de poètes.

    Là, sous une tente somptueuse, siégeait un jury composé des plus illustres poètes arabes.

    Il écoutait les poèmes que les concurrents récitaient à tour de rôle et prononçait son verdict.

    Le poème couronné était calligraphié en lettres d'or sur un superbe tissu de chanvre ou sur un papyrus et suspendu au sanctuaire de la Kaaba.

    Ces poésies ainsi affichées à l'admiration publique, portaient le nom de Mouallaqats (d) " Suspendues"

    Les mo'allakats sui nous sont parvenues nous donnent une haute idée de la perfection à laquelle la poésie arabe était déjà arrivée à cette époque lointaine.

    Elles nous obligent à réviser le jugement traditionnel porté sur l'Arabie antéislamique parc les Arabes eux-mêmes qui avaient appelé cette époque: temps de la "Djahiliyat" (e), c'est-à-dire de l'ignorance.

    "Il suffit d'extrapoler les Mo'allakates, ces chefs-d'œuvre de decla poésie arabe païenne, ét de cuter les noms de ces merveilleux poètes antérieurs à l'Islam, Imrû'l Kais, Tarafa, Zohaïr, Antara, etc., pour donner à la tradition le démenti le plus éclatant.

    Non, ce n'était pas un temps d'ignorance, l'époque où la littérature arabe s'affirmait d'une manière aussi brillante, dans une langue aussi parfaite." (2) (f)

    De cette pléiade de poètes remarquables, un nom surtout nous est familier, c'est celui d'Antara, (g) personnification des vertus chevaleresques du paladin du désert, héros populaire du cycle épique qui porte son nom.

    Visages de l'Islam, Haïdar Bammate, Enal, Alger, 3ième édition, 1991.



    a) Al-Mouhit (mot usuel arabe pour Océan)

    Voir, entre autres, monuments linguistiques, Lisân al-'Arab, la langue des Arabes, célèbre dictionnaire d'Ibn Mandhûr.

    b) Le cube sacré, se dit aussi al-Bayth.

    c) L'une des trois foires de Mecque, la plus réputée, rendez-vous de négoce et de littérature (VI siècle)

    d) Mouallaqat, exprimant déjà la pluralité des Pièces "Suspendues" (9 et 11 les plus célèbres), l'adjonction de "s" final est tautologique; l'auteur transcrit Mo'allakats, le "k" ne correspond pas à la phonation arabe ق gutturale qui devrait s'écrire mou'allaqat.

    Voir, entre autres traductions françaises, autres que celle de Jacques Berque, Sindbad.

    Parmi les nombreuses traductions françaises :

    Les Mou'allaqât, Un peu de l'âme des Arabes d'avant l'islam, présentés et traduits par Jean-Jacques Schmidt, Seghers, collection, P.S.

    "Le seul Bédouin que que sa réputation m'eût fait désirer voir est Antara." aurait dit le Prophète Mohammed (h)

    (e) Graphie attestée Djahiliyyah, dans l'acception, souvent occultée, d'ignorance à Dieu Unique Inassociable Existentiateur.

    (1) Essai sur l'histoire des Arabes et des Maures d'Espagne, Viardot, Paris, 1833.

    (2) Préface à la traduction du Coran, E. Montet, Paris, 1929.



    Extraits croisés de traduction d'un incipit poétique de Mou'allaqa de Labîb ibn Rabi'â :

    Pièce en langue originale :



    لخولة أطلال ببرقة ثهمد

    تلوح كباقي الوشم في ظاهر اليد

    1) Sur la terre caillouteuse de Thahmad,

    les vestiges du campement de Khawa brillent comme les restes d'un tatouage sur le dos d'une main. (traduction de Schmidt)

    2) Du campement de Khawla

    les vestiges dans le désert de pierres de Thahmad affleurent comme le reste d'un tatouage sur le dos de la main (trad. Heidi Toelle, Flammarion

    3) De Khawla, les vestiges, à Thahmad, sont visibles

    tel reste de tatouage au revers de la main

    (Trad. Pierre Larcher, coll.Les Immémoriaux, Fata Morgana )

    4) Il reste de Khawla sur les rocailles de Thahmad des vestiges

    qui remontent comme des restes de tatouage au dos de la main

    (Trad. Jacques Berque, Sindbad, Coll. Bibliothèque Arabe - Les classiques.)

