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COP22 : ce qui se joue à la Conférence sur le climat à Marrakech

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  • COP22 : ce qui se joue à la Conférence sur le climat à Marrakech

    Après que l'accord de Paris a été entériné, la COP22, dite "COP de l'action", devra relever nombre de défis autour d'enjeux bien identifiés. Les voici.

    En entérinant un nouveau régime multilatéral sur le climat, l'accord de Paris a impulsé une dynamique inédite, à travers ses objectifs ambitieux : orienter les pays vers des trajectoires de développement bas-carbone et résilientes au changement climatique ; passer à une économie mondiale neutre en émissions de gaz à effet de serre avant la fin du siècle ; enfin, canaliser les flux financiers ainsi requis pour une reconfiguration profonde des économies. Une telle ambition suppose de faire converger dès maintenant l'ensemble des acteurs vers ces objectifs. La COP22, dite « COP de l'action », peut et doit y contribuer.

    Quid de l'accord de Paris ?
    L'accord de Paris apportait un signal fort, et la dynamique de sa ratification a été surprenante par sa rapidité. Qui aurait pu imaginer, le 12 décembre 2015, que ce texte, déjà signé par 97 États responsables de plus des deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, entrerait en vigueur le 4 novembre 2016, juste avant le démarrage de la COP22 ? C'est le traité international le plus rapidement entré en vigueur de l'Histoire. Il fournit avant tout un cadre à long terme pour l'action dans la lutte contre le changement climatique. Mais il convient désormais de le nourrir afin de mobiliser l'action de l'ensemble des États et des acteurs non étatiques, et cela sans attendre 2020, date de fin de la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto.

    Au terme des deux semaines de la COP22, la réussite du sommet pourra se juger à l'aune des avancées sur sept enjeux principaux.

    Trois de ces enjeux relèvent directement de la responsabilité de la présidence marocaine et des négociateurs mandatés par les différents États. Mais les quatre autres relèvent de la mobilisation des acteurs non étatiques dans le cadre de l'Agenda mondial de l'action climatique, auquel les deux « championnes de haut niveau » Laurence Tubiana et Hakima El Haite apportent leur contribution.

    Garder le caractère universel de l'accord de Paris
    Premier enjeu pour les négociateurs, et en particulier la présidence marocaine : maintenir le caractère universel de l'accord de Paris, qui, en fixant les mêmes objectifs à tous les États, développés et en développement, les inclut dans un régime commun, même si celui-ci demeure différencié en fonction des circonstances nationales.

    La ratification rapide – et inespérée – des États permet à l'accord de Paris d'entrer en vigueur avant le début de la COP22 et donc la première conférence des parties à l'accord de Paris doit se tenir concomitamment, avec pour objectif de déboucher sur un paquet de décisions à adopter en 2018, lors de la COP24.

    Cela signifie que les États qui n'ont pas encore ratifié l'accord de Paris (au sein du G20 par exemple, cela concerne l'Australie, le Japon, la Russie et la Turquie) ne peuvent pas participer formellement à la prise de décision dans le cadre de l'accord, mais qu'ils devront néanmoins être associés aux discussions, afin d'éviter des remises en cause ultérieures.
    Concrétiser l'aide aux pays en développement
    Deuxième enjeu : les détails des moyens promis aux pays en développement, pour les aider à atteindre leurs objectifs dans le cadre de l'accord de Paris, demandent à être précisés.

    Il s'agit notamment des outils et moyens visant : au renforcement des capacités de ces pays en développement pour l'atteinte des objectifs ; à la mobilisation de flux financiers internationaux s'élevant au minimum à 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 ; à la mise en œuvre des politiques nationales contenues dans les engagements volontaires des États, maintenant appelés Nationally Determined Contributions ; enfin, à la stimulation des transferts de technologies.

    Évaluer les avancées
    Troisième et dernier enjeu de taille pour les négociateurs : entamer les discussions sur la construction du cadre de transparence dans lequel s'inscrit désormais l'ensemble des acteurs, et qui doit permettre de faire, au fil du temps, un état des lieux des avancées par rapport aux objectifs de l'accord de Paris.

    Ce cadre de transparence devra s'appuyer sur des indicateurs pertinents, relatifs évidemment aux inventaires d'émissions de gaz à effet de serre des États, mais aussi aux politiques mises en œuvre et aux transformations sectorielles obtenues. Ce cadre de transparence est essentiel, car il permettra d'informer et de guider l'action des États, mais également celle des acteurs non étatiques.

    Cette transparence constitue à la fois le gage du respect des engagements actuels et le principal moteur du renforcement de l'ambition des actions climatiques, qui demeurent indispensables pour rester en dessous de 2 °C d'augmentation de la température moyenne.

    Soutenir les initiatives territoriales
    Tout au long de la COP22, les initiatives et engagements des acteurs non étatiques, soutenus le cas échéant par les États, viendront nourrir l'agenda mondial de l'action climatique. Cette mobilisation non étatique s'articule autour de quatre types d'acteurs.

