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2016, année de la grande rupture – Mikhail Khazine

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  • 2016, année de la grande rupture – Mikhail Khazine

    Publié le 3 octobre 2016 par Ju²
    Une conférence de l’économiste Russe (« école soviétique ») Mikhail Khazine, le 18 juin 2015 en Transdniestrie, intitulée : « 2016, année de la grande rupture ».
    Cette conférence-cours se révèle passionnante, et pas seulement par ce qu’elle nous apporte une approche différente de nos écoles de pensée économique occidentales.

    Vous en trouverez ci-dessous une transcription partielle (jusque 1h30) reconstituée à partir des sous-titres. Je remercie les auteurs de la chaine du média Youtube Azimuth pour avoir mis cette conférence à la portée des non-russophones (dont je suis).



    Vidéo sur Youtube


    Concepts-clefs abordés autour de la crise globale d’effondrement du capitalisme :

    Baisse tendancielle du taux de profit, cavalerie de l’endettement comme moteur de la « soutenabilité », effondrement monétaire, reconfiguration.
    Sous-jacents de la géopolitique occidentale et américaine (dialectique des marchés et zones d’influence, mise en lumière des conflits locaux triangulés dont Ukraine)
    Quelle analyse prospective faire en champ large (sans rester cloîtré dans l’idéologie des sciences économiques modernes dont l’objectif est de dénier l’inévitable effondrement structurel du modèle capitaliste en bout de course – les taux ont touché le zéro).
    La retranscription jusque 1h30 plus la question du public sur la troisième guerre mondiale, dont la réponse m’a surpris, est accessible ici en PDF et reproduite ci-dessous. Merci encore au(x) traducteur(s).



    Date : 18 juin 2015
    Lieu : Transdniestrie
    Synopsis : L’année 2016 riche d’événements (Élections présidentielles aux États-Unis, BREXIT, élections parlementaires en Russie, tensions sino-américaines, vague terroriste…) pourrait être le prélude à la Grande Rupture civilisationnelle qui vient, la Grande Translation, le grand changement de paradigme, dans un environnement économique en panne de croissance, nous sentons tous le grand crash arriver.
    Le publiciste Mikhail Khazine à la fois physicien, mathématicien, statisticien et économiste ainsi qu’ancien vice-ministre du gouvernement russe et auteur nous livre dans le cadre d’une conférence passionnante dans la région de Transdniestrie son analyse des tempêtes et opportunités des temps qui s’annoncent.

    Transcription : partielle (jusque 1h30 plus question sur la 3e guerre mondiale) issue des sous-titres de la vidéo suivante, sous-titrage réalisé par « Azimuth » de la chaine Youtube éponyme, un grand merci lui en soit rendu (n’hésitez pas à aller commenter en ce sens) :
    Vidéo sur Youtube : https://youtu.be/58vUI28fhM8
    Azimuth sur Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCCg...KyTIntalg/feed
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    [DEBUT DE LA CONFERENCE]

    00:00:20 [Organisateur]

    Mikhail Léonidovitch Khazine, économiste russe, statisticien, publiciste, journaliste, contributeur médiatique TV et radio. L’un des principaux animateurs du programme « Dialog » sur RBK et « Économie à la russe » sur RSN.
    Auteur de nombreux articles dans les revues « Profil », « Expert » et « Odnako », membre permanent du « Club d’Izborg » et du Conseil Eurasien International et Président du conseil d’études économiques.
    Est invité sur scène le Président du Conseil d’études économiques, conseiller gouvernemental économique en exercice Mikhail Léonidovitch Khazine

    [Mikhail Léonidovitch Khazine]

    00:00:47
    Bonjour, il est sans aucun doute nécessaire d’en dire un peu plus sur moi-même, pour savoir d’où je parle.
    J’ai fait mes études à la Faculté Mécanicomathématique de l’Université de Moscou, complétées en 1984, je me suis spécialisé en Théorie de le Probabilité et ai travaillé en Statistique Mathématique
    Et quand a commencé la crise en URSS en 1989, j’ai commencé à travailler dans le domaine des Statistique à l’Institut d’Études Économiques du GosKomStat (Office national des statistiques de l’URSS) où j’ai travaillé jusqu’en 1993, en 1992 j’ai aussi eu l’occasion de travailler dans une banque commerciale, cette dernière expérience étant peu intéressante en réalité, vu le contexte de ce temps-là.
    Et à partir de 1993, je travaillai comme haut fonctionnaire d’état, dès 1994 au Ministère de l’Économie.
    En 1997-98 dans l’Administration Présidentielle en tant que responsable de la Direction Économique du Président de la Russie.
    À l’été 1998 avant la grande crise du défaut de la dette russe, suite à un sévère désaccord avec l’équipe du ministre Choubais, j’ai quitté mes fonctions. Et dès lors, exercait en tant que consultant et parallèlement menait des recherches sur ce qui a causé notre crise russe de 1998. Et ces recherches m’ont amené moi, ainsi que mes associés au développement d’une théorie qui décrit la crise actuelle.

    J’expliquerai plus loin pourquoi nous pensons que notre théorie est bien meilleure que celle qui est en vogue en Occident aujourd’hui.

    D’abord venons-en au commencement logique, c’est-à-dire expliquons comment est construite l’économie contemporaine.
    Autrement il serait impossible d’expliquer ce qui est en train de se passer aujourd’hui là sous nos yeux.

    Encore quelque chose d’important, l’on me pose de nombreuses questions concernant le cas concret de votre région: la Transdniestrie.
    Des questions souvent purement technique: faut-il dévaluer votre monnaie ou non, comment organiser les dépenses sociales etc.
    Mais aujourd’hui le problème est qu’il n’existe pas de réponse unique à ces problèmes.
    Pour une raison fort simple: le modèle économique est en train de changer sous nos yeux, et ce à l’échelle planétaire.
    Si nous regardons le cas de la Russie, à partir de 1992 la Russie s’inscrivait dans une architecturpe économique bien précise.
    Dans les années 90 absolument sans succès, à partir des années 2000 avec bien plus de succès.
    Ce modèle avait pour pierre angulaire l’afflux d’investissements étrangers.
    Après le succès des années 2000, nous voyons aujourd’hui à nouveau un ralentissement.
    Et il est clair aujourd’hui que suite au changements majeurs des conditions extérieures à la Russie, et non internes.

    Ce modèle ne peut plus continuer à fonctionner.

    Les gens qui ont misé sur ce modèle de développement pour le moment refusent de l’admettre nous le voyons.
    Mais quoi qu’il en soit parler de la pertinence d’une telle ou autre mesure prise séparément n’a de sens aujourd’hui que dans le cadre d’un nouveau modèle.
    Quels seraient les objectifs? Ceux-ci peuvent être différents: la protection sociale de la population, la croissance économique, l’innovation…
    Quand vous vous fixez un tel objectif, vous développez un modèle sous-jacent et seulement à ce moment il est possible de juger de la pertinence ou non d’une telle ou autre mesure.

    Pour la Russie, faut il continuer à dévaluer le rouble ou le renforcer? Que faire avec les impôts? Les augmenter ou les diminuer?
    Malheureusement, sur ces questions systémiques, le développement d’une planification stratégique n’existe pas.
    Et pas uniquement chez nous, mais c’est le cas dans le monde entier.

    Regardez, par exemple sur vos voisins d’Ukraine ; en 1991, ce pays avait tout le potentiel pour être l’un des pays les plus riches d’Europe continentale. Le climat est favorable toute l’année, la population était hautement éduquée, l’industrie hautement développée. Une situation idéale. Même en ce qui concerne l’approvisionnement pétrogazier tout était parfait vu que les énergies transitaient par son territoire. Et aujourd’hui qu’en est-il? La catastrophe actuelle est un exemple classique des conséquences de l’absence de planification stratégique. On peut aussi parler de la qualité des élites sur place, leur problème n’était pas la corruption, elle existe dans chaque système. Tout le monde le sait. Leur grande faute était l’absence d’un système de planification et de compréhension des tendances lourdes. À part piller le pays, ils ne faisaient rien d’autre et ne gouvernaient pas, ils n’avaient pas de projet, pas de plan et naviguaient à vue. Ce problème, est un problème qui est aujourd’hui actuel pour tout les pays de la planète.

    Un autre exemple est la crise migratoire en Europe de l’Ouest, il est évident qu’elle a été organisée à des fins purement tactiques. J’ai quelques idées à ce sujet. Mais le résultat de ce bricolage purement local a été de déclencher une crise systémique d’ampleur stratégique aux conséquences potentiellement cataclysmiques. Ceci devrait être évident, du moins l’était pour moi. Mais l’expliquer aux gens là-bas est presque impossible ; ils répondent : « Nos dirigeants ont tout sous contrôle, ils ont tout prévu ». Et bien nous voyons que non, ils n’ont rien vu venir et n’ont rien prévu. Pour cette raison, je ne puis répondre à ces questions de tactique et technique économique que l’on me pose sans cesse. Élever le cours de la monnaie ou le baisser, élever les impôts ou les diminuer. Il n’y a pas de réponse à ces questions sans une claire compréhension et formulation stratégique.

    Théoriquement, une telle stratégie pourrait être développée, mais là nous ferons alors face à un autre problème. Un problème qui pend comme une Épée de Damoclès au-dessus de nous tous. C’est de ce problème en particulier que je souhaite vous parler aujourd’hui.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Je vois qu’il y’a pas mal d’étudiants, étudiants levez la main. Vous êtes nombreux je vois, c’est très bien. Alors, je mettrai ma casquette de pédagogue aujourd’hui. C’est vraiment excellent, car souvent quand je donne cours, l’assistance est composée d’intellectuels d’un âge disons mûr.
      [Rires dans l’auditoire]
      Et moi de demander: « Où est la jeunesse ? » L’on me répond « Vous savez Mikhail Léonidovitch le cours n’est pas gratuit. » Pourquoi ne pas leur faire une belle réduction? Ou leur proposer les places restées vides à un prix symbolique?