    5) Vestiges de Khawlah sur le sol pierreux de Thahmad,

    tatouage qui s'exhibe sur le dos d'une main

    (Trad. René Rizqallah Khawam, Seghers P.S.)

    6) Les vestiges de la maison de Khawla, sur le sol rocailleux de Thahmad, brillent comme la trace du tatouage sur la surface de la main.

    (Trad. Max Seligsohn, XIX ème siècle.

    Les meilleures traduction au plus près de la fulgurante concision de la langue arabe, à cette célèbre métaphore exprimée en dix mots pour ce merveilleux entame métaphorique, sont les 3 de Pierre Larcher et 4 de Jacques Berque.

    Et une autre traduction en latin :

    Rudera chaulæ in sabuletis Thamed

    splendent sicut reliquiæ glasti in superficie manus

    (Trad. Johann Jacob Reiske (XVIII ème siècle)



    Choix, découpages, notes alphabétiques, extraits croisés traductions E'M.C.
    Dernière modification par zek, 06 octobre 2016, 10h46.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Le sujet des quacidas (à), odes monorimes des mo'allakats (b), resté limité à quelques thèmes obligatoires traités selon des règles rigides.

    une quasida devait commencer par l'évocation de la tristesse du campement abandonné et rappeler le souvenir de ceux qui étaient partis à la recherche de nouveaux pâturages; elles continuait par la description des majestueux paysages du désert, des sables mouvants, striés par les vents impétueux ou mouchetés par les pluies rares, du ciel embrasé par les feux du Levant ou apaisé par la fraîcheur des nuits constellées, du jeu perpétuel des nuages, le murmure des palmiers...

    Elle abordait ensuite la partie romnesque de la pièce, la partie amoureuse.

    Le poète chantait les charmes de l'objet de son adoration, il se plaignait de la cruauté de la belle, insensible au tourment de la passion qui le déchirait.

    Puis venait le récit des pétégrinatiins pénibles dans l'immensité du désert, des rencontres de guerriers, et l'exaltation du chameau et du cheval, nobles compagnons et amis fidèles du nomade.

    Le tout se terminait par le panégyrique du prince ou du mécène auquel la poésie était dédiée et dont l'auteur attendait une généreuse récompense.

    Une telle poésie, qui reflète l'état social peu évolué de l'Arabie antéislamique, manque peut-être quelque peu de variété.

    Inspirée surtout par les émotions élémentaires du nomade ennprésence d'une nature grandiose, elle se meut dans un cercle restreint.

    Mais, par la noblesse de son style simple, concis et puissant, par la mâle vigueur de ses hymnes guerriers, par la délicatesse pudique de ses chants d'amour, cette poésie se place certainement parmi les meilleures productions du génie poétique humain.

    Les Arabes considèrent à juste titre cette période de leur littérature comme une époque classique.



    notes :

    a) l'auteur écrit (des)bquacidas (page 191) au lieu de qacida, et continue de mettre "s" à la fin du mot pour indiquer le pluriel, lors que le pluriel arabe, même transcrit dans une autre langue, en l'occurrence le français, devrait être qaça'ide.

    b) Même remarque sur Mo'allakatz, de Mou'allqa, Mou'allqate.



    Visages de l'Islam, Haïdar Bammate, Enal, Alger, 1991.

    Choix, découpage, notes E'M.C.
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    Commentaire


    • #3
      la naissance de la poésie lyrique moderne en Europe se situe assez exactement dans le temps et dans l'espace.

      Elle est apparue presque simultanément, au début du XII ème siècle, en Espagne et dans le Sud de la France.

      Elle se propagea ensuite en Italie ét dans le reste de l'Europe occidentale.

      Les romances espagnoles et les trobas provençaux en sont les premiers modéles.

      Les troubadours et les jongleurs en furent les hérauts et les propagateurs.

      L'écloison de la littérature des pays d'oc dépasse les cadres de l'histoire littéraire.

      Elle marque un tournant dans la civilisation occidentale.

      "On n'exagèrera jamais la valeur créative et inspiratrice de la poésie provençale et dans l'ordre des sentiments et dans l'ordre de l'art.

      Elle est vraiment la mère de la poésie moderne, peut-être plus que la poésie latine.

      Sans elle, ni la poésie italienne, ni l'espagnole, ni l'allemande des Minnesinger ne s'explique et, moins encore, naturellement, la poésie française courtoise du Nord." (1)

      Les formes nouvelles que revêt la poésie provençale traduisent une manière nouvelle de sentir et de penser.

