lundi 19 mai 2014
Professeur Allison DREW
Politologue
Université de York, Angleterre
Interventions Alger Mai 2014
Le mouvement communiste en Algérie a été lancé comme région du Parti communiste français en 1920 et établi comme un parti autonome – le Parti communiste algérien – en 1936.
En considérant l’histoire du communisme en Algérie, je veux commencer par le problème d’un mythe politique : le Parti communiste algérien n’avait pratiquement joué aucun rôle dans la lutte anticolonialiste et la révolution algérienne. C’est un mythe qui se trouve dans la pensée politique aussi bien que dans l’historiographie de la période coloniale. Ce mythe concerne non seulement le PCA mais aussi la question du pluralisme politique en Algérie. En réalité, le PCA a beaucoup de contribué à la lutte anticolonialiste et à la guerre d’indépendance. Surtout, les communistes ont toujours essayé de créer et d’élargir l’espace politique là où ils le pouvaient.
L’espace politique
Par l’espace politique je veux dire l’environnement où des individus et des groupes peuvent discuter et faire de la politique.
L’espace politique a à la fois une dimension horizontale et une dimension verticale. La dimension horizontale est géographique : une place, un marché, un village, ou un réseau de chemin de fer. Par exemple, les cheminots communistes ont pu élargir l’espace politique sur l’échelle régionale en distribuant les journaux. La dimension verticale peut être légale et publique ou illégale et clandestine, où il est difficile d’influencer les idées populaires.
Le pouvoir d’état et l’espace politique existent dans une relation réciproque.
L’espace politique ouvert et vibrant symbolise la capacité de la société civile à se protéger du pouvoir arbitraire de l’état. Souvent l’espace politique varie selon les sexes.
Typiquement pendant la période coloniale les algériennes ne sont pas entrées dans l’espace politique publique. Mais pendant la guerre d’indépendance surtout il y avait des exceptions.
L’espace politique est aussi influencé par les divers modes de communication : orales ou écrites, à la radio, l’internet, et par les langues divers. C’était souvent le cas que les communistes européens, surtout ceux qui vivaient en ville, ne parlaient pas arabe, ce qui a rendu leur travail plus difficile. Mais pendant la guerre d’indépendance, le PCA a fait les diffusions en arabe à la radio, ce qui leur a permis d’élargir l’espace politique.
Comment est-ce que les communistes en Algérie ont élargi l’espace politique ? Voilà quelques exemples :
Premièrement, dans les 1920s les communistes ont été les premiers à demander l’indépendance d’Algérie. Les conditions étaient très difficile pour un mouvement communiste non seulement à cause de la structure des classes – la population était en majorité rurale tandis que le marxisme est basé sur le mouvement de la class ouvrière urbaine – mais aussi à cause de la répression. Assez vite les communistes en Algérie se sont rendu compte que la répression était féroce. Comme un communiste français a remarqué en 1925 : ‘Nous ne sommes plus en France’ – une remarque paradoxale parce que la France proclamait l’Algérie comme trois départements français. En France il y avait des conditions démocratiques. Mais en Algérie, avec le code de l’indigénat, il fallait adapter les moyens de lutte pour les droits démocratiques aux conditions non-démocratiques. Les communistes ont commencé de lutter contre la répression, ce qui est devenue une tradition communiste.
Deuxièmement, dans les 1930s les communistes aidaient les paysans qui luttaient contre les expropriations.
Il y a le cas de Blida vers 1931-32 où les communistes ont parcouru le Mitidja pour rencontrer et aider les paysans, utilisant les marchés comme espaces politiques pour rencontrer et parler avec les paysans.
En 1933 ils ont mené une campagne électorale dans cette région qui avait pour but l’éducation politique des paysans – utilisant l’espace publique. Les membres algériens de la Jeunesse Communiste à Blida ont travaillé avec une organisation locale liée aux oulémas réformistes. Dans les années suivantes les communistes ont pu maintenir une base à Blida avec des paysans et travailleurs ruraux. À cause de ça, plus tard, pendant la lutte armée ils ont pu établir un maquis. Ceci a été organisé par Abdelkader Babou, un cheminot et un leader local de la CGT qui organisaient les ouvriers agricoles. La CGT l’a mis hors cadre, ce qui lui a permis d’établir un réseau clandestin et un maquis à Blida et plus tard à Orléansville et à Oran.
Troisièmement, dans l’Oranais dans les années 1930s les frères Badsi ont travaillé avec les ouvriers urbains et ruraux à Tlemcen, et Lucien Sportisse, avec les ouvriers agricoles autour d’Oran. Quand la française Jacqueline Minne est arrivée dans la région de Tlemcen plus tard, elle a rencontré des paysans qui s’intéressaient au parti communiste et aux luttes d’ouvriers urbains.
