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L’ISLAM AU QUÉBEC:Entre marginalisation et instrumentalisation

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  • L’ISLAM AU QUÉBEC:Entre marginalisation et instrumentalisation

    Les imams doivent être au coeur de la réflexion pour prévenir la radicalisation

    Bien que l’islam soit la deuxième religion au Québec (environ 243 430 personnes se déclarent musulmanes, dont 154 540 à Montréal), l’islam n’est abordé que dans le débat sur l’identité ou la sécurité. L’apport intellectuel de l’islam comme religion, comme savoir, comme culture et comme discours est quasiment absent de la réflexion intellectuelle québécoise.

    Dans un contexte laïque prônant le multiculturalisme, l’islam, en négociant sa place dans l’espace public, s’est perdu entre deux dynamiques corrélatives : le folklorisme multiculturel et l’idéologie islamiste. Au nom de la reconnaissance de l’autre, l’islam s’est réduit à une tradition folklorique vide de sens. Né dans d’autres réalités sociales et culturelles, mais transporté au Québec sans recul critique, il s’est vu privé d’une possibilité que lui offrait pourtant son caractère pluriel : devenir un islam québécois et s’intégrer à l’espace socioculturel.

    L’islam est donc resté méconnu, et même rejeté par une grande partie de la société. C’est ainsi que la branche québécoise des Frères musulmans (islamistes) a pu instrumentaliser ce rejet en sa faveur : elle s’est emparée de l’islam, l’a transformé en une idéologie de lutte permanente, idéologie avec laquelle elle a séduit la jeunesse militante rêvant de fissurer l’ordre établi. Si l’idéologie des Frères n’incite pas explicitement à la violence, elle diffuse ses postulats : la victimisation (les musulmans sont victimes de la conspiration internationale), le rejet de la nation (en faveur d’une appartenance internationale : les Frères), le rejet des principes de la société (la démocratie et la laïcité sont incompatibles avec l’islam, la société qui n’applique pas la charia est mécréante), etc.

    Les attentats à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu et la montée du radicalisme violent au sein de la jeunesse québécoise ont déclenché le débat sur l’islam et ses canaux de diffusion, mosquées et imams. Mais le débat n’a pas dépassé le stade des accusations et de la défense médiatique.

    La mosquée

    Personne ne peut nier le fait que Rouleau, le converti, et Zihaf, l’immigrant de deuxième génération, ont fréquenté la mosquée avant de verser dans le djihad radical. Si cette dernière n’a pas encouragé chez eux la violence, elle n’a pas réussi à les en éloigner. Ils avaient besoin d’aide, mais les imams n’ont pas été en mesure de comprendre leur réalité sociale et de leur offrir un service spirituel adapté à leur ressenti. La mosquée était leur dernier garde-fou, mais elle n’a pas su les retenir.

    Supposons que les deux tiers des musulmans québécois soient croyants et pratiquants : puisque les prières recommandées sont de cinq par jour, cela veut dire que des milliers de jeunes fréquentent la mosquée quotidiennement. De même, pour le converti, la mosquée est un lieu central dans son cheminement, car seule cette institution certifiera sa déclaration de foi. Pour l’immigrant de confession musulmane, la mosquée est aussi le premier endroit recherché. C’est le lieu identitaire où s’amortit le choc culturel, où se construisent les premières perceptions sur le pays d’accueil et où se tisse le réseau social.

    La mosquée est très présente dans la vie des musulmans, même pour ceux qui sont peu pratiquants : elle gère les fêtes religieuses, les mariages, les divorces, les litiges familiaux, les pèlerinages ainsi que l’accueil des souffrants. La place de l’imam dans ces activités est centrale. Il est un guide spirituel, un réconciliateur, un administrateur, un intervenant social, etc.

    L’imam a un rôle à jouer dans le soutien des valeurs démocratiques de notre société auprès des jeunes musulmans qui sont en quête de vérité et dont l’identité multiple et fragile a besoin d’être cimentée. Or nos imams sont-ils préparés à répondre adéquatement aux demandes de cette jeunesse ? Sont-ils capables d’appuyer les valeurs de notre société ? Non, les imams sont soit des invités et immigrés, donc des gens formés dans des contextes politiques et culturels différents de celui du Québec, soit des bénévoles autoproclamés imams (étudiants, salariés, chômeurs…) et donc dépourvus du savoir.

    Pour que la mosquée soit le diffuseur de l’islam québécois et un lieu qui prévienne la radicalisation, la formation des imams dans l’institution québécoise d’enseignement et par nos programmes est primordiale, une formation religieuse et civique?: une formation en sciences religieuses et en théologie islamiques qui développera chez l’imam la faculté de contextualiser sa connaissance du texte sacré et ses interprétations, une acquisition parfaite de la langue, des valeurs et de la culture propres au Québec, des principes constitutionnels, etc.

    Si un intervenant social est tenu de suivre une formation durant cinq ans avant de pouvoir exercer, pour quelles raisons l’imam, qui œuvre auprès de milliers de jeunes croyants, ne devrait-il pas recevoir, pendant cinq ans, la même formation ? Une durée très courte, par ailleurs, et qui ne concerne que les imams qui œuvrent quotidiennement à la mosquée. Les imams qui sont responsables du vendredi, du ramadan, des fêtes et des avis juridiques sont censés posséder un doctorat. À côté de la formation théorique, une formation pratique au sein d’une mosquée sunnite ou chiite est également indispensable pour que ces imams puissent s’adresser à différentes appartenances islamiques.

    Dans le contexte laïque, quelles institutions se chargeraient de la formation des imams ? En Belgique, la commission Marcourt a attribué cette tâche à l’université belge et le financement à la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’université québécoise est capable d’adopter cette formation et notre laïcité ouverte peut accueillir une telle approche du vivre-ensemble.


    Le Devoir
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