      Pour revenir à la grande question dont je souhaite vous parler aujourd’hui : ce problème est en réalité assez simple à comprendre, mais impossible à formuler dans le paradigme actuel. Le modèle économique global actuel est apparu il y’a pas si longtemps en réalité. Ses racines remontent au XVIème siècle. Et la cause première de son déploiement est ce que l’on appelle aujourd’hui le Petit âge Glaciaire du XVIème Siècle du minimum local de température qui a duré autour d’un siècle et demi. C’était un temps ou pour la première fois de mémoire d’homme, gelait la mer autour de Venise, ce n’est pas le cas aujourd’hui, ni avant. En Russie c’est l’époque des Grands Troubles « Velikaya Smuta ». Plus près de la fin du XVIème siècle. L’oeuvre Boris Godunov qui décrit cette époque se déroule entre 1598 et 1605 mais la genèse de ce modèle remonte au début du XVIème siècle
      Et pour le Nord de l’Europe c’était une question de vie ou de mort, tout le système agricole, vital dans une société agraire était basé sur le principe que sur 10 ans :
      – 4 années sont avec de belles récoltes et permettent de constituer des stocks ;
      – 4 années sont juste ordinaires, mais sans stocks ;
      – 2 années sont mauvaises où il faut puiser dans les stocks pour vivre.
      Et d’un seul coup tout cela change, sur 10 années seules 2 années sont riches, 3 sont moyennes et 5 franchement médiocres. Et personne ne compte mourir de faim comme ça. Toute la population s’est trouvée face à ce défi ; que faire ? Il faut résoudre deux problèmes:
      – Le premier : c’est où trouver l’argent ici et maintenant pour acheter de quoi se nourrir dans le Sud ;
      – Le deuxième : comment rapidement adapter le mécanisme productif de ce temps pour qu’on puisse échanger son produit contre ces denrées (ces denrées venant à ce moment du Sud encore une fois).

      En 1517, Martin Luther, et à son sujet je vais vous poser une question que je pose souvent en Russie : qui ne sait pas qui est Martin Luther ? Y’a-t-il quelqu’un ici dans ce cas ? Je vois il y’en quand même. Parfois en province en Russie il arrive parfois que 100% des étudiants ne savent pas qui est Martin Luther. Certains le confondent avec Martin Luther King, ce qui est bien drôle. Je vois vous avez encore conservé le système éducatif classique. Pour ceux qui ne savent pas, je rappelle: Martin Luther, c’est le fondateur de la Réforme Protestante. C’est un homme qui est rentré dans l’Histoire au même niveau que Jésus Christ, le Prophète Mohammed et Bouddha, juste qu’il vivait il y’a moins longtemps : à la fin du XVème, début du XVIème siècle. Il expose ses thèses en 1517 aux portes des églises, on l’apprenait en 6ème année à l’école soviétique. On apprenait même le nom de la ville allemande où il l’a fait, je ne serai pas en mesure de m’en rappeler aujourd’hui. L’année je m’en souviens, mais pas le nom de la ville.
      Le sens profond de ses thèses est le suivant : nous croyons en Dieu, mais nous n’avons pas besoin d’intermédiaire entre nous et Dieu.
      Et maintenant, la cause profonde, la seule source de grande richesse au nord de l’Europe de ce temps, étaient les monastères catholiques ; seulement eux étaient riches, les féodaux eux n’avaient rien, ce qu’ils levaient en terme d’impôts sur leurs sujets ils le dilapidaient assez vite. Les monastères, eux, étaient dans une dynamique d’accumulation. Etait venu le moment de leur faire les poches pour trouver de quoi se nourrir. En Angleterre à ce même moment, régnait le roi Henri VIII qui a eu 6 épouses. Tour à tour, une catholique-une protestante. Une catholique-une protestante. Une catholique-une protestante ; et quand il avait une épouse protestante, il pillait les monastères catholiques. Aujourd’hui en Angleterre sont très populaires les visites de ruines d’anciens monastères catholiques. Le but premier de toute la manoeuvre était de confisquer leur avoirs et le deuxième but était de générer un nouveau modèle productif qui pourrait garantir un surplus continu de produits à échanger pour de la nourriture.
      Auparavant en Europe, régnait l’ordre des corporations où tout était régulé: le choix des produits, le nombre d’artisans, les outils employés. Pourquoi ? Car ils devaient produire exactement la quantité nécessaire à cette société en particulier et surtout pas plus : dans le cas contraire cela détruirait les bases mêmes du féodalisme. Et donc vers la troisième décennie du XVIème siècle, pour la première fois dans l’Europe Chrétienne, est apparue une législation bancaire en Hollande : a été autorisé le recours à ce que nous appelons aujourd’hui la réserve fractionnaire : les banques ont été autorisées à délivrer des crédits avec les dépôts des épargnants et ce, légalement. Auparavant cela était formellement interdit, conformément à l’enseignement biblique : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivre ».
      L’activité bancaire, n’est là en réalité en tout et pour tout que depuis cinq siècles, plus exactement 480 années.

      Suite à cela a commencé le développement exponentiel de l’activité économique car il s’est révélé que l’intérêt bancaire par la monnaie de crédit stimule très fortement ce que l’on appelle aujourd’hui l’ « innovation ». Dès le début du XVIIème siècle, la compréhension du sens profond de ce nouveau modèle économique est avérée. En Italie notamment, Antonio Serra dont nous savons peu de choses, mais il a laissé une oeuvre capitale où il écrit la chose suivante: « Pour savoir laquelle de deux cités est la plus riche, comptez le nombre de métiers que maîtrisent ses habitants. Plus il y’a de métiers exercés, plus la cité est riche. »
      Aujourd’hui cela signifie que plus la division du travail est profonde dans le système productif, plus élevée est la valeur ajoutée qu’il génère. Plus élevés y sont les revenus. Vous verrez que plus un système économique intégré est volumineux, plus avancé y est le niveau technologique.

      Voici un exemple simple :
      – Si nous avons un hameau de trois familles, il n’y a pas d’artisan forgeron spécialisé car ces trois familles ne peuvent à elles seules produire suffisamment pour sa survie si lui n’exerce que l’activité de forgeron. Il sera obligé de cultiver lui-même sa nourriture de subsitance, dispersant ainsi ses efforts.
      – Par contre, si il y’a deux cents familles dans ce village, alors on y trouve très certainement un forgeron spécialisé car il aura assez de travail que pour lui permettre de subvenir à ses besoins et ceux de sa famille par sa seule activité de forgeron.
      – Si il s’agit cette fois d’une petite ville, alors on y trouve un atelier mécanique spécialisé qui peut faire à la fois le travail d’un maréchal ferrant ou d’un réparateur de vélo. Même si dans ce dernier cas, certaines des pièces de bicyclette devront être achetées à l’extérieur car le niveau de travail des métaux pour certains usages y restera insuffisant.
      – Si maintenant, c’est une grande ville, s’y trouvera alors une aciérie produisant des nuances d’acier diverses, acier dont on peut produire toutes sortes de pièces de bicyclettes (rayons, fourches et maillons de chaîne) avec cette fois la qualité requise. (En URSS dans les années 30, nous ne produisions pas les maillons de chaîne car nos usines n’avaient pas encore le niveau requis du travail de l’acier. Après évidemment, le problème a été résolu.)
      En clair, cette loi est comprise dès le XVIIème avec Antonio Serra, c’est à l’époque ou le mousquetaire D’Artagnan n’était pas encore né, et Richelieu était jeune évêque. C’était il y’a pas mal de temps déjà. Et comme disait Lomonossov (ou Lavoisier), tout ce qui est gagné quelque part, est perdu ailleurs. Pour cette raison, si nous voyons un effet positif, c-à-d l’accroissement de la profondeur de la division du travail amène à une efficacité croissante, il y aura aussi un effet négatif ; lequel ? Quel pourrait être l’effet négatif (au sens économique) du progrès technologique ? Eh bien il se trouve que les risques de chaque maillon de la chaîne pris séparément augmentent avec la complexité.

      [Exemple] Imaginons que nous aillons un produit final quelconque, produit en une série de dix opérations techniques, opérations exécutées par dix entreprises différentes, la première prépare le métal brut, le transmet à la seconde qui le travaille.Il le transmet à son tour au troisième et à la sortie nous obtenons un produit fini.
      Et imaginons que le profit sur la vente du produit soit de 100 unités. Suivant l’hypothèse dite de la « concurrence parfaite », Celle-ci affirme que ces 100 unités suivant cette chaîne productive sont réparties uniformément au bout d’un moment. On ne va pas rentrer dans les détails si cela arrive vraiment en pratique, supposons que c’est le cas. Alors chaque maillon de la chaine a un revenu de 10 unités
      Maintenant imaginons que la division du travail a augmenté et qu’il n’y ait non plus dix maillons dans la chaine mais vingt. La productivité à augmenté, on peut réduire le prix, mais le profit ne sera pas deux fois plus élevé (200), disons plutôt 140. Et donc par hypothèse de la concurrence parfaite, nous divisons 140 (profit) par 20 (maillons de la chaine) : nous obtenons sept.
      Autrement dit, par l’augmentation de la division technique du travail, le profit par entreprise de la chaine de production prise individuellement a diminué, passant dans l’exemple de dix à sept. Voilà, ce qui est appelé l’augmentation du risque.
      Et comme la « concurrence parfaite » est rarement d’application et agit lentement, il peut tout d’un coup se révéler que certains maillons ont conservé un profit de 10 unités, et d’autres accusent une perte nette de -1, et dans ce cas cette entreprise s’arrête, toute la chaîne productive est menacée d’arrêt, car la robustesse d’une chaîne est toujours déterminée par son maillon le plus faible. Si dans votre chaîne vous avez vingt maillons d’acier et un en bois, le maillon de bois et non ceux en acier conditionne toute la résistance de votre chaine.

      Le problème est que les risques comme définis précédemment ne cessent de monter. Toute l’histoire de l’économie depuis le XVIème siècle se résume à rechercher sans cesse de nouveaux moyens de réduire les risques. Il existe deux moyens fort simples de réduire les risques pour un producteur ; Voici l’approche regroupant les deux plus anciens, plus tard est apparu un troisième dont je parlerai ensuite).

