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Yacef Saâdi raconte la bataille d’Alger : l’entrée en scène d’Abane Ramdane, l’arrestation de Rabah Bitat

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  • Yacef Saâdi raconte la bataille d’Alger : l’entrée en scène d’Abane Ramdane, l’arrestation de Rabah Bitat

    Par Yacef Saâdi | Actualité

    Mars 1955. Abane Ramdane entre en scène. Homme intègre, intelligent et lettré, ce qui était rare pour l’époque. Abane venait de sortir de prison. Il fut d’abord réticent, mais accepte finalement de s’associer au mouvement. Il débarque à Alger le 7 mars 1955 pour se rendre à la rue Barberousse dans la Casbah chez un laitier où je l’attendais pour le diriger chez moi.

    Nouvellement recruté, Abane Ramdane n’exerçait pas encore les prérogatives qui lui échoiront quelques temps plus tard. Il régnait comme une confusion.

    Par ses écrits incendiaires, Abane surpassa rapidement le statut qui fut le sien en arrivant. De conseiller d’une direction collégiale encore inconsistante de la révolution, il devint une sorte de coordinateur d’une sorte de réceptacle duquel convergeaient toutes les informations : celles des maquis, des villes, de l’étranger, etc. En fait, c’est lui qui avait le vent en poupe.

    Soutenu par deux prestigieux hommes de guerre : Krim Belkacem et le Colonel Ouamrane. Ensemble, ils s’étaient progressivement mis à préparer les premières assises du FLN Ce qui se traduira le 20 août 1956 par le fameux Congrès de la Soummam.

    L’arrestation de Bitat Rabah, en plein centre de la Casbah d’Alger, lui laissera, en revanche, les coudées franches.

    Arrestation de Rabah Bitat

    Le jeune et sympathique Aurassien réapparut fin février. Comme d’habitude, c’était pour livrer d’intéressantes ou de mauvaises nouvelles. Abdallah parlait peu mais toujours avec une note persuasive dans la voix. Cette fois, c’était pour m’annoncer l’arrivée à Alger de Slimane « El Djoudane » l’adjudant qui cherchait à prendre contact avec l’État-major. Il semble l’avoir vu une fois au magasin de son oncle Khechida, le tailleur de la rue Barberousse, où se réunissaient parfois les « Six du Premier novembre ».

    Cet homme, avait précisé Abadallah, vient d’accomplir un périlleux voyage. Il dit avoir échappé par miracle aux recherches de la police et il désire, à tout prix, entrer en liaison avec les frères du 1er Novembre ou d’autres responsables s’il le faut.

    C’était surprenant, c’était sûrement un des aspects secrets que je ne connaissais pas ! Bref, je priais Abdallah de s’en aller en prenant acte du message. Moins d’un quart d’heure après, j’en informais Bitat. À l’énoncé du nom de l’adjudant, je remarquai comme une imperceptible crispation sur son visage, un signe d’hésitation, puis il a dit : « Je me souviens de lui, c’est un ancien membre de l’OS (Organisation secrète). » On devait même lui confier une tâche importante pendant le déclenchement. Il faut le contacter. Les deux hommes se rencontreraient le surlendemain.

    El Djoudane s’évertua à lui raconter sa traversée de la frontière algéro-tunisienne en mettant l’accent sur les astuces qu’il fut contraint d’employer pour éviter les chausse-trapes.

    Mohamed Boudiaf, qu’il prétendait représenter, l’aurait chargé d’organiser la réception d’un important lot d’armes en provenance de l’étranger. Une aubaine pour l’ALN qui souffrait d’un sérieux manque d’équipements.

    La proposition d’El Djoudane avait de quoi éblouir. Il se plaçait donc dans la position du missionnaire de bon augure. À sa demande, Bitat lui accorda immédiatement une nouvelle entrevue, et puis une autre, trois jours plus tard, dans l’atelier de ferronnerie rue Kléber. Krim Belkacem était présent.

    On discuta autour d’une carte côtière que leur avait procurée Hocine Benhamza, un douanier qui, dans ses heures de détente, servait de chauffeur à Krim Belkacem pour ses déplacements. El Djoudane fut particulièrement disert, sans doute à cause de la présence du chef de la zone III. Pour couronner le tout, il suggéra d’associer Ben M’hidi aux fruits de l’entreprise.

    Pourquoi pas, s’était-on exclamé de part et d’autres. Il ne lui restait plus qu’à se rendre à Maghnia. Et ce qu’il fit le lendemain. Sur ces entrefaites, l’infatigable Ouamrane réapparut, début mars, pour nous informer qu’Abane Ramdane était enfin libre après quatre ans passés dans les prisons françaises. Le projet de le gagner à la cause se manifesta immédiatement. Contacté une première fois par Krim et son adjoint Ouamrane à Fort National où il était assigné à résidence, il s’était contenté de décliner l’offre. Désenchantés, ils revinrent à Alger pour discuter avec Bitat.

    Les deux maquisards ne se sentirent pas découragés. Les conditions que posait Abane étaient simples. S’il décidait de s’engager, ce ne serait qu’à l’appel d’un Boudiaf, d’un Ben-M’hidi ou d’un Ben-Boulaid etc.

    En fait, il ne mesurait pas encore toute l’ampleur des transformations qui s’étaient opérées dans le mouvement national, ni le douloureux enfantement qui donna naissance au FLN. Les éprouvantes années de prison avaient accentué sa prudence. Krim Belkacem et Ouamrane l’avaient compris ainsi. Bitat leur suggéra de lui renouveler l’appel en soulignant qu’il était prêt à faire personnellement une tentative pour le convaincre.

