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Yacef Saâdi raconte sa bataille d’Alger : le déclenchement de la lutte armée

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  • Yacef Saâdi raconte sa bataille d’Alger : le déclenchement de la lutte armée

    mardi 1 novembre 2016 | Par Yacef Saâdi


    Lorsqu’en 1954 l’Algérie entame le combat, le Maghreb dans son ensemble a déjà tracé les grandes lignes de son orientation pour se libérer de la tutelle coloniale et rompu avec les anciennes méthodes de la revendication politique dans le cadre « légal » qui lui était assigné à l’époque.

    Le problème posé pour le devenir national, objectif primordial de tout le débat qui agita auparavant les organisations politiques, n’était plus strictement au niveau du droit et du principe ou même de la bonne volonté de certains hommes d’État plus lucides que d’autres. Au déclenchement du premier novembre, il se situait au niveau de l’action généralisée révolutionnaire et armée, seule susceptible de renverser cet ordre social inacceptable et obliger la puissance coloniale peu disposée autrement aux astreignantes révisions qui sont exigées d’elle.

    Dès octobre 1954, de fortes concentrations de troupes françaises sont repérées aux confins frontaliers algéro-tunisiens. On enregistra, courant août de la même année, que les autorités en place à Constantine et à Tunis, décidaient, elles aussi, des mesures à prendre pour coordonner leurs efforts de lutte contre le soulèvement armé tunisien qui risquait de gagner l’Algérie.

    Les atouts de nos frères Maghrébins en lutte étaient alors plus important que les nôtres, enclavés comme nous l’étions, dans un système d’administration direct et sans partage dont l’essentiel de l’autorité reposait sur une implantation civile et policière considérable et un commandement militaire doté de pouvoirs relativement entendus.

    Après la seconde guerre mondiale, les idées qui travaillaient le monde rendaient caducs sous toutes formes les statuts de la domination et de la puissance. L’ère coloniale était à son dernier quart d’heure. On sentait craquer de toutes parts l’édifice de l’empire colonial français.

    L’Indochine, à 12000 km des rivages français, est déjà en guerre. Madagascar entre elle aussi en rébellion dès 1947. À Tunis la déposition brutale du Bey Moncef, souverain estimé de son peuple, accusé de collaboration avec la puissance de l’axe, crée une atmosphère difficile entre la tutelle résidentielle et le pays maltraité dans la personne de son chef.

    Au Maroc, Sidi Mohamed Ben Youcef est dépossédé de son trône et conduit en exil.

    L’Algérie, après les dramatiques journées de mai 1945 à Constantine, vivait sous la férule d’un gouverneur, dirigeant du parti SFIO ; Marcel-Edmond Naegelen, venu là pour appliquer le statut de 1947. D’entrée de jeu, il le faussait de manière honteuse ; les élections truquées d’avril 1948, qui aboutirent à l’éviction des candidats nationalistes à l’Assemblée algérienne, nouvellement créée par ce statut, contribuèrent pour une bonne part au blocage politique ressenti dans le pays avant 1954.

    Le drame qui couvait partout en Afrique noire, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, ne pouvait être contenu par une armée, fut-elle la meilleure et la plus nombreuse du monde. Le recul et le repliement sont désormais dans la logique des choses.

    C’est dans cette ambiance de « baroud en l’air » que les « fils de la Toussaint » (Mostepha Ben Boulaid, Didouche Mourad, Mohamed Boudiaf, Ben M’hidi Larbi, Krim Belkacem et Rabah Bitat) décidèrent d’engager la longue et grande Bataille d’Algérie.

    Le Front de libération nationale, organisation révolutionnaire, est devenu dès lors le moteur d’une insurrection populaire dont le but de sa contestation est la destruction de l’ordre colonial français imposé à l’Algérie par les armes, plus d’un siècle auparavant.

    L’organisation du FLN était convaincue d’avance que la solution politique, seule visée, passait par une structure d’information très étoffée et sérieuse et par une structure armée, forte et capable d’encadrer nos masses populaires en s’imposant à la domination comme l’interlocuteur qualifié en dehors de tout autre. Pour tous les révolutionnaires de notre génération, la guerre était l’unique voie qui mène vers la liberté et la dignité, la seule qu’il fallait coûte que coûte emprunter pour cette fin.

    « La résistance », dit Jacques Soustelle, gouverneur général à l’époque, « n’était le fait que d’une infirme minorité ».

    Certes oui ! Mais cette minorité incarne les espérances des plus larges couches de la population d’un pays occupé ou dominé. Elle en forme l’avant-garde armée ; celle qui s’engage pour lui, non à titre d’exemple, mais avec son accord tacite, bienveillant ou actif. Dans une telle conjoncture, la solidarité naturelle rend peuple et militants organisés, complices de la vocation partagée. La dialectique peuple-militants, formés en avant-garde armée, créait toutes les conditions requises pour la sauvegarde et la permanence des idéaux de la lutte. Il est inexact, et même inefficace du point de vue contre-révolutionnaire, de croire qu’il y a dans une structure de résistance et de combat un problème de minorité et de majorité, quand on se trouve là devant une réalité indissociable dont le mouvement d’ensemble est seul opératoire et concluant.

    Notre lutte armée révolutionnaire avant tout, parce que point limitée à l’indépendance, tournait résolument le dos aux solutions réformistes ou pacifistes du passé. C’était un acte délibéré et réfléchi du pays dans son ensemble, conscient de l’aliénation qui le frappe dans son être physique et des risques qu’il encourt pour dégager de toute tutelle son avenir national.

