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Une série radio raconte les années Boumédiène et l’Algérie d’aujourd’hui

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  • Une série radio raconte les années Boumédiène et l’Algérie d’aujourd’hui

    Documentariste et scénariste, Adila Bennedjaï Zou a sillonné son pays natal pour enquêter sur la mort de son père et a plongé dans l’Histoire.

    Par Zahra Chenaoui (contributrice Le Monde Afrique, Alger)

    LE MONDE Le 28.11.2016 à 17h19

    Houari Boumédiène à Alger en 1975.
    Elle a la voix grave des fumeurs, qui craque de temps en temps. Dans cette voix, on entend un sourire, de la poésie et beaucoup d’humour. Il en fallait pour venir enquêter dans l’Algérie de 2016 sur la mort de son père, assassiné quarante et un ans plus tôt. Dans Mes années Boum, une enquête algérienne, une série radiophonique de l’émission « Les Pieds sur terre » sur France Culture diffusée en novembre, Adila Bennedjaï Zou raconte comment elle a traversé l’Algérie, de Batna à Oran, pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé ce mois de décembre 1975, peu avant que son père ne soit retrouvé mort dans son logement de fonction. Houari Boumédiène est alors président. Ce sont les « années Boum », comme on dit là-bas. L’ancien chef d’état-major est au pouvoir depuis dix ans, après avoir renversé en 1965 le président Ben Bella.

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    Réalisatrice de documentaires historiques, auteure, mais aussi scénariste de fictions pour la télévision française, cette Parisienne de 43 ans, née à Mostaganem (nord-ouest de l’Algérie), a repris le chemin de son pays d’origine de mai à juillet. « J’avais cette idée depuis des années, mais le fait que mon histoire intime puisse rencontrer l’histoire collective m’a convaincue de le faire », explique-t-elle.

    « Comme une étrange étrangère »

    Au départ, il y a un mal-être, qui conduit la jeune femme chez une psychanalyste. Fin 1975, la petite Adila n’a que 2 ans lorsque son père, âgé de 27 ans, officier, est affecté loin des siens à la gestion d’une exploitation agricole à Bousfer, près d’Oran. Pour donner du sens à cette absence, dont elle ne comprend pas bien la raison, la petite fille ne cesse de répéter : « Papa est mort. » Le 12 décembre 1975, les paroles enfantines deviennent réalité : le père d’Adila est retrouvé étranglé chez lui. Quatre décennies plus tard, la réalisatrice en a marre « de vivre dans ce mythe du “Tu savais au fond de toi que ton père était mort” ».

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    La jeune femme a étudié le droit, les lettres modernes et a obtenu un DESS d’audiovisuel. Elle se dit « ni flic, ni juge d’instruction, même pas journaliste d’investigation », mais prend l’avion pour Alger et part à la rencontre des proches de son père, écoutant avec patience leurs souvenirs et témoignages. Les raisons de se décourager ne manquent pas : « Vous ne gagnerez jamais face à l’armée », la prévient un membre de la Ligue des droits de l’homme, pour qui des militaires sont impliqués dans le meurtre, tandis qu’une de ses tantes, Lella, lui lance froidement : « C’est ta mère qui a assassiné ton père. » D’autres évoquent un suicide. Adila Bennedjaï Zou, tenace, poursuit son investigation. A son oncle, fataliste, qui répète « Dieu seul le sait », elle rétorque : « Dieu seul le sait. Dieu, et l’assassin ! » Au long de ces mois d’enquête, la réalisatrice ne trouvera pas de certitude sur les circonstances de la mort de son père, mais elle découvre son pays d’origine, longtemps boudé.

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    La réalisatrice n’aimait pas vraiment l’Algérie. Sa mère, Atika, était partie s’installer en France deux ans après la mort de son mari. « L’Algérie a été effacée de nos vies à ce moment-là », se souvient-elle. A 12 ans, interviewée à la radio dans une émission pour enfants, elle lâche que la vie chez ses grands-parents, à Batna, « ça n’a aucun piment ». « C’est un pays où je me sens comme une étrange étrangère », dit-elle, en tentant d’expliquer ce sentiment confus pour toute personne qui a grandi en France, mais dont les parents ont quitté l’Algérie, d’être considérée comme algérien (ne) alors que c’est un monde si lointain. Là-bas, elle peste de ne pas pouvoir fumer comme elle veut. Elle découvre aussi l’impossible solitude de l’invité « accompagné partout où il va » par un oncle, un cousin, un membre de la famille.

    Les années 1970, trou noir des mémoires collectives

    Malgré l’objectif intime de son voyage, sa curiosité de documentariste reprend le dessus. Au fil des témoignages, elle donne à entendre la révolution agraire, le poids des mariages arrangés, l’avance technologique de l’Algérie de 1975 qui fait un essai d’e-learning dans les universités, les conséquences des années de terrorisme sur les comportements publics et le désespoir des familles des personnes disparues pendant ces années-là. « Ce qui m’intéresse, au fond, c’est de raconter d’autres vies que la mienne », admet-elle.

    L’histoire de l’Algérie ressurgit aussi : « Lorsque j’ai commencé à travailler sur le sujet, je me suis rendu compte qu’il y avait un trou noir à propos des années 1970. Il existe des travaux sur la guerre d’indépendance et sur les années 1990. Entre les deux, rien. Or je pense que le lien entre l’indépendance et le terrorisme est là, dans cette période dont personne ne parle. »

    Son travail lui fait aussi découvrir l’Algérie d’aujourd’hui. Elle peut alors se réapproprier le pays, s’y créer sa propre histoire, différente de celle de sa mère. Et conclut ainsi sa série ainsi : « J’ai envie de revenir. »

    Mes années Boum, une enquête algérienne, une série radiophonique en sept épisodes de l’émission « Les pieds sur terre » sur France Culture, disponible gratuitement en podcast en cliquant ici.

    https://www.franceculture.fr/histoir...ete-algerienne



    Zahra Chenaoui
    contributrice Le Monde Afrique, Alger
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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