Par Khider Mesloub – J'ai longtemps hésité avant de me résoudre à rédiger cette contribution pour Algerie.patriotique afin de la porter à la connaissance des lecteurs. Je vous livre sur ce site, par souci de synthèse, juste une version abrégée de mon analyse. La thèse avancée, radicalement novatrice, se propose d'analyser le phénomène islamique en Algérie en particulier, et au Maghreb en général, sous un angle historique jamais abordé. Dans cette perspective, la question sera appréhendée avec objectivité et rigueur. C'est-à-dire sous un angle purement historique et sociologique, sans implication religieuse personnelle. L'objectif de l'étude vise à comprendre et à expliquer le développement de l'islam radical en Algérie, et non à se livrer à une critique de la religion musulmane dans ses multiples facettes. En outre, ma démarche est totalement profane, dépourvue de toute dimension théologique. Enfin, pour dissiper toute accusation d'accointances avec quelque entité politique supposée ennemie de l'Algérie, je déclare être un simple citoyen algérien indépendant, un prolétaire affilié à aucune organisation, inféodé à aucun parti politique.
Procédons dans un premier temps à quelques rappels historiques. D'abord, avant toute analyse, il n'est pas inutile de définir la structure économique en vigueur en Algérie (Maghreb) durant la période étudiée. Car les sociétés n'évoluent pas seulement dans le ciel des idées, mais surtout sur des bases concrètes de rapports sociaux de production, qui déterminent historiquement ces idées. Pour simplifier, le mode de production dominant durant toute cette époque était fondé sur une économie de subsistance. Donc, ni esclavagiste, ni féodale, ni capitaliste, selon la terminologie marxiste des trois niveaux successifs de production en cours sur les autres continents. Donc, une société fortement archaïque. Cette clarification apportée, passons à notre sujet. L'Algérie, comme tout le Maghreb, avant d'embrasser de gré ou de force la religion musulmane, fut durant plusieurs millénaires chrétienne, juive, païenne, du moins diversement selon certaines tribus berbères. Au cours de leur longue histoire, ces populations, que l'on désignera par commodité sous le vocable générique de Maghrébins, ont forgé une morale, des principes, des vertus partagées par l’ensemble de ces tribus nord-africaines.
Evoluant dans des sociétés statiques dans lesquelles le culte des ancêtres était érigé en dogme, ces populations berbères professaient un attachement atavique à leurs traditions et coutumes. Elles ne toléraient aucune remise en cause de leurs mœurs. Elles étaient très réfractaires aux innovations. Ce substrat de valeurs universelles, porté par ces sociétés à la solidarité villageoise chevillée à leur corps social, a perduré jusqu'au XXe siècle, époque des premières fissurations infligées par le colonialisme, puis parachevées par le mode de production capitaliste dominant. Ce socle de valeurs millénaires se résume, outre cette solidarité villageoise évoquée plus haut, en multiples codes moraux respectés comme des divinités. On ne peut pas les décrire de manière exhaustive. Contentons-nous d'en énumérer quelques-uns parmi les plus sacrés à leurs yeux. Les valeurs morales, le code de l'honneur, le respect de la parole donnée, l'aide naturelle due à la progéniture comme aux géniteurs, le respect filial, l'esprit d'hospitalité accordée aux familiers comme à l'étranger en villégiature, etc. Cependant, aujourd'hui, de manière erronée, toutes ces traditions et coutumes millénaires en vigueur au Maghreb ont été assimilées à la religion musulmane. Toutes ces précieuses et humaines traditions, portées avec une vigueur inégalée par nos aïeux jusqu'après l'indépendance de l'Algérie, se sont malheureusement volatilisées, pulvérisées par le mode de production capitaliste. Noyées dans les eaux glacées des intérêts égoïstes des individus, ces coutumes survivent pourtant encore en surface dans quelques cœurs purs que le goût du lucre n'a pas encore corrompus et emportés. Après ce rapide rappel historique sur les traditions et coutumes partagées des siècles durant par ces populations berbères et arabes en Algérie et au-delà de ses frontières, revenons à la religion musulmane.