    Au déclenchement du premier novembre 1954, peu de gens s’étaient imaginé quel rôle incomberait aux villes en général et Alger en particulier dans la stratégie du FLN. Parmi les hommes de ce mouvement qui ont la lourde charge de mettre le feu aux poudres, il y en eût qui, plus soucieux de sauvegarder la fascinante de la future Capitale intacte, avaient plaidé pour lui conférer un statut de base arrière qui se contenterait sans risque notable d’assumer la fastidieuse fonction de pourvoyeuse de fonds, de médicaments, d’armes et de munitions à l’occasion et enfin des tenues militaires pour les maquisards engagés à combattre dans les montagnes.

    Partisans d’un embrasement généralisé incluant les villes et compagnes, dans le même degré de sacrifice en revanche, une minorité de responsable, dont moi-même, défendra avec conviction le principe plus équitable, d’une implication de toutes les régions du pays. Et comme les insurrections populaires ignorent souvent les règles en vigueur dans les guerres classiques pour n’en référer qu’au pragmatisme et à l’expérience vécue au quotidien, la ville d’Alger, puisque c’est d’elle qu’il est question jouera ces deux rôles à la fois tout au long de la guerre qui opposera Algériens et Français dans un affrontement sans rémission.

    Alger sera dans ces circonstances pourvoyeuse de fonds et de moyens à tous les maquis mais elle sera surtout combattante : l’orgueil de ses habitants l’exigeait.

    Et contrairement aux reliefs montagneux comme l’Aurès, la Kabylie, le Nord-Constantinois et l’Oranie qui disposent de vastes territoires -souvent inaccessibles aux engins blindés comme la presque île de Collo, les Némencha ou le massif de l’Akfadou- Alger n’a dû compter que sur la population de ses quartiers surpeuplés comme la Casbah, Belcourt, Bouzaréah, Climat de France ect… Et dans une moindre mesure Saint-Eugène lors de circonstances bien particulières.

    La lutte clandestine s’est imposée à nous à cause de l’exiguïté du terrain et au type cosmopolite de sa population. Pour survivre aux diverses aléas qui s’imposent à la guerre urbaine, nous avons construit un système de cloisonnement dit pyramidal. Mais tout ça évidement ne s’est pas fait en un jour. Nous ne disposions au départ que de quelques pistolets -dont certains rouillés- tout juste bons à équiper une dizaine d’hommes. Cette situation paradoxale découlait de ce que la priorité de l’armement revenait aux maquisards. J’insistais particulièrement sur ce que l’action armée impliquait de moyens et d’hommes organisés pour obtenir le succès attendu d’elle.

    J’ai pensé que la première organisation militaire devait se caractériser par une articulation souple des structures. Tous les rouages devaient baigner dans une fluidité organique afin d’éviter que ne s’instaure bureaucratie capable de peser sur les actions.

    Sur un organigramme dessiné sur une feuille de papier, j’indiquais que le chef de section ne devrait pas éprouver de difficulté majeure à communiquer ses instructions aux militants de base. J’indiquais également qu’une section de combat aurait la forme d’une pyramide composée d’une série de triangles superposés.

    À la tête de chacune de ces figures géométriques, il y aurait un responsable militaire et trois adjoints, ces derniers ne se connaissent pas entre eux. Chaque adjoint recrutera, sur la base de l’aptitude, un homme qui, à son tour, choisira deux autres fidaïs pour former deux autres groupes. Et ainsi de suite. L’opération étant appelée à se répéter jusqu’à la constitution complète d’une section, autrement dit, trente hommes répartis, trois par trois, en deux groupes, quatre cellules ou huit demi-cellules.

    Mais quoique l’organisation générale commençât à peine de prendre forme, le cloisonnement s’appliquait déjà avec la dernière rigueur sur les structures en place. Les combattants évoluaient dans une totale ignorance les uns des autres comme l’exigeait le principe du fonctionnement d’une section. Il leur arrivait de fréquenter les mêmes lieux publics, de travailler parfois au même endroit, d’être de vieux amis sans pour autant savoir ce que l’un ou l’autre faisait de ses moments de détente.

    Dans le Grand-Alger au cours de la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, le déclenchement inattendu de la guerre de Libération par les Algériens a, à vrai dire, provoqué plus de turbulences psychologiques que de morts à déplorer.

    Pour les Algériens c’était juste un coup de pied dans la termitière. D’une part pour réveiller tout un peuple voué à l’apathie et de l’autre autre aux Français et à leur colons de se préparer à passer la main. Le vent de la décolonisation soufflait puissamment.

    Le 6 novembre, autrement dit cinq jours seulement après le déclenchement, tous ceux, ou presque, qui participèrent au soulèvement avaient été capturés. À Alger évidemment ! Le responsable de la série d’arrestations et cet incroyable coup de filet était commissaire à la DST. Il s’appelait Longchamp.

    Les deux derniers mois de l’année 1954 sont vite engloutis par le temps qui passe. Nous abordons l’année 1955 avec un seul « novembriste », il s’agit de Rabah Bitat, chef de la Zone de combat numéro 4 qui englobait alors aussi Alger. Et un groupe de réserve que j’ai dû mettre sur pied à la mi-octobre 1954.

    Chef de la zone III (Grande Kabylie), Krim Belkacem profitait de ses séjours à Alger pour recruter des gens afin de renforcer les effectifs de ses troupes.

    Fin janvier 1955, Didouche Mourad, le chef de la zone II (Constantinois) est abattu près de Condé Smendou. Quant à Mostepha Ben Boulaid, chef de la zone I des Aurès, il n’échappe à l’angoisse de la traque que le jour où il se fait arrêter une première fois par la DST avant d’être tué quelques mois plus tard.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Il peut raconter ce qu'il veut, après tout ce n'est qu'un film !


    "نحن قوم أعزنا الله بالإسلام ..." Omar Ibn El Khettab RA

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