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La mort de Fidel Castro, une chance pour la démocratie à Cuba?

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  • La mort de Fidel Castro, une chance pour la démocratie à Cuba?

    La révolution cubaine n’est qu’une version tropicale du "sovietisme", plus anti-impérialiste, plus prétendument internationaliste mais tout aussi dictatoriale et répressive.

    Bien avant sa mort, survenu après huit ans de retrait de la vie politique, Fidel Castro faisait déjà figure de la statue du Commandeur. Il n'aura pas besoin de mausolée pour rester le gardien de l'orthodoxie castriste. Autocrate rusé, il faisait ouvertement fi du culte de la personnalité pour mieux l'ancrer dans l'imaginaire national et international. Tous les nostalgiques du bolchevisme n'ont semble-t-il rien appris de l'histoire soviétique. Car la révolution cubaine n'en est qu'une version tropicale plus anti-impérialiste, plus prétendument internationaliste, plus flamboyante peut-être, mais tout aussi dictatoriale et répressive.

    Certes, la révolution cubaine s'est instaurée dans une lutte contre la dictature de Batista, soutenu par les Etats-Unis, et a toujours joué sur cette tonalité nationaliste, plus ou moins selon les époques. Mais dès la chute du dictateur en janvier 1959, la faction armée castriste élimina les autres composantes civiles et démocratiques de l'opposition qui avaient contribué à la lutte, en premier lieu Manuel Urrutia, à peine nommé président de la jeune révolution. Les frères Castro, secondés avec une ardeur meurtrière particulière par Che Guevara, liquidèrent également rapidement leurs propres compagnons d'armes comme Huber Matos (comandante de la Sierra qui purgera 20 années de prison), Carlos Franqui (cadre du parti de Fidel Castro, le Mouvement du 26 juillet) démis de ses fonctions et contraint à l'exil, ou encore Camilo Cienfuegos que le régime castriste érigera en héros national à la suite de son "accident en mer" dont les causes ne seront jamais connues.

    Et le revirement spectaculaire de la reprise des relations entre leurs deux pays, annoncé en décembre 2014 dans un double show télévisé par Barack Obama et Raul Castro n'a rien changé à la nature du régime castriste. Les délégations nord-américaines se sont succédées à Cuba mais la répression sous la force désormais du harcèlement constant et des emprisonnements de courte durée à répétition des opposant et dissidents se poursuit. Ainsi, deux semaines seulement après l'annonce de la future normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba, la police politique cubaine a arrêté ou assigné à résidence plusieurs personnalités du monde culturel pour empêcher une manifestation évidemment non autorisée. Si l'ouverture du dialogue a débuté par quelques libérations symboliques de part et d'autre, la question des droits de l'Homme ne sera jusqu'à ce jour jamais réellement abordée entre les deux interlocuteurs.

    Insistant sur la question de l'embargo économique, Barack Obama avait analysé comme un échec la politique américaine au cours des cinquante dernières années. Alors que la rupture avec Cuba et l'embargo imposé depuis 1962 à l'île visait à faire pression en faveur d'une ouverture politique et économique, le président nord-américain a observé que cette stratégie avait été contre-productive, contribuant à la poursuite de la politique et de l'économie autoritaires à Cuba. Certes, l'embargo a soutenu l'argumentation castriste selon laquelle les difficultés de l'économie cubaine venaient de cette attaque permanente des Etats-Unis et non pas de l'inefficience d'une économie étatisée à la soviétique et de l'incurie des dirigeants cubains. Toutefois, il est tout à fait incertain que la levée de l'embargo (si tant est que la mesure soit poursuivie par l'Administration Trump) permette un redressement spectaculaire de l'économie cubaine et moins encore une libéralisation politique du régime autoritaire communiste.

    Le démantèlement du bloc de l'est à partir de 1989 et la chute de l'Union soviétique en 1991 avait eu des conséquences d'une extrême gravité pour Cuba. En quelques mois, Cuba a perdu la majeure partie de ses partenaires commerciaux et l'ensemble de son système de production a été remis en question. Pourtant, la liquidation de la tentative d'ouverture gorbatchévienne par le général Arnaldo Ochoa et le colonel de la Guardia lors d'un procès dans le plus pur style stalinien, a mis fin pour un temps à tout espoir de démocratisation du régime. Et à partir des années 2000, ce n'est pas le soutien du Venezuela autoritaire de Chavez qui contribua évidemment à un quelconque assouplissement du régime.

    Aujourd'hui encore, la quasi symbiose entre les Etats cubain et vénézuélien (les Cubains dominant au Venezuela, les forces armées, les services de l'état civil, des transports notamment des aéroports, des missions sociales) maintient une lourde hypothèque sur les perspectives de transition à la démocratie dans chacune des dictatures des deux pays. Pourtant, en Amérique latine, malgré une longue histoire marquée par un sentiment anti-impérialiste fort, les désastres économiques et humains et la répression politique des deux régimes castriste et chaviste, sont de mieux en mieux analysés et de plus en plus mal tolérés. On peut espérer que le moment d'émotion passé à l'annonce de la disparition physique de celui qui aimait dire de lui "je suis la révolution", le mythe de la révolution s'étiolera durablement. Alors peut-être, les oppositions aux deux régimes dictatoriaux et leurs dissensions internes, permettront-elles de mettre en œuvre pacifiquement une véritable démocratisation.

    Renée Fregosi est philosophe et directrice de recherche en Science politique à l'Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Dernier ouvrage paru : Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates. Ed. du Moment 2016

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