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L’agonie de la dynastie hafside

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  • L’agonie de la dynastie hafside

    Fondée par Abou Hafs Omar, gouverneur et proche compagnon du fondateur de l’empire almohade (1147-1269), la famille hafside, quoique vassale de Marrakech, était dès 1207 maîtresse de la province d’Ifriqiya. En 1228, elle est constituée en dynastie indépendante par l’émir Abou Zakaria, arrière-petit-fils d’Abou Hafs. Les émirs hafsides allaient régner, à partir de leur bonne ville de Tunis, sur un territoire qui s’étendait au-delà de l’actuelle Tunisie jusqu’à Bougie à l’ouest et à Tripoli à l’est.

    Durant ses heures de gloire, notamment sous les grands règnes d’ Abou Zakaria I (1228-1249), d’El Moustansir (1249-1277), d’Abou Faris Abdelaziz (1394- 1434)et d’Abou Amr Othman (1435-1488), la dynastie réussit à étendre plus ou moins durablement sa suzeraineté à Tripoli à l’est, et , à l’ouest, aux émirs mérinides, leurs homologues du Maroc, et de l’ouest algérien et à une bonne partie de l’Espagne musulmane. En 1258, lorsque les Mongols, dans un effroyable massacre, mirent fin au califat abbasside, le sultan Al Moustansir reçut même l’allégeance du Chérif de La Mecque et fut acclamé à Tunis comme Commandeur des croyants.

    Certes, les émirs hafsides eurent souvent à contenir la turbulence des grandes tribus nomades, soit en les réduisant par la force, soit en leur cédant des concessions foncières ou fiscales. Ils virent aussi certains points du littoral ou des îles comme Djerba et Kerkennah occupés par des puissances chrétiennes. Ils durent même faire face à la menace de leurs homologues mérinides du Maroc. Ils eurent même à subir la croisade de Saint Louis qui échoua cependant devant Tunis en 1270. Les émirs hafsides se maintinrent cependant vaille que vaille et donnèrent à leur royaume ses lettres de noblesse en matière de puissance, de science, d’art et de civilisation urbaine. Tunis en particulier profita de leur grandeur et devint définitivement la capitale politique, économique et culturelle du pays. Métropole islamique, elle était la destination de nombreux marchands et d’hommes en quête de science. Accueillante, elle donna l’hospitalité aux premiers émigrés andalous dont les ancêtres de l’illustre Ibn Khaldoun (1332-1406), lui-même pur produit de la ville et de sa mosquée-université de la Zitouna.



    Vieil Etat fondé au cœur du Moyen Âge, l’émirat hafside pâtissait toutefois de faiblesses inhérentes au pouvoir despotique oriental. Corrigées jusque-là avec plus ou moins de bonheur, elles s’aggravèrent dangereusement lorsque la dynastie entra en décadence au lendemain du long règne d’Abou Amr Othman.

    Lorsque Moulay [titre porté par les sultans hafsides mais généralement utilisé par l’historiographie pour désigner cet émir en particulier] Hassan succéda à son père Mohamed en 1526 en inaugurant son règne par le massacre de ses frères, on semblait s’acheminer vers un énième pouvoir despotique dans ses rapports classiques avec les populations et avec le monde extérieur d’une dynastie fondée trois siècles auparavant. Un changement radical était cependant apparu sur la scène méditerranéenne, il s’agissait de la compétition entre les deux grandes puissances rivales, l’Espagne et l’Empire ottoman. Les sultans hafsides, jusque-là acteurs de premier plan dans la lutte entre le Maghreb musulman et l’Europe catholique, tombaient désormais au rang de pions sur l’échiquier méditerranéen. Dans ces conditions, les faiblesses inhérentes au pouvoir devenaient fatales. Il n’était plus question de défaites ponctuelles, de repli puis de renaissance mais bien d’une agonie sur fond de recomposition du monde entreprise par Charles Quint ( 1519-1556), empereur germanique, roi d’Espagne et de Sicile et le Sultan ottoman Soliman le Magnifique (1520-1566) puis leurs successeurs.
    En 1529, deux marins hors pair et corsaires redoutables, originaires de l’île grecque de Mytilène (Lesbos), les frères Arouj et Khérédine Barberousse, se rendent maîtres d’Alger et du fort espagnol du Penon. Constantine est prise à son tour. Puis les frères Barberousse se présentent devant Tunis. Hassan sauve les meubles en acceptant de laisser ces deux conquérants impénitents opérer à partir des ports du royaume, à charge pour eux de lui reverser le tiers des prises.