      Un abîme la sépare de l'attitude morale du monde antique.

      Son thème capital, l'exaltation de la femme et l'amour courtois, témoigne d'une inspiration très différente du lyrisme latin.

      Quelles furent les causes d'une éclosion aussi profonde en des régions qui avaient pourtant subi une influence romaine particulièrement prononcée ?

      Quels évènements historiques, quels courants littéraires déterminèrent un changement aussi radical ?

      La question fut âprement controversée. (...)

      Mais, à la lumière des études les plus récentes, il devient pourtant évident que l'influence arabe fut décisive.

      Les deux grands provencialistes Appel et Jeanroy, qui avaient combattu cette thèse, ont admis qu'elle avait gagné en vraisemblance.

      Les travaux de Julian Ribera, R, Nykl ét Ramon Menendez Pidal ont établi entre la chanson andalouse, dont le premier poète écrivait à la fin du IX ème siècle, des relations si singulières, des ressemblances si frappantes qu'il est impossible de les expliquer autrement sans admettre l'influence déterminante de l'une sur l'autre.

      Nous verrons comment et par quelles voies s'exerça cette influence.

      La prévention des romanistes non arabisants contre la thèse l'influence arabe sur le lyrisme provençal provient souvent d'une fausse appréciation des rapports qui existèrent entre la Chrétieneté et le monde Musulman au Moyen Âge.

      Des savants sérieux et consciencieux ont cru, de bonne foi, que les Chrétiens et les Musulmans auraient formé, de tout temps, deux mondes irréductiblement séparés et opposés l'un à l'autre.

      Ils en ont tiré la conclusion qu'aucune communication intellectuelle n'eût été possible entre ces deux camps hostiles.

      Il serait donc inutile, estiment-ils, de parler de l'inspiration du lyrisme par la chanson andalouse.

      La vérité historique est tout autre.

      Pour s'en convaincre, il conviendrait d'esquisser le problème de l'influence littéraire des Sarrazins sur l'art des troubadours en fonction de l'influence générale de la civilisation musulmane sur l'Europe et sur le Midi de la France en particulier.



      Les relations économiques, scientifiques, artistiques - nous l'avons vu - furent, de tout temps et jusqu'à une époque très avancée, très actives entre les États Musulmans, les principautés de l'Espagne chrétienne et les cours provençales.

      Dans ces échanges, la poésie et la musique tinrent sans doute une place importante.

      Les principautés mauresques étaient une pépinière de poètes, de musiciens et de danseurs qui allaient charmer les jours de l'Europe méridionale.

      Nous avons de nombreux témoignages du goût des Chrétiens pour les chants et les danses des Sarrazins.

      Trait d'union entre les peuples, facile à comprendre et à goûter, les chants et les danses ouvraient la voie à la poésie lyrique, inséparable alors de la musique.

      Le morcellement politique de l'ancien Empire des Omeyyades contribua dans une large mesure, à l'expansion du lyrisme musulman.

      Comme plus tard, dans l'Italie de la Renaissance, la décentralisation favorisa l'essor de la civilisation.

      Grenade, Séville, Cordoue, Tolède, Valence et les autres capitales étaient devenues autant de foyers d'une civilisation brillante et raffinée.

      Les princes, qui furent souvent des lettrés délicats et, toujours, des mécènes généreux, mirent leur point d'honneur à protéger les lettres et les arts.

      Médecins, astronaumes, poètes, musiciens affluaient à leurs cours.

      Ils y jouissaient d'un rang élevé et d'une situation matérielle privilégiée.

      "Parmi ces favoris de cour, plusieurs étaient chrétiens et Mozarabes (2), plusieurs appartenaient ainsi par leur religion et leur naissance à deux langues et à deux patries. (...)

      Les petits princes des royaumes naissants de l'Europe, ceux surtout de Catalogne et d'Aragon, au milieu desquels demeura enclavé, jusqu'en 1112, le royaume musulman de Saragosse, attachèrent à leur personne des mathématiciens, des philosophes, des médecins et des astronaumes ou des inventeurs de nouvelles et de chansons qui avaient reçu leur première éducation dabs les écoles d'Andalousie et qui entretenaient ces petites cours par des écrits et des jeux d'imagination qu'ils empruntaient à la littérature orientale.

