Palestine - 9 novembre 2013
Le martyr Fathi Shiqaqi : le révolutionnaire palestinien de la plume et du fusil
Par Fadwa Nassar
A l’occasion de la 18ème commémoration du martyre de Fathi Shiqaqi, fondateur et premier secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine, la branche militaire du mouvement a publié, pour la première fois, des lettres qu’il avait écrites de son exil et adressées aux combattants du mouvement. Bien que le mouvement n’ait pas organisé cette année un rassemblement central à Gaza, la commémoration fut un moment riche et intense, étant donné la période charnière et complexe vécue par les peuples arabes de la région, et notamment le peuple palestinien, qui rappelle, par de nombreux points, la période vécue et analysée par le dirigeant martyr Fathi Shiqaqi : celle de la guerre américaine « du Golfe » et les accords d’Oslo qui suivirent. Articles, rapports et souvenirs surgis du passé ont été publiés pour l’occasion, rendant hommage à cette personnalité historique du mouvement national palestinien, qui a fondé un mouvement révolutionnaire original, qui s’est développé et étendu jusqu’à devenir l’une des principales forces politiques et militaires sur la scène palestinienne.
Le dirigeant martyr Fathi Shiqaqi est né dans le camp de réfugiés à Rafah dans la bande de Gaza, en 1951. Sa famille fut expulsée par les sionistes du village de Zar’ouna, près de Yafa, en 1948. Comme la majorité des réfugiés palestiniens, il accomplit sa scolarité à l’école fondée par l’UNRWA. Très tôt, il se distingue parmi ses frères et sœurs par sa soif d’instruction. Il lit beaucoup et leur modeste maison est transformée en cercle d’étude et de débats. Cette soif d’instruction l’accompagnera tout au long de sa vie, comme en témoignent de nombreuses personnes qui l’ont connu et accompagné à un moment ou un autre de sa courte vie.
A l’instar de la majorité des Palestiniens, il s’enthousiasme pour le dirigeant arabe Jamal Abdel Nasser jusqu’à la défaite cuisante des armées arabes en juin 1967, qui va se concrétiser par l’occupation sioniste de tout le territoire palestinien, ainsi que de terres arabes. Cette défaite arabe qui a des conséquences importantes sur le mouvement national palestinien et arabe, déclenchera un tournant radical dans la réflexion et l’engagement de Fathi Shiqaqi, qui se tourne alors vers le mouvement islamique.
Il assiste aux cours dispensés par le « Complexe islamique » dans la bande de Gaza, dirigé par sheikh Ahmad Yassine, ce qui fait dire à de nombreux historiens que le futur fondateur du mouvement du Jihad islamique fut d’abord membre des Frères Musulmans et de sa branche palestinienne.
Dès qu’il achève ses études secondaires, il se dirige vers l’université de Bir-Zeit en Cisjordanie , où il obtient un diplôme de mathématiques, matière qu’il enseignera à l’école Nizamiya et l’école al-aytam (orphelins) dans la ville d’al-Quds. Mais il reprend ses études, passe de nouveau le bac pour pouvoir étudier la médecine à l’université al-Zaqaziq au Caire. Les divers témoignages et écrits affirment que c’est la période égyptienne de sa vie (1974 – 1981) qui lui a permis d’élaborer une ligne politique originale qui rompt avec ce qui avait cours à cette époque : un mouvement national palestinien éloigné de l’islam, et un islam politique éloigné de la Palestine. Le dirigeant Fathi Shiqaqi va réussir, grâce à ses nombreuses lectures, discussions et débats avec les jeunes étudiants palestiniens, égyptiens et autres arabes présents au Caire, à concevoir un mouvement révolutionnaire qui prend appui sur trois bases : l’islam, la Palestine et le jihad (la lutte). Pour le futur fondateur du mouvement du Jihad islamique, la Palestine est le cœur de la nation arabo-islamique et son occupation par le mouvement sioniste va au-delà d’une simple occupation de territoire : il s’agit d’une guerre menée par l’occident impérialiste contre la nation et les valeurs libératrices de l’islam, une guerre contre l’unité et l’indépendance de la nation et son développement, une guerre qui consolide le