      [n°1] L’élargissement du marché :
      – la conquête de nouveaux marchés ;
      – l’élargissement de ceux déjà existants : vous vous mettez à vendre votre production non plus uniquement sur votre marché intérieur, mais également à l’export.
      [Exemple] Par exemple imaginons qu’un généreux mécène de votre région, par exemple de Tiraspol? Décide : « Je vais investir ici et vais vous construire une superbe usine qui va fabriquer des smartphones haut de gamme » ; il finance la construction de l’usine. La question est combien de temps cette usine pourra fonctionner, si sa productivité est d’un demi million (population de la Transdniestrie) de smartphones par an, avant la saturation complète du marché ?
      Assez rapidement, tout le monde aura un smartphone. Et après? On en fait quoi? Il faut bien les écouler quelque part… À l’export par l’élargissement du marché. Si vous n’élargissez pas votre marché vous êtes condamné à terme à l’échec.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

      Commentaire


      • #4
        [n°2] Maintenant la deuxième approche pour réduire les risques: c’est le crédit. Vous faites la chose suivante: vous allez à la banque et lui demandez de l’argent. Vous annoncez que vous allez encore produire de nombreux smartphones, et puis on verra.
        Résumons: à ce stade, deux manières seulement de réduire les risques : par l’élargissement du marché et par le crédit.
        Les banques jouent alors un rôle fonctionnel important : elles prennent sur elles les risques dans l’économie, plus précisément elles les redistribuent. C-à-d à ceux qui ont un surprofit ils leurs font crédit à des taux plus élevés, à ceux qui ont moins de profit, ils leur font crédit à taux plus bas. Les banques jouent un peu le même rôle que celui du GOSPLAN (système de planification économique central des pays du bloc socialiste). Et évidemment, les banques n’oublient pas leurs propres intérêts.

        Mais il reste un problème, comme les banques in fine ne font que redistribuer les risques, elles ne peuvent que contenir la montée du risque mais pas l’empêcher. Sans élargissement du marché, l’économie tôt ou tard se retrouve en stagnation, c’est-à-dire qu’elle arrête de se développer.
        Le premier à l’avoir compris est Adam Smith à la fin du XVIIIème siècle. Il a écrit que pour tout système économique fermé, l’augmentation de la division du travail, c-à-d le développement économique, ne peut avoir lieu que pendant une durée limitée avant de buter sur les limites du système et de s’arrêter. Il écrivait que plus un système économique est grand, plus longue sera la durée de son développement mais il finira quand même par s’arrêter à un moment. On en conclut que dans tout système économique à un moment survient une crise, une crise qui d’elle même ne se termine pas. Crise due à un marché qui n’est plus suffisant, en taille ou ne s’élargissant pas, ou pas assez vite.
        La conclusion suivante dans la théorie économique, elle vient de Karl Marx (qui ne l’oublions pas n’était pas un économiste de formation, mais juriste et philosophe) ; il a compris la chose clé suivante (et là nous nous rapprochons de notre époque) : puisque la planète Terre est finie, tôt ou tard, le mode de production capitaliste, dans son essence mû par l’augmentation de la division du travail, touchera à sa fin car le système économique capitaliste aura pris tout le Globe.
        À l’époque de Marx, c’était une abstraction, aujourd’hui ce ne l’est plus dutout. Marx en conclut que puisque le mode de production capitaliste est destiné à se terminer de par les limites mêmes de la planète Terre, il faut élaborer une théorie qui décrit l’ère postcapitaliste du dépassement de ce mode de production. Et toute la pensée de Marx, c’est la conceptualisation d’un mode de production post-capitaliste. Les capitalistes ne l’ont pas bien pris.
        Pour cette raison, à la fin du XIXème siècle, la théorie économique remontant à Adam Smith appelée plus tard économie politique où la fin du capitalisme est admise a été remplacée par une autre école où la fin du capitalisme n’existe plus. Cette théorie a reçu le nom de « sciences économiques » (« Economics ») qui « démontre » que le mode de production capitaliste n’a « pas de fin ». En effet, dans la macroéconomie de A. Smith la fin du capitalisme est évidente. Pour cette raison, l’économie présentée [auparavant] depuis la macro vers la micro comme en économie politique a été remplacée [par une présentation] de la micro vers la macro comme aujourd’hui en « sciences économiques » (« Economics »). La « science économique » est la théorie de la firme, celle qui prétend décrire le comportement de l’agent économique. Dans le meilleur cas, elle tente de décrire un domaine d’activité et le commerce international, pas plus. À la macroéconomie la « science économique » accorde une attention toute secondaire et l’évite, car ses contradictions seraient rapidement exposées alors par le raisonnement d’Adam Smith dans tous les cas, puisque la logique d’Adam Smith est ici implacable.
        On note que [durant] tout le XIXème siècle, et même la fin du XVIIIème, les systèmes économiques locaux sur la planète qui apparaissaient sur les ruines du mode de production féodal et entraînées par le développement du mode de production capitaliste s’aggrégaient, s’agglutinaient, se rapprochaient sans cesse et vers le début du XXème siècle il existait sur le globe quatre grandes zones économiques. Ces systèmes économiques ont absorbé tous les autres.
        Dans notre théorie [NdT : Théorie russe postsoviétique de la néoéconomie] nous appelons ces zones « Zones technologiques ».
        – La première, la zone technologique britannique apparue à la fin du XVIIIème siècle devait s’établir la zone technologique française, mais la défaite napoléonienne l’en a empêché ;
        – La deuxième zone technologique est la zone germanique (Allemagne, Autriche-Hongrie) avec son coeur en Allemagne ;
        – La troisième a été la zone technologique des États-Unis ;
        – La quatrième, la zone technologique japonaise : cette dernière est apparue au tout début du XXème siècle.
        L’Empire Russe faisait partie de la zone technologique allemande même si dans ce dernier cas, c’était plus complexe, avec la pénétration d’autres acteurs sur cet espace. Mais le sujet serait trop complexe à traiter ici.
        Au début du XXème siècle donc a eu lieu la première crise majeure dite de « chute de l’efficacité marginale du capital » [baisse tendancielle du taux de profit ?] due aux limites à l’élargissement du marché dans les conditions d’alors. La crise eu lieu en deux temps, d’abord 1907-1908 (Peu nombreux sont dans le grand public à la connaître, même si la littérature spécialisée l’aborde. L’écrivain Jack London par exemple ainsi que d’autres l’évoquent et la décrivent.). En revanche, on connaît mieux ses conséquences : en 1913 a été établie une organisation radicalement nouvelle tant du point de vue de son fonctionnement que de sa finalité.
        Appelée Système de la Réserve Fédérale des États-Unis d’Amérique, qui a commencé à faire à peu près ce que le système bancaire faisait avec les producteurs, la Réserve Fédérale a commencé à refinancer le système bancaire pour prendre sur soi une partie des risques que portait le système bancaire car le système bancaire seul n’arrivait plus à couvrir les risques par le prêt.
        Comme j’expliquais précédemment, si votre chaîne de production se complexifie par division du travail :
        – initialement le profit était de 10, on peut leur accorder un prêt ;
        – puis le profit est tombé à 7, on peut continuer à leur prêter, même si maintenant certains font défaut et ne remboursent pas ;
        – et quand le profit tombera a deux, il ne sera plus possible de les créditer car la grande majorité des éléments de la chaîne de production ne remboursera pas. Cela a pour conséquence de bloquer complètement le système bancaire.
        C’est exactement ce qui s’est passé dans la crise de 1907-1908 : une crise de liquidité bancaire. Et là est apparue la banque centrale FED qui a annoncé aux banques que c’est désormais elle qui allait émettre la monnaie pour que les banques puissent continuer leur fonction de refinancement et de redistribution du risque. Et puis, rapidement des banques centrales sur ce modèle sont apparues un peu partout.

        [WW I] Mais l’évènement majeur de ce temps c’est la Première Guerre Mondiale : c’était une guerre menée pour le repartage des marchés. Tous avaient un besoin vital d’élargir coûte que coûte leurs marchés ou de périr. La Première Guerre Mondiale s’est terminée par la défaite de l’Allemagne et de ses alliés des Empires Centraux. L’Allemagne a vu saisi ses marchés européens par les vainqueurs et l’Espace Russe s’en est trouvé détaché, qui vers les années 30 sous le nom cette fois d’URSS a commencé à bâtir sa propre zone technologique autonome. Le nombre maximal de zones technologiques qu’il y’ait eu a un moment est cinq, dans les années 30.

        [WW II] Puis a éclaté le Second Conflit Mondial : une fois de plus, une guerre pour le repartage des marchés, guerre à l’initiative de l’Allemagne qui s’était vu saisir ses marchés à l’issue de la Première Guerre Mondiale. L’Allemagne a encore perdu et là où nous avions cinq zones technologiques, il en est resté seulement deux. Les zones allemande et japonaise ont été dépecées par les vainqueurs et l’URSS a obtenu dans sa zone d’influence ce qui en théorie était le morceau le plus intéressant : la Chine (du point de vue du nombre de consommateurs). Mais nous n’avons pas réussi à bien tirer profit d’une telle situation, peut-être à cause de l’extrême médiocrité de Nikita Khroutchev et de son entourage, surtout à côté d’un Staline. Les restes de la zone technologique allemande ont été dépecés également. Concernant la zone britannique, elle est rentrée dans la zone américaine mais elle a cédé une partie des territoires de ses colonies à la zone soviétique.