      L'union des souverainetés de Catalogne et de Provence fit arriver ces mêmes savants et ces mêmes troubadours dans les nouveaux État de Raymond Béranger.

      Les divers dialectes de la langue romane n'étaient point encore aussi séparés qu'ils le sont aujourd'hui et les troubadours passaient facilement de castillan au provençal, qui était alors réputé le plus élégant langage du Midi." (3)



      Tous ces faits sont en contradiction formelle avec avec la thèse de ceux des romanistes sui avaient hésité à reconnaître l'importance des rapports culturels entre le monde de l'Islam et la Chrétieneté.

      Il serait d'ailleurs juste de reconnaître que ces auteurs reviennent de plus en plus de leurs idées préconçues.

      Après avoir écarté, non sans un certain dédain, la théorie de l'influence arabe, M. Jeanroy a reconnu qu'elle gagné en vraisemblance.

      Cette évolution est due, en grande partie, aux remarquables travaux d'A.R. Nykl, qui est à la fois romaniste et arabisant.

      Les côtes de la Méditerranée ont été, dès l'aube de l'histoire, des voies d'union.

      Les traducteurs syriens rendirent accessibles aux habitants de Damas et de Bagdad les auteurs grecs.

      Les persans en firent de même pour la science indienne.

      Cordoue ne fut qu'un reflet de l'Orient projeté sur la péninsule ibérique.

      Les musiciens et les chanteurs grecs et persans avaient exercé leur art au Moyen Orient, se servant de l'arabe comme moyen d'expression.

      L'art de la musique vient de Damas et de Bagdad en Andalousie.

      De là, il se répand en Aquitaine.

      L'objection selon laquelle les latins n'auraient pas imité leurs ennemis n'est pas valable.

      Les Chrétiens ont bien adopté les méthodes militaires musulmanes, opposant les Croisades par des chants semblables à ceux que les musulmans composaient contre les Kafrins (4).

      Voici encore un autre témoignage, celui de Ramon Menendez Pidal, dont personne ne discutera l'autorité en la matière.

      Parlant des influences intellectuelles arabes, le distingué savant espagnol écrit:

      "Ces influences se sont produites à ibe époque que nous devons appeler christiano-islamique pour les deux peuples qui se disputaient la maîtrise de la Méditerranée.

      Les plus grands progrès dans l'activité intellectuelle et la supériorité des mœurs se trouvaient, à cette époque, dans le monde musulman.

      Il ne faut donc pas être surpris de la diffusion de la chanson arabo-andalouse; c'est le contraire qui serait surprenant.

      Cette poésie a dû se frayer un chemin avant le conte et la philosophie, parce que la musique n'a pas besoin de traducteurs pour être entendue." (5)



      (1) T. VIII de La civilisation occidentale au Moyen Âge, H. Pirenne, G. Cohen, H. Focillon, sous la direction de G. Glotz, Presses Universitaires de Paris, 1933.

      (2) Mozarabes : nom donné aux Chrétiens de l'Espagne musulmane.

      (3) De la littérature du Midi de l'Europe, Simonde de Simondi, Paris, 1813.

      (4) de Kafir : infidèle. L'auteur écrit "Kafrins", au lieu de Kofar, garde "s" comme surcharge plurale, lors que "in" et "ar" désignent déjà, entre autres formes, le pluriel arabe.

      arabe europea, Ramon Menendez Pidal, Madrid, 1941.



      Visages de l'Islam, Haïdar Bammate, ENAL, Alger, 1971.

      Choix, découpage, notes, E'M.C.
      Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

      Commentaire


      • #4
        Remettre les pendules à l'heure, à l'aheurtement de méconnaître. halte d'âme tissue de tous ses coloris d'oscille au temps de vie, intrication d'entente, au plectre de cette autre humanité, à son brame d'abord, à son Clame d'aimer, zadjal, Muwashshah, qacida, joies conjointes de jets vernaculaires; indélébile dot, à S'Ève, à décôtée, l'à-côté, l'accotée, la ci-devant, l'Ensoi permane, l'Âimée. EMC

        Loin de nous la pensée de ramener la poésie des troubadours à la source unique de la littérature arabe.

        D'autres se sont certainement exercées sur cet art complexe et raffiné, en particulier celle de la sublime hérésie des Cathares. (a)

        Voyons pourtant quels sont les arguments qui militent pour la thèse arabo-andalouse.

        Ils nous permettent de dégager la part, aujourd'hui incontestable, de l'apport musulman.

        Ces arguments sont de deux ordres.

        les uns se rapportent à la formes : rimes et coupes; les autres s'arrachent au fond : thèmes et inspiration.

        D'abord la forme.

        Parmi les formes lyriques populaires en poésie musulmane, l'une d'elle le zadjal, jouissait d'une bique toute particulière en Andalus.

        Julian Ribera a dit de cette forme qu'elle était "la clé mystérieuse qui explique le mécanisme des formes poétiques des différents systèmes lyriques du momde civilisé au Moyen-Âge".

        La strophe du zedjal est composée d'un tercet monorime suivi d'un quatrième vers de transition qui introduit un refrain dont la rime diffère de celle du tercet.

        La rime du quatrième vers de transition dans toutes les strophes, car elle est celle du refrain.

        À côté de cette forme principale, existent plusieurs formes dérivées du zedjal, comme le zedjal sans refrain.

        L'origine du zedjal remonte au IX èmec siècle.

        Le poète aveugle Mûkaddam ibn Ma'afa est considéré comme son inventeur.

        Né de l'évolution de la poésie arabe, le zedjal est un produit séduisant de la rencontre et de l'union de deux civilisation, l'arabe et la romane.

        Composé en arabe vulgaire d'al-Andalus, il a fait un grand usage de mots, voire de phrases entières et de tournures espagnoles.

        Cette poésie populaire eut tout de suite un grand succès et se propagea rapidement dans tout l'empire de l'Islam.

        Ibn Saîd, mort en 1274, raconte qu'il a entendu des zedjals d'Ibn Gûzman chantés à Bagdad plus souvent encore que dans les cités d'Occident.

        En Europe - en dehors de l'Espagne, bien entendu -la forme du zedjal fait son apparition, au début du XII ème siècle, avec la poésie des troubadours.

        C'est Guillaume IX, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, premier lyrique connu en langue néo-latine, qui l'introduit.

        Marcabru, Jaufre Rudel et d'autres troubadours le suivent.

        Guillaume IX a certainement pris connaissance du zajal lors de sa Croisade en Orient, peut-être même avant, car il est fort probable que des chanteurs andalous se trouvaient dans la suite de la veuve de roi Sanche d'Aragon qu'il avait épousée en secondes noces.

        En tous cas l'hypothèse de l'origine latine du lyrisme occitan devrait être écartée.

        "Parler de tercets latins est une perte de temps puisque l'on ne rencontre pas, dans la poésie latine du XI ème siècle, le tercet avec vers de rappel comme dans la poésie arabe de cette époque.

        Nous constatons que la concordance du système arabe et du système roman révèle une parenté certaine entre eux.

        Si l'on pense à la suprématie de la civilisation arabe du X ou XIII ème siècle et à la plus grande antiquité des exemples arabo-espagnols, l'explication la plus naturelle de cette relation de parenté est de supposer suenla poésie romane a imité la poésie arabe."

        La discussion sur l'origine des thèmes de la poésie provençale et sur le caractère intime de son inspiration présente évidemment beaucoup plus d'attrait que la concurrence technique sur la forme des deux poésies.

        Qu'est-ce que la chanson des troubadours ?

        La caractéristique essentielle de ce lyrisme, qui la distingue de toutes les formes de poésie amoureuse connues jusqu'alors en Occident, est évidemment l'idéalisation de la femme, adorée à l'égal d'une divinité, et l'exaltation de l'amour chaste et spiritualisé.

        C'est le leitmotiv de tout le lyrisme provençal omme de celui de Pétrarque et de Dante.

        D'où vient cette vision de la femme, si contraire aux mœurs du pays où elle est soudainement apparue ?

        "Il est évident qu'elle ne reflète aucunement la réalité, la condition de la femme n'ayant pas été, dans les institutions féodales du Midi, moins humble et dépendante que dans celles du Nord." (1)

        Elle aussi, "loin de s'expliquer par les conditions où elle naquit semble en contradiction absolue avec ces conditions." (2)

        Ce n'est pas, à jour sûr, chez les Grecs voluptueux de l'Anthologie ni chez les Romains, si foncièrement réalistes, qu'il faut rechercher les modéles et la source d'inspiration des troubadours.

        La sensualité franchement étalée des Anciens est aux antipodes de la sensibilité occitane.