Dans ces propres mots :
‘J’ai été étonnée de trouver dans ces montagnes des groupes importants de paysans structurés au sein du PCA, groupes qui couvraient une large zone, avec plusieurs centres particulièrement actifs’ (Jacqueline Guerroudj, Des douars et des prisons, p. 19).
À Tlemcen le travail qu’ont fait les Badsi et les autres communistes a permis, pendant la guerre d’indépendance, l’établissement d’un maquis communiste organisé en juillet 1955 par Tahar Ghomri, Hilali Moussa, Mejdoub Berrahou et leurs camarades.
Aussi, après le massacre de Mai 1945 dans le Constantinois la répression a augmenté. Ce qui a poussé le Parti communiste algérien à organiser des campagnes contre cette répression – continuant la tradition etablie pendant les années 1920s.
Pendant cette période – à la fin des 1940s et dans les 1950s le PCA a attiré beaucoup de jeunes algériens. C’était parce que les organisations nationalistes à cette époque avaient des problèmes de démocratie. Il n’y avait pas beaucoup d’espace politique à l’intérieur de ces organisations pour discuter des idées et surtout des idées sur la lutte de classe et du capitalisme. Donc pour certains jeunes algériens le PCA offrait l’espace pour parler librement et de discuter ces questions de classe et de l’économie politique.
Les femmes communistes elles aussi ont joués un rôle important en créant “l’Union des femmes d’Algérie” en 1944. La communiste algérienne Baya Allaouchiche a été élu en 1949 comme secrétaire générale. L’UFA a attiré beaucoup d’algériennes en allant dans les endroits où elles se rencontraient : les hammams, les fêtes de mariages et des autres fêtes. À Oran, quand les dockers organisés par la CGT et le PCA se sont mis en grève et plus tard ont été condamnés au tribunal, leurs femmes, organisées par l’UFA, étaient aussi là en faisant les manifestations – elles entraient dans l’espace politique publique.
Pendant la lutte armée Baya Allaouchiche a organisé des femmes qui se rassemblaient devant la prison Serkadji à Alger pour recevoir des nouvelles de leurs familles. La solidarité féminine est devenue un espace pour les demandes politiques telle que l’amélioration des conditions dans les prisons. L’espace devant les portes de prison s’est transformée en espace politique publique.
Le PCA a organisé les “Combattants de la Libération” avec les maquis ruraux et les campagnes de sabotage dans les villes. Apres l’Accord FLN-PCA le 5 juillet 1956, les combattants communistes se sont intégrés dans l’“Armée de Libération Nationale”. Il n’y a aucun doute que les communistes en Algérie ont lutté pour les droits humains en Algérie en élargissant l’espace politique.
Alors, comment s’est développé le mythe que les communistes n’ont pratiquement rien fait ? Une partie de l’explication se trouve dans la relation entre le FLN et le PCA. C’est surtout le fait que le PCA a été interdit en novembre 1962, juste après l’indépendance de l’Algérie.
À cette époque le FLN voulait être le seul parti politique. Par ailleurs, l’identité multiculturelle du PCA n’était pas en accord avec l’idée d’une identité et citoyenneté algérienne basé surtout sur la religion.
Il y a aussi deux autres explications.
L’une se trouve dans les racines européennes du mouvement communiste et sa politique, qui était souvent très proche et même trop proche de celle du PCF.
Ce n’est pas surprenant que les mouvements anticapitalistes ont des racines en Europe parce c’est là où se trouve les origines du capitalisme.
Mais la relation entre la France et l’Algérie était basée sur l’oppression nationale qui n’était pas suffisamment reconnu par le PCF. Même si dans les années 1920s les communistes ont demandé l’indépendance de l’Algérie, certaines fois les communistes français et européens ont pensé que la révolution en France était une précondition pour la libération de l’Algérie. Le mouvement communiste en Algérie était donc Eurocentrique aux origines, non seulement au point de vue des cadres et membres, mais aussi parce que la politique était souvent déterminé par le PCF.
L’autre explication se trouve dans la géopolitique. L’Algérie était étroitement liée dans la politique non seulement française mais européenne. L’influence du PCF sur le PCA a été la plus intense dans les périodes de crises européennes et internationales – la lutte antifasciste et la deuxième guerre mondiale. Ces relations étroites entre les deux partis ont été renforcées par le fait que pendant ces années la plupart des membres du PCA ont été européens.