        Jusqu’en 1960 les zones technologiques tant américaines que soviétique se développaient très rapidement, les taux de croissance étaient colossaux ; quand Khroutchev en 1960 promettait l’abondance communiste pour 1980, il était tout à fait sérieux : si les taux de croissance des années 50 avaient continué jusqu’en 1980 — je rappelle que le taux de croissance économique en URSS atteignaient 15% par an ! bien plus que la Chine à son maximum récemment –, on aurait atteint l’abondance communiste.
        Mais il n’est malheureusement économiquement pas possible de conserver de tels taux de croissance. Dans les années 60 en URSS a démarré une crise ; l’économie étant une économie planifiée, elle se caractérisait par une crise se déployant très lentement : l’URSS n’est tombé à des taux de croissance nulle que au milieu des années 80. Avant, le taux de croissance était positif. Aux États-Unis la crise a démarré plus tard mais bien plus fort : en 1971, les États-Unis ont abandonné le standard or.
        J’abrège considérablement l’exposé, tellement il y’a à dire à ce sujet. Et suite à cela a démarré une violente crise aux États-Unis ; pendant toutes les années 70, les États-Unis étaient en déclin économique. À ce moment, de nombreux experts occidentaux envisagaient sérieusement la possibilité d’une défaite stratégique dans la compétition entre les deux systèmes rivaux (soviétique et américain). Ils réfléchissaient sérieusement à que faire une fois la victoire de l’URSS avérée.
        Mais l’URSS a refusé de gagner. Les classe dirigeantes soviétiques sont arrivées à la conclusion que mieux valait préserver le statut quo (la détente) il ne faut pas forcer la défaite des États-Unis. Comme résultat l’URSS a même commencé à aider indirectement les États-Unis en signant l’accord de limitation des armements stratégiques (SALT I & II), en signant les Accords de Helsinki où nous avons reconnu leur conception des « Droits de l’Homme », en allant sur le marché pétrolier mondial à l’époque des chocs pétroliers. Les États-Unis ont eu un répit et ils ont trouvé comment adapter leur modèle économique pour résoudre, même si seulement temporairement et en repoussant à plus tard la crise.
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          À partir de 1981, ce nouveau modèle a été lancé et il a pris le nom de « Reaganomics » ; l’idée principale est la suivante : comme il n’est pas possible d’étendre la marché où écouler notre production (ce n’est pas possible car les marchés sont départagés entre l’URSS et les États-Unis, on comprend qu’il y’a la crise dans chaque camp), il faut d’une façon ou d’une autre débloquer la situation. Pour cela, on va stimuler la demande dans la population ; et là, ils ont du faire face à un sérieux problème : comment stimuler la demande? Il faut donner de l’argent aux gens. Mais on ne peut pas juste leur donner de l’argent comme cela, pas en système capitaliste : on va leur donner, mais à crédit ! Mais si vous donnez aux gens à crédit, cela implique qu’ils ont vocation à rembourser. D’où la première année où vous leurs prêtez leur consommation augmente fortement, la machine tourne. Mais après, par exemple 3 ans sur un crédit à 3 ans, la demande va immanquablement diminuer car il doit rembourser l’emprunt PLUS les intérêts. Alors face à cela les architectes de la « Reaganomics » ont changé toute le modèle de crédit de manière radicale.

          [Exemple] Je vais maintenant par une petite histoire vous illustrer de quoi il en retourne en pratique, cela parlera bien aux étudiants ici présents. Imaginons, un bon monsieur qui revient à la maison le soir après une journée de travail, son chez lui peut-être un château, une villa, un simple appartement voire un miniscule studio, cela ne change rien sur le principe. Il ouvre donc la porte et vient l’accueillir sa compagne ou son épouse qui lui dit la chose suivante : « Mon chéri, il s’est passé une catastrophe » ; pris d’horreur, il demande si il n’est rien arrivé aux enfants : « Non, non elle répond, tout va bien avec les enfants ». Maintenant, ici c’est au choix, le très riche dira : « un sombre abruti en Zhigouli a embouti ma Ferrari !? », ou alors dans notre cas : « chéri, notre machine à laver vient de tomber en panne ». Et le mari de répondre : « heureusement rien de grave alors, on va d’abord dîner, et après une bonne nuit de sommeil, je vais commencer à chercher une solution à ce problème ». L’épouse lui dit: « Non, non, non tu comprends pas : je vois mes copines demain, tout doit être tip top. Donc va d’abord résoudre le problème et puis après nous allons dîner ». Et lui exaspéré lui dit : « mais je suis fatigué, je viens de rentrer du bureau tu vois bien non. Et de plus, là j’ai pas d’argent sur moi, les banques ferment dans un quart d’heure ». Elle ne veut rien savoir : « tu es le chef de famille non ? Alors tu dois trouver une solution ». Notre héros [domestique], perplexe, ressort dans la rue et se demande que faire… Et là, il voit une affiche: BANQUE. Il se dirige donc vers la banque ; on lui demande : « en quoi pouvons-nous vous aider ? » Dépité, il répond: « j’ai absolument besoin d’une machine à laver. » L’agent de banque dit: « aucun problème ! Nous allons vous accorder un crédit de suite ; nous sommes justement partenaires d’un magasin de domotique : dans dix minutes ils seront chez vous et installeront une nouvelle machine à laver. Aucun problème ! » Et ici on pose une question que vous n’entendrez jamais dans aucune banque « Combien seriez-vous capable de payer sans que cela ne déséquilibre votre budget familial ? » Imaginons que ce soit par exemple 1000 roubles par an. « Excellent! répond l’agent bancaire : la machine à laver coûte 5000 roubles, nos actionnaires demandent que pour chaque rouble investi dans un client, le retour soit de 20%, d’où nous vous accordons un crédit de 5000 roubles sur six ans. La première année, vous nous rendez 1000 roubles, ce sont les intérêts. Et les années suivantes, 1000 roubles annuellement, le corps du prêt [principal]. Vous êtes d’accord ? » Il répond: « Oui ». Il signe le contrat de prêt, et dans les dix minutes le camion livreur avec la nouvelle machine est à sa porte ; la paix dans la famille revient.
          Un an plus tard il revient à la banque avec 1000 roubles. À la banque on lui dit alors : « dans le monde il y’a un boom du crédit, un boom économique, d’où nos actionnaires ont changé de politique : ils ne demandent plus désormais 20% de chaque rouble investi par client mais plus que 10%. d’où nous sommes prêts sous les mêmes conditions, c-à-d 1000 roubles par an, à vous accorder un crédit à 10 000 roubles. La première année vous nous rembourserez 1000 roubles en intérêts et puis annuellement 1000 roubles par an pendant 10 ans. Avec 5000 nous remboursons le prêt précédent, avec les autres 5000 roubles, nous vous suggérons d’acheter un lave-vaisselle. » Tout content, il souscrit à un nouveau prêt de 10 000 roubles.
          Il revient encore une fois un an plus tard avec 1000 roubles (l’intérêt sur le prêt à 10 000 roubles). À la banque on le félicite pour sa solvabilité exemplaire. « Vous payez toujours et à temps, pour cela, on vous fait une faveur : le taux de retour est baissé à 5%. D’où nous sommes prêts à vous accorder sur le champ un prêt de 20 000 cette fois, toujours sous les mêmes conditions : 1000 roubles par an. 1000 roubles la première année pour couvrir les intérêts et puis 1000 roubles par an. Avec 10 000 roubles, vous remboursez le prêt précédent et avec les 10 000 restants, vous faites ce qu’il vous plaît ! » Notre héros, comblé de joie, s’écrie : « Excellent ! » Il prend un donc un prêt à 20 000 roubles.
          Une années plus tard il revient à la banque avec 1000 roubles pour couvrir les intérêts de ce nouveau prêt. On lui annonce qu’il a gagné une loterie intrabancaire. « Rien que pour vous: prêt de 40 000 roubles à 2,5%, vous êtes preneur. »
          Et maintenant, on note la chose suivante : le confort matériel de notre homme ne cesse de monter mais il paye toujours la même somme : 1000 roubles, situation qui a l’air idéale n’est-ce pas ? MAIS, il y’a deux problèmes :
          – Le premier : sa dette ne cesse de monter ;
          – Et le deuxième : il faut absolument que le taux sur le prêt diminue chaque fois.

          Maintenant, voici quelques chiffres, tiré des statistiques officielles. Vous comprendrez tout de suite pourquoi la crise a commencé exactement en 2008 – juste, un détail : le héros de notre histoire précédente n’achetait pas que de la domotique mais plutôt des gadgets des nouvelles technologies de l’information ; la « révolution » des TIC (Technologie de l’Information et Communication), c’est un achat massif de nouveaux gadgets. C’est avec ces prêts que sont in fine achetés ces gadgets.
          Revenons donc aux chiffres:
          – En 1981, quand cette orgie de crédit à commencé, le taux directeur, c’est à dire le taux auquel l’argent est prêté aux banques se montait à 19% aux États-Unis.
          – En décembre 2008, le taux est tombé à 0%. Et jusqu’à tout récemment était à ce niveau.
          Récemment, ils ont levé tout juste les taux, purement symboliquement. Lever davantage les taux d’intérêt, n’est pas possible, vu le niveau de dette. L’endettement moyen d’un ménage américain, qui en 1980 ne dépassait oas 60-65% du revenu annuel, en 2008 a atteint 132% du revenu annuel. C’est sans compter la dette sur le crédit hypothécaire car nous parlons là uniquement de la dette sur la consommation. Nous voyons un doublement de cette de dette (65% à 130%). Je rappelle que tout le sketch de la dette grecque a commencé lorsque la dette a atteint 100% du PIB ; ici : 132%… Elle est légèrement retombée depuis 2008, à 120%, ce qui reste sans précédent. Cette dette est remboursée à un rythme extrêmement bas.
          Si l’on élève ce taux, les ménages américains vont faire faillite massivement, et stopper net toute leur consommation. Aujourd’hui les ménages américains dépensent trois mille milliards de dollars en plus que leurs revenus. Cette différence est couverte par l’augmentation de l’endettement privé, de l’état fédéral et par la diminuation de l’épargne. Trois mille milliards de dollars par an, telle est la brêche béante dans la structure de l’économie américaine.
          Et, enfin le revenu moyen américain en terme de parité de pouvoir d’achat, c-à-d en terme de revenu et non de ce qui est dépensé, est au niveau de l’année 1958 et ce, AVANT le crash à venir. Après la crash, le niveau de revenu retombera aux au niveau des années 20.
          À quoi cela va ressembler? À peu près à ce que nous avons vu pendant la dislocation de l’URSS dans les années 90 quand la demande s’est effondrée brutalement : l’économie s’est disloquée, la demande s’est écroulée. S’ensuit la destruction de l’appareil productif, l’absence d’investissement et le glissement de la population dans la misère, soit exactement ce qui se passait sur le territoire de l’URSS dans les années 90 aujourd’hui se répète aux États-Unis et dans l’Union Européenne, pour des raisons économiques absolument objectives. Ils ont établi un modèle de stimulation artificielle de l’économie par augmentation constante de la dette et aujourd’hui ce modèle ne fonctionne plus, voilà la racine de la crise actuelle de celle qui vient.
          Par ailleurs, les bilans des banques sont désastreux, elles sont elles-mêmes surendettées : leur donner plus d’argent ne peux plus rien, car les gens ne prennent plus de crédit, ne pouvant rembourser. L’économie mondiale est à l’aube d’un effondrement complet. Évidemment, le système a une inertie colossale, la crise se développe lentement. Nous avons esquissé pour la première fois la mécanique de crise en 2001 ; quinze ans sont déjà passé et le processus continue de se développer, très lentement, mais il avance et se renforce inexorablement.
          Voilà, la situation dans laquelle nous nous trouvons.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            Et il faudra un nouveau modèle économique, qui pour l’heure n’existe pas.
            D’où ce que je disais précédemment sur la futilité de la tactique, dévaluer ou non la monnaie : ces questions tactiques n’ont pas de réponse tant que vous ne comprenez pas les réalités du monde qui vient. Ici en Transdniestrie, vous êtes un petit pays, vous avez une petite économie ; maintenir votre niveau de vie n’est possible que par l’accès aux marchés extérieurs. Une fois de plus, par l’approfondissement de la division du travail avec quelqu’un d’autre : vous achetez de la matière première chez quelqu’un, vous la transformez puis revendez à un tiers. La question pour vous en Transdniestrie est : chez qui vous achetez, à qui vous vendez. Le problème n’est même pas que l’on pourrait vous bloquer l’accès à certains marchés. L’on essayera de vous bloquer car les marchés solvables se réduisent pour tout le monde. La grande question aujourd’hui c’est à qui vendre ? Car les gens ne sont plus solvables, ils ne peuvent plus s’endetter davantage.