    Mais les arrière-pensées étaient nombreuses et les ambitions fatalement contradictoires, de sorte que la rupture fut vite consommée au prétexte que Hassan avait lâché les frères Barberousse à un moment crucial de leur lutte contre les chrétiens. Barberousse, devenu entretemps amiral de la flotte ottomane avec le titre de Capitan-pacha (1533), obtient du Sultan de Constantinople de s’emparer de Tunis, ce qu’il fait en 1534, après avoir pris Bizerte et La Goulette. Vaincu, Moulay Hassan se réfugie chez les bédouins. Ceux-ci, battus par les Turcs, sont contraints de l’abandonner à son sort.

    L’émir, aux abois, n’a guère d’autre issue que de chercher refuge chez son fils Ahmed, gouverneur de Bône, et de solliciter l’appui de l’Espagne. Il adresse à Charles Quint une lettre dans laquelle il dit notamment: «Barberousse, ce misérable reïs turc (…) vient de s’emparer de mes Etats. L’attachement sincère que j’ai toujours eu pour vous l’a décidé à me nuire. Il est donc de votre honneur, et il y va de vos intérêts, ô grand Roi, de venir à mon
    secours (…) J’ai encore à mon service 60 000 hommes avec lesquels j’irai l’assiéger par terre, tandis que vous viendrez l’encercler par la mer. Lorsque le royaume de Tunis sera rentré sous mon obéissance, je vous en ferai l’hommage et me contenterai d’être votre lieutenant. » (Jean-Louis Belachemi, Nous, les frères Barberousse, Paris, 1984, p. 303).

    Avec pour allié et obligé le roi légitime du royaume musulman de Tunis, l’empereur ne pouvait espérer meilleur scenario pour courir sus aux Ottomans. Une formidable armada est alors constituée par l’empereur. J.-L. Belachemi nous en a relaté les préparatifs et la composition. Les provinces d’Espagne, d’Allemagne, des Pays-Bas, les vice-rois de Naples et de Sicile furent mis à contribution. L’ordre de Malte, les villes italiennes, le Portugal, Monaco et le Saint-Siège se joignirent à l’effort. Le 15 juin 1535, Charles Quint, à la tête d’une flotte transportant plus de 25 000 hommes, arrive devant La Goulette. Le débarquement effectué, les combats (que le peintre hollandais Jan Vermeyen, qui avait accompagné l’expédition, a reproduits en divers tableaux) opposant les troupes de Charles Quint et celles de Barberousse (composées de Turcs et Tunisiens) firent rage, mais en juillet Tunis est prise et Barberousse, acculé à la fuite à Constantine tandis que, sous les yeux de Charles Quint et Moulay Hassan, la population tunisoise est soumise à un épouvantable massacre

    En août, Charles Quint, laissant à La Goulette une garnison dans la puissante forteresse qu’il fit construire (et dont il ne reste aujourd’hui qu’un bastion auquel les Tunisiens ont donné le nom peu glorieux de Karraka) et après avoir reçu l’allégeance de Hassan comme vassal, repart triomphant et sa victoire est saluée dans toute la Chrétienté. En Ifriqiya, la défaite face aux Espagnols, la haine et le mépris à l’égard de Hassan ne manquent pas de se traduire par des révoltes et des sécessions de diverses tribus, villes (dont Kairouan et Sousse) et régions. Lui qui avait assuré ses protecteurs que les tribus se rallieraient à lui dès son retour est battu par les troupes d’un extraordinaire personnage conforme à ces figures charismatiques à la fois mystiques et combattantes issues du terroir maghrébin: le cheikh Arafa, fondateur de la Communauté religieuse et politique des Chabbiya fondée en 1450. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Moulay Hassan est déchu par son fils Ahmed. Il lui épargne la mort réclamée par la populace, mais lui fait crever les yeux. Après un premier séjour en 1543, Hassan réussit, on ne sait trop comment, à effectuer un deuxième voyage en Europe dont les péripéties complexes ont été patiemment démêlées par Charles Monchicourt ( Etudes kairouanaises, Tunis, 1939,pp. 121-124). Retenons qu’en 1548, il est reçu à Rome par le Pape puis, à Augsbourg, par Charles Quint pour réclamer vengeance contre l’usurpation de son fils Ahmed. Il rentra bredouille de ce long périple et s’embarqua à Palerme pour Mahdia en 1550 avec le vice-roi de Sicile. Il mourut, l’année même et fut inhumé dans la zaouia de Sidi Abid El Ghariani à Kairouan.