démembrement de la nation opérée au début du XXème siècle. Sa critique du mouvement national palestinien, qui s’est éloigné des valeurs de l’islam, vise sa disposition à accepter les « solutions médianes », n’ayant pas situé la question palestinienne dans sa dimension civilisationnelle, et sa critique du mouvement islamique vise sa négligence de la Palestine, qui ne serait qu’un terrain parmi d’autres, puisque celui-ci s’était fixé pour objectif de « ré-islamiser » les sociétés. Cependant, pour Fathi Shiqaqi, c’est vers la Palestine, centre à la fois spirituel et géostratégique de la nation, que le coup a été porté par les forces impérialo-sionistes, et c’est de la Palestine que la nation pourra se libérer et renaître à nouveau. Cette centralité de la Palestine que le mouvement du Jihad islamique en Palestine continue à proclamer, depuis sa fondation, a largement contribué à maintenir vivant le projet de libération de la Palestine, au moment et après les accords d’Oslo. En effet, ces accords comme toutes les tentatives de « règlement » du conflit arabo-sioniste qui les ont précédés et suivis, ne sont que des moyens d’enterrer la vraie cause du conflit et proposer des « solutions » négociées qui maintiennent la domination étrangère et l’éclatement de la nation.
En 1979, le docteur Fathi Shiqaqi est arrêté par les services sécuritaires égyptiens suite à la publication d’un pamphlet sur la révolution iranienne, Khomeyni, la solution islamique et l’alternative, jugé subversif, mais qui rompt en tout cas avec la pensée traditionnelle des mouvements islamistes, qui n’avaient ni analysé ni accordé de l’importance à l’impérialisme, ses alliés et pions régionaux. Libéré puis arrêté de nouveau en juillet 1979 pendant 4 mois à cause de son activité politique, il rentre au pays le 1/11/1981, alors qu’il était recherché par les services sécuritaires égyptiens. Les bases idéologiques du mouvement étant posées, le retour en Palestine va permettre au mouvement de développer sa ligne politique avant de se lancer dans l’action militaire, qui se précise à partir de 1984, jusqu’à la première intifada. Exerçant la médecine dans la ville d’al-Quds, Dr. Fathi Shiqaqi se lance dans l’action en Cisjordanie où les manifestations et révoltes contre l’occupation s’intensifient.
Avant la première Intifada, dr. Shiqaqi est arrêté par l’occupant en 1983 et détenu dans la prison de Gaza pendant onze mois, puis de nouveau arrêté en 1986 où il fut condamné à 4 ans de prison pour ses « liens avec des activités militaires, la mobilisation contre l’occupation et le transport d’armes vers Gaza ».
Bien que les cellules combattantes commencent à se former dès le début des années 80, la campagne d’arrestations des militants du mouvement en 1983 ne permet pas aux forces sionistes de les repérer. Cependant, la date choisie pour proclamer la naissance du mouvement fut celle de la bataille de Shuja’iyya dans la bande de Gaza, le 6 octobre 1987, lorsqu’une poignée de combattants s’engagent dans une bataille avec l’occupant et tombent martyrs. Le communiqué signé « mouvement du Jihad islamique en Palestine » appelle à refuser les compromissions et affirme le caractère islamique de la lutte pour la libération. Les manifestations qui suivirent le martyre des combattants, à Gaza puis ailleurs en Palestine, élevèrent le degré de mobilisation du peuple palestinien, puisqu’elles se sont poursuivies contre la profanation de la mosquée al-Aqsa le 11 octobre de la même année. Deux mois plus tard, éclatait la première Intifada.
Après le déclenchement de l’Intifada, dr. Shiqaqi est expulsé le 1er août 1988 vers le Liban. Il parcourt alors les diverses capitales arabes, rassemblant les forces et les personnalités politiques autour de la Palestine, avant qu’il ne soit assassiné par le Mossad, à Malte le 26 octobre 1995, alors qu’il revenait de Libye, où il avait rencontré son président pour régler la situation et le sort des réfugiés palestiniens, devenus les cibles du régime. Malte ne devait être qu’une escale vers Damas, où il s’était installé.
