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Lagos, ville africaine en devenir

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  • Lagos, ville africaine en devenir

    Comme beaucoup de villes d’Afrique subsaharienne, la capitale économique du Nigeria affronte d’immenses défis.

    Les autorités locales travaillent à son aménagement. Et marquent des points, preuve que les villes africaines ne sont pas condamnées à une urbanisation anarchique.


    Chemise cintrée, veste soigneusement coupée, lunettes à la mode, Kumlé Adeyemi porte beau. L’architecte est un brillant représentant de ces entrepreneurs nigérians partis étudiés à New York les méthodes du management moderne, avant de revenir au Nigeria.

    Le jeune homme parle clair. Sans note. Il sait capter l’attention du public qui participe au séminaire d’urbanisation organisé par l’université de Lagos. Il y a là des représentants de la ville, des étudiants et des habitants du bidonville de Makoko.

    Kumlé Adeyemi a des projets pour rénover Makoko, ce quartier insalubre de Lagos, connu pour ses maisons sur pilotis au bord de la lagune. À ses yeux, la réhabilitation des logements passe par la construction de plates-formes flottantes, modulables en appartement, clinique, marché ou école. Une maison témoin existe déjà, mais il manque le feu vert des autorités locales.

    Lente amélioration

    Dans le public, Adebayo Modupe, l’une des responsables communautaