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Au bord de l’asphyxie, l’Egypte laisse flotter sa devise

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  • Au bord de l’asphyxie, l’Egypte laisse flotter sa devise

    Le Fonds monétaire international appelait à une dévaluation de la livre avant le déblocage d’un prêt de 12 milliards de dollars.

    Grâce à Dieu, nous l’avons fait ! » A l’unisson des milieux d’affaires du Caire et d’Alexandrie, le milliardaire et magnat des télécommunications égyptiens Naguib Sawiris a poussé sur Twitter un ouf de soulagement, jeudi 3 novembre. La banque centrale d’Egypte venait d’annoncer sa décision de laisser flotter librement la livre après l’avoir dévaluée de près de 48 %.

    Cette flexibilisation de la politique de change est un geste fort en direction du Fonds monétaire international (FMI). L’institution réclamait des mesures en ce sens, alors qu’elle est sur le point de débloquer un prêt de 12 milliards de dollars (11 milliards d’euros) sur trois ans pour revitaliser une économie égyptienne au bord de la banqueroute.

    Mais pour les autorités, il s’agissait aussi de réagir à la crise monétaire aiguë dans laquelle le pays s’enfonce depuis des mois. L’Egypte est frappée par une pénurie dramatique de dollars depuis la révolution de 2011 qui a fait fuir touristes et investisseurs étrangers. Ses réserves de change ont fondu, passant de 36 milliards de dollars fin 2010, à 19,6 milliards en septembre. Soit l’équivalent de moins de quatre mois d’importations.

    Pénuries de produits alimentaires de base

    Jusque-là, la banque centrale maintenait vaille que vaille un taux de change officiel à 8,80 livres (LE) pour 1 dollar. Mais il en allait tout autrement sur le marché noir. Un système parallèle devenu au fil du temps indispensable à la plupart des entrepreneurs, incapables de se fournir en devises étrangères auprès de banques rationnées. Le billet vert s’y achetait environ deux fois plus cher que le cours officiel, jusqu’à battre lundi le record extravagant de 18,2 LE pour 1 dollar. Une situation intenable dans un pays qui dépend des importations pour presque tout, des voitures haut de gamme aux biens de première nécessité.


    Les pénuries de produits alimentaires de base – de l’huile au riz en passant par le lait infantile – suscitent l’exaspération croissante de la population. Quant aux entreprises, elles tirent la sonnette d’alarme depuis des semaines. En octobre, le cigarettier Eastern Company avertissait que ses stocks de matière première avaient diminué de moitié et qu’il pourrait se voir contraint de cesser sa production.

    La libéralisation de la politique de change pourra-t-elle aider à stabiliser la situation ?Pour le chef de la mission FMI en Egypte, pas de doute : cette décision devrait permettre de « soutenir les exportations et le tourisme », a assuré Chris Jarvis dans un communiqué. Et surtout d’« attirer l’investissement étranger », dont le pays a cruellement besoin. Les marchés ont d’ailleurs salué cette annonce historique, malgré une hausse des taux directeurs de 3 points de pourcentage décidée par la banque centrale.

    Fébrilité

    Les observateurs restent malgré tout circonspects. « C’est un premier pas important mais on ne pourra évaluer qu’après quelques jours à quel point l’Egypte est déterminée à faire ce qu’il faut pour que ça fonctionne », souligne Jean-Paul Pigat, économiste chez Emirates NBD.
    Surtout, la baisse de la devise n’est pas exempte de risques. Elle pourrait entraîner une nouvelle valse des étiquettes alors que l’inflation atteint déjà 14 %. « Les importateurs avaient commencé à répercuter sur leurs prix les effets de la dépréciation sur le marché noir, note Pascal Devaux, économiste spécialiste du pays chez BNP Paribas. Mais l’inflation devrait encore augmenter en renchérissant le prix des biens importés. »
    « La dévaluation n’est pas une panacée, confirme Thierry Apoteker, président du cabinet d’analyse TAC Economics. Le gouvernement devra gérer une période difficile avec le risque de nouvelles tensions sociales. » Dans un pays où, selon les chiffres officiels, près de 28 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le président Abdel Fattah Al-Sissi sait qu’il marche sur un fil.


    Baisse des subventions au carburant


    Signe de cette fébrilité, les autorités ont saisi fin octobre des milliers de tonnes de sucre dans des usines de gâteaux afin de pouvoir en revendre à la population à prix cassés. Le contexte est d’autant plus délicat que le gouvernement doit prendre d’autres mesures impopulaires pour satisfaire aux exigences du FMI. Au premier chef, une baisse des subventions au carburant après avoir déjà réduit celles allouées à l’électricité.

    Pour obtenir le feu vert du Fonds, l’Egypte doit aussi réunir 6 milliards de dollars en prêts bilatéraux. Un processus en bonne voie alors que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et la Chine sont déjà sur les rangs. « Une mécanique vertueuse pourrait alors s’enclencher avec les fonds du FMI conditionnés à un programme de réformes qui redonnerait confiance aux investisseurs internationaux, estime Pascal Devaux. Mais la voie est étroite et les aléas restent nombreux. »

    lemonde
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