Ralliement. Al-Sahraoui, chef djihadiste du Nord-Mali auparavant rallié à Aqmi, a été officiellement reconnu par le groupe État islamique.
S'il fallait une preuve que le Sahel est un territoire-clé pour les groupes djihadistes, la voilà : Daech, il y a quelques jours, a adoubé un chef djihadiste du Nord-Mali et du sud de l'Algérie. Abou Walid Al-Sahraoui avait fait allégeance à l'État islamique il y a un an et demi, sans que celui-ci semble en prendre acte. Cette fois, son ralliement est officialisé, puisqu'une vidéo qui le montre prêtant serment au « calife » a été rendue publique par l'agence de Daech, Amaq. C'est un pied de nez à Al-Qaïda qui, avec sa branche « au Maghreb islamique », Aqmi, était resté dominant au Sahel. Ces derniers temps, Abou Walid Al-Sahraoui avait multiplié les actions. Le 1er septembre 2106, il a revendiqué l'attaque d'un poste de douanes, au Burkina Faso, à Markoye, au cours de laquelle un civil et un douanier ont été tués. Et le 17 octobre, au Niger, son groupe a tenté d'attaquer la prison de Koutoukalé, où sont enfermés de nombreux djihadistes.
Doctrine
Adnane Abou Walid Al-Sahraoui est né Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani, à la fin des années 1970, à Laâyoune, capitale du Sahara occidental. Le pays, après avoir été colonisé par l'Espagne, jusqu'en 1975, est alors occupé par le Maroc. Sa famille passe par les camps de réfugiés du Front Polisario (Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) en Algérie en 1990. La famine dans les camps et la répression contre les indépendantistes nourrissent les frustrations des jeunes Sahraouis. Le jeune Lehbib s'engage dans l'Armée populaire de libération sahraouie, les forces indépendantistes de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il fait ensuite partie de ces déçus des promesses de l'ONU, qui avait annoncé, après un cessez-le-feu, un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui avant d'y renoncer. Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani se livre au commerce avec la population de l'Azawad malien, où il s'imprègne de la doctrine islamiste.
Deux ambitions
Celui qui s'appellera bientôt Al-Sahraoui rejoint les djihadistes et en 2012, au début de la guerre du Mali, il est porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'ouest (Mujao), groupe salafiste armé issu d'une scission d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. En août 2013, ce groupe fusionne avec Les Signataires par le sang, pour former Al-Mourabitoune, sous le commandement de Mokhtar Belmokhtar, dit « Le Borgne ». Deux ans plus tard, le 13 mai 2015, Al-Sahraoui signe un communiqué dans lequel il prête allégeance à l'État islamique. Il appelle les autres groupes « et tous les musulmans à se regrouper autour de l'État islamique et à défendre le califat ». Mais, deux jours plus tard, Mokhtar Belmokhtar qualifie ce communiqué de « violation ». « Il n'émane pas du Conseil de la choura », affirme « Le Borgne », qui renouvelle son allégeance à Al-Qaïda et Ayman al-Zawahiri. Al-Sahraoui baptise alors son groupe « État islamique dans le Grand Sahara », qui n'est toujours pas reconnu officiellement par le califat. C'est probablement l'histoire de deux ambitions qui s'affrontent. « Ils sont tous les deux très ambitieux, mais Mokhtar Belmokhtar est plus ancien. Al-Sahraoui a un très gros ego, on l'a vu en 2012, lorsque le Mujao a pris Gao et qu'il a occupé la fonction de gouverneur de fait de la ville », analyse Lemine Ould M. Salem, journaliste et spécialiste des mouvements djihadistes dans les Sahel.
Aujourd'hui, l'adoubement par Daech officialise la rupture entre Al-Sahraoui et Mokthar Belmokhtar. « Mais ce ralliement n'impliquera pas, demain, des affrontements entre eux. La mentalité des Sahariens est très différente de celle des Orientaux. Ces gens ont dormi, mangé, combattu ensemble, ils ont épousé des femmes des mêmes familles », nuance cependant Lemine Ould M. Salem. Dans une région aux alliances mouvantes, certains mouvements mènent même parfois des attaques communes, et certaines, comme celle de l'hôtel Radisson Blu, à Bamako, le 20 novembre 2015, sont parfois revendiquées par plusieurs groupes, en l'occurrence, Al-Mourabitoune et le Front de libération du Macina. Une attaque conjointe contre un ennemi commun pourrait donc devenir envisageable, et ce ne sont pas les causes qui manquent dans la région, selon Lemine Ould M. Salem : « La France, une armée locale, Barkhane, la Minusma… »
Causes communes
Pour le spécialiste, « l'intérêt pour Al-Sahraoui est qu'il obtient le label Daech, qui est plus prestigieux que celui d'Al-Qaïda, au niveau global. Et il espère probablement qu'à travers lui l'État islamique existera. » Cela pourrait annoncer de nouvelles attaques dans la région : « Ce ralliement pourrait éventuellement signifier qu'il changerait de méthode. Qu'il entrerait dans une logique takfiriste. Il pourrait aussi pousser Al-Sahraoui à justifier le ticket d'entrée, par une action particulièrement atroce, barbare, une décapitation… » redoute-t-il. Ce qui pourrait donner des idées à d'autres cellules de la région, y compris au Mali du Sud. D'autant qu'Iad Ag Ghali, leader du groupe islamiste Ansar Dine, a récemment écrit à Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique malien, pour lui proposer un cessez-le-feu, au risque de laisser le champ libre à d'autres mouvements.
Seule certitude, le ralliement d'Al-Sahraoui signifie que Daech étend sa présence sur le continent : après la Libye, la région du lac Tchad avec Boko Haram (État islamique en Afrique de l'Ouest), le Sahel est sa dernière prise de guerre, avec cette nouvelle branche dans le Nord malien et le Sud algérien.
le Point fr
S'il fallait une preuve que le Sahel est un territoire-clé pour les groupes djihadistes, la voilà : Daech, il y a quelques jours, a adoubé un chef djihadiste du Nord-Mali et du sud de l'Algérie. Abou Walid Al-Sahraoui avait fait allégeance à l'État islamique il y a un an et demi, sans que celui-ci semble en prendre acte. Cette fois, son ralliement est officialisé, puisqu'une vidéo qui le montre prêtant serment au « calife » a été rendue publique par l'agence de Daech, Amaq. C'est un pied de nez à Al-Qaïda qui, avec sa branche « au Maghreb islamique », Aqmi, était resté dominant au Sahel. Ces derniers temps, Abou Walid Al-Sahraoui avait multiplié les actions. Le 1er septembre 2106, il a revendiqué l'attaque d'un poste de douanes, au Burkina Faso, à Markoye, au cours de laquelle un civil et un douanier ont été tués. Et le 17 octobre, au Niger, son groupe a tenté d'attaquer la prison de Koutoukalé, où sont enfermés de nombreux djihadistes.
Doctrine
Adnane Abou Walid Al-Sahraoui est né Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani, à la fin des années 1970, à Laâyoune, capitale du Sahara occidental. Le pays, après avoir été colonisé par l'Espagne, jusqu'en 1975, est alors occupé par le Maroc. Sa famille passe par les camps de réfugiés du Front Polisario (Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) en Algérie en 1990. La famine dans les camps et la répression contre les indépendantistes nourrissent les frustrations des jeunes Sahraouis. Le jeune Lehbib s'engage dans l'Armée populaire de libération sahraouie, les forces indépendantistes de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il fait ensuite partie de ces déçus des promesses de l'ONU, qui avait annoncé, après un cessez-le-feu, un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui avant d'y renoncer. Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani se livre au commerce avec la population de l'Azawad malien, où il s'imprègne de la doctrine islamiste.
