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La figue sèche de Beni Maouche labellisée

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    La figue sèche de Beni Maouche labellisée

    Des figueraies de la Kabylie aux hypermarchés de l’Europe



    Figue sèche de Beni Maouche», voilà le label qui bousculera, outre-mer, les figues sèches espagnoles, portugaises, italiennes, mais surtout turques. Le label sera officiellement lancé ces jours-ci.
    En thamazight, arabe, français ou anglais, toutes les traductions de ce label sont désormais protégées. Le challenge peut paraître prétentieux, mais ce fruit est exportable avec une qualité supérieure insoupçonnable qui semble découler de l’attachement que lui vouent des mains expertes au plus profond des figueraies kabyles sur la chaîne des Babors. Le dossier de labellisation est déposé au ministère de l’Agriculture après douze missions d’experts de l’Union européenne qui ont foulé la terre de Beni Maouche et goûté à la succulence de son vénérable fruit.
    Nous sommes allés à Beni Maouche à la rencontre de figuiculteurs de divers horizons qui font parler d’elle au-delà des montagnes et des mers, et il en ressort que la renommée de la figue sèche de Beni Maouche tient à la seule force des bras des paysans de ces collines oubliées, orphelines de pistes agricoles. Plus qu’une simple expression, La colline oubliée, le film de Abderrahmane Bouguermouh, inspiré du roman de Mouloud Mammeri, c’est ici, au village des Ath Kheyar exactement, qu’il a été tourné en partie. Désormais, Beni Maouche a l’ambition de reconquérir le monde.
    «Ils revenaient chaque trimestre. Pendant 27 mois, nous avons répondu à toutes leurs questions», nous confie un des 103 figuiculteurs, relevant de onze communes de la wilaya de Béjaïa et dix de celle de Sétif, qui sont désormais engagés dans le label IG (Identification géographique). Ils sont de Beni Maouche, M’cisna, Seddouk, Amalou, Bouhamza, Beni Djelil, Barbacha, Feraoun, Kendira, Timezrit et Semaoun pour ce qui est de la wilaya de Béjaïa, et de Beni Ouartilane, Beni Chabana, Aïn Legradj, Beni Mouhli, Bouandas, Aït Noual Mzada, Aït Tizi, Bousellam, Tala Ifacène et Draâ Kebila dans la wilaya de Sétif.
    Ce sont 10 309 hectares de vastes terres qui portent un million de figuiers. L’hiver y est rigoureux, l’été chaud, et la pluviométrie vient bénir le séchage des figues sur lesquelles soufflent affectueusement le vent du sud et avehri, le vent parvenant de la mer. 67% de la superficie figuicole des deux wilayas sont engagés pour se mettre au label IG avec une production de plus de 90 000 quintaux de figues sèches comptés la saison dernière, dont 57 100 quintaux à Béjaïa.
    L’Union européenne a dégagé un budget de 4,4 millions d’euros pour le programme de labellisation, ses experts en ont déjà consommé plus d’un quart pour les besoins de leurs déplacements. «Ils n’ont pas dégagé 4,4 millions d’euros pour rien», nous dit, fièrement, Mohammed Sahki, le président de l’Association des producteurs de figues de la wilaya de Béjaïa (APF). De l’ambition et de l’assurance, il n’en manque pas. «Les Turcs ont la quantité, mais pas la qualité. Nous les devançons», affirme-t-il. Des exportateurs l’on contacté au téléphone. La figue sèche kabyle, fruit de terroir à valeur culturelle, reprend ses galons un demi-siècle après qu’elle ait quitté le marché européen où elle trônait.

    Pays de bœufs
    «Tazart, d rezq negh», (la figue sèche, c’est notre bien), s’enorgueillit Ounas Abdelhak dont la moitié des vergers est plantée de figuiers à Trouna, chef-lieu communal des Ath Imaouche. Dans les cœurs et les foyers, la figue sèche est reine. Sur la place du marché de Trouna, nous sommes à presque 1000 mètres d’altitude. Les Ath Imaouche n’ont pas un grand marché de fruits et légumes et de voitures qui peut renflouer les caisses de la commune, comme ceux d’Akbou et de Tazmalt, que les montagnes cachent. Chaque mardi, le modeste marché hebdomadaire réserve un coin où sont proposés à la vente des ânes. Ici, un âne, solide et à bonne tenue de route, se négocie à quatre briques. Les baudets, qui sont devenus rares dans les marchés à bestiaux de la Kabylie, sont encore très utiles dans ces montagnes.
    «Si tu as un âne solide, tu pourras te sortir d’affaire, sinon tu n’auras rien», nous dit Boulila Aïssa, un jeune des Ath Adjissa que le travail de la terre épuise. «Je travaille seul et durement», confie-t-il. Aïssa, comme beaucoup de paysans qui ne profitent pas du regain d’intérêt pour l’agriculture qui est censée être encouragée par l’Etat par la force du marché pétrolier en berne, n’a pas les moyens de sa politique. «Pour le labour, j’ai loué les services d’un parent, et il faut qu’il patiente encore le temps que je vende ma récolte pour que je puisse le payer», nous dit-il. Le temps des vaches maigres impose de nourrir la terre à crédit. Ce ne sont surtout pas les frais qui manquent. Un tracteur agricole est loué à 1200 DA l’heure, et il existe des agriculteurs fauchés comme Aïssa qui ne peuvent pas se «permettre de débourser quatre millions pour le labour».