Professeur Allison DREW
Politologue
Université de York, Angleterre
Interventions Alger Mai 2014
Le mouvement communiste en Algérie a été lancé comme région du Parti communiste français en 1920 et établi comme un parti autonome – le Parti communiste algérien – en 1936.
En considérant l’histoire du communisme en Algérie, je veux commencer par le problème d’un mythe politique : le Parti communiste algérien n’avait pratiquement joué aucun rôle dans la lutte anticolonialiste et la révolution algérienne. C’est un mythe qui se trouve dans la pensée politique aussi bien que dans l’historiographie de la période coloniale. Ce mythe concerne non seulement le PCA mais aussi la question du pluralisme politique en Algérie. En réalité, le PCA a beaucoup de contribué à la lutte anticolonialiste et à la guerre d’indépendance. Surtout, les communistes ont toujours essayé de créer et d’élargir l’espace politique là où ils le pouvaient.
L’espace politique
Par l’espace politique je veux dire l’environnement où des individus et des groupes peuvent discuter et faire de la politique.
L’espace politique a à la fois une dimension horizontale et une dimension verticale. La dimension horizontale est géographique : une place, un marché, un village, ou un réseau de chemin de fer. Par exemple, les cheminots communistes ont pu élargir l’espace politique sur l’échelle régionale en distribuant les journaux. La dimension verticale peut être légale et publique ou illégale et clandestine, où il est difficile d’influencer les idées populaires.
Le pouvoir d’état et l’espace politique existent dans une relation réciproque.
L’espace politique ouvert et vibrant symbolise la capacité de la société civile à se protéger du pouvoir arbitraire de l’état. Souvent l’espace politique varie selon les sexes.
Typiquement pendant la période coloniale les algériennes ne sont pas entrées dans l’espace politique publique. Mais pendant la guerre d’indépendance surtout il y avait des exceptions.
L’espace politique est aussi influencé par les divers modes de communication : orales ou écrites, à la radio, l’internet, et par les langues divers. C’était souvent le cas que les communistes européens, surtout ceux qui vivaient en ville, ne parlaient pas arabe, ce qui a rendu leur travail plus difficile. Mais pendant la guerre d’indépendance, le PCA a fait les diffusions en arabe à la radio, ce qui leur a permis d’élargir l’espace politique.
Comment est-ce que les communistes en Algérie ont élargi l’espace politique ? Voilà quelques exemples :
Premièrement, dans les 1920s les communistes ont été les premiers à demander l’indépendance d’Algérie. Les conditions étaient très difficile pour un mouvement communiste non seulement à cause de la structure des classes – la population était en majorité rurale tandis que le marxisme est basé sur le mouvement de la class ouvrière urbaine – mais aussi à cause de la répression. Assez vite les communistes en Algérie se sont rendu compte que la répression était féroce. Comme un communiste français a remarqué en 1925 : ‘Nous ne sommes plus en France’ – une remarque paradoxale parce que la France proclamait l’Algérie comme trois départements français. En France il y avait des conditions démocratiques. Mais en Algérie, avec le code de l’indigénat, il fallait adapter les moyens de lutte pour les droits démocratiques aux conditions non-démocratiques. Les communistes ont commencé de lutter contre la répression, ce qui est devenue une tradition communiste.
Deuxièmement, dans les 1930s les communistes aidaient les paysans qui luttaient contre les expropriations.
Il y a le cas de Blida vers 1931-32 où les communistes ont parcouru le Mitidja pour rencontrer et aider les paysans, utilisant les marchés comme espaces politiques pour rencontrer et parler avec les paysans.
En 1933 ils ont mené une campagne électorale dans cette région qui avait pour but l’éducation politique des paysans – utilisant l’espace publique. Les membres algériens de la Jeunesse Communiste à Blida ont travaillé avec une organisation locale liée aux oulémas réformistes. Dans les années suivantes les communistes ont pu maintenir une base à Blida avec des paysans et travailleurs ruraux. À cause de ça, plus tard, pendant la lutte armée ils ont pu établir un maquis. Ceci a été organisé par Abdelkader Babou, un cheminot et un leader local de la CGT qui organisaient les ouvriers agricoles. La CGT l’a mis hors cadre, ce qui lui a permis d’établir un réseau clandestin et un maquis à Blida et plus tard à Orléansville et à Oran.
Troisièmement, dans l’Oranais dans les années 1930s les frères Badsi ont travaillé avec les ouvriers urbains et ruraux à Tlemcen, et Lucien Sportisse, avec les ouvriers agricoles autour d’Oran. Quand la française Jacqueline Minne est arrivée dans la région de Tlemcen plus tard, elle a rencontré des paysans qui s’intéressaient au parti communiste et aux luttes d’ouvriers urbains.