    Sous le règne d’Ahmed (connu aussi sous le nom d’Ahmed Soltane ou de Hamida), le royaume hafside n’est plus qu’une des scènes de l’affrontement entre Turcs et Espagnols. Ces derniers, toujours maîtres de La Goulette, bombardent régulièrement Tunis, tandis que Napolitains et Génois occupent Mahdia de 1550 à 1554, puis Djerba d’où les chasse le grand capitaine Dragut Pacha qui, dans la foulée, prend Tripoli. Gafsa tombe aussi entre ses mains. Il se dirige ensuite vers Kairouan où il met fin à l’hégémonie des Chebbiya contraints de se replier dans le Djerid, et installe à la tête de la ville un gouverneur ottoman (1557). Mettant à profit des dissensions au sein du pouvoir à Tunis, Eulj Ali, pacha d’Alger, pénètre en Tunisie, entre à Tunis qu’il proclame cité ottomane en 1569. L’émir hafside Ahmed se réfugie à La Goulette. Et de là part en Europe, reproduisant ainsi le scénario de son père Hassan. Revenu «dans les valises» de la flotte espagnole en 1572, il refuse cependant la condition réclamée à La Goulette par ses protecteurs de céder la moitié de son royaume. Il abdique et part à Naples (il est logé avec sa famille au château Saint Elme) puis en Sicile où il meurt près de Palerme en 1575. Son corps est rapatrié et enterré après accord des Turcs, maîtres de la capitale, en la zaouia tunisoise de Sidi Qacem El Zalîjî

    Entretemps, son frère Mohamed, sans doute ravi de l’aubaine, avait accepté les conditions espagnoles. Il entra de manière peu glorieuse dans une ville quasi déserte, les habitants, encore sous le choc de la boucherie de 1535, ayant choisi de se réfugier dans les campagnes au prix de mille tourments. Les troupes chrétiennes se livrèrent à un saccage en règle. Les manuscrits et les trésors de la Grande mosquée Zitouna sont jetés ou pillés, et les chroniqueurs tunisiens rapportent que même le tombeau du saint patron de la ville, Sidi Mahrez, fut profané. La domination chrétienne fut cependant de courte durée puisqu’en 1574, sous le règne de Sélim II (1574-1595), successeur de Soliman le Magnifique, Sinan Pacha prit d’assaut La Goulette, pourtant réputée inexpugnable, puis Tunis et l’ensemble du territoire qui couvre à peu près celui de la Tunisie actuelle, laquelle entre dans le giron ottoman. Mohamed est emmené en captivité à Constantinople où il meurt. La période hafside est définitivement terminée.

  • #2
    suite

    Toutefois, des membres de l’ancienne famille royale étaient encore en exil en Italie. Parmi les jeunes princes, certains ne désespéraient pas de reconquérir le royaume de leurs aïeux. Philippe II (1556-1598), le fils et successeur de Charles Quint, bien que mortifié par la perte de Tunis et de La Goulette, prêtait une attention plutôt distante aux demandes réitérées des princes en exil, qui ne cessaient de répéter qu’ils étaient attendus impatiemment par les Tunisiens. Au printemps 1581, un des réfugiés hafsides en Sicile, le prince Ahmed (le Hamet des documents espagnols), frère de Moulay Hassan, obtint l’autorisation de partir. Embarquant de Palerme avec une poignée de fidèles, il fut déposé quelque part sur le littoral tunisien (peut-être dans le golfe de Gabès) car les officiers espagnols qui l’accompagnaient avaient pour consigne expresse de ne prendre, en la circonstance, aucun risque face à la marine ottomane. Ce prince espérait réunir autour de sa personne les tribus bédouines pour vaincre les Turcs. Cette idée n’était pas tout à fait absurde car le mécontentement des populations tunisiennes était manifeste en raison des abus des Ottomans, maîtres du pays (en 1577, notamment, les Tunisois s’étaient soulevés). Mais le déséquilibre des forces était flagrant et, malheureusement, la seule approche d’Eulj Ali suffit à disperser les hommes qui s’étaient bel et bien groupés autour de Moulay Hamet dans la région de Kairouan. Aux abois, accompagné de quelques tribus auxquelles l’unissaient des liens de parenté et d’amitié, il erra dans la steppe avant d’être capturé à El Djem en 1592 et envoyé en captivité à Constantinople. Sa famille, quant à elle, était restée en Sicile et un de ses fils voulut tenter à son tour l’aventure d’une restauration du trône de ses pères. Il chercha à convaincre ses protecteurs mais la mort le saisit à Palerme en 1594. Ainsi s’acheva la longue agonie d’une dynastie qui aura gouverné la Tunisie et le Maghreb oriental durant 367 ans. Ses soubresauts étaient l’indice que la conquête turque ne se fit pas sans difficultés et que les populations sédentaires et bédouines – dont certaines avaient de vieilles alliances avec la famille des Beni Abou Hafs - étaient promptes à rallier un prétendant hafside au détriment du récent et pas toujours commode pouvoir ottoman.