            Revenons à notre héros de tout à l’heure. Quand il fait son dernier emprunt supposons qu’il ait trente cinq ans ; il est endetté pour quarante mille, c-à-d pour les quarante ans qui viennent et si là on lui dit : « Regarde la nouvelle voiture là, achètes-la toi ! » Il vous répondra : « je n’ai plus d’argent là, je dois rembourser mes crédits avant. » Et voilà la situation dans laquelle nous sommes. Je répète encore, c’est la situation objective que je décris là. Par le tabou sur la fin du capitalisme dans la « Science économique » depuis la fin du XIXème siècle, la crise ne peut même pas être décrite par la « Science économique » car en « Sciences économiques » il est interdit de parler de la fin du capitalisme. Or, cette crise est la crise de la fin du capitalisme justement.
            L’économie-politique en revanche reconnait cette fin du capitalisme. Le problème c’est qu’il ne reste quasi plus depuis la chûte du socialisme d’écoles d’économie politique dans le monde, même chez nous en Russie. Il y’a une élimination progressive, même chez nous, de cette école économique. Bien sûr, avec la banqueroute de la « Science économique », cette élimination va cesser mais pour le moment, l’économie-politique continue son déclin.
            Autrement dit, le principal problème aujourd’hui est la stratégie et non de la tactique. Comment pourra fonctionner un nouveau système productif ? C’est la question la plus complexe que nous devrons résoudre pour les temps qui viennent, d’autant plus complexe que l’immense majorité des économistes sont pas capables de poser le problème.
            J’ai eu de nombreuses discussions à ce sujet, voici un exemple : le Kazakhstan. Je me souviens plus : Astana ou Alma-Ata. À un forum international, un professeur américain émérite fait un discours. Il explique des choses fort savantes, et dans la salle se trouve une bonne partie de l’élite Kazakh qui vient écouter ce que les « experts » internationaux ont à dire. Et voilà que se lève un monsieur: comme souvent chez les Kazakhs difficile de dire si il a 40 ans ou 90 ans. Le monsieur, au visage avec des pommettes prononcées et éprouvé par le vent s’adresse à l’expert américain : « Si dans l’année précédente j’avais mille moutons et cette année mille deux cents, je suis devenu plus riche ou non ? » L’américain estampillé « expert » interprète tout de manière simpliste c-à-d à l’américaine, il lui répond : « cela dépend du prix du mouton ; si le prix du mouton est tombé, il se peut que 1200 aujourd’hui valent moins que 1000 hier. En revanche, si les prix ont monté, tout va pour le mieux. » Le monsieur Kazakh répond : « vous savez, 1000 moutons c’est très peu ; en réalité, je suis directeur d’une grande exploitation, j’en ai près de 200 000. Ma logique est la suivante : si cette année j’en ai 1200 des moutons, je pourrai en vendre 200. Et je reviendrai à l’état initial et j’aurai en plus l’argent gagné sur les 200 moutons. Donc je vivrai mieux ! » L' »expert » américain était perplexe : on venait de lui montrer qu’il ne comprenait rien à l’économie réelle, celle des gens ordinaires. C’est très illustrateur.
            La théorie économique moderne qui prétend répondre à votre place si vous vivez mieux ou moins bien en fonction du prix des moutons (dans l’exemple) et le grand-père fermier dit que non, cela ne dépend pas du prix des moutons si je peux revendre une partie de mon stock toute chose étant restée égale par ailleurs, j’ai gagné. Si vous êtes en état d’assurer un accroissement réel de votre système productif, alors vous gagnez, indépendamment de ce que peut valoir le prix à un moment donné.
            Aujourd’hui, nous nous trouvons sur un point de rupture, à un tournant de l’économie financiarisée, abstraite, détachée de la réalité. Nous revenons à une économie concrète, réelle comme c’était le cas au XIXème siècle, c’est le moment clé de l’évolution de la vie économique aujourd’hui, il est indispensable de comprendre cela. Bientôt, à nouveau, seuls les actifs réels auront du sens et seront à prendre en compte car les actifs fictifs perdront de plus en plus de leur « sens ».

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            Maintenant, je vais vous parler un peu de l’aspect politique de tout cela, on rentre dans la vif du sujet.
            Vu que votre entourage est très agité, avec vos voisins que sont la Moldavie et l’Ukraine, un vrai cirque, question : que se passe-t-il donc ? Il se passe la chose suivante : Jusqu’en 1988 il existait sur la planète deux zones technologiques, la zone soviétique et la zone américaine, chacune ayant son modèle distinct, chacune proposant son offre au citoyen, avec ses avantages et inconvénients respectifs. Par exemple aux États-Unis il est facile de faire son business et il y’a un large choix de produits de consommation. En URSS maintenant : deux, peut-être trois types de saucisse en vitrine. En revanche, des soins médicaux entièrement gratuits, un enseignement supérieur gratuit, un logement gratuit.
            Choisissez ce que vous préférez.
            Si vous avez beaucoup d’argent, vous préférez probablement le système américain. Si vous en avez peu, vous préférez sans doute le système soviétique. Car il n’y a rien de pire que d’être devant une vitrine où sont exposés 200 types de saucisses que vous ne pouvez pas vous payer. Qu’est-ce qui est mieux ou moins bon ? Quels sont les critères ? Les uns préfèrent le premier système, où tout le monde se doit d’être solidaire, les autres préfèrent le système où tout le monde est mis en concurrence. Si on est en « libre concurrence », le « renard devient libre dans le poullailler libre ». À l’humble on dit: oui il a beaucoup d’argent, et tu ne pourras pas en avoir ta part, tant pis pour toi. Et ainsi de suite.

            L’important à retenir c’est qu’il existait deux modèles. Après 1988 et surtout 1991, le modèle soviétique s’est effondré. On ne va pas revenir ici sur les raisons de cet effondrement, j’avais déjà dit que dans les années 70 c’est le modèle occidental qui était à deux doigts de s’effondrer. En réalité d’un point de vue économique la question n’était pas de savoir quel modèle est « meilleur » mais que pour des raisons objectives d’expansion des systèmes économique le monde était devenu trop petit pour deux modèles : il n’y avait plus de place, ils ne pouvaient plus s’élargir tous les deux ; soit l’un, soit l’autre. Je répète, c’était une situation économique objective, ce n’était pas le résultat d’un bras de fer entre des groupes de personnes identifiables ou de classes dirigeantes spécifiques. C’était une situation objective qui ne dépendait pas de la volonté des hommes.

            À ce moment, seul un modèle pouvait se développer, aux dépens de l’autre. Soit l’URSS aux dépens des États-Unis, soit les États-Unis aux dépens de l’URSS. Par exemple, pour mieux illustrer : l’URSS contrôlait à ce moment 40% du marché mondial de l’aéronautique civile. 40% à lui tout seul. Quand l’URSS s’est effondrée, la première chose qu’on fait les États-Unis a été de fermer à travers leur lobby ici la production d’avions civils en Russie ; comme conséquence Airbus et Boeing ont chacun augmenté une fois et demi le volume de leur production ! J’attire votre attention sur le fait qu’ils ont privé la Russie pas des finances, pas des actifs, non : ils ont pris des marchés. Et ça a été un choc colossal pour la Russie. Aujourd’hui, en y mettant énormément d’effort et en dépensant énormément d’argent, la Russie se bat pour récupérer ces marchés au moins en partie et ses concurrents font tout pour la gêner.

            Quoiqu’il en soit, à cette époque la Russie a commencé à s’adapter à ce nouvel ordre international occidentalocentré car il n’y avait à ce moment pas d’autre modèle économique. Vous aussi en Transdniestrie avez commencé à le faire, tout le monde, L’Ukraine aussi, bref chacun à sa façon. Et l’Occident lui, vivait conformément à des règles dont les bases avaient été jetées en 1944 à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale : il y’eut deux grandes conférences : une décidait la future architecture politique de la planète [Yalta ?] et l’autre la future architecture financière du monde [Bretton Woods]. L’URSS a pris part à la conférence de Bretton-Woods, celle qui décida de l’architecture financière. Celle traitant de la politique, nous connaissons tous. C’est lors de la Conférence de Londres que fut décidée la fondation de l’ONU. Ont suivi, les conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam.

