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Immigration : La Russie met en vigueur ses nouvelles règles

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  • Immigration : La Russie met en vigueur ses nouvelles règles

    Le problème de l'immigration est une constante à laquelle tout gouvernement doit un jour y faire face. En Russie, il y aurait 10 millions de clandestins pour une population de 140 millions. Parmi les mesures entreprises se trouve une qui est symbolique mais qui fera plaisir aux nationalistes qui est l'interdiction de travailler sur les marchés aux étrangers même munis de papiers en règles. Cette mesure plonge dans l'inquiétude de nombreux petits vendeurs et va surtout susciter l'apparition d'une autre forme d'exploitation les pots de vins pour contourner la loi.
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    No est inquiet. Depuis dix-huit ans, cet Azerbaïdjanais vend des fruits et des légumes sur un marché de Moscou. Lorsqu'il a commencé, il était citoyen de l'Union soviétique, comme ses voisins des étals du marché Rijky, au nord de la capitale, venus des républiques de Géorgie, de Moldavie ou d'Asie centrale. Dans la Russie de 2006, Ali, veste et col roulé noirs comme sa moustache, est un étranger. Il est inquiet parce que depuis lundi, de nouvelles mesures sur l'immigration sont entrées en vigueur. Selon ces textes, les étrangers ne doivent plus excéder 40 % des commerçants sur les marchés russes. Ils n'ont plus le droit de vendre médicaments ou alcool. Et à compter du 1er avril, ils pourront posséder des commerces mais pas vendre eux-mêmes sur les marchés. « Mon permis de séjour annuel est valable jusqu'en mai, proteste ce père de trois enfants, âgé de 49 ans. Je dois nourrir ma famille restée en Azerbaïdjan. » Avec la vente des tomates, grenades et autres kakis qu'il fait venir de son pays, Ali assure gagner 6 000 à 7 000 roubles par mois (environ 200 eur). « Si je n'ai plus le droit de travailler, je rentrerai, je n'ai pas le choix. »

    Ces restrictions ont été initiées par Vladimir Poutine lui-même. Début octobre, le président de la Fédération avait enjoint les autorités « à protéger les intérêts des producteurs russes et de la population autochtone ». Un discours aux accents nationalistes qui intervenait quelques semaines après des émeutes sans précédent, au moins par leur retentissement médiatique, dans la petite ville de Kondopoga, en Carélie, près de la frontière finlandaise. Des « Russes de souche » avaient brûlé les magasins et lapidé les appartements des Tchétchènes et d'autres Caucasiens de la ville, à la suite d'une rixe qui s'était soldée par la mort de deux autochtones.

    Pour le chef de l'État, il était temps de faire le ménage sur les marchés trop souvent sous la coupe de mafias du Caucase. D'où ces nouvelles interdictions qui « permettent de décriminaliser les marchés », expliquait mardi à la presse Viatcheslav Postavnine, directeur adjoint du service fédéral de l'immigration (le FMS, en russe). Au passage, les Tchétchènes, Daguestanais et autres Ingouches, fréquemment assimilés par l'opinion aux criminels, ne sont pas censés être concernés puisqu'ils sont citoyens russes.

    « Le but est d'attirer les producteurs russes vers les marchés, ajoutait Viatcheslav Postavnine. Les études montrent qu'il y a des centaines de Russes qui veulent devenir vendeurs. » Sous la vaste halle du marché Rijky, l'un des 114 de Moscou, plusieurs emplacements sont vacants. « Les Russes ne veulent pas travailler ici », corrige Isolda. À 65 ans, cette Géorgienne au visage gravé par de profonds sillons se lève tous les jours à 5 heures du matin pour venir vendre ses fromages. Le marché reste ouvert jusqu'à 19 heures. Isolda gagne de quoi « payer [son] pain », le loyer de son petit appartement et envoyer de l'argent au pays où ses trois enfants, diplômés du supérieur, sont au chômage. « J'ai mes papiers et je paie des impôts », insiste Isolda, suspendue au couperet du 1er avril. À quelques mètres d'elle, la Russe Natalia, boudinée dans sa blouse boutonnée sur un pull de grosses mailles mauves, tient une boucherie. « Nous cohabitons bien avec les étrangers, ce sont des gens comme les autres. On ne sait même pas pourquoi la Douma adopte de telles lois. Les Russes ne veulent pas travailler dans les fruits et légumes, c'est trop dur, on dort peu. » Dans son étal de fleuriste, également sous la halle, Maxim, Russe lui aussi, renchérit. « C'est compliqué d'employer des Russes parce qu'ils boivent. » Actuellement, il salarie un Ouzbek, qui gagne « au moins 15 000 roubles par mois » (440 eur). « En avril, il repartira », regrette-t-il.

    Les restrictions s'accompagnent de nouvelles procédures d'enregistrement des étrangers. Prétendument plus simples, elles permettent d'obtenir un permis de travail en dix jours. L'objectif affiché des autorités est « de connaître précisément le nombre d'étrangers ». Six millions de permis de travail seront délivrés cette année aux ressortissants des anciennes républiques soviétiques non soumises à un régime de visa. Des quotas dont personne n'a encore compris les détails seront appliqués. Viatcheslav Postvanine, le directeur adjoint du service fédéral de l'immigration, reconnaît que ces mesures ne régleront pas tous les problèmes et « qu'il restera des immigrés clandestins », aujourd'hui évalués à dix millions. Alexei, un informaticien moldave, est, comme des millions d'étrangers et de Russes, payé en espèces par son patron qui désormais encourra une amende de 800 000 roubles (23 000 eur). Il devrait obtenir sans peine son permis de travail, mais dans cette bureaucratie kafkaïenne, pour décrocher le nouvel enregistrement, un document distinct, place à la débrouille. Comme son propriétaire ne le déclare pas plus que son employeur, Alexei s'est arrangé avec une babouchka qui a accepté de le déclarer, moyennant finances. Chacun y trouve son compte.

    Si certaines dispositions s'avéraient inopérantes, elles pourraient être modifiées et l'échéance du 1er avril reportée, a d'ores et déjà prévenu le jeune ministre du Développement économique, Guerman Gref.

    En attendant d'éventuels aménagements, comme toujours en Russie, observe un cadre expatrié, « on ajoute une couche supplémentaire de bureaucratie et, avec, un motif de corruption ». Alexei le Moldave a déjà entendu dans la file d'attente du bureau d'enregistrement qu'un pot-de-vin bien ciblé devrait permettre de passer outre l'interdiction de travailler sur les marchés. Mamed, cité par le journal Novaya Gazeta, vendeur de kebabs sur un marché moscovite, a trouvé la parade : il vient d'embaucher Tamara, une indigente munie d'un passeport russe. Celle-ci dort à ses pieds, dans son kiosque, sur un tas de haillons. « Quand l'inspecteur passera, explique Mamed, je la réveillerai et la présenterai à l'inspecteur » comme vendeuse officielle.

    Par le Figaro
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