    Rassurés, ils prirent un nouveau rendez-vous avec lui. Et le 7 mars 1955, dans la matinée, je le recueillis dans l’arrière-boutique d’une crèmerie à la rue Barberousse dans la haute Casbah.

    Un autre sujet d’inquiétude me hantait depuis que les trois responsables logeaient sous le même toit, sans parler des allées et venues d’Ouamrane et de deux ou trois courts séjours de Lamine Debaghine.

    La Casbah grouillait d’indicateurs, et pour parer à toute éventualité, je louais un appartement dans le quartier de la Scala, à proximité d’El Biar pour les loger.

    Le 11 mars, El Djoudane revint à Alger pour reprendre et communiquer les résultats de ses pourparlers avec Ben-M’hidi. Celui-ci, en effet, l’avait reçu comme convenu. Il trancha avec lui, semble-t-il, la question des armes et le chargea de transmettre ses salutations à ses frères de combat. La brièveté de son séjour et la confiance que semblait lui avoir témoigner El Hakim « Ben M’hihi » auguraient de la meilleure perspective. Rendez-vous fut donc pris pour le mercredi 16 mars dans un café maure de la rue Rempart Médée à la Casbah. Krim avait un rendez-vous ailleurs, il déclina donc l’invitation. Ouamrane était absent. Abane mettait de l’ordre dans sa paperasse, Bitat, seul, irait au rendez-vous.

    Le matin du 16 mars, celui-ci quitta le refuge de la Scala vers huit heures. Sanglé dans son pardessus olivâtre, il marchait d’un pas indolent vers la rue Rempart Médée. À l’entrée de la ruelle, il frôla un Algérien qui faisait partie du dispositif de surveillance mis en place, une heure auparavant, par le commissaire de la DST Longchamp. Trois autres policiers gardaient les issues donnant sur le palier menant à la rue Rovigo et Soustara. Toutes les autres ruelles environnantes étaient bouclées. Trois autres agents du réseau parallèle de Jacques Soustelle, des Algériens également, faisaient le guet dans l’établissement.

    À peine Bitat eut-il mis le pied à l’intérieure du Café Maure qu’El Djoudane se détacha de l’ombre d’une impasse tout proche et lui emboîta le pas. Malgré la pénombre, il le repéra dans l’encoignure assis, le dos au mur. Il se dirigea vers lui et prit place en lui faisant face, déplia machinalement un journal qu’il tira de sa poche et l’étala sur la table en lui désignant de l’index une photo parue sur la première page. « Connais-tu cet homme ? Bitat inclina la tête pour examiner le cliché quand El Djoudane, animé par une impulsion démentielle, poussa la table de toutes ses forces vers le mur. C’était le signal qu’attendaient ses complices pour neutraliser Bitat.

    À la même heure, je me trouvais encore chez moi en train de négocier quelques minutes supplémentaires de sommeil. Pendant ce temps, on cognait avec force à ma porte. Si Ouakli désirait s’entretenir d’urgence. Je m’extirpai du lit en vitupérant. En voyant la tête défaite du maître ferronnier, ce devait être extrêmement grave. Il avait grise mine et les yeux catastrophés. Si Mohamed vient d’être arrêté, lança-t-il sans me laisser le temps de l’interroger. Après le choc, je sortis de la maison et sautais dans le premier taxi en maraude en direction de la Scala. Dans l’appartement, Abane était seul. Après le récit, il se saisit la tête des deux mains, il était visiblement ébranlé. Avec beaucoup de colère, il m’interrogeât : « Qu’allons-nous faire maintenant ? ». « À mon avis, il faut attendre le retour de Krim, alias Rabah. Nous aviserons ensuite. De toute manière, il n’est pas question de s’éterniser ici ? » Un court moment passa. Puis il se rua en direction de la sortie. Je le priai d’attendre mais il n’en voulut rien savoir. Il me lança par l’entrebâillement de la porte : « Je reprendrai contact »…

    Pendant que j’attendais Krim, je passais en revue les derniers événements et surtout la dernière invention de la police pour nous éliminer. Un vrai traquenard !

    Au bruit de la clef dans la serrure, j’émergeai de mes réflexions, c’était Krim qui rentrait. Sans ménagement, je lui appris l’événement. Il eut cet amer commentaire : « Depuis le premier jour, j’avais nourri des soupçons à l’égard de cette crapule ».

    Il ne nous restait plus qu’à évacuer les lieux. Arrivés chez moi au 3 rue des Abdérames, ma mère qui nous attendait, anxieuse, s’écria : « Partez, dit-elle, partez vite mes enfants. La police vient de saccager notre boulangerie. L’implication d’El Djoudane ne faisait plus de doute. J’installais Krim chez des amis sûrs et m’en fus ratisser la Casbah pour retrouver Abane, qui, dans sa précipitation, avait oublié de nous indiquer son point de chute. Après deux bonnes heures de recherche, j’eus la présence d’esprit d’aller voir dans l’arrière-boutique du laitier de Barberousse. Il y était en effet. Un quart d’heure plus tard, il rejoignit le refuge de Krim.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Yacef Saâdi raconte la bataille d’Alger : l’entrée en scène d’Abane Ramdane, l’arrestation de Rabah Bitat
    Il est à quellle version dèjà ?

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    • #3
      franchement j'ai du mal avec ce soit-disant discours narratif de la lutte anticolonialiste ....esskout berk ... j'ai une pensée pour ceux qui n'ont tiré aucun profit de leur combat, quand ils n'y ont tout simplement pas laissé leur vie, laissant veuves et orphelins démunis....

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