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La première carte mondiale de la diversité génétique

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  • La première carte mondiale de la diversité génétique

    30 SEPTEMBRE 2016 | PAR MICHEL DE PRACONTAL

    Des chercheurs danois viennent de publier la première carte planétaire montrant la diversité génétique des espèces animales, clé de leur évolution et de leur adaptation à un monde qui change.

    Les mammifères et les amphibiens tropicaux ont plus de diversité dans leurs gènes et sont plus capables de s’adapter à un environnement changeant que les espèces des régions tempérées ou polaires ; et les espaces sauvages abritent plus de diversité génétique que les régions exploitées par l’homme, villes ou zones cultivées.

    C’est ce que met en évidence la première carte planétaire de la diversité génétique au sein des espèces animales, établie par l’équipe d’Andreia Miraldo, du Muséum d’histoire naturelle du Danemark et de l’université de Copenhague. Basée sur plus de 92 000 séquences génétiques relatives à 4 675 espèces de mammifères ou d’amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres), cette carte est publiée par la revue américaine Science dans son édition du 30 septembre (mise en ligne la veille).

    Elle apporte une information inédite sur la géographie de la biodiversité génétique, encore mal connue. Au cours des dernières décennies, les scientifiques ont multiplié les études sur le nombre et la répartition des espèces et des écosystèmes à la surface du globe, ainsi que sur leur sensibilité au changement climatique et leur réaction à l’impact de l’activité humaine. Mais on a beaucoup moins étudié la diversité génétique en fonction de la géographie. Or, il s’agit d’un paramètre crucial : plus une espèce est génétiquement diverse, plus elle est capable d’évoluer, de s’adapter et de donner naissance à de nouvelles espèces. À l’inverse, une espèce dont le pool génétique contient un faible degré de diversité risque davantage de ne pas pouvoir s’adapter au changement et de s’éteindre. En résumé, la diversité génétique au sein des espèces est la clé de la biodiversité.





    « Les résultats [d’Andreia Miraldo et ses collègues] confirment des découvertes antérieures, mais la très grande taille de leur échantillon constitue un progrès important, commente Len Gillman, professeur de biogéographie à l’université d’Auckland (Nouvelle-Zélande), interrogé sur le site The Scientist. L’étude suggère que les espèces tropicales ont un plus grand potentiel de spéciation [formation d’espèces nouvelles] que les espèces des régions tempérées, et conforte l’hypothèse que les différences de diversité à travers la planète sont, au moins dans une certaine mesure, dues aux différences dans le rythme d’évolution et de spéciation. »

    Andreia Miraldo et ses collègues ont rassemblé un échantillon sans précédent de 92 801 séquences d’ADN, dont un tiers provenant d’amphibiens et deux tiers de mammifères. Ces séquences ont été recueillies dans deux banques de données publiques : Genbank, qui appartient au NIH (National Institutes of Health), le principal organisme de recherche en santé publique des États-Unis ; et BOLD (Barcode of Life data system), un consortium international qui associe 45 pays.

    Ces banques contiennent des millions de séquences génétiques associées aux espèces les plus variées, qui sont déposées au fur et à mesure par les équipes scientifiques qui étudient l’ADN des différentes espèces animales.

    Les banques de données publiques constituent un immense gisement d’information sur les gènes animaux. Mais l’écrasante majorité des séquences qui y sont déposées ne sont pas situées géographiquement, de sorte que l’on ignore de quelle région du globe elles proviennent.

    Miraldo et ses collègues ont déterminé l’origine géographique précise des 92 801 séquences, et les ont regroupées en fonction des 4 675 espèces auxquelles elles se rattachent. Les chercheurs ont découpé la surface de la planète en zones équivalentes d’environ 150 000 km2. Dans chacune de ces zones, et pour chaque espèce, ils ont calculé la diversité génétique à partir du degré de variation des séquences d’ADN liées à l’espèce considérée. La diversité génétique dans une zone donnée a ensuite été estimée en faisant une moyenne de la diversité pour l’ensemble des espèces présentes dans la zone.

    La carte montre que le plus haut degré de diversité génétique s’observe dans les Andes tropicales et l’Amazonie ; une diversité élevée est également mesurée dans les parties subtropicales de l’Afrique du Sud pour les mammifères, et dans l’est de la Chine et du Japon pour les amphibiens. En ce qui concerne les régions tempérées, il y a une forte diversité dans la partie ouest de l’Amérique du Nord, correspondant à la richesse des espèces de mammifères qui y vivent ; et dans l’est de l’Amérique du Nord, on constate une diversité génétique importante pour les salamandres.

    Ces résultats sont en accord avec le schéma global de la richesse des espèces déjà observé. Les chercheurs restent cependant modestes : ils soulignent que leur ensemble de données, même s’il est plus important que tous ceux constitués jusqu’ici, est encore très incomplet, en particulier parce que le nombre de séquences génétiques connues varie considérablement selon les régions du globe. La plus grande partie des données connues provient de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord et de l’Asie extrême-orientale, plus quelques régions qui ont fait l’objet d’une attention particulière, comme Madagascar.

    Malgré le biais que constitue l’inégalité dans la distribution géographique des données disponibles, certaines conclusions se dégagent de manière robuste. L’Europe occidentale, l’une des régions les mieux étudiées, contient l’un des plus faibles degrés de diversité génétique pour les amphibiens. De plus, il apparaît clairement que la diversité génétique est plus grande sous les tropiques et décroît à mesure que l’on se dirige vers les pôles, ce qui concorde avec le gradient observé pour la richesse des espèces.



    Les résultats de Miraldo et ses collègues peuvent aussi être mis en regard de l’impact de l’activité humaine. Pour les amphibiens, les chercheurs observent que la diversité génétique augmente à mesure qu’on s’éloigne des écosystèmes très influencés par l’homme (zones de population dense, villages, culture) et que l’on se dirige vers des zones moins affectées par notre espèce, telles que des pâturages extensifs, des forêts et des zones sauvages. Le même schéma se dégage pour les mammifères, quoique de manière moins évidente.

    L’étude montre aussi l’étendue de ce qui reste à découvrir : les chercheurs ont établi une « carte de l’ignorance et de la connaissance » (ci-dessus) qui montre que les régions les moins connues génétiquement sont aussi celles qui abritent le plus d’espèces. Miraldo et ses collègues en concluent qu’il est nécessaire de développer des algorithmes pour situer géographiquement les millions de séquences déposées dans les banques de données, et d’accélérer la collecte de nouvelles séquences dans les zones insuffisamment couvertes.
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