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Denis Gezmiş : le révolutionnaire qui hante la Turquie

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  • Denis Gezmiş : le révolutionnaire qui hante la Turquie

    Exécuté voici 35 ans, le héros des années 68 en Turquie a conservé une influence considérable sur la gauche turque.

    « Qui est mort en fait ? Deniz Gezmiş, Hüseyin Inan et Yusuf Aslan sont vivants ! », affirme la banderole brandie le 6 mai dernier par les militants présents aux commémorations de l'exécution de Deniz Gezmiş et des ses deux camarades de l'Armée de Libération du Peuple Turc (Türkiye Halk Kurtuluş Ordusu, THKO) condamnés à mort en 1971 pour : « tentative de renversement de l'ordre constitutionnel » et pendus le 6 mai 1972.


    « Ce qui est important ce n'est pas d'avoir une vie longue mais une vie bien remplie. C'est pourquoi ça m'est égal de partir tôt. De plus, mes amis qui sont partis avant moi n'ont jamais hésité devant la mort. Sois-en sûr, moi non plus; ton fils n'est ni faible ni impuissant face à la mort. Il a choisi sa voix en connaissance de cause et il savait que cela se finirait ainsi. »

    Dans la lettre d'adieu à son père, Deniz Gezmiş reste fidèle à l'image de révolutionnaire intransigeant prêt à se sacrifier qu'il avait construit et sur laquelle se fonde sa légende. Dans les documents d'époque, sa détermination et sa maîtrise de soi lui donnent une aura quasi inhumaine. Rien ne transparaît de ses émotions ou de ses faiblesses sur son visage, si ce n'est une rage profonde.


    Ils sont encore nombreux : jeunes et anciens gauchistes, membres du parti d'opposition CHP (kémaliste) et des multiples groupuscules d'extrême-gauche, militants des droits de l'Homme et syndicalistes, à manifester chaque année en mémoire des trois martyrs des années 68 turques.


    Les mouvements étudiants et syndicalistes sont particulièrement puissants dans les années 60 et 70 en Turquie. Une contestation qui sera très durement réprimée à la suite des coups d'État de 1971 et 1980. L'agitation politique fait certes place à l'ordre militaire mais aussi au refoulement collectif. Ce n'est que depuis une dizaine d'années que ce passé trouble refait surface dans le débat public.


    Le Che turc


    Parmi tous les acteurs de la gauche révolutionnaire, la figure de Deniz Gezmiş s'impose sans conteste et son martyr a engendré un véritable culte de la personnalité. Pendu à 25 ans, il avait derrière lui six années d'activisme incessant et de multiples arrestations. Sa photo est souvent accolée à celle du Che, tant il semble incarner en tous points l'archétype du révolutionnaire romantique.


    De sa première interpellation en 1966, à l'occupation de l'Université d'Istanbul en 1968 et à la création du mouvement de lutte armé THKO, son courage et son charisme font de lui le leader de toute une génération influencée par Atatürk, Marx, Lénine et le Che.


    « Turquie indépendante », « À bas l'impérialisme », tels sont les slogans les plus populaires de l'époque. Deniz Gezmiş et ses camarades appelaient à lutter contre le gouvernement « fasciste » et « l'impérialisme » en menant une deuxième guerre de libération nationale, à l'image de celle dirigée par Atatürk entre 1919 et 1923.


    Principale cible : les État-Unis. L'anti-américanisme est particulièrement virulent alors que Washington est embourbé au Vietnam et soutient Israël. De 1967 à 1969, les manifestations se succèdent à Istanbul pour lutter contre l'arrivée de la 6ème flotte de l'U.S. Navy. Les marins sont malmenés par des groupes de jeunes qui les jettent dans le Bosphore. À leur tête : Deniz Gezmiş, qui devient la bête noire du gouvernement conservateur de Süleyman Demirel. Il est traqué et s'enfuit plusieurs mois en Jordanie dans un camp d'entraînement de l'OLP.