Tout le monde s'accorde sur les dates des premières conquêtes et implantations islamiques au Maghreb. Ce n'est pas le lieu ici de rappeler qu'au cours des premières invasions, les conquérants arabes se heurtèrent à la résistance héroïque des populations berbères. Contrairement à l'idée répandue, après leur soumission, «l'islamisation» de ces populations prit des décennies, voire des siècles dans certaines régions pour s'accomplir. En outre, par islamisation, il ne faut pas entendre l'accession immédiate de ces nombreuses tribus berbères à la connaissance et la maîtrise du corpus coranique dans toutes ses dimensions théologiques. Majoritairement analphabètes, donc incapables de lire le Coran, elles se contentaient durant des siècles à pratiquer un islam syncrétique, truffé de superstitions, de rites païens encore vivaces. Seule une minorité de lettrés, souvent issue des classes opulentes, et par ailleurs organisée en confréries pour mieux contrôler et soumettre leurs ouailles, pouvait prétendre maîtriser à la lettre le Coran. La majorité des autres musulmans n'avaient accès qu'à l'esprit du Coran diffusé verbalement par les imams. Ainsi, dépourvue de connaissances scripturales du corpus coranique et des dogmes théologiques, la majorité de ces populations s'adonnait à une pratique de la religion musulmane sur un registre globalement traditionnel. Sur un mode de transmission purement orale, réduite à sa plus simple expression dans l'accomplissement des rites et l'observance du culte musulman. La pratique de l'islam de ses populations analphabètes se résumait en l'observance du jeûne, de la prière, mais avec une connaissance rudimentaire des sourates.
Toutes ces dévotions musulmanes étaient souvent assaisonnées de superstitions et de cultes païens, dans certaines tribus. Ce syncrétisme était très répandu. On peut relever à ce stade de l'étude que la pratique de l'islam, parmi la majorité de ces populations paysannes analphabètes, se fondait sur une dimension traditionnelle transmise oralement de génération en génération durant des siècles. Elle ne reposait pas sur un enseignement magistral dispensé dans les écoles, souvent inexistantes. Quand bien même certaines villes disposaient de quelques écoles coraniques, elles étaient inaccessibles à la majorité des populations paysannes pauvres et analphabètes, occupées aux labeurs quotidiens pour subvenir à leurs besoins vitaux. Seuls certains enfants citadins issus de familles fortunées pouvaient s'inscrire dans ces écoles et acquérir ainsi la maîtrise de la langue arabe, et par voie de conséquence lire le Coran.
En résumé, pendant des siècles les populations algériennes (et maghrébines) partageaient les mêmes traditions et coutumes millénaires. Sur ces traditions est venue se greffer la nouvelle religion musulmane qui n'a que partiellement imprégné la majorité paysanne analphabète des régions du Maghreb, et encore moins modifié leur mode de vie et de pensée. Leur pratique religieuse était très sommaire, dépourvue de toute connaissance scripturale du Coran. Leur existence continuait à être régie, sans modification notable jusqu'au XXe siècle par ces traditions et ces coutumes. Ces nobles et précieuses traditions qu'il ne faut pas confondre avec la religion musulmane. En effet, il ne faut pas assimiler les rites musulmans qui se résumaient en l'observance de certains principes fondamentaux comme la prière et le jeûne, souvent accomplis mécaniquement, et les traditions et coutumes qui régentaient concrètement l'ensemble de la vie de la communauté, avec un attachement atavique aux principes moraux issus de ces traditions. Dès lors qu'on parvient à distinguer les deux registres, la religion musulmane telle qu'elle s'est répandue en Algérie, et les traditions profondément ancrées telles qu'elles régissaient réellement les populations algériennes (et au-delà de ses frontières), on saisira mieux la métamorphose historique de l'islam dans l'Algérie indépendante. En effet, sans cette coupure (quasi épistémologique) des deux niveaux d'appréhension (traditions et islam) de l'histoire de l'Algérie (du Maghreb), tels que je les ai résumés plus haut, la compréhension de l'apparition du radicalisme islamique demeurera toujours réductrice, pour ne pas dire erronée.
Quelques éclaircissements sur le concept d'islamisme
Parvenu à ce point d'analyse, annonçons que nous quittons les rappels historiques pour aborder la question de l'islam radical apparu au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Il n'est pas inutile de noter d'emblée la coïncidence entre la naissance de l'Etat-nation algérien et le surgissement de l'islamisme. En effet, on ne peut pas comprendre et expliquer l'apparition de l'islamisme sans le situer dans le prolongement de la fondation de l'Etat algérien. Sans édification de l'Etat algérien, pas d'enfantement de l'islam radical. Sans structures étatiques éducatives et médiatiques construites au lendemain de l'indépendance, l'islamisme n'aurait jamais vu le jour. Il serait demeuré dans la nuit de ses ténébreuses et sages pratiques locales. A ce stade de notre étude, il serait temps d'apporter quelques éclaircissements sur le concept d'islamisme. De nos jours, il est fréquent de le définir comme la forme radicale, extrémiste de l'islam. L'islam étant défini ici, a contrario, comme la pratique saine, associé au culte exercé par nos parents, nos aïeux dans un esprit de tolérance.