Deux ambitions
Celui qui s'appellera bientôt Al-Sahraoui rejoint les djihadistes et en 2012, au début de la guerre du Mali, il est porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'ouest (Mujao), groupe salafiste armé issu d'une scission d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. En août 2013, ce groupe fusionne avec Les Signataires par le sang, pour former Al-Mourabitoune, sous le commandement de Mokhtar Belmokhtar, dit « Le Borgne ». Deux ans plus tard, le 13 mai 2015, Al-Sahraoui signe un communiqué dans lequel il prête allégeance à l'État islamique. Il appelle les autres groupes « et tous les musulmans à se regrouper autour de l'État islamique et à défendre le califat ». Mais, deux jours plus tard, Mokhtar Belmokhtar qualifie ce communiqué de « violation ». « Il n'émane pas du Conseil de la choura », affirme « Le Borgne », qui renouvelle son allégeance à Al-Qaïda et Ayman al-Zawahiri. Al-Sahraoui baptise alors son groupe « État islamique dans le Grand Sahara », qui n'est toujours pas reconnu officiellement par le califat. C'est probablement l'histoire de deux ambitions qui s'affrontent. « Ils sont tous les deux très ambitieux, mais Mokhtar Belmokhtar est plus ancien. Al-Sahraoui a un très gros ego, on l'a vu en 2012, lorsque le Mujao a pris Gao et qu'il a occupé la fonction de gouverneur de fait de la ville », analyse Lemine Ould M. Salem, journaliste et spécialiste des mouvements djihadistes dans les Sahel.
Aujourd'hui, l'adoubement par Daech officialise la rupture entre Al-Sahraoui et Mokthar Belmokhtar. « Mais ce ralliement n'impliquera pas, demain, des affrontements entre eux. La mentalité des Sahariens est très différente de celle des Orientaux. Ces gens ont dormi, mangé, combattu ensemble, ils ont épousé des femmes des mêmes familles », nuance cependant Lemine Ould M. Salem. Dans une région aux alliances mouvantes, certains mouvements mènent même parfois des attaques communes, et certaines, comme celle de l'hôtel Radisson Blu, à Bamako, le 20 novembre 2015, sont parfois revendiquées par plusieurs groupes, en l'occurrence, Al-Mourabitoune et le Front de libération du Macina. Une attaque conjointe contre un ennemi commun pourrait donc devenir envisageable, et ce ne sont pas les causes qui manquent dans la région, selon Lemine Ould M. Salem : « La France, une armée locale, Barkhane, la Minusma… »
Causes communes
Pour le spécialiste, « l'intérêt pour Al-Sahraoui est qu'il obtient le label Daech, qui est plus prestigieux que celui d'Al-Qaïda, au niveau global. Et il espère probablement qu'à travers lui l'État islamique existera. » Cela pourrait annoncer de nouvelles attaques dans la région : « Ce ralliement pourrait éventuellement signifier qu'il changerait de méthode. Qu'il entrerait dans une logique takfiriste. Il pourrait aussi pousser Al-Sahraoui à justifier le ticket d'entrée, par une action particulièrement atroce, barbare, une décapitation… » redoute-t-il. Ce qui pourrait donner des idées à d'autres cellules de la région, y compris au Mali du Sud. D'autant qu'Iad Ag Ghali, leader du groupe islamiste Ansar Dine, a récemment écrit à Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique malien, pour lui proposer un cessez-le-feu, au risque de laisser le champ libre à d'autres mouvements.
Seule certitude, le ralliement d'Al-Sahraoui signifie que Daech étend sa présence sur le continent : après la Libye, la région du lac Tchad avec Boko Haram (État islamique en Afrique de l'Ouest), le Sahel est sa dernière prise de guerre, avec cette nouvelle branche dans le Nord malien et le Sud algérien.
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