    Si la trace des autres membres de la famille exilée en Italie s’est perdue, l’histoire européenne nous a conservé le souvenir de l’un d’eux dont l’itinéraire, typique de ces échanges méditerranéens parfois insolites et iconoclastes entre la Croix et le Croissant, fut tout à fait extraordinaire. Nous sommes habitués, des deux côtés de la Méditerranée, aux récits relatifs aux «renégats» chrétiens d’Europe, devenus musulmans et accédant souvent à des fonctions illustres en pays d’Islam. On parle moins, cependant, des musulmans convertis au christianisme. Les cas étaient certes plus rares mais les convertis (ou apostats, si l’on se place d’un point de vue islamique) étaient souvent de haute naissance et acculés à l’exil en Occident comme ce Gaspard de Benimérine ou encore un Zayanide fils du dernier roi de Tlemcen, devenu Carlos de Africa. D’autres se convertissaient par conviction et partaient en terre chrétienne où l’Eglise et les princes les recevaient avec tous les honneurs, comme, plus tard, au XVIIe siècle le fils d’un dey de Tunis converti au catholicisme sous le nom Don Philippe. Ces conversions aristocratiques avaient en effet un impact considérable pour la propagande de l’Eglise et des Etats chrétiens.

    Mais revenons à notre émir. Il s’agit du prince Hamida, fils du sultan hafside Ahmed. Converti, il reçut le nom de Charles d’Autriche. De belle prestance, cavalier et soldat accompli (un chroniqueur espagnol, cité par Ch. Monchicourt, relatant l’entrée à cheval d’Amida-Charles à Palerme avec le vice-roi de Sicile écrit : «Le peuple, admirant son allure, jurait que c’était vraiment un fils de roi»). Charles choisit toutefois la vie monastique ; et pas la moins rigide puisqu’il opta pour l’ordre des Frères Mineurs fondé par Saint François d’Assise. Il mourut à Naples en 1601 et fut enterré en l’église de Sainte Marie La Neuve. Son inscription funéraire en latin indiquait ceci: «Ci-gît le fils du roi de Tunis Amida [devenu] Charles d’Autriche par la vertu de l’eau lustrale. Dans sa tendresse pour ce monastère, il lui donna tous ses biens afin que des prières lui vaillent le royaume du ciel. Cœur magnanime, insigne par la piété et les armes, il vécut et mourut sous l’habit des Frères Mineurs. An du Seigneur, 1601». Sa pierre tombale usée par les pas des fidèles, on lui édifia plus tard, en 1699, dans la même église, une nouvelle sépulture dont l’inscription latine dit ceci : «Les ossements de celui qui, après avoir été Amida, fils du roi des Tunisiens, devint Charles d’Autriche par la régénération du baptême, [ossements] qui gisaient auparavant dans un humble emplacement, furent par la piété du frère don François, de la famille du grand Gonzalve de Cordoue, transférés ici, afin d’être renfermés dans un monument, sinon royal, du moins plus décent. An de la Rédemption du monde 1690» (Ch. Monchicourt, op. cit, pp.198-205).

    Sur cet épisode romanesque mais peu conforme à l’image que se font les musulmans de leurs princes, se clôt le récit de l’agonie de la dynastie hafside jadis si brillante, victime des erreurs de ses émirs mais surtout du nouvel ordre du monde désormais dominé par la rivalité des Turcs et des Espagnols. Les temps nouveaux donnèrent le coup de grâce au vieil édifice de cette dynastie fondée au cœur du Moyen Âge. Le royaume de Tunis, amputé à l’est et à l’ouest, était désormais réduit au rang d’un beylik, province ottomane gouvernée par un pacha nommé par le Sultan. Toutefois, fidèle à son antique tempérament et grâce à l’énergie des beys husseïnites, le pays allait renouer avec la tradition d’un Etat quasi indépendant dirigé par une dynastie, et cela moins d’un siècle et demi après la conquête ottomane de 1574. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le péril allait venir de nouveau de l’extérieur mais ceci est une autre histoire…

    Md.- A.B.A.