    Première mobilisation à confirmer, celle des collectivités territoriales. Fer de lance de la transition vers des économies bas-carbone, aux premières loges pour les questions liées à l'accès à l'énergie ou aux transports, mais aussi à l'adaptation et à la résilience des territoires, les collectivités territoriales – ou pour utiliser la terminologie anglo-saxonne, les acteurs infranationaux – ont vu leur rôle reconnu dans le cadre de l'accord de Paris.

    Les réseaux et coalitions de ces acteurs (ICLEI, Cités et gouvernements locaux unis, C40, Cities Climate Finance Leadership Alliance…) regroupent des collectivités de tailles diverses, allant de quelques milliers d'habitants jusqu'à la Californie, sixième économie du monde. Leur plus petite taille et les projets cohérents « de territoire » qu'ils peuvent construire autour de la transition énergétique leur permettent d'amplifier l'action des États.

    La lutte contre le changement climatique est par ailleurs inscrite dans le nouvel agenda urbain, adopté à Quito il y a quelques semaines lors de la Conférence habitat III.

    Impliquer le secteur financier
    Deuxième communauté à impliquer : celles des acteurs du secteur financier, qu'ils soient assureurs, investisseurs, gestionnaires d'actifs, banquiers, régulateurs. Peu présents sur ces questions il y a encore cinq ans, ces acteurs ont également vu leur rôle souligné par l'accord de Paris, avec son objectif « d'alignement des flux financiers » sur les objectifs climatiques.

    Les coalitions ont également fleuri (Portfolio Decarbonization Coalition, Global Investor Coalition on Climate Change, 5 Voluntary Principles for Climate Mainstreaming…), invitant les institutions signataires à évaluer et publier leur exposition au risque carbone, à réduire l'empreinte carbone de leur portefeuille, à engager un dialogue actionnarial ou encore à « désinvestir » des énergies fossiles.

    Les événements en amont de la COP (Climate Finance Day, IDFC Climate Finance Forum) ou au cours de celle-ci permettront à ces acteurs de présenter leurs avancées et de renforcer leurs engagements.

    Instaurer des prix du carbone
    Troisième mobilisation d'acteurs à conforter, même si elle est plus protéiforme : celle des entreprises mettant en place des prix internes du carbone, afin d'orienter les comportements et les investissements de leurs cadres, chercheurs, salariés, clients, prestataires… Ces prix internes du carbone permettent aux entreprises d'anticiper et parfois de compléter les prix du carbone mis en place par les États.

    Mettre en place des prix du carbone ne constitue pas l'alpha et l'oméga de la transition vers une économie bas-carbone, mais c'en est une condition nécessaire. Cet outil a été popularisé au niveau des entreprises, des collectivités territoriales et des États par un certain nombre d'initiatives menées notamment par les Nations unies ou par la Banque mondiale (Carbon Disclosure Project, Business Leadership on Carbon Pricing, Carbon Pricing Leadership Coalition…).

    Repenser l'agriculture
    Quatrième et dernière coalition, stratégiquement importante : celle relative aux engagements et actions autour de l'initiative « Triple A – Adaptation de l'agriculture africaine ». Cette initiative, portée notamment par le pays hôte de la COP22, est doublement intéressante.

    D'une part, le changement climatique menace particulièrement l'agriculture, souvent fragile, de ce continent. Ensuite, la perspective d'un monde neutre en émissions de gaz à effet de serre ouvre pour l'agriculture, pour les nouvelles pratiques dans l'utilisation des terres et enfin pour les sources d'énergie et matériaux biosourcés un vaste champ de possibilités nouvelles.

    Ces opportunités doivent être gérées de manière coordonnée et s'appuyer aussi sur l'initiative « 4 pour 1 000 » (augmenter de 4 pour 1 000 la capacité de stockage du carbone dans les sols), présentée par la France l'an dernier à la COP21.


    Une feuille de route à l'issue de la COP22
    Pour remplir son mandat de « COP de l'action », la Conférence de Marrakech devra donc déboucher sur des progrès significatifs sur ces sept enjeux. Cela afin de renforcer la crédibilité de l'accord de Paris, tout en amplifiant sa capacité à mobiliser tous les acteurs. Cela pourrait passer, au-delà des engagements individuels des différents acteurs, par un accord à Marrakech sur une feuille de route contribuant dès maintenant à conforter l'agenda mondial de l'action climatique, et permettant aux négociateurs d'arriver à des décisions sur ce terrain au plus tard en 2018. Après le succès de l'accord de Paris, l'urgence climatique demeure et il ne faut pas de temps mort : la COP de Marrakech doit marquer de nouvelles avancées.

    * Benoît Leguet, économiste, directeur général d'I4CE (Institute for Climate Economics), Institut Louis Bachelier

    ** Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS, Université Grenoble Alpes.


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