Dans ces propres mots :
‘J’ai été étonnée de trouver dans ces montagnes des groupes importants de paysans structurés au sein du PCA, groupes qui couvraient une large zone, avec plusieurs centres particulièrement actifs’ (Jacqueline Guerroudj, Des douars et des prisons, p. 19).
À Tlemcen le travail qu’ont fait les Badsi et les autres communistes a permis, pendant la guerre d’indépendance, l’établissement d’un maquis communiste organisé en juillet 1955 par Tahar Ghomri, Hilali Moussa, Mejdoub Berrahou et leurs camarades.
Aussi, après le massacre de Mai 1945 dans le Constantinois la répression a augmenté. Ce qui a poussé le Parti communiste algérien à organiser des campagnes contre cette répression – continuant la tradition etablie pendant les années 1920s.
Pendant cette période – à la fin des 1940s et dans les 1950s le PCA a attiré beaucoup de jeunes algériens. C’était parce que les organisations nationalistes à cette époque avaient des problèmes de démocratie. Il n’y avait pas beaucoup d’espace politique à l’intérieur de ces organisations pour discuter des idées et surtout des idées sur la lutte de classe et du capitalisme. Donc pour certains jeunes algériens le PCA offrait l’espace pour parler librement et de discuter ces questions de classe et de l’économie politique.
Les femmes communistes elles aussi ont joués un rôle important en créant “l’Union des femmes d’Algérie” en 1944. La communiste algérienne Baya Allaouchiche a été élu en 1949 comme secrétaire générale. L’UFA a attiré beaucoup d’algériennes en allant dans les endroits où elles se rencontraient : les hammams, les fêtes de mariages et des autres fêtes. À Oran, quand les dockers organisés par la CGT et le PCA se sont mis en grève et plus tard ont été condamnés au tribunal, leurs femmes, organisées par l’UFA, étaient aussi là en faisant les manifestations – elles entraient dans l’espace politique publique.
Pendant la lutte armée Baya Allaouchiche a organisé des femmes qui se rassemblaient devant la prison Serkadji à Alger pour recevoir des nouvelles de leurs familles. La solidarité féminine est devenue un espace pour les demandes politiques telle que l’amélioration des conditions dans les prisons. L’espace devant les portes de prison s’est transformée en espace politique publique.
Le PCA a organisé les “Combattants de la Libération” avec les maquis ruraux et les campagnes de sabotage dans les villes. Apres l’Accord FLN-PCA le 5 juillet 1956, les combattants communistes se sont intégrés dans l’“Armée de Libération Nationale”. Il n’y a aucun doute que les communistes en Algérie ont lutté pour les droits humains en Algérie en élargissant l’espace politique.
Alors, comment s’est développé le mythe que les communistes n’ont pratiquement rien fait ? Une partie de l’explication se trouve dans la relation entre le FLN et le PCA. C’est surtout le fait que le PCA a été interdit en novembre 1962, juste après l’indépendance de l’Algérie.
À cette époque le FLN voulait être le seul parti politique. Par ailleurs, l’identité multiculturelle du PCA n’était pas en accord avec l’idée d’une identité et citoyenneté algérienne basé surtout sur la religion.
Il y a aussi deux autres explications.
L’une se trouve dans les racines européennes du mouvement communiste et sa politique, qui était souvent très proche et même trop proche de celle du PCF.
Ce n’est pas surprenant que les mouvements anticapitalistes ont des racines en Europe parce c’est là où se trouve les origines du capitalisme.
Mais la relation entre la France et l’Algérie était basée sur l’oppression nationale qui n’était pas suffisamment reconnu par le PCF. Même si dans les années 1920s les communistes ont demandé l’indépendance de l’Algérie, certaines fois les communistes français et européens ont pensé que la révolution en France était une précondition pour la libération de l’Algérie. Le mouvement communiste en Algérie était donc Eurocentrique aux origines, non seulement au point de vue des cadres et membres, mais aussi parce que la politique était souvent déterminé par le PCF.
L’autre explication se trouve dans la géopolitique. L’Algérie était étroitement liée dans la politique non seulement française mais européenne. L’influence du PCF sur le PCA a été la plus intense dans les périodes de crises européennes et internationales – la lutte antifasciste et la deuxième guerre mondiale. Ces relations étroites entre les deux partis ont été renforcées par le fait que pendant ces années la plupart des membres du PCA ont été européens.
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