        L'amour des troubadours est l'amour "perpétuellement insatisfait".

        C'est de la cruauté même de la dame que naît la délectation morose du poète.

        Pour virgile, l'amour n'est qu'une faiblesse, une dangereuse source de troubles,

        Dans l'Enéide, le principal obstacle que le héros troyen doit combattre pour obéir à la volonté des dieux est son amour pour Didon.

        L'Art d'aimer d'Ovide n'est au fond qu'une école de libertinage, un manuel de séduction.

        "On ne saurait attribuer à la poésie latine la moindre influence sur la naissance, le développement et les progrès de la poésie provençale; l'indépendance de celle-ci saute aux yeux." (3)

        Ce n'est pas dans les Saintes Ecritures non plus que la poésie provençale aurait pu puiser l'idée de la suprématie morale de la femme.

        Ni l'Ancien ni le Nouveau Testament ne sont tendres pour elles.

        Les Pères de l'Eglise la jugent sévèrement.

        "Adam a été perdu par Ève et non Ève par Adam, déclare Saint-Ambroise; celui que la femme a conduit au péché, il est juste qu'elle le reçoive comme souverain, afin d'éviter qu'il ne tombe de nouveau par faiblesse féminine."

        Tertulien n'est pas moins véhément, loin de là.

        Voici quelques amabilités dont il gratifie la femme.

        "Femme ! Tu es la porte du diable; c'est toi qui, la première, as touché à l'arbre et déserté la loi de Dieu.

        C'est toi qui â persuadé celui sur le diable n'osait attaquer en force; c'est à cause de toi que le Fils de Dieu même a dû mourir.

        Tu devrais toujours t'en aller en deuil et en haillons, offrant aux regards tes yeux pleins de repentir pour faire oublier que tu as perdu le genre humain."

        Il serait tout aussi vain de chercher un encouragment au culte de la femme dans les écrits monastiques du Haut Moyen Àge.

        La femme y est en général flétrie comme esprit de mal, être de perdition.

        On se demande même si elle a une âme.

        Le Concile de Mâcon met cette question en délibération.

        Les romanistes qui ont refusé d'accepter la thèse de l'influence arabe n'ont pu, jusqu'à présent, lui opposer de théorie valable.

        Les études historiques et les recherches des arabisants modernes versés dans la philologie romane tendent de plus en plus à confirmer la justesse des vues de l'école arabo-andalouse.

        Les objections qui ont été faites contre elle tombent l'une après l'autre.

        La principale objection portait sur la condition de la femme dans l'islam.

        Elle avait déjà été formulée par Guillaume Schlegel, lorsque Sismondi avança, au début du siècle passé, l'hypothèse de l'influence musulmane sur le lyrisme provençal.

        "Je ne puis me persuader qu'une poésie comme la provençale, basée tout entière sur l'adoration des femmes et sur l'extrême liberté de la condition sociale, ait été inspiré par un peuple où les femmes étaient des esclaves jalousement emprisonnées. (4)

        le distingué savant estimait qu'il fallait ignorer à la fois la poésie provençale et la poésie arabe pour soutenir un tel paradoxe.

        C'est précisément cette double méconnaissance, dont le reproche se retourne contre son propre auteur, qui explique l'erreur de Schlegel.

        L'esclavage de la femme musulmane dans les harems mauresques n'était nullement ce qu'il croyait et la liberté de la femme chrétienne dans cours provençales était loin de l'image qu'il s'en faisait.

        "Nous sommes surpris par la mention fréquente dû gardador (gardien de la femme) dans la poésie provençale.

        Le gardador correspond au raquib de la poésie musulmane.

        La liberté de la dame des palais provençaux et la servitude de la dame des harems andalous viennent coïncider tristement sur ce point : un gardardor ... un raquib ...

        La femme du Nord et celle du Midi sont très proches dans un extrême de misère et d'excellence." (5)

        Le jugement européen moderne sur la condition de la femme orientale est en général trop abrupt; il marque le manque de compréhension.

        Personne ne contestera que l'évolution des mœurs musulmanes, surtout depuis que l'Islam est entre dans sa période de stagnation, fut défavorable à la condition de la femme.

        Les Musulmans éclairés dont les premiers à se réjouir de son émancipation (...)

        Il faudrait pourtant se garder de trop simplifier un problème complexe entre tous.