Le martyr Fathi Shiqaqi : le révolutionnaire palestinien de la plume et du fusil
Par Fadwa Nassar
A l’occasion de la 18ème commémoration du martyre de Fathi Shiqaqi, fondateur et premier secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine, la branche militaire du mouvement a publié, pour la première fois, des lettres qu’il avait écrites de son exil et adressées aux combattants du mouvement. Bien que le mouvement n’ait pas organisé cette année un rassemblement central à Gaza, la commémoration fut un moment riche et intense, étant donné la période charnière et complexe vécue par les peuples arabes de la région, et notamment le peuple palestinien, qui rappelle, par de nombreux points, la période vécue et analysée par le dirigeant martyr Fathi Shiqaqi : celle de la guerre américaine « du Golfe » et les accords d’Oslo qui suivirent. Articles, rapports et souvenirs surgis du passé ont été publiés pour l’occasion, rendant hommage à cette personnalité historique du mouvement national palestinien, qui a fondé un mouvement révolutionnaire original, qui s’est développé et étendu jusqu’à devenir l’une des principales forces politiques et militaires sur la scène palestinienne.
Le dirigeant martyr Fathi Shiqaqi est né dans le camp de réfugiés à Rafah dans la bande de Gaza, en 1951. Sa famille fut expulsée par les sionistes du village de Zar’ouna, près de Yafa, en 1948. Comme la majorité des réfugiés palestiniens, il accomplit sa scolarité à l’école fondée par l’UNRWA. Très tôt, il se distingue parmi ses frères et sœurs par sa soif d’instruction. Il lit beaucoup et leur modeste maison est transformée en cercle d’étude et de débats. Cette soif d’instruction l’accompagnera tout au long de sa vie, comme en témoignent de nombreuses personnes qui l’ont connu et accompagné à un moment ou un autre de sa courte vie.
A l’instar de la majorité des Palestiniens, il s’enthousiasme pour le dirigeant arabe Jamal Abdel Nasser jusqu’à la défaite cuisante des armées arabes en juin 1967, qui va se concrétiser par l’occupation sioniste de tout le territoire palestinien, ainsi que de terres arabes. Cette défaite arabe qui a des conséquences importantes sur le mouvement national palestinien et arabe, déclenchera un tournant radical dans la réflexion et l’engagement de Fathi Shiqaqi, qui se tourne alors vers le mouvement islamique.
Il assiste aux cours dispensés par le « Complexe islamique » dans la bande de Gaza, dirigé par sheikh Ahmad Yassine, ce qui fait dire à de nombreux historiens que le futur fondateur du mouvement du Jihad islamique fut d’abord membre des Frères Musulmans et de sa branche palestinienne.
Dès qu’il achève ses études secondaires, il se dirige vers l’université de Bir-Zeit en Cisjordanie , où il obtient un diplôme de mathématiques, matière qu’il enseignera à l’école Nizamiya et l’école al-aytam (orphelins) dans la ville d’al-Quds. Mais il reprend ses études, passe de nouveau le bac pour pouvoir étudier la médecine à l’université al-Zaqaziq au Caire. Les divers témoignages et écrits affirment que c’est la période égyptienne de sa vie (1974 – 1981) qui lui a permis d’élaborer une ligne politique originale qui rompt avec ce qui avait cours à cette époque : un mouvement national palestinien éloigné de l’islam, et un islam politique éloigné de la Palestine. Le dirigeant Fathi Shiqaqi va réussir, grâce à ses nombreuses lectures, discussions et débats avec les jeunes étudiants palestiniens, égyptiens et autres arabes présents au Caire, à concevoir un mouvement révolutionnaire qui prend appui sur trois bases : l’islam, la Palestine et le jihad (la lutte). Pour le futur fondateur du mouvement du Jihad islamique, la Palestine est le cœur de la nation arabo-islamique et son occupation par le mouvement sioniste va au-delà d’une simple occupation de territoire : il s’agit d’une guerre menée par l’occident impérialiste contre la nation et les valeurs libératrices de l’islam, une guerre contre l’unité et l’indépendance de la nation et son développement, une guerre qui consolide le démembrement de la nation opérée au début