            La conférence sur l’économie, appelée conférence de Bretton-Woods car elle se déroulait dans la petite ville américaine de Bretton-Woods, l’URSS comme je disais y a pris part, y a signé tous les accords, mais au final n’a pas ratifié le traité. Cette Conférence de Bretton-Woods a établi un dispositif d’élargissement de la zone dollar et pour coordonner ce processus, trois institutions internationales en particulier ont été établies : appelées FMI (Fonds Monétaire International), la Banque Mondiale, le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) aujourd’hui OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
            Théoriquement, il aurait fallu établir une institution de plus qui aurait créé et régulé une nouvelle monnaie mondiale mais à ce moment là, l’économie des États-Unis pesait plus de la moitié de l’économie mondiale et la décision a été prise de faire du dollar américain la monnaie de change mondiale et tout le modèle Bretton-Woods n’est au fond que le dispositif de l’élargissement du dollar. En pleine cohérence avec la logique décrite au début de la conférence : celle de l’élargissement des marchés. Les États-Unis élargissaient leurs marchés.
            Aucun autre pays après la Deuxième Guerre Mondiale ne pouvait prétendre à établir une devise mondiale, il n’aurait simplement pas eu les ressources économiques nécessaires. La Grande-Bretagne a essayé et dans le cadre de Bretton-Woods il y’avait théoriquement deux devises mondiales : le Dollar américain et la Livre Sterling. Mais rapidement, après un an, la Grande-Bretagne comprenant qu’elle n’avait pas les moyens de soutenir une monnaie de change mondiale et la Livre Sterling est devenue une monnaie comme les autres.
            Mais, comme vous vous en doutez, une erreur juridique et économique s’est glissée dans Bretton-Woods, erreur qui au moment où l’économie américaine constituait plus de la moitié de l’économie mondiale semblait secondaire. La fonction du dollar US et la régulation par une institution américaine, la Réserve Fédérale, ont amené dès le départ une contradiction fondamentale car il y a le Dollar comme monnaie mondiale et il y a le dollar comme devise nationale ; et que faire si la régulation du dollar dans un rôle rentre en contradiction frontale avec l’autre fonction ? A l’époque cela semblait impossible ; aujourd’hui, la part des USA dans l’économie mondiale est comprise entre seulement 16 et 18%, nous sommes très loin des plus de 50% de l’époque de Bretton Woods. c’est moins que l’URSS au début des années 80 quand sa part dans la production mondiale s’élevait à 22-23% et l’on s’est aperçu récemment que les ressources économiques des États-Unis sont insuffisantes pour maintenir à flot cette dualité du système dollar comme monnaie mondiale et devise nationale.
            – Soit l’on sauve le système de la finance globalisée au dépens de l’économie américaine qui en fera les frais.
            – Soit l’on sauve l’économie américaine en puisant dans les ressources du système financier globalisé.
            La compréhension définitive de ce dilemne est venue après la crise mondiale de 2008, cette crise rappelle sous bien des aspects la crise des années 30 qui a mené à la Grande Dépression, elle rappelle aussi celle de 1907-1908 : C’est une fois de plus une crise de chute de l’efficacité marginale du capital [baisse tendancielle du taux de profit ?] mais cette fois plus à échelle locale comme les États-Unis au début du XXème siècle, mais à échelle globale. Cependant le principe reste inchangé.
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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            • #7
              Le système dollar, aujourd’hui mondial, à lui tout seul n’est maintenant plus rentable et la question est venue de qui laisser vivre : le système financier globalisé au dépens de l’économie américaine ou le contraire ? De manière très simplifiée, pour sauver l’économie américaine il faut absolument monter les taux d’intérêt pour que n’empruntent que ceux pour qui c’est pertinent de le faire ; en revanche, pour sauver la finance globalisée il faut encore plus baisser les taux et émettre du dollar pour sauver les institutions financières car elles sont déficitaires et absolument non rentables sinon.
              Je rappelle que dans la crise qui a juste précédé la Grande Dépression, le système financier américain s’était effondré ; ce sont les mêmes logiques aujourd’hui, mais cette fois à échelle mondiale. Voilà un premier problème fondamental. Les premiers à l’avoir compris sont les « financiers » car évidemment ils connaissent l’état RÉEL de leurs bilans, c’est dans leurs rapports publics et pour la presse économique qu’ils nous disent être tous en bénéfice net mais sur leur état réel, ils savent bien qu’ils ont de lourdes pertes.

              Les « financiers » ont donc essayé d’achever la réforme de Bretton-Woods en 2011, C-à-dire de faire, ce qui n’avait pas été fait en 1944 : ils ont décidé d’établir une monnaie mondiale DISTINCTE du dollar et un régulateur lui aussi DISTINCT du système de la FED américaine, une institution qui aurait été transnationale. La décision avait été prise d’établir une Banque Centrale des banques centrales sur base du FMI, soit fondamentalement une réédition du schéma appliqué en 1913 quand a été établi le système de la Réserve Fédérale à l’échelle des États-Unis. Les « Financiers » ont voulu refaire cela mais à échelle mondiale mais il y’avait un gros problème : cela aurait en pratique empêché les États-Unis d’émettre du dollar américain de manière autonome, car ils auraient alors été mis sous tutelle d’un régulateur monétaire transnational, la Banque Centrale des banques centrales. Et à ce moment absolument critique, l’administration américaine a organisé l’Affaire Strauss-Kahn. C’était au début de l’été 2011. La raison de l’Affaire Strauss-Kahn, est toute simple : il fallait expliquer au FMI que les États-Unis ne permettront pas la réalisation d’un tel projet. Il ne s’agit pas de Strauss-Kahn en tant que personne, c’était juste un exécutant sacrifié. À ce moment a eu lieu, c’est absolument capital, la fragmentation de l’élite occidentale et donc mondiale, unifiée depuis 1945, car il est devenu clair qu’il n’y a que DEUX scénarios possibles, je rappelle :
              – Sauver la finance globalisée en détruisant au passage l’économie américaine ;
              – Ou sauver l’économie américaine en démantelant la finance globalisée.

              Je vais pas rentrer ici dans la question de savoir si la réalisation même de ces plans est possible. Est-il possible de sauver l’économie américaine, et que signifie exactement « sauver » ? Idem sur la question de la possibilité de sauver la finance globalisée. Il est important de comprendre qu’il s’agit des deux grandes factions de l’élite occidentale et qu’elles ne peuvent pas se mettre d’accord. Comme avec l’URSS et les États-Unis vers la fin de la Guerre Froide, un seul restera et éliminera l’autre, et ce que nous voyons aujourd’hui c’est une opposition frontale entre ces deux factions qui à son tour induit des fractionnements à travers toutes les classes dirigeantes de la planère.
              Si Donald Trump gagne aux élections américaines de novembre 2016 la faction qui veut le sauvetage de l’économie américaine aux frais de la finance, qu’on pourrait surnommer les « isolationnistes », les États-Unis devront alors faire leur retraite de toutes les régions du monde et ne plus consacrer leurs ressources à leur contrôle. Rappelez-vous de ce qui se disait en URSS avant la chute: « On en a assez d’entretenir les parasites de la périphérie. » C’est la même logique qui est à l’oeuvre aujourd’hui aux États-Unis. Que doivent-ils faire pour leur retrait? Permettre la création de grands pôles de puissance régionaux et/ou continentaux avec qui ils négocieront leurs retraite et qui seront responsables de leurs zones d’influence. Et nous voyons que le le Secrétaire d’État John Kerry est très favorable à la Chine, est aimable même avec l’Iran – ce sont certains de ces pôles de puissance à venir.
              Et l’autre faction majeure de l’élite occidentale avec à sa tête le prédécesseur de Kerry, Hillary Clinton est plutôt favorable à l’Arabie Saoudite et à Israel, ennemis de l’Iran. Qu’est-ce qui différence l’Iran de l’Arabie Saoudite? On penserait que leurs fondamentaux sont proches… Eh bien l’Iran a été sous sanction pendant 35 ans, il a procédé à une accumulation de puissance et a une économie autosuffisante : il peut exister indépendamment des États-Unis. A contrario, Israël et l’Arabie Saoudite, sans soutien américain permanent ne survivront pas longtemps. Ils ont besoin d’argent, de technologies, de soutien politique sans quoi, tout seuls, ils s’effondreront. Ce sont de grandes différences.

              En ce qui concerne la Chine, une partie de l’élite occidentale considère qu’il faut lui donner sa zone d’influence et ne pas l’ennuyer, l’autre partie considère qu’il faut l’affaiblir au maximum car étant devenue bien trop puissante. Nous voyons qu’aux États-Unis se renforce considérablement la faction qui essaye de rompre le cordon ombilical qui lie la Chine et les États-Unis économiquement. Dans les années 80 pour stimuler la « révolution » des technologies de l’information on n’a pas seulement prêté massivement aux gens, on leur a aussi donné des biens de consommation bon marché. De manière simplifiée : au lieu qu’un américain achète des Jeans made in USA à 100$, on lui vend des jeans chinois à 20$ ; les 80$ ainsi gagnés iront pour rembourser ses emprunts avec lesquels il s’est acheté des gadgets des technologies de l’information. Comme conséquence de cela si les USA venaient à casser aujourd’hui leurs liens avec la Chine, ils seront obligés de produire à nouveau eux-même quantité de biens courants et alors les gens n’auront plus d’argent pour acheter les gadgets technologiques. Que faire? Il faut remplacer la production chinoise bon marché par de la production bon marché d’ailleurs en Asie ; c’est l’origine du Marché Transpacifique (TPP) excluant la Chine que les américains essaient d’imposer.
              Parallèlement, il ne faut pas permettre à la Chine d’être autosuffisante, aujourd’hui la Chine n’est pas autosuffisante. Si la Chine ne vend pas aux États-Unis elle s’effondre rapidement. La crise actuelle en Chine est due au fait qu’elle vend beaucoup aux États-Unis, or la demande y tombe constamment ; donc, il ne faut pas permettre à la Chine d’atteindre de nouveaux marchés. Le seul marché majeur non encore partagé du point de vue des États-Unis et de la Chine c’est l’Europe. La Chine elle, avance vers l’Europe par son projet de la Nouvelle Route de la Soie. Que font les États-Unis? Ils amènent le chaos et des cataclysmes sur le chemin de la Nouvelle Route de la Soie ; la crise et la guerre en Ukraine s’inscrit dedans, après pourront suivre le Turkménistan et les autres pays d’Asie Centrale. Dans ces pays sont apparues des organisations ayant prêté allégeance à l’État Islamique.