        On commettrait une erreur grossière si l'on ne voyait dans la femme orientale du XII ème siècle qu'un être dégradé, écrasé par le travail domestique et réduit, par l'égoïsme de l'homme, au rôle avilissant de simple instrument de plaisir.

        La suite..............
        Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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        • #5
          La réalité fut très différente, surtout en Andalus, où femme musulmane jouissait d'une liberté particulièrement étendue. (...)

          "C'était pour lui plaire qu'ils cherchaient la gloire, c'était pour briller à leurs yeux qu'ils prodiguaient leurs trésors, leur vie, qu'ils s'efforçaient mutuellement de se surpasser par leurs exploits, par les fêtes les plus magnifiques." (6)

          Sismondi, dont la science moderne confirme de plus en plus les idées larges et hardies, écrivait:

          "Les femmes des Musulmans sont des divinités à leurs yeux, aussi bien que les esclaves et le sérail est bien autant un temple qu'une prison. (7)

          La passion de l'amour a, chez les peuples du Midi, une bien autre ardeur, une bien autre impétuosité que dans notre Europe.

          Le Musulman ne laisse approcher de sa femme aucun des soucis de la vie, aucune des peines, aucune des souffrances qu'il affronte seul.

          Son harem est consacré uniquement au luxe, aux arts et aux plaisirs : des fleurs, des encens, de la musique, des danses entourent sans cesse son idole; jamais il ne lui demande, jamais il ne lui permet aucune espèce de travail; les chants par lesquels il célèbre son amour redoutent cette même adoration, ce même culte que nous trouvons dans la poésie chevaleresque, er les plus belles ghazeles (c) des Persans, les plus belles cassidas (d) des Arabes semblent des traductions des chansons ou des vers provençaux.

          Avant de devenir une des règles essentielles de l' "amour courtois" et de la littérature provençale, lé culte chevaleresque de la femme était une réalité quotidienne des mœurs musulmanes. (e)



          (1) Introduction à une anthologie des troubadours, A. Jeanroy, 1927.

          (2) La poésie lyrique des troubadours, A. Jeanroy, 1934.

          (3) Die Poesie der Troubadours, F. Diez, 1883.

          (4) Observations sur la littérature provençale dans les essais littéraires et historiques, G. Schlegel, Bonn, 1847.

          (5) Ibid. Ramon Menendez Pidal.

          (6) Précis historique sur les Maures, M. Florian.

          (7) Notons, en passant, que le mot حريم , Harem a le sens de sacré tout autant que حرام , interdit.

          Le mot "tabou" rendrait assez bien cette idée.



          Visages de l'Islam, Haïdar Bammate, ENAL, Alger, 1971.



          Recherche et notes, hors corpus traité, E'M.C.

          a) Le terme Cathare, du grec Katharos qui signifie "pur", est une expression injurieuse inventée en 1165 par le clerc rhénan Eckbert Schinau, soupçonnant cette secte, enracinée dans le Midi, de manichéisme (le monde étant mauvais, on s'en détache par la quête d'une pureté absolue).

          Appelés, en raison de cela, Bonshommes et Bonnes Femmes, on les désigne aussi de différents noms, patarins, poplicains, publicains, piphles, tisserands ou boulgres (rappelant l'origine bulgare et balkanique des Cathares), à l'origine du mot bougre en français.

          Ils aussi appelés Albigeois, par référence à Albi, ville du nord-est de Toulouse. Appellation ayant son origine dans le concile qu'a tenu la secte en 1165 au château de Lombert, sur les terres du vicomte de Trencavel à proximité d'Albi.

          Première des assemblées ayant laissé une trace écrite.

          Mais aussi les Parfaits, et Parfaites, terme attribué par l'Inquisition, avec le sens accusatoire de parfait hérétique.

          Considérant que l'Église officielle "a trahi sa mission dès le pontificat de Sylvestre 1, sous le règne l'empereur Constantin le Grand.

          Ils ne reconnaissent ni le dogme ni les enseignements de l'Église catholique, mais se revendiquant Chrétiens, ils se désignent sous cette appellation ou celle d'Amis de Dieu; ils ne reconnaissent pour sacrement que le "consolamentum" qui efface "toutes les fautes passées et garantit la vie éternelle."

