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Retour sur la nuit exceptionnelle où Thomas Pesquet est entré dans l'ISS

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  • Retour sur la nuit exceptionnelle où Thomas Pesquet est entré dans l'ISS

    L’amarrage de la capsule Soyouz à l’ISS s’est parfaitement déroulé dans la nuit de samedi à dimanche 20 novembre 2016. L’astronaute français Thomas Pesquet est enfin entré dans la station, après 7 ans d’entraînement. C’est le début d’une mission de 6 mois à 400 km d’altitude. Retour sur une nuit exceptionnelle…

    La nuit promet d’être longue au TsUP, le centre de contrôle russe des missions spatiales, situé dans la cité Korolev à Moscou. C’est dans cet immeuble massif, de style désuètement soviétique, qu’est programmée, contrôlée, corrigée la trajectoire du vaisseau Soyouz, qui conduit le Français Thomas Pesquet, l’Américaine Peggy Whitson et le Russe Oleg Nivitsky vers la station spatiale internationale (ISS). Dans la salle de contrôle principale, l’écran central affiche une série d’indicateurs (vitesse, heure, distance à la station, etc.) sur fond de nuit noire. Lancée depuis la base spatiale de Baïkonour (Kazakhstan) le 17 novembre 2016, la capsule Soyouz MS-3 est très logiquement le troisième modèle d’une nouvelle génération de Soyouz qui vient d’être mise en service cette année. Conçue au début des années 1960, elle remplace l’électronique, jusqu’alors analogique, par du numérique. Au cours des deux derniers jours, la capsule russe injectée sur une orbite intermédiaire à 320 km d’altitude a effectué des corrections orbitales, s’élevant peu à peu pour rejoindre l’orbite de la station, à une altitude de 400 km environ.

    Premier contact au-dessus du Brésil

    Samedi soir 19 novembre, 23h07, Soyouz n’est plus qu’à 345 km de la station et s’en rapproche à la vitesse de 16 m par seconde. Sa vitesse va rapidement chuter, de minute en minute, tandis qu’elle se rapproche de son objectif. Sur l’écran de contrôle, la Terre remplit soudain l’écran. Le vaisseau Soyouz manœuvre. Les étoiles filent et la voilà, l’ISS, en plein milieu de l’écran. Sa silhouette grandit peu à peu. A 600 mètres de l’ISS, Soyouz n’affiche plus qu’une vitesse d’1,42 m par seconde. Les structures de l’ISS débordent progressivement de l’écran et le port d’amarrage du Soyouz apparaît : un cône métallique divisé par une croix qui emplit bientôt tout l’écran. Dans la salle, les yeux des familles, des techniciens, des personnels de l’ESA, de la Nasa, de Roscosmos sont rivés sur l’écran de contrôle, tandis que les hauts parleurs égrènent des informations en russe. A 0h58’17’’ (heure de Moscou, 22h58 heure française), le Soyouz a son premier contact avec l’ISS, alors au-dessus du Brésil. Les crochets se referment, et à 1h40’ (heure de Moscou), l’amarrage est confirmé. « Le contact et la capture ont eu lieu quasiment en même temps, analyse ce soir-là Jean-François Clervoy, astronaute français, membre du corps astronautique de l’ESA, qui a volé trois fois dans l’espace. Le Soyouz était très bien centré. Il va falloir maintenant à peu près deux heures pour vérifier que la connexion est étanche, explique-t-il. Quand deux véhicules s’amarrent dans l’espace, ils capturent à l’intérieur un peu du vide spatial, qu’il faut remplir avec de l’air. Cela prend du temps de vérifier qu’il n’y a pas de fuite. »

    Une combinaison bleue pénètre dans la station

    Pendant ce temps, les trois astronautes à bord de la station, les Russes Andreï Borissenko, Sergueï Ryjikov et l’Américain Robert Kimbrough préparaient l’arrivée de leurs nouveaux co-locataires. Retour dans la salle de contrôle : sur l’écran central se découpe l’écoutille, cette fois "côté station". Une main passe devant l’écran, deux astronautes s’occupent maintenant de dévérouiller la porte. Et c’est le moment magique, important, crucial, celui qui vous entaille les entrailles : une combinaison bleue pénètre dans la station.