              D’un autre côté les États-Unis comprennent qu’une partie des industries délocalisées devra tout de même être rapatriée de Chine. Pour qu’il soit possible de vendre aux gens moins cher, il est indispensable d’avoir des marchés supplémentaires ; quel serait dans le cas des États-Unis le marché optimal? C’est l’Europe, d’où la poussée des États-Unis avec le Grand Marché Transatlantique. Beaucoup en Europe y sont opposés et nous voyons que l’Union Européenne, une partie de ses classes dirigeantes s’y oppose et sont mêmes prêtes si nécessaire à lancer la désintégration de l’Union Européenne. La Grande-Bretagne par exemple pose un véritable ultimatum qui dit : Si l’Accord du Grand Marché Transatlantique passe alors le Royaume-Uni sort de l’UE (NDT: « Brexit » en juin 2016) ; la réponse américaine ne tarde pas : dès que David Cameron lance le débat sur le Brexit, la presse du système immédiatement révèle qu’il serait drogué et amateur de pratiques sexuelles déviantes. Mais tout le monde comprend que Cameron n’agit pas de sa propre initiative personnelle ; ceux qui décident réellement des orientations stratégiques sont la Reine et son entourage. Et là, la même presse aux ordres publie un vieux cliché de la Reine Elisabeth a 4 ans quand son oncle était Roi — pas son père, mais bien son oncle, je rappelle qu’en 1936 le partisan d’un rapprochement avec Hitler, Edouard VII, a été écarté de la Couronne d’Angleterre et a abdiqué en faveur de son frère, le père d’Elisabeth II, voici comment elle est devenue Reine en étant à la base d’une branche secondaire de la famille régnante — donc, la presse a publié une photo de la petite Elisabeth de 4 ans faisant le salut fasciste. Nous voyons donc une violente bataille au niveau des élites.
              Revenons-en à plus proche de nous ; je ne sais pas si quelqu’un a remarqué qu’un nombre sans cesse croissant de publications occidentales majeures ont commencé à violemment attaquer Poutine. À la Maison Blanche ils ont commencé à dire que Poutine est un corrompu à Londres, ils ont ressorti la vieille affaire du meurtre de Litvinenko en 2006. — Sans doute qu’ici vous avez même oublié qui est Litvinenko, je veux dire, les détails de l’affaire, mais par contre qui est Berezovsky (NDT: oligarque vedette des années 90 proche de Boris Eltsine mort en exil à Londres), ça vous le savez sans doute. — Lorsque l’on m’a demandé ce que je pensais au sujet de l’affaire Litvinenko, j’ai répondu avec l’image suivante : que lorsque des gens prennent chez soi un chien pouilleux, il ne faut point s’étonner que tous ceux qui sont dans la maison se mettent à se gratter. De deux choses l’une: soit vous (les anglais) réglez le problème des poux, soit ne prenez pas le chien (Berezovsky et ses « casseroles »). Quand la Grande-Bretagne a admis sur son territoire Berezovsky, un escroc, voleur et commanditaire de meurtres notoires —
              tout cela est prouvé — elle a alors accepté de fermer les yeux sur toutes bêtises et autres que pourraient faire les gens liés à Berezovksy de près ou de loin ; Litvinenko était un homme de Berezovsky, les anglais ne peuvent s’en prendre qu’à eux-même.
              The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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              • #8
                Revenons-en à Poutine, pourquoi donc cette violente et systématique campagne médiatique ? Eh bien, contrairement à la situation des années 90 où la Russie de Eltsine rentrait dans le moule de l’ordre occidental, sans conditions, « vos désirs sont des ordres » aurait dit Eltsine à ses patrons occidentaux, la situation a changé dans les années 2000. La première fois lors du discours de Poutine à la conférence sur la sécurité de Munich en 2007, la deuxième fois en 2008 quand la Russie a repoussé la Géorgie qui a attaqué les casques bleus russes. Ce durcissement allait crescendo et la tension a atteint son paroxysme avec la crise en Ukraine de 2014 et à ce moment, la fraction oligarchique occidentale dominante à l’échelle planétaire qui est la finance transnationale et qui cherche à contrôler directement l’entièreté du globe et de ses ressources, ces forces ont décidé qu’il fallait se débarasser de Poutine. En 2012 en Russie ont lieu les manifestations de la place Bolotnaya où on a tenté, sans succès, de faire sortir les gens dans la rue. Le niveau de détestation de Poutine par ces élites est très élevé. Ensuite sont entrées en jeu les sanctions et d’autres futilités analogues mais une chose très importante, qui est absolument décisive, Poutine jusqu’en 2013 était presque entièrement isolé ; la Chine lui a proposé un rapprochement mais en Russie n’a dans ses classes dirigeantes pas de gens qui savent dialoguer avec la Chine, nous ne les comprenons pas bien, et les craigons d’une certaine façon, nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls dans ce cas. Il est possible de travailler avec eux, mais pour cela une autre conception de la vie est nécessaire.
                L’élite financière mondiale, les « financiers », ont cru que Poutine ne tiendrait pas longtemps, que sa chute n’était qu’une question de temps, vu qu’il ne peut rester isolé. Au G20 on feint de l’ignorer, pas toujours de manière convaincante d’ailleurs. Et ainsi de suite.
                Et à ce moment, contre toute attente, on s’aperçoit que Poutine commence a établir des passerelles avec les forces qui représentent le courant « isolationniste » (NDT antiglobaliste dans la terminologie russe). Nous voyons comment le candidat à la présidence des États-Unis Trump dit qu’il est indispensable d’avoir des bonnes relations avec la Russie de Poutine. Nous voyons comment le Premier Ministre de la Hongrie Orban dit qu’il faut être amis avec Poutine. Nous voyons comment Marine le Pen, candidate majeure à la présidentielle en France dit qu’il faut être amis avec Poutine. Au niveau des classes dirigeantes occidentales on comprend que le monde change, Poutine commence à gagner des alliés de premier plan et pour contrer ces évolutions a été lancée cette campagne de diabolisation contre lui. Si vous observez qui parmi des dignitaires de haut rang s’est rendu en visite chez Poutine après cette campagne médiatique — le Premier Ministre de la Bavière qui est le numéro deux dans le parti CDU de Merkel, le dirigeant de l’Autriche , l’éminence grise de tant d’administrations américaines Henry Kissinger — nous voyons que l’attaque contre Poutine a été provoqué par l’apparition de cette fraction dissidente des classes dirigeantes occidentales, seulement [à partir de ](en) 2011, il y’a à peine 5 ans. Cette faction se renforce très activement (NDT « Brexit ») et si elle réussit à prendre le pouvoir aux États-Unis en novembre de cette année, nous verrons que cette force occidentale derrière les révolutions « oranges » chez vos voisins en Ukraine, derrière les tentatives de rattacher la Moldavie à la Roumanie, va commencer à reculer très rapidement et perdre son pouvoir.

                Il faut comprendre que l’année 2016 est comme on l’a été en URSS l’année 1934 : 2016 c’est l’année de la Grande Rupture.

                Il est probable que cette année le monopole mondial de cette oligarchie occidentale à prétention hégémonique qui se croyait permise d’écraser n’importe quel récalcitrant, par n’importe quel moyen — en terme de récalcitrant, comprenez-bien que votre république la Transdniestrie c’est le Donbass de 1992, le mécanisme du soulèvement du Donbass en 2014 est le même que celui qui a eu lieu en 1992 ici en Moldavie : sous pression extérieure occidentale un changement de politique a été imposé et il s’est trouvé un groupe de gens qui ont dit non. Il s’est passé la même chose en Crimée et dans le Donbass à la différence près qu’en Crimée 96% des gens étaient pour et pour cela tout est allé rapidement alors que dans le Donbass on parle de 55% clairement pour, beaucoup étant indécis en 2014 et aujourd’hui nous voyons qu’à Kharkov en Ukraine de l’Est, ce qui rend fou de rage Kiev, après tout ce qui s’est passé la fraction de la population voulant quitter l’Ukraine a augmenté à 80% voire 90%. Chez vos voisins d’Odessa, je pense que vous savez mieux que moi l’avis de la population. Il y’avait une époque où rien ne semblait pouvoir stopper l’occident et sa prétention hégémonique, personne ne comprenait comment enfin la contrecarrer ; aujourd’hui on comprend, à l’échelle stratégique, l’occident a perdu, il est en train de craquer car économiquement, le maintien de la finance globalisée, et de tout ce qui vient avec, n’est structurellement pas possible : elle est en crise profonde, elle est condamnée.
                Est-ce que Trump et les « isolationnistes » gagneront aux États-Unis? Difficile à dire, je pense que c’est probable. Même tableau pour l’Union Européenne. L’Union Européenne est aujourd’hui dans la même situation que l’URSS en 1990 ; il est clair aujourd’hui que l’Espace Schengen c’est bientôt fini. Après, sans doute ce sera le tour de l’UE elle-même, pourquoi? Voilà pourquoi : il faut comprendre que l’UE se concevait et s’élargissait dans les conditions de croissance économique rapide des années 90. D’où est venu cette croissance rapide ? En s’emparant des marchés que contrôlait auparavant l’URSS, comme je disais auparavant : Airbus et Boeing ont augmenté 1.5 fois leur marché d’un seul coup au détriment de l’URSS, et cela s’est observé dans tous les domaines. En digérant cette zone, ils avaient énormément de ressources excédentaires d’un seul coup et ils ont ainsi pu acheter la loyauté de leurs populations et celle des pays absorbés par l’expansion de l’UE. Ils leurs disaient en substance: « les gars nous allons vous donner plein d’argent » par le biais de divers programmes d’infrastructures, de la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et du Développement), par la construction de routes, par le crédit à la consommation accessible etc. Même si en réalité le niveau de vie des populations des anciens pays socialistes s’est effondré : le nombre de sans-abri dans les pays d’Europe de l’Est par rapport à ce qu’il était à l’époque des démocraties populaires a littéralement explosé.
                Mais, malgré tout, malgré tout, une classe de nouveaux-riches est apparue, à fond pour l’occidentalisation dont elle profitait directement. Parallèlement une propagande de masse s’est déchaînée contre l’ancien « ordre socialiste » et son « oppression » souvent fantasmée. Dans notre cas russe, je vois la différence entre maintenant et avant, et j’en conclus que globalement en URSS on vivait mieux que aujourd’hui en Russie. Du moins, sous de très nombreux aspects. La vie était plus calme, elle était plus prévisible, on savait que les enfants pourraient accéder aux études supérieures, on pouvait se faire soigner gratuitement à la polyclinique… En Russie il n’y a plus de politique de santé, il n’y en juste pas ; si quelqu’un est vraiment malade, il sera presque impossible de se soigner. Voici l’exemple d’une amie, chez qui on a décelé un cancer ; on lui a dit: « vous devez vous faire opérer : si c’est dans le courant du mois, vous allez sûrement vous en remettre, par contre si vous tardez, deux, trois mois là ce sera fini, vous êtes [foutue](morte). On l’a donc mise en priorité sur la liste des soins gratuits dans les deux semaines. Peu, après on l’appelle pour dire: « vous savez la situation ici a changé, nos financements ont été réduits, on décale donc d’un mois la liste votre opération. » Prise d’horreur elle « dit: vous plaisantez, si on ne fait pas l’opération avant je vais mourir. » « Les bureaucrates ne veulent rien savoir, nous avons reçu telles instructions d’en haut point. Des gens comme vous on en a 200 et les financements actuels couvrent les frais de 50 personnes, d’où ce mois-ci c’est absolument impossible en ce qui vous concerne. Mais venez tout de même chez nous, on trouvera peut-être une solution. » Elle rentre donc dans leur cabinet et alors une dame anonyme lui chuchote discrètement: « ce sera trois cents mille ; vous mettez sur la table trois cents mille roubles et l’opération se fera demain ». Voici, un exemple de notre système de santé.