    Le symbole de la lutte contre l'oppression


    À son retour, il est rapidement arrêté et passe neuf mois en prison. C'est à ce moment qu'il effectue un virage politique, délaissant les mouvements étudiants pour la lutte armée clandestine.


    En 1971, le braquage d'une banque et l'enlèvement de quatre soldats américains par le THKO font de Deniz Gezmiş un héros populaire. Les otages sont rapidement libérés. Pour l'État et une partie de l'opinion publique c'est un terroriste « anarchiste ». Le 12 mars, les militaires prennent le pouvoir sans violence pour restaurer l'ordre, il est l'homme à abattre. Quatre jours plus tard, il est arrêté et emprisonné, puis jugé et condamné à la peine capitale le 9 octobre 1971. Il n'a pourtant commis aucun meurtre.


    Symbole de la contestation des années 68, son aura est toujours intacte. Son portrait orne régulièrement les affiches politiques. Son prénom, très populaire dans les années 70 et 80, est rentré dans le langage courant pour désigner les trois militants exécutés le 6 mai 1972 (Denizler-les Deniz).


    Sa célèbre photo en parka s'expose sur les murs d'Istanbul et est devenue une icône pop pour ados rebelles. Des milliers de clips lui sont dédiés sur You Tube. Son destin hors du commun a inspiré de nombreux livres, quelques films et une série à succès, diffusée entre 2006 et 2008, qui a fait découvrir aux jeunes cette période trouble dont l'évocation est longtemps restée tabou.


    Un héritage controversé


    Bientôt 40 ans après sa mort, son âme n'est pas prête de reposer en paix. Sa mémoire et son héritage politique sont controversés et sujets à de nombreuses récupérations.


    À gauche, l'invocation rituelle de l'activiste, pour autant piètre théoricien et stratège, semble traduire une profonde nostalgie et une déshérence idéologique. Toujours divisée en multiples groupuscules, l'extrême-gauche turque est orpheline d'un leader et d'une cause qui pourraient lui redonner le poids politique d'antan.


    Pour les réformistes libéraux et l'AKP (Parti de la Justice et du Développement, islamiste modéré), il est la digne incarnation de la pensée soixante-huitarde turque : un kémalisme obtus mâtiné de marxisme, d'une certaine gauche turque plus prompte à soutenir un coup d'État militaire que les réformes démocratiques. Deniz Gezmiş et ses camarades sont aussi accusés d'avoir fait le lit d'une gauche nationaliste avide d'éradiquer les ennemis intérieurs et extérieurs de la nation turque, dont l'anti-impérialisme frise avec la xénophobie.


    Plusieurs anciens gauchistes et le leader du Parti des Ouvriers (İşçi Partisi) sont actuellement dans le collimateur de la justice pour l'affaire Ergenekon, une organisation secrète ultra-nationaliste qui aurait planifié de déstabiliser le gouvernement AKP. Plus de cent personnes ont déjà été arrêtées et interrogées, dont d'anciens militaires, des responsables des médias, de l'économie et de la politique. Ergenekon fait la une des médias depuis deux ans. C'est l'« affaire du siècle » mais toutes les responsabilités sont loin d'être établies.


    Pour d'autres commentateurs, Deniz Gezmiş aurait été manipulé par les militaires pour créer un climat propice au coup d'État. Selon un ancien agent double américain, le THKO aurait été infiltré à la fois par la CIA et les services secrets turcs.


    Dans un pays où l'Histoire est encore souvent l'Histoire officielle, la mémoire de Deniz Gezmiş continuera sûrement à être l'objet de manipulations. Un débat passionné et idéologique, à l'image d'une société fragmentée qui tente difficilement de se confronter à un passé douloureux. Reste le mythe.


    25 sept. 2009 Par Clément Girardot


    mediapart

  • #2
    Je n'aime pas le kémalisme, qui est un sionisme à la mode turque.

    Ataturk était un sioniste. La Turquie est pro-impérialiste, un pion de l'impérialo-sionisme. Le kémalisme avait affaibli la Turquie.

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