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Oui, on peut créer de nouvelles couleurs

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  • Oui, on peut créer de nouvelles couleurs

    Les couleurs ne viennent pas toutes des pigments. Les ondes lumineuses interagissent avec leur environnement pour faire éclore d’étonnants phénomènes, comme les ailes de papillon ou la nacre.

    Peut-être y réfléchirez-vous désormais dans votre douche, en marchant dans un pré ou en réglant vos achats. Les couleurs irisées d'une bulle de savon, de la carapace d'un scarabée et d'un hologramme de carte de crédit ont-elles la même origine? C'est l'un des phénomènes physiques complexes que décrypte Bernard Valeur, professeur honoraire du Conservatoire national des arts et métiers, dans son ouvrage Une belle histoire de la lumière et des couleurs*.

    Millefeuille de strates
    Les couleurs peuvent naître de *plusieurs phénomènes, explique ce physico-chimiste. D'abord, de l'absorption de la lumière à certaines longueurs d'onde par des pigments ou des colorants. C'est le cas dans un tissu ou en peinture ; mais dans la nature, un animal peut aussi fabriquer voire ingérer ces pigments. Ainsi les flamants roses naissent blancs et doivent leur couleur aux crevettes riches en caroténoïdes qu'ils ingèrent. Second phénomène, la diffusion de la lumière. "Dans l'air, les molécules, de très petite taille, diffusent en majorité les longueurs d'onde dans le bleu, d'où la couleur du ciel", explique Bernard Valeur. Troisième phénomène, la réfraction de la lumière lorsqu'elle passe d'un milieu transparent à un autre milieu transparent. "C'est le cas des prismes qui décomposent la lumière, et des gouttes d'eau qui donnent naissance aux arcs-en-ciel." L'irisation, enfin, relève d'un dernier phénomène : ces couleurs sont dites "interférentielles" car elles naissent des interférences entre différentes ondes lumineuses. Explication du spécialiste : "Lorsque vous jetez des cailloux dans l'eau, des ondes circulaires se propagent. Ces vaguelettes vont interférer. Si leurs amplitudes sont simultanément maximales en un point donné, elles se renforcent en s'additionnant ; et là où l'amplitude maximale de l'une coïncide avec l'amplitude minimale d'une autre, elles s'annihilent en ce point. De la même manière, dans une direction donnée d'observation, certaines longueurs d'onde de la lumière, et donc certaines couleurs, apparaissent renforcées au détriment d'autres."

    Dans une bulle de savon, les ondes lumineuses se réfléchissent sur la face avant du film d'eau et y pénètrent ; elles se réfléchissent aussi sur sa face arrière. Ces ondes interfèrent entre elles pour faire naître des couleurs qui varient selon l'angle de vue. "Par exemple, les ondes correspondant au rouge apparaîtront renforcées dans la direction de votre œil, tandis que les ondes correspondant au bleu ne seront pas visibles." Le même effet se produit lorsqu'on regarde une flaque d'essence sur le macadam ou une tache d'huile sur l'eau.

    Le bleu du morpho
    Plus le matériau réfléchit les ondes, plus l'iridescence est intense. Celle-ci est faible sur le film d'eau de la bulle de savon, mais très profondes lorsque plusieurs couches sont empilées. C'est le cas des perles et de la nacre produite par de nombreux mollusques, qui est formée d'un millefeuille de strates de nature minérale et organique. "On le constate aussi sur la carapace de certains scarabées aux reflets vert vif, comme la cétoine dorée. Elle est constituée de molécules de chitine assemblées en fibres, qui sont disposées comme un feuilleté", ajoute Bernard Valeur. Des irisations similaires se retrouvent aussi dans nos objets quotidiens, comme à la surface des verres de lunettes ayant reçu un traitement antireflet. Un même procédé "multicouches" est utilisé pour créer les motifs métalliques irisés des billets de banque ou les hologrammes des cartes de crédit.

    Les couleurs "interférentielles" peuvent aussi découler d'une structure encore plus complexe du matériau, capable de diffracter la lumière et de produire des interférences. En effet, quand les ondes lumineuses rencontrent des obstacles ou des ouvertures de faible dimension, leur direction de propagation est modifiée. L'iridescence des disques laser tient ainsi à leur gravure en spirale – invisible à l'œil nu. Mais le plus bel exemple de couleurs interférentielles se trouve dans la nature avec le papillon morpho, célèbre pour sa parure d'un bleu éclatant. "Ses ailes sont recouvertes d'écailles. En surface, celles-ci sont transparentes. Grâce au microscope électronique à balayage, on observe que celles du dessous forment des stries empilées de six à douze lamelles de chitine, maintenues à distance constante. La théorie montre que les longueurs d'onde dans le bleu sont alors majoritairement réfléchies", résume le spécialiste. De tels phénomènes se produisent aussi sur les plumes de paon, dont les couleurs varient de façon spectaculaire selon leur inclinaison à cause de la structure de leurs barbules. "Preuve que ces couleurs ne sont pas dues à des pigments, glisse Bernard Valeur, si vous retournez la plume et que vous l'observez par transparence sur une lampe, elles disparaissent." L'iridescence cède alors la place à un brun terne, bien moins mystérieux.

    * A paraître le 2 novembre (Flammarion). Bernard Valeur est également auteur de La Couleur dans tous ses éclats (Belin, 2011).


    le JDD
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