          (b) le zedjal ou zadjal ou zâdjal, nom arabe donne en Al-Andalus à une forme poétique similaire au Muwashash, utilisant exclusivement l'arabe dialectal et, s'adaptant parfaitement à la musique. (3)

          Le Zâdjal atteint son apogée avec Ibn Quzman, poète andalou de Cordoue, qui s'en sert pour ses panégyriques, pour célébrer la nature, le vin et surtout pour chanter l'amour.

          Le zâdjal est également utilisé par certains soufis.

          Zâdjal, de l'arabe زجل, zadjala, émouvoir, (s')attendrir, délicater.

          Il en existe trois formes.

          Le zâdjal poétique, préservé uniquement à Constantine.

          Le zâdjal de forme musicale chantée.

          Le zâdjal espagnol moderne, le poète andalou Rafael Alberti et le poète majorquin Llorenç Vidal, fondateur du DENIP.

          Après un distique introductif le zâdjal se compose de quatrains, eux-mêmes constitués par un tercet monorime et un quatrième vers rimant obligatoirement avec le premier distique.

          En français, cette forme a inspiré particulièrement Louis Aragon qui le fait connaître par ses poèmes en accordéon dans Le fou d'Elsa.

          Voir, aussi, Philéas Lebesque, un autre poète inspiré de cette forme, à son Livre des Zegels.

          (3)Le Muwashshah, mot arabe, référant à la double ceinture enrichie de paillettes ou d'incrustations de pierres précieuses, métaphoriquement à une forme de poème et à la chanson en langue vernaculaire, à structure d'imparité, référant à l'Indivisibilité divine, soit trois ou sept strophes, avec une خرجة, khardja, vers finaux, en courbe d'épilogue.

          Le Muwashashah, pièce tissue de coloris précieux, de perles vocales, inventée en al-Andalus, Espagne, probablement au XI ème siècle, par Ibn Bahja, parfois transcrit Ibn Badja.

          Le Muwashashah, double ceinture, double lien amoureux, l'indélébile مهر, dot, à la femme, l'Aimée, dîme d'âme à la "Parfaite" la Perfection (traits et vertu émanée) de Dieu en Elle, sa décôtée, son à côté, son accotée, sa ci-devant permane, la femme à tous ses égards.

          Le Muwashshah, parfois transcrit mouachah, muwassah ou hispanisé moaxaja.

          Genre imité ét popularisé par les poètes judéo-espagnol tel Juda Halevi.



          (c) l'auteur écrit gazeles, au lieu de Ghazâl

          (d) cassidas, au lieu de Qacida, le pluriel rendu par "s" en fin de mot est réprouvé par les arabisants qu'ils traduisent par Qasa'ide.

          (e) cf. dont s'inspire Cervantès dans l'attitude de don Quichotte, singulier héros "arabe" épris d'égards chevaleresque pour sa Dulcinée.

          ---------- -------- --------

          Un exemple de fortune affinitaire avec Aragon du Fou d'Elsa, magnifiquement imitié d'un prestigieux grand amoureux arabe, à son mourir d'aimer, Majnûn Lâyla, des Béni Amer en Arabie, avec ce zedjal tiré de sa série réunie dans Le fou d'Elsa :

          LE VRAI ZADJAL D'EN MOURIR

          Ô mon jardin d'eau fraîche et d'ombre

          Ma danse d'être mon cœur sombre

          Mon ciel des étoiles sans nombre

          Ma barque au loin douce à ramer



          Heureux celui qui meurt d'aimer



          Qu'à d'autres soit finir amer

          Comme l'oiseau se fait chimère

          Il s'en va le fleuve à la mer

          Où le temps se part en fumée



          Heureux celui qui meurt d'aimer

          Le fou d'Elsa, Louis Aragon, Gallimard, 1963.

          --------- ---------- ---------

          Bibliographie :

          Le chant d'al-Andalus, une anthologie de la poésie arabe d'Espagne, Hoa Hoï Vuong et Patrick Mégarbané, Edition bilingue, Actes Sud, 2011, Collection Sindbad.

          Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme, Georges Duby, Paris, 1978.

          Poétique du Muwashshah dans l'Occident médiéval, thèse de 3 ème cycle, Saadane Benbabaali, sous la direction de R. Arié, Paris 3, 1987.

          Poesie dialectal árabe y romana en Alandalús : cejeles y xarajat e muwassahat, Federico Corriente, Madrid: Gredos, 1998.



          Choix, découpage, apports croisés, bibliographie, notes, chapô, E'M.C,
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