du XXème siècle. Sa critique du mouvement national palestinien, qui s’est éloigné des valeurs de l’islam, vise sa disposition à accepter les « solutions médianes », n’ayant pas situé la question palestinienne dans sa dimension civilisationnelle, et sa critique du mouvement islamique vise sa négligence de la Palestine, qui ne serait qu’un terrain parmi d’autres, puisque celui-ci s’était fixé pour objectif de « ré-islamiser » les sociétés. Cependant, pour Fathi Shiqaqi, c’est vers la Palestine, centre à la fois spirituel et géostratégique de la nation, que le coup a été porté par les forces impérialo-sionistes, et c’est de la Palestine que la nation pourra se libérer et renaître à nouveau. Cette centralité de la Palestine que le mouvement du Jihad islamique en Palestine continue à proclamer, depuis sa fondation, a largement contribué à maintenir vivant le projet de libération de la Palestine, au moment et après les accords d’Oslo. En effet, ces accords comme toutes les tentatives de « règlement » du conflit arabo-sioniste qui les ont précédés et suivis, ne sont que des moyens d’enterrer la vraie cause du conflit et proposer des « solutions » négociées qui maintiennent la domination étrangère et l’éclatement de la nation.
En 1979, le docteur Fathi Shiqaqi est arrêté par les services sécuritaires égyptiens suite à la publication d’un pamphlet sur la révolution iranienne, Khomeyni, la solution islamique et l’alternative, jugé subversif, mais qui rompt en tout cas avec la pensée traditionnelle des mouvements islamistes, qui n’avaient ni analysé ni accordé de l’importance à l’impérialisme, ses alliés et pions régionaux. Libéré puis arrêté de nouveau en juillet 1979 pendant 4 mois à cause de son activité politique, il rentre au pays le 1/11/1981, alors qu’il était recherché par les services sécuritaires égyptiens. Les bases idéologiques du mouvement étant posées, le retour en Palestine va permettre au mouvement de développer sa ligne politique avant de se lancer dans l’action militaire, qui se précise à partir de 1984, jusqu’à la première intifada. Exerçant la médecine dans la ville d’al-Quds, Dr. Fathi Shiqaqi se lance dans l’action en Cisjordanie où les manifestations et révoltes contre l’occupation s’intensifient.
Avant la première Intifada, dr. Shiqaqi est arrêté par l’occupant en 1983 et détenu dans la prison de Gaza pendant onze mois, puis de nouveau arrêté en 1986 où il fut condamné à 4 ans de prison pour ses « liens avec des activités militaires, la mobilisation contre l’occupation et le transport d’armes vers Gaza ».
Bien que les cellules combattantes commencent à se former dès le début des années 80, la campagne d’arrestations des militants du mouvement en 1983 ne permet pas aux forces sionistes de les repérer. Cependant, la date choisie pour proclamer la naissance du mouvement fut celle de la bataille de Shuja’iyya dans la bande de Gaza, le 6 octobre 1987, lorsqu’une poignée de combattants s’engagent dans une bataille avec l’occupant et tombent martyrs. Le communiqué signé « mouvement du Jihad islamique en Palestine » appelle à refuser les compromissions et affirme le caractère islamique de la lutte pour la libération. Les manifestations qui suivirent le martyre des combattants, à Gaza puis ailleurs en Palestine, élevèrent le degré de mobilisation du peuple palestinien, puisqu’elles se sont poursuivies contre la profanation de la mosquée al-Aqsa le 11 octobre de la même année. Deux mois plus tard, éclatait la première Intifada.
Après le déclenchement de l’Intifada, dr. Shiqaqi est expulsé le 1er août 1988 vers le Liban. Il parcourt alors les diverses capitales arabes, rassemblant les forces et les personnalités politiques autour de la Palestine, avant qu’il ne soit assassiné par le Mossad, à Malte le 26 octobre 1995, alors qu’il revenait de Libye, où il avait rencontré son président pour régler la situation et le sort des réfugiés palestiniens, devenus les cibles du régime. Malte ne devait être qu’une escale vers Damas, où il s’était installé.
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