Deux générations de Marocains n'ont connu que lui, un demi-dieu,
maître du temps dynastique. Pendant 38 ans, son règne a été celui de l'arbitraire et du secret, à l'abri des murailles ceignant ses palais. Dans son pays, il n'y a pas de citoyens, seulement des «sujets» sur lesquels il avait droit de vie et de mort.
Personne ne pouvait crier «Vive la République» sans risquer la prison pour avoir porté atteinte aux «institutions sacrées»: l'Islam, le Roi et la Patrie. Le multipartisme, les constitutions successives et même, il y a 17 mois, «l'alternance» au gouvernement, n'ont été octroyés que de plus ou moins bonne grâce. Car Hassan II a été le dernier monarque régnant de droit divin, absolu. Il a pu l'être pour des raisons historiques, mais aussi parce qu'il a su composer avec un siècle épris de laïcité et de démocratie. Il est mort après avoir vu défiler sa garde sur les pavés de la Liberté, de la Fraternité et de l'Egalité.
(...).
Venus du désert. Pendant cette décennie, la monarchie chérifienne a été réellement mise en équation, d'autant qu'elle était, en partie, une tradition réinventée. Non pas qu'il y ait à douter de la glorieuse dynastie des Alaouites, sortie du désert comme d'autres familles régnantes avant elles.
Mais le makhzen, le pouvoir traditionnel du sultan qui était à ce point patrimonial que la langue française lui doit le mot «magasin», n'avait que de lointains rapports avec la monarchie marocaine actuelle. Celle-ci doit à la France, puissance tutélaire, et surtout au résident général Lyautey, qui a préservé, sinon ranimé les structures féodales pour établir une administration indirecte, son double caractère, à la fois traditionnel et moderne. Après que le protectorat français eut «pacifié» et unifié le Maroc comme il ne l'avait jamais été auparavant, la monarchie est devenue l'icône de la résistance anticoloniale en même temps que l'ancienne forme politique capable de véhiculer de nouveaux contenus et, surtout, de se servir des moyens efficaces de l'Etat centralisateur.
«Le couteau sous la gorge est le même, seul le manche a changé.» C'est en ces termes que nombre de Marocains ont déchanté au lendemain de l'Indépendance. Le palais royal travaillait alors à sa restauration, l'Istiqlal se voyait bien en parti unique et l'armée de libération comptait poursuivre la lutte pour «l'indépendance totale du Maghreb». De tous les côtés, tous les moyens étaient bons. Si le trône est finalement sorti vainqueur de cette épreuve de force, il le doit en grande partie à Hassan II. Encore que c'est son père qui, à la place de la Constituante promise, lui a demandé de mettre sur pied les Forces armées royales (FAR), avec l'aide d'un certain Oufkir, que Mohamed V a nommé, peu avant sa mort, directeur de la Sûreté nationale. Après le décès inattendu du «père de l'Indépendance», le couple liquide l'opposition: dans le Rif, dans les rues de Casablanca et, aussi, dans le prétoire où, par centaines, les pourfendeurs du régime écopent de siècles de réclusion.
Mehdi Ben Barka n'est que la touche finale.
Source: liberation.fr
maître du temps dynastique. Pendant 38 ans, son règne a été celui de l'arbitraire et du secret, à l'abri des murailles ceignant ses palais. Dans son pays, il n'y a pas de citoyens, seulement des «sujets» sur lesquels il avait droit de vie et de mort.
Personne ne pouvait crier «Vive la République» sans risquer la prison pour avoir porté atteinte aux «institutions sacrées»: l'Islam, le Roi et la Patrie. Le multipartisme, les constitutions successives et même, il y a 17 mois, «l'alternance» au gouvernement, n'ont été octroyés que de plus ou moins bonne grâce. Car Hassan II a été le dernier monarque régnant de droit divin, absolu. Il a pu l'être pour des raisons historiques, mais aussi parce qu'il a su composer avec un siècle épris de laïcité et de démocratie. Il est mort après avoir vu défiler sa garde sur les pavés de la Liberté, de la Fraternité et de l'Egalité.
(...).
Venus du désert. Pendant cette décennie, la monarchie chérifienne a été réellement mise en équation, d'autant qu'elle était, en partie, une tradition réinventée. Non pas qu'il y ait à douter de la glorieuse dynastie des Alaouites, sortie du désert comme d'autres familles régnantes avant elles.
Mais le makhzen, le pouvoir traditionnel du sultan qui était à ce point patrimonial que la langue française lui doit le mot «magasin», n'avait que de lointains rapports avec la monarchie marocaine actuelle. Celle-ci doit à la France, puissance tutélaire, et surtout au résident général Lyautey, qui a préservé, sinon ranimé les structures féodales pour établir une administration indirecte, son double caractère, à la fois traditionnel et moderne. Après que le protectorat français eut «pacifié» et unifié le Maroc comme il ne l'avait jamais été auparavant, la monarchie est devenue l'icône de la résistance anticoloniale en même temps que l'ancienne forme politique capable de véhiculer de nouveaux contenus et, surtout, de se servir des moyens efficaces de l'Etat centralisateur.
«Le couteau sous la gorge est le même, seul le manche a changé.» C'est en ces termes que nombre de Marocains ont déchanté au lendemain de l'Indépendance. Le palais royal travaillait alors à sa restauration, l'Istiqlal se voyait bien en parti unique et l'armée de libération comptait poursuivre la lutte pour «l'indépendance totale du Maghreb». De tous les côtés, tous les moyens étaient bons. Si le trône est finalement sorti vainqueur de cette épreuve de force, il le doit en grande partie à Hassan II. Encore que c'est son père qui, à la place de la Constituante promise, lui a demandé de mettre sur pied les Forces armées royales (FAR), avec l'aide d'un certain Oufkir, que Mohamed V a nommé, peu avant sa mort, directeur de la Sûreté nationale. Après le décès inattendu du «père de l'Indépendance», le couple liquide l'opposition: dans le Rif, dans les rues de Casablanca et, aussi, dans le prétoire où, par centaines, les pourfendeurs du régime écopent de siècles de réclusion.
Mehdi Ben Barka n'est que la touche finale.
Source: liberation.fr
Commentaire