Procédons dans un premier temps à quelques rappels historiques. D'abord, avant toute analyse, il n'est pas inutile de définir la structure économique en vigueur en Algérie (Maghreb) durant la période étudiée. Car les sociétés n'évoluent pas seulement dans le ciel des idées, mais surtout sur des bases concrètes de rapports sociaux de production, qui déterminent historiquement ces idées. Pour simplifier, le mode de production dominant durant toute cette époque était fondé sur une économie de subsistance. Donc, ni esclavagiste, ni féodale, ni capitaliste, selon la terminologie marxiste des trois niveaux successifs de production en cours sur les autres continents. Donc, une société fortement archaïque. Cette clarification apportée, passons à notre sujet. L'Algérie, comme tout le Maghreb, avant d'embrasser de gré ou de force la religion musulmane, fut durant plusieurs millénaires chrétienne, juive, païenne, du moins diversement selon certaines tribus berbères. Au cours de leur longue histoire, ces populations, que l'on désignera par commodité sous le vocable générique de Maghrébins, ont forgé une morale, des principes, des vertus partagées par l’ensemble de ces tribus nord-africaines.
Evoluant dans des sociétés statiques dans lesquelles le culte des ancêtres était érigé en dogme, ces populations berbères professaient un attachement atavique à leurs traditions et coutumes. Elles ne toléraient aucune remise en cause de leurs mœurs. Elles étaient très réfractaires aux innovations. Ce substrat de valeurs universelles, porté par ces sociétés à la solidarité villageoise chevillée à leur corps social, a perduré jusqu'au XXe siècle, époque des premières fissurations infligées par le colonialisme, puis parachevées par le mode de production capitaliste dominant. Ce socle de valeurs millénaires se résume, outre cette solidarité villageoise évoquée plus haut, en multiples codes moraux respectés comme des divinités. On ne peut pas les décrire de manière exhaustive. Contentons-nous d'en énumérer quelques-uns parmi les plus sacrés à leurs yeux. Les valeurs morales, le code de l'honneur, le respect de la parole donnée, l'aide naturelle due à la progéniture comme aux géniteurs, le respect filial, l'esprit d'hospitalité accordée aux familiers comme à l'étranger en villégiature, etc. Cependant, aujourd'hui, de manière erronée, toutes ces traditions et coutumes millénaires en vigueur au Maghreb ont été assimilées à la religion musulmane. Toutes ces précieuses et humaines traditions, portées avec une vigueur inégalée par nos aïeux jusqu'après l'indépendance de l'Algérie, se sont malheureusement volatilisées, pulvérisées par le mode de production capitaliste. Noyées dans les eaux glacées des intérêts égoïstes des individus, ces coutumes survivent pourtant encore en surface dans quelques cœurs purs que le goût du lucre n'a pas encore corrompus et emportés. Après ce rapide rappel historique sur les traditions et coutumes partagées des siècles durant par ces populations berbères et arabes en Algérie et au-delà de ses frontières, revenons à la religion musulmane.
Tout le monde s'accorde sur les dates des premières conquêtes et implantations islamiques au Maghreb. Ce n'est pas le lieu ici de rappeler qu'au cours des premières invasions, les conquérants arabes se heurtèrent à la résistance héroïque des populations berbères. Contrairement à l'idée répandue, après leur soumission, «l'islamisation» de ces populations prit des décennies, voire des siècles dans certaines régions pour s'accomplir. En outre, par islamisation, il ne faut pas entendre l'accession immédiate de ces nombreuses tribus berbères à la connaissance et la maîtrise du corpus coranique dans toutes ses dimensions théologiques. Majoritairement analphabètes, donc incapables de lire le Coran, elles se contentaient durant des siècles à pratiquer un islam syncrétique, truffé de superstitions, de rites païens encore vivaces. Seule une minorité de lettrés, souvent issue des classes opulentes, et par ailleurs organisée en confréries pour mieux contrôler et soumettre leurs ouailles, pouvait prétendre maîtriser à la lettre le Coran. La majorité des autres musulmans n'avaient accès qu'à l'esprit du Coran diffusé verbalement par les imams. Ainsi, dépourvue de connaissances scripturales du corpus coranique et des dogmes théologiques, la majorité de ces populations s'adonnait à une pratique de la religion musulmane sur un registre globalement traditionnel. Sur un mode de transmission purement orale, réduite à sa plus simple expression dans l'accomplissement des rites et l'observance du culte musulman. La pratique de l'islam de ses populations analphabètes se résumait en l'observance du jeûne, de la prière, mais avec une connaissance rudimentaire des sourates.