    (Cet article est redevable à l’historiographie classique: Ibn Khaldoun, Ibn Abi Dînar et Ben Dhiaf, et aux études modernes dont celles de Robert Brunschvig, Charles Monchicourt, Abdelaziz Daoulatli et Paul Sebag.)



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    • #3
      merci pour le partage.

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      • #4
        Continuation

        Ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que l'Etat hafçide ne fut que la continuation de l'Etat almohade, et que les souverains hafçides s'intitulaient eux mêmes califes muwahhidûn.

        Ce qui advint c'est que, lorsque les califes de la dynasties muminide ont abandonné formellement la doctrine almohade d'Ibn-Tûmert, les gouverneurs hafçides se sont déclarés libres de toute allégeance à leur égard et ont repris le titre califal et la paternité de la doctrine à la quelle ils sont restés fidèles.

        Cela doit rappeler, encore une fois, que "almohade" désigne une doctrine et un engagement politico-religieux ou, nous dirions à notre époque, un engagement idéologique.
        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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        • #5
          Ce qui est sûr, c'est que la période "hafçide" était (dans son ensemble) synonyme de prospérité.

          La veille ville de Tunis est essentiellement "Hafçide".

          Ceci démontre encore une fois que l'application d'un Islam non rigoriste, et l'ouverture sur les autres peuples de la méditerranée avait assuré la prospérité de la population du Maghreb central à l'époque.

          Je pense que le fiasco militaire face à Charles Quint était dû à la faible densité démographique du Maghreb (qui est la conséquence du manque des terres agricoles fertiles en comparaison avec l'Europe).

          On voyait bien qu'en 1830, un Maghreb de 3 ou 4 millions n'avait pas les moyens pour se défendre face à un pays de 20 millions d'habitants...

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          • #6
            @Carthage

            Postulat gratuit :

            Effet observé : Ce qui est sûr, c'est que la période "hafçide" était (dans son ensemble) synonyme de prospérité.

            Cause déclarée : Ceci démontre encore une fois que l'application d'un Islam non rigoriste, et l'ouverture sur les autres peuples de la méditerranée avait assuré la prospérité de la population du Maghreb central à l'époque.
            Idéologie des concernés :

            Pour condamner les Almoravides, il [Ibn-Tûmart maitre et guide spirituel des Hafçides] s'appuie sur ce verset du Coran : "Ceux au cœur de qui est une obliquité suivent ce qui équivoque, dans l'Ecriture, par recherche du trouble et recherche de l'interprétation. Mais l'interprétation de ces verset n'est connue que de Dieu, et ceux enracinés dans la Science déclarent : "Nous croyons à cela. Tout émane de notre Seigneur".

            Il cite également un hadith du Prophète qui, interrogé sur ce verset, a répondu : "Quand vous voyez ceux qui suivent ce qui est équivoque dans le Livre, ce sont ceux que Dieu a nommés. Aussi gardez-vous d'eux".

            Non content de se garder des Almoravides, Ibn-Tûmart demande à ses disciples de leur faire la guerre : "Appliquez-vous au djihad des Infidèles voilés car il est plus important de les combattre que de combattre les Chrétiens et tous les Infidèles, deux fois ou plus encore ; en effet, ils ont attribué un aspect corporel au Créateur — qu'il soit glorifié — rejeté le tawhîd, été rebelles à la vérité"

            In : Lévi-Provençal, Documents inédits d'histoire almohade
            Conclusion : Un postulat gratuit reste un postulat gratuit : il ne vaut pas grand chose avant d'être démontré, et il ne vaut plus grand chose une fois démonté.
            Dernière modification par Harrachi78, 22 novembre 2016, 11h17.
            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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            • #7
              @Harrachi78,

              J'ai copié ce paragraphe de la page wiki : "Sultanat Hafside de Tunis"

              Durant leur long règne, les souverains de la dynastie hafside élèvent plusieurs édifices religieux et d'enseignement, principalement à Tunis. Parmi les mosquées figurent la mosquée de la Kasbah, achevée en 1235 et considérée comme la première et plus importante réalisation de l'architecture religieuse hafside11, ainsi que la mosquée El Hawa édifiée vers le milieu du xiiie siècle11. Les principales médersas hafsides, toutes élevées à Tunis, sont la médersa Ech Chamaiya fondée vers 1238 par Abû Zakariyâ Yahyâ, la médersa Attaoufikia fondée par Latf, épouse ou veuve d'Abû Zakariyâ Yahyâ, la médersa Al Maridh fondée vers 1280, la médersa Al Onqiya fondée en 1341 par la sœur du sultan régnant ou encore la médersa El Mountaciriya fondée en 143711.


              Grande Mosquée de Kairouan : porche de Bab Lalla Rihana (fin du xiiie siècle), Kairouan, Tunisie
              Les sultans hafsides ne se contentent pas uniquement d'ériger de nouvelles mosquées : ils contribuent également à la conservation des lieux de culte en effectuant des travaux de restauration et de réhabilitation pour certains édifices religieux antérieurs à leur règne. Ainsi, la prestigieuse Grande Mosquée de Kairouan connaît, au cours du xiiie siècle, d'importants travaux de restauration qui concernent essentiellement son enceinte (adjonction de nouveaux porches latéraux) et certaines parties des plafonds peints de sa salle de prière. Parmi les ajouts figurent l'édification d'un porche monumental, Bab Lalla Rihana, réalisé sous le règne du souverain Abû Hafs `Umar ben Yahyâ (1284-1295) et daté de 1293-129412.

              L'un des pôles d'attraction de la vie religieuse de l'époque est le soufisme, mouvement mystique oriental qui s'était rapidement propagé dans toutes les couches de la population arabo-berbère. Enseigné par des cheïkhs d'une certaine envergure intellectuelle et d'une grande élévation morale, le soufisme voit se dresser d'abord contre lui les oulémas qui le considèrent comme une déviation de l'islam orthodoxe. Mais, sous l'effet de la pression populaire et probablement du pouvoir, les docteurs de la loi finissent par le tolérer et l'admettre comme interprétation licite du Coran. On ferme même les yeux sur ses manifestations les plus suspectes. Le soufisme connaît alors une fortune extraordinaire en Berbérie qu'il contribue à islamiser et son action dans la vie sociale s'est perpétuée jusqu'à nos jours sous la forme du culte des saints et de confréries religieuses qui se réclament de la tariqa ou doctrine des cheïkhs soufis réputés. Parmi ces soufis figurent Sidi Bou Saïd, Abou Hassan al-Chadhili (plus connu sous le nom de Sidi Belhassen), Sidi Ali El Gorjani, Sidi Mohammed El Chérif, Sidi Ali El Hattab, Sidi Hassen El Séjoumi ou encore Lella Manoubia.

              Le xve siècle est moins fécond en personnalités mais le Maroc continue à pourvoir l'Ifriqiya en soufis avec d'autant plus de facilité que la Tunisie se trouve sur le chemin du pèlerinage vers La Mecque. À leur retour, séduits par le climat et l'ambiance, les soufis marocains s'arrêtent volontiers à Tunis comme dans les campagnes. En revanche, la doctrine n'est plus soutenue avec le même éclat intellectuel, sa diffusion dégénère en un maraboutisme de « faiseurs de miracles », des thaumaturges porteurs d'une baraka plus ou moins authentique. Le xve siècle voit ainsi surgir beaucoup de marabouts excentriques, objets de vénération populaire tels Sidi Ben Arous.

              A part ça, j'aime bien ouvrir un débat sur la faible densité de la population Maghrébine avant le 18 siècle (par rapport à l’Europe), et les liens entre ce constat et le développement agricole de l’Afrique du nord.

              La question que je me pose : le sous-développement de notre zone après le moyen age, est-il la conséquence d'une culture dépassée ?, ou bien le manque de ressources naturelles a aussi joué contre nous ?.

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              • #8
                @Carthage

                Et, pour ma part, j'ai repris texto termes par lesquels le maître à penser, le guide spirituel et l'untime référence religieuse des Hafçides, définissait la légitimité politique en bon "takfîri" de son temps. Ceci pour nuancer la légende de l'Islam "tolérant" que tu leur donnent et auquel tu imputes la prospérité qui aurait régné en leur temps.

                Pour ce qui est des questions posées, je ne saurais dire ce qu'il y a de causes et ce qu'il y a d'éffets. Une chose est sûre, cette regression culturelle coincida bien avec une regression démographique et économique.

                J'imagine que ca s'est joué sur une combinaison complexe et non sur l'effet d'un seul élement.
                "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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