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Afrique centrale : le raz-de-marée des entreprises du ciment

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  • Afrique centrale : le raz-de-marée des entreprises du ciment

    Il était temps. En une dizaine d'années, le nombre de cimenteries est passé de 10 à 23 en Afrique centrale (Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale et RD Congo), grâce aux nombreux investissements réalisés dans le secteur. La raison de cet engouement ? Le déséquilibre abyssal entre la demande, qui progresse entre 5 à 12 % par an, et la faible production locale de ciment, alors que les chantiers immobiliers (logements et édifices publics) et d'infrastructures de base (routes, ponts, ports, aéroports, barrages et centrales électriques, usines de traitement d'eau, etc.) se sont multipliés. Par manque de cimenteries, les États d'Afrique centrale ont donc été contraints d'importer des quantités massives de ciment. Un coup dur pour leur balance commerciale. De ce fait, flairant le bon filon, des cimentiers ont investi dans la filière. Le montant des investissements dans les cimenteries réalisés ou en cours de réalisation depuis dix ans s'élèverait à plus d'un milliard de dollars. Pour l'heure, une grande part de la demande est toujours satisfaite par les importations, la plupart des nouvelles cimenteries étant en cours de construction ou tout juste mises en service. En outre, la production effective est souvent loin de correspondre aux capacités des cimenteries.

    La montée en puissance des groupes africains
    De cette nouvelle donne, plusieurs points sont à relever. Premièrement, deux pays remportent la palme en termes de nouvelles réalisations : le Cameroun et le Congo, dont le nombre de cimenteries est passé respectivement de 2 et 1 à 7 et 5. En revanche, la Centrafrique est de loin à la traîne. Deuxièmement, la capacité de production annuelle des nouvelles cimenteries varie de 500 000 à 1,5 million de tonnes, soit bien au-delà de celle des structures autrefois installées, qui dépassait rarement 300 000 tonnes. Troisième constat, la montée en puissance de groupes africains dans la filière. En tête, deux poids lourds du continent : le nigérian Dangote et le groupe marocain Addoha, via sa filiale Ciments d'Afrique (CIMAF) créée en 2011. La Cimaf a implanté des unités dans la plupart des pays de la sous-région (Congo, Cameroun, Gabon et Tchad) et Dangote a investi dans 3 cimenteries (Cameroun, Congo), qui figurent parmi les plus grandes de la région. Les Sud-Africains, pour leur part, lorgnent sur la RD Congo. Le groupe Pretoria Portland Cement (PPC) y est déjà présent. C'est dans la province du Kongo central qu'il a implanté une cimenterie en partenariat avec le congolais Barnet group. Des Sud-Africains pourraient également participer à la relance de la Cimenkat, dans la province du Haut-Katanga.

    Les acteurs internationaux mis en compétition
    Mais la filière attire aussi des investisseurs turc (Eren Holdings au Cameroun) et indo-pakistanais (Wacem au Congo et Lucky Cement en RDCongo). Le groupe suisse HeildebergCement, pour sa part, a repris les participations du groupe Malta Forrest dans la Cimenterie de Lukala (Cilu) et dans Interlacs en RD Congo. L'implantation de ces nouveaux cimentiers bouscule les positions acquises. Ainsi le groupe franco-suisse Lafarge-Holcim, longtemps leader et unique opérateur sur le marché camerounais, et les investisseurs chinois (Sonocc et Forpasck) au Congo doivent désormais composer avec leurs concurrents.

    Nombre de pays d'Afrique centrale, RD Congo comprise, sont des États pétroliers ou miniers. La chute des cours mondiaux de l'or noir ainsi que des minerais et métaux a entraîné une contraction des recettes budgétaires. Et donc des dépenses d'investissement public. Quelles conséquences pour le marché du ciment ? « Nos investissements s'inscrivent sur le long terme. Nos prévisions incluent les aléas du marché. Mais de toute façon, la tendance baissière des prix des matières premières ne peut pas excéder dix ans », insiste un responsable de Dangote Cement.

    Un marché encore en déséquilibre
    Ainsi, malgré une conjoncture difficile, le marché reste très porteur, les besoins en infrastructures et en logements de la région étant importants. En effet, excepté le Congo et le Cameroun, voire le Tchad et le Gabon, qui peuvent arriver à l'équilibre entre l'offre et la demande, la situation est très ouverte ailleurs.

    Outre leur marché local, le Congo et le Cameroun, qui seront à court et moyen terme excédentaires en ciment, visent les marchés extérieurs de la sous-région, où l'offre locale en ciment est et restera encore longtemps déficitaire. Les pays les plus convoités sont la Centrafrique, Cabinda (Angola) et surtout la géante RD Congo. Les besoins en ciment de la RD Congo ont été évalués à 10 millions de tonnes par an, dont 2,5 à 3 millions de tonnes pour la partie ouest du pays, selon une étude réalisée en 2010 par Euro Consultants, à la demande du Comité de pilotage des réformes des entreprises publiques. Un montant à revoir à la hausse, si l'on inclut, entre autres, la construction de la mégacentrale hydroélectrique Inga III dans le Kongo central.

    Une bataille des prix se joue en coulisses
    En cas d'éventuelle surproduction sur le marché sous-régional, il n'y aura pas d'autres solutions que de s'adapter et de réduire les coûts de production. Pour gagner cette bataille des prix, plusieurs facteurs seront déterminants. À commencer par la disponibilité de la matière première, du calcaire notamment. Sur ce plan, le Congo (vallée du Niari), la RD Congo (Kongo Central), le Cameroun (région du Sud) et le Tchad ont de grands atouts, car les gisements et les réserves de calcaire y sont abondants. L'autre facteur qui peut faire la différence est l'offre en électricité. Et son coût. Au Congo, l'usine de Dangote dans le district de Yamba (Bouenza) est reliée à la centrale hydro-électrique de Moukoukoulou. En revanche, les cimentiers de la RD Congo sont peu favorisés. D'ailleurs, c'est le déficit en électricité, conjugué aux importations frauduleuses, qui est l'une des raisons de l'arrêt de cimenteries. Ainsi la mise en service de la Cimenterie Kongo (CIMKO), un partenariat entre le groupe Rawji et le pakistanais Lucky Cement, est conditionnée à l'installation d'une ligne de transport électrique de la Société nationale d'électricité. Le coût et les modalités de transport sont d'autres conditions. Dans les pays dont le réseau routier a été densifié et modernisé, les prix du transport ont été abaissés et les liaisons sont plus rapides. Là encore, la RD Congo est pénalisée. De même que la Centrafrique, enclavée et très dépendante des importations, ou le Tchad, lui aussi isolé. D'autres facteurs sont déterminants, comme la bonne gouvernance et la paix.

    Quels avantages apportera l'offre à venir pour le consommateur final, en particulier les ménages ? Dans un premier temps, l'accroissement de l'offre permettra de combler les besoins les plus essentiels. Puis, « avec la hausse de la production et de la concurrence, les prix baisseront, ce qui suscitera une hausse de la demande de la classe moyenne qui pourra ainsi investir dans la construction d'une maison », explique une collaboratrice de la Sonocc au Congo. Une vision un peu optimiste, car la question du financement de l'habitat reste entière dans ce pays. Mais les États, eux, verront d'un bon œil cette baisse des prix.


    Le Point fr
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