Toutes ces dévotions musulmanes étaient souvent assaisonnées de superstitions et de cultes païens, dans certaines tribus. Ce syncrétisme était très répandu. On peut relever à ce stade de l'étude que la pratique de l'islam, parmi la majorité de ces populations paysannes analphabètes, se fondait sur une dimension traditionnelle transmise oralement de génération en génération durant des siècles. Elle ne reposait pas sur un enseignement magistral dispensé dans les écoles, souvent inexistantes. Quand bien même certaines villes disposaient de quelques écoles coraniques, elles étaient inaccessibles à la majorité des populations paysannes pauvres et analphabètes, occupées aux labeurs quotidiens pour subvenir à leurs besoins vitaux. Seuls certains enfants citadins issus de familles fortunées pouvaient s'inscrire dans ces écoles et acquérir ainsi la maîtrise de la langue arabe, et par voie de conséquence lire le Coran.
En résumé, pendant des siècles les populations algériennes (et maghrébines) partageaient les mêmes traditions et coutumes millénaires. Sur ces traditions est venue se greffer la nouvelle religion musulmane qui n'a que partiellement imprégné la majorité paysanne analphabète des régions du Maghreb, et encore moins modifié leur mode de vie et de pensée. Leur pratique religieuse était très sommaire, dépourvue de toute connaissance scripturale du Coran. Leur existence continuait à être régie, sans modification notable jusqu'au XXe siècle par ces traditions et ces coutumes. Ces nobles et précieuses traditions qu'il ne faut pas confondre avec la religion musulmane. En effet, il ne faut pas assimiler les rites musulmans qui se résumaient en l'observance de certains principes fondamentaux comme la prière et le jeûne, souvent accomplis mécaniquement, et les traditions et coutumes qui régentaient concrètement l'ensemble de la vie de la communauté, avec un attachement atavique aux principes moraux issus de ces traditions. Dès lors qu'on parvient à distinguer les deux registres, la religion musulmane telle qu'elle s'est répandue en Algérie, et les traditions profondément ancrées telles qu'elles régissaient réellement les populations algériennes (et au-delà de ses frontières), on saisira mieux la métamorphose historique de l'islam dans l'Algérie indépendante. En effet, sans cette coupure (quasi épistémologique) des deux niveaux d'appréhension (traditions et islam) de l'histoire de l'Algérie (du Maghreb), tels que je les ai résumés plus haut, la compréhension de l'apparition du radicalisme islamique demeurera toujours réductrice, pour ne pas dire erronée.
Quelques éclaircissements sur le concept d'islamisme
Parvenu à ce point d'analyse, annonçons que nous quittons les rappels historiques pour aborder la question de l'islam radical apparu au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Il n'est pas inutile de noter d'emblée la coïncidence entre la naissance de l'Etat-nation algérien et le surgissement de l'islamisme. En effet, on ne peut pas comprendre et expliquer l'apparition de l'islamisme sans le situer dans le prolongement de la fondation de l'Etat algérien. Sans édification de l'Etat algérien, pas d'enfantement de l'islam radical. Sans structures étatiques éducatives et médiatiques construites au lendemain de l'indépendance, l'islamisme n'aurait jamais vu le jour. Il serait demeuré dans la nuit de ses ténébreuses et sages pratiques locales. A ce stade de notre étude, il serait temps d'apporter quelques éclaircissements sur le concept d'islamisme. De nos jours, il est fréquent de le définir comme la forme radicale, extrémiste de l'islam. L'islam étant défini ici, a contrario, comme la pratique saine, associé au culte exercé par nos parents, nos aïeux dans un esprit de tolérance.
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