    C’est Oleg. Une étreinte, et déjà une longue et mince silhouette se déplie dans la station, libre de toute pesanteur terrestre : Thomas Pesquet, un immense sourire lui barrant le visage réalise le rêve de son enfance, être un astronaute, flotter dans l’espace. Applaudissements nourris, accolades pleines d’émotions, la délégation française laisse éclater sa joie. Voici Peggy, qui a choisi de rentrer les pieds en avant. En une volte-face fluide – elle en est à son troisième vol dans l’espace –, cette femme radieuse, au parcours exceptionnel, s’apprête à prendre le commandement de l’ISS. Qui pourrait imaginer, en les voyant aussi heureux, qu’ils viennent de passer deux jours à tourner autour de la Terre dans l’espace réduit du module orbital de la capsule Soyouz ? « L’amarrage a été parfaitement nominal, souligne Jean-François Clervoy. Il n’y a rien de mieux pour commencer une mission dans un bon esprit. C’est un moment très émouvant d’ouvrir la porte, on a l’impression de retrouver une famille qui vous a manqué. Lors d’un vol spatial, on pleure deux fois. La première en laissant votre famille à Terre, la seconde en retrouvant celle de l’espace. »

    "Nous avons été inquiets pendant deux jours, mais maintenant qu’ils sont dans leur maison, nous sommes rassurés"

    Après les félicitations et les encouragements des officiels – Igor Komarov, le directeur de l'agence spatiale russe Roscosmos, David Parker directeur des vols habités à l’ESA, Charles Bolden, à la tête de la NASA et Lionel Souchet, spécialiste des vols habités au CNES - réunis à Moscou pour l’occasion, c’est au tour des familles de saisir le micro. Après la femme d’Oleg, c’est au tour d’Anne, la compagne de Thomas Pesquet, de son frère à la voix étranglée (« Allo Major Tom », « Je suis fier de mon petit frère », « Tu fais rêver en France ») son père et sa mère, de délivrer leurs messages. Thomas Pesquet confie alors qu’il a du mal à y croire lui-même. Anne M. dira plus tard : « Nous avons été inquiets pendant deux jours, mais maintenant qu’ils sont dans leur maison, nous sommes rassurés. » Ainsi commence un séjour de six mois à bord de l’ISS.

    « Ils vont se mettre au travail tout de suite, configurer le Soyouz pour le mettre en sommeil pendant ces six mois, projette Jean-François Clervoy. Il va falloir également ranger le contenu du vaisseau, s’organiser. C’est très important. Les choses se perdent vite en apesanteur. Sur la station russe Mir, Jean-Loup Chrétien (premier Français à aller dans l’espace, NDLR) avait perdu son orgue électrique. On l’a retrouvé des années plus tard. Chaque objet a un code-barre recensé dans l’ordinateur et on sait normalement où le ranger. Mais quand on manipule des centaines d’objets par jour, il arrive toujours un moment où on en oublie un. Il va dériver dans la station et s’attarder quelque part. »

    Mais le rangement et le ménage ne seront sans doute pas ce dont se souviendront longtemps Thomas, Peggy et Oleg. Car, prévoit Lionel Souchet, « il y aura sans doute une petite fête d’arrivée. Les astronautes vont se réunir, manger ensemble de bonnes choses. Ce sont des moments importants dans la vie des astronautes. Puis, ils vont se coucher, se recaler à l’heure GMT », ce qui aura l’avantage, pour Thomas Pesquet, de le rapprocher temporellement de ses proches. « Le décalage horaire sera moins important qu’avec Houston (US) ou Moscou (Russie) ».

    Thomas Pesquet et ses équipiers sont maintenant pour six mois, en microgravité. « C’est une sensation très étrange, se remémore Jean françois Clervoy . On ne sent plus son poids, on en arrive même à oublier qu’on a un corps… ». Dans cette nuit sans sommeil, mais riches d’émotions, nous avons nous aussi oublié notre corps. Et finalement, les heures furent courtes, si pleines…



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