                Pour en revenir à l’UE, son problème principal tient dans le fait de son hyperlégalisme typiquement libéral: toutes les relations sont codifiées juridiquement et le droit européen qui prime sur le droit national est obligatoire d’exécution dans toute interaction entre états. En URSS il y’avait seulement quinze républiques et tous les accords étaient avec le Centre, c’est-à-dire Moscou. C’était bien plus clair. Dans l’UE avec ses 28 pays, il y’a des accords entre toute paire de pays, portant sur l’échange ; par exemple de marchés dans différents domaines d’activités. Il y’a des accords bien plus complexes entre groupes de 3, 4, 5 pays, dans différentes configurations : il est extrêmement difficile de gérer tout cela, et de faire fonctionner tout cela. Il y’a énormément d’accords allant dans tous les sens et le plus important est qu’il est en pratique impossible de les appliquer car les ressources manquent pour forcer l’application de cela. On parle de l’Europe où si tu ne remplis pas tes obligations, tu subis tout de suite des pénalités.
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                • #9
                  En URSS, c’était bien plus simple : les Premiers Secrétaires du Parti dans les républiques disaient à Moscou: « Si vous ne remplissez pas vos obligations, nous ne rempliront pas les nôtres, point. » Et l’URSS s’est écroulée ; dans le cas de l’UE ce sera une agonie bien pire en perspective. Le seul moyen d’y échapper c’est d’éliminer purement et simplement l’appareil bureaucratique monstrueux de l’UE, c-à-d in fine l’UE elle même. Nous voyons que l’Accord Schengen est partiellement supprimé. Nous sommes dans une situation où l’UE n’a point d’issue en réalité, ils réfléchissent en réalité déjà a comment faire le divorce mais à l’amiable. D’après ce que je crois comprendre, l’UE sera de facto divisée en deux, entre une « zone blanche » et une « zone noire ». La « zone blanche » sera celle des « pays riches » pouvant placer beaucoup d’argent dans la lutte anticrise, principalement l’Allememagne, la France etc., pour qui les accords s’appliqueront toujours. Aux autres on les sommera de mettre des sommes vertigineuse dans ce fonds, faute de quoi ils se verront exclus et sanctionnés et les accords de l’UE ne s’appliqueront plus à eux, jusqu’à ce qu’ils acceptent de contribuer et si ils sont récalcitrants, ils seront exclus définitivement. Et la construction de l’UE va commencer à se fragmenter petit à petit [NDT: BREXIT juin 2016]. Que vont faire les crétins qui sont allés sur le Maidan de Kiev, je ne puis dire à ce stade, ce sont leurs problèmes ; je pense que certains commencent à comprendre toute la bêtise de ce qu’ils ont fait. L’ultranationaliste ukrainien Oleg Lyashko a récemment dit : « Pourquoi on attaque Poutine, est-ce lui qui vole tout à Kiev en ce moment ? » Qui aurait cru entendre cela d’un ultranationaliste ukrainien il y’a peu ? Ce Lyashko est quand même un drôle de type, j’ai pu le voir de près une fois d’ailleurs ; il m’a fort surpris. Il y’a deux-trois ans il était sur un talk-show télévisé à Moscou et c’est étonnant quand une personne pendant deux longues heures parlait sans arrêt, sans laisser personne en placer une, une logorrhée mémorable.

                  Là on me pose des questions.
                  Qu’est-ce qui est plus dangereux pour l’économie de la Transdniestrie l’inflation ou la déflation ? J’y ai déjà répondu au tout début : il y’a toutes sortes de scénarios possibles avec l’inflation ou la déflation mais avant tout, il faut conceptualiser le type d’économie que vous voulez construire ici. Et avant toute chose bien décrire l’environnement économique dans lequel vous évoluez maintenant, et celui de demain. Quels sont vos relations avec l’Ukraine, la Russie, la Moldavie ? Qui encore, la Roumanie ? Vous imaginez ce que sera la Roumanie, une fois chassée de l’UE et privée des perfusions de l’UE qui la maintiennent à flot ? ça va être sportif de ce côté là… La Roumanie est quand même un pays étrange depuis toujours, un peu comme la Pologne. Les polonais sont forts sympathiques, ils nous ressemblent beaucoup en réalité mais on a compris que dieu a créé la Pologne afin de détruire toutes les organisations internationales dont elle fait partie. À ce sujet, je rappelle qu’en 1939 le ministre des affaires étrangères allemand Joachim Von Ribbentrop est venu à Moscou en proposant de « vendre » son allié de ce temps la Pologne. Je rappelle qu’un an avant en 1938 l’Allemagne et la Pologne ont dépecé la Tchécoslovaquie ; la Pologne avait pas mal de choses à se reprocher aussi. Ribbentrop à Moscou a donc proposé de passer la frontière entre l’URSS et l’Allemagne suivant la même ligne qu’en 1914, c-à-d d’inclure une partie de la Pologne en URSS. Ce à quoi le camarade Staline, ayant beaucoup côtoyé de polonais dans sa vie, répondit : « On fera comme ça, vous prendrez Varsovie, nous on prendra Lvov ».

                  [… … … … …]

                  02:06:44
                  [Question]
                  Mikhail Léonidovitch, aujourd’hui dans les médias on parle beaucoup d’une possible Troisième Guerre Mondiale ; que direz-vous à ce sujet?
                  Deuxième question : il y’a une affirmation que le Pouvoir, c’est le meilleur investissement qui soit.
                  Merci

                  [Réponse]
                  Le pouvoir et les affaires sont des choses différentes. Justement dans un mois nous publions un ouvrage appelé « L’Escalier vers les Cieux ». Nous y expliquons de manière fort détaillée, ce qu’est ce qu’on appelle le Pouvoir, la théorie derrière cet art et en quoi le Pouvoir se distingue de manière fondamentale des affaires et de la gestion.
                  En ce qui concerne la Troisième Guerre Mondiale, je pose la question suivante : pour quelles raisons la mènerait-on ? La Première Guerre Mondiale et la Deuxième Guerre Mondiale, le but était clair: le repartage des marchés. Aujourd’hui quasi tous les marchés sont entre les mêmes mains ; quelle serait le sens de cette guerre ? Oui, bien sûr les porte-avions nucléaires sont impressionnants mais la crise qu’on a sur les bras, c’est une crise de chute de la demande ; avec des porte-avions vous allez seulement encore plus réduire la demande mais certainement pas augmenter la consommation avec des porta-aéronefs à moins de larguer des liquidités à partir de vos avions. Les guerres au Proche-Orient sont entièrement instrumentalisées afin de provoquer un cas de force majeur qui permettrait à la finance globalisées de ne plus repayer ses dettes. Ce sont les « financiers » qui l’alimentent, sachant parfaitement que leurs banques travaillent toutes à perte et avec la nouvelle crise qui vient, toutes les banques transnationales seront des Lehman Brothers dont la chute en 2008 a déclenché la crise. Ces banques transnationales fonctionnent toutes à perte et ne sont pas rentables et ne peuvent pas vivre sans la perfusion indéfiniment en ressources par l’émission monétaire. L’émission de la FED a été stoppée en 2014, ces banques doivent toutes s’effondrer, ce modèle se disloque.
                  Voilà pourquoi pour ne pas avoir à payer, il leur faut provoquer une crise de cas de force majeure, la solution « idéale » c’est la guerre et au « bon » endroit, la guerre en Ukraine par exemple, c’est local, et pas un cas de force majeure car la plupart des américains et européens ne savent même pas c’est où ni c’est quoi l’Ukraine… Ils diront spontanément « L’Ukraine c’est cette partie de la Russie quelque part là-bas ? » les nationalistes ukrainiens enragés diront « non nous ne sommes pas une partie de la Russie » et l’occidental de répondre, vous-êtes qui alors ? Et voilà ce qu’il faut savoir sur le poids de l’Ukraine.
                  Par contre la guerre au Moyen-Orient, c’est bien « mieux » ; pourquoi ? car vous avez à l’Ouest le pétrole arabe et à l’Est Israël. Israël hurlera d’une nouvelle Holocauste en préparation, les émirats pétroliers parleront de la nécessité de l’explosion des prix puisque c’est la guerre, les grandes banques hurleront à la montée des risques et réclameront, les citoyens répondront qu’ils n’ont pas assez d’argent, les banques diront comme plus personne n’est solvable, on décrète le cas de force majeur et on remet à zéro les compteurs. Ca a déjà été testé, souvenez-vous de ce qui s’est passé à Chypre il y’a quelques années avec les dépôts bancaires : une opération géniale y a été menée, il a été dit aux épargnants des banques : « comme c’est la crise et qu’il faut se serrer la ceinture, nous allons sans demander votre accord convertir vos dépôts dans les banques en capital social de vos banques ». Et donc vous venez dans votre banque pour votre dépôt de cent mille dollars, en réponse l’on vous remet un document certifiant que vous êtes propriétaire de 0.1% des actions de cette banque et vous dites d’accord c’est bien, mais ce qu’il me faut c’est de la liquidité, je peux vendre ces actions. Bien sûr, allez sur le marché, et que vaudra ce 0.1% après l’écroulement des banques ? Deux cents dollars ? Vous aurez peut-être de la chance, et ça montera à deux cents cinquante dollars mais moi je vous parle de mes cent mille dollars du dépôt… La finance transnationale prépare une opération de ce type, c’est certain, ils n’ont pas d’autre issue.
                  La Troisième Guerre Mondiale dans cette situation elle n’aide en rien.

                  [… … … … … …]

                  02:49:23
                  Sur ce je termine, tout le monde est fatigué je vois.
                  Merci beaucoup et au revoir.

                  [FIN DE LA CONFERENCE]
                  The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                  Commentaire


                  • #10
                    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                    Commentaire


                    • #11
                      david un petit résumé stp.

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                      • #12
                        Merci, je viens de terminer. Un peu trop long, globalement d'accord sauf sur certains passages mais fort intéressant. Un point de vue qui change des menteurs de l'ouest !
                        Mais il a raison, l'UE est foutue !
                        ...

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