    Dans ce relief accidenté, le tracteur sur roues n’est pas très profitable. Le seul signe apparent de modernité et moyen avantageux pour l’agriculture de montagne c’est le tracteur à chenilles. Sur la vaste terre de Beni Maouche, on n’en compte que deux, selon des fellahs de la région. «Pourquoi la commune n’achèterait-elle pas des tracteurs pour nous les louer à un prix acceptable, à 500 DA l’heure par exemple ? Comme ça, nous pourrons travailler et l’Etat aura une rentrée d’argent. Tout le monde serz gagnant», propose Ounnas Abdelkrim, un producteur de figues sèches.

    «Bouteflika a goûté mes figues»
    Si le pays est le terrain de prédilection des ânes, il ne l’est pas moins celui des bœufs. «C’est un pays de bœufs, mais leurs propriétaires sont partis et les jeunes d’aujourd’hui ne travaillent pas», commente Rachid, agriculteur à Kendira, un habitué de la Foire de la figue de Beni Maouche qui en est à sa treizième adition. Il n’y a pas que Rachid qui loue le grand service que rendent ces bêtes pour l’agriculture de montagne. «Il n’y a pas mieux que les paires de bœufs et il existe des gens qui veulent en acquérir, mais ils ont besoin d’être soutenus par des crédits», estime Mohammed Sahki. Mais les services d’une paire de bœufs ce n’est pas donné également : 5000 DA la journée.
    Si des agriculteurs, pris à la gorge, sont poussés à ne compter que sur la force de leurs bras pour un labour minimal aux alentours immédiats du figuier, d’autres, impuissants, ont abandonné leurs terres et cela se voit du haut de Trouna. Cet abandon explique en partie le recul de la récolte de la figue, sèche et fraîche. «La production diminue chaque année», nous confirment plusieurs agriculteurs. La pluie a manqué et les dernières précipitations n’ont pas été les bienvenues. «La pluie de septembre a été destructrice», explique Seboussi Hanafi d’Ath Chbana. Le défaitisme n’est pas pour autant de mise. «16 quintaux en un mois et il en reste encore à récolter», nous affirmait, il y a deux semaines, satisfait malgré tout, Aïssa d’Ath Adjissa, pour qui, «lmouhim» (l’essentiel), la figue les fait toujours vivre. «Nous commençons à récolter vers la fin août, nous en sommes presque à la fin. D’habitude, cela nous prend trois mois, mais cette année on n’a pas tardé.
    On ne comprend pas trop pourquoi. Avec le changement climatique, ad istar rebbi !, (que Dieu nous préserve !)» s’inquiète Abdelhak. Comme un peu partout en Kabylie, l’éloignement des vergers les uns les autres, sur ces montagnes abruptes, et le partage des terres entre héritiers font que les figueraies sont un ensemble de petites plantations. Ce tableau se donne à voir sur les piémonts de Beni Maouche. Une trentaine de villages sont accrochés aux crêtes, au pied du pic d’Achtoug qui domine à 1389 mètres, quelque peu au-dessous de Takintoucht (1657 m) qui veille sur Bouandas. Dans les figueraies qui résistent, invincibles, au temps trônent encore des figuiers centenaires, comme ceux de Abdelhak Ounas, qui est aussi SG de l’APF. «Sous leurs branchages, vous ne voyez pas le ciel», commente Abdelhak qui ajoute à son CV une exposition en 2014 à la résidence de Djenane El Mithak. «Bouteflika a sûrement goûté mes figues sèches», ne s’empêche d’ajouter notre interlocuteur qui fait aussi de la transformation de la figue dans sa propre maison à Beni Maouche.

    La figue troquée contre de l’oignon
    «Il me manque un local pour la commercialisation, j’en ai demandé un en 2013, mais rien», nous assure-t-il. Au-dessus du marché du village où il nous entretenait de sa situation, les locaux commerciaux de «Bouteflika», construits et finis en étages, narguent tout le monde, chômeurs et artisans. «La commission» et la bureaucratie les tiennent en otages. La commercialisation est le gros problème de ces agriculteurs qui sortent des vergers pour aller sillonner les marchés et écouler leurs récoltes. Certains achètent la production de tout un village ou même de plusieurs villages voisins pour les besoins de la transformation ou pour aller faire le tour des petits commerces et des superettes. L’essentiel de la récolte ne sort pas de la région, mais la labellisation apportera un grand chamboulement. 75% de la production des 21 communes concernées par le label est désormais exportable.
    Ce qui pose légitimement la question des quantités qui resteront pour la consommation nationale et surtout celle de l’impact que pourra avoir l’éventuelle rareté sur le prix du produit.
    De tradition, la meilleure figue sèche est gardée pour soi, c’est ce qu’on appelle en Kabylie «El oûla ou fellah», la part du paysan. La meilleure de toutes est la tufrint, ou la supra, une grosse figue qu’on offre souvent comme présent aux personnes chères. Une place que n’a pas takherboucht (la marchande), la dernière de toutes en termes de qualité, mais qui se vend quand même parce qu’elle est consommable.
    Chez certains figuiculteurs, elle pèse dans leur récolte. Un véritable commerce s’est créé autour de cette figue sèche. De jeunes revendeurs viennent chaque année de Batna, Sétif, M’sila ou Bordj Bou Arréridj proposer au troc des légumes de qualité médiocre avec cette figue. Un kilo de figue sèche contre un kilo d’oignon ou de pomme de terre. Chaque début septembre, ils débarquent avec leurs camionnettes pour un troc qui leur est bénéfique, au point où certains louent des logements pour tout un trimestre dans des villes alentour, comme Akbou. «Il y a une quinzaine de jours qu’ils sont là. Ils ne nous informent pas de la destination de cette figue sèche», nous apprend Idjad Mohand Saïd d’Amalou.

    «La figue c’est comme le pétrole brut…»
    Où vont ces figues sèches ? Chacun y va de ses conjectures. «Il paraît qu’ils en font de la colle», suppose un agriculteur. «Elle traverse les frontières tunisiennes», rapporte un autre. «Elle est utilisée pour fabriquer l’aliment d’abeilles ou de la confiture», croit savoir son camarade. Beaucoup sont convaincus qu’elle finit dans une usine à Batna. Qu’elle aille à Batna ou en Tunisie, pour la colle ou pour de la confiture, ce n’est pas sa destination qui préoccupe tant les figuiculteurs mais le fait de devoir la troquer. Certains arrivent à la céder entre 40 et 60 DA le kilo. Le prix est bas, mais il permet de se débarrasser d’une récolte en mal de débouchés. Pourtant, le label ne l’exclut pas. «Batna nous sauve», estime Aïssa, pendant que Bentabache Cherif, d’Imoula (Mcisna), invite à se pencher plutôt sur le mal qui laisse sur les bras des quantités de thakherboucht.
    «Je travaille dur pour qu’à la fin je sois amené à troquer une partie de ma récolte contre de la pomme de terre pourrie ! Il faut chercher à diagnostiqueur le mal», suggère-t-il. «La figue sèche que nous vendons à bas prix pour Batna et qui nous revient dans des pots de confiture, c’est comme le pétrole que nous vendons à l’état brut et que nous importons dans des barils plus chers une fois raffiné», illustre Hadji Idris, qui s’occupe comme il peut de 300 figuiers. «Si la transformation est bien lancée, rien ne partira à Batna», estime Sahki Mohammed.
    Chaque année, les figueraies sont la cible d’une maladie qui s’en prend aux racines. Les paysans l’appellent Maras. Quand Maras attaque les figuiers, on en est encore dans certains vergers en Kabylie à faire appel aux remèdes traditionnels. Accrocher de l’oignon sur le figuier malade en est un, comme au temps où l’agronomie était à inventer et où, en guise de traitement aussi, on accrochait la tête d’un âne mort sur l’arbre malade. «J’ai demandé conseil à mon père. Il m’a répondu que le seul remède est de replanter», nous raconte Abid Mourad.
    En attendant que l’Etat aide à la replantation, une autre maladie s’attaque aux feuilles des figuiers mais que les paysans de la région ne connaissent ni le nom, ni la cause, encore moins le remède.





    Kamel Medjdoub
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)

  • #2
    hummm j'adore les figues, et à Alger , on peut les trouver où ces figues de kabylie
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)

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    • #3
      Bonjour Acapulco

      pourrais tu me montrer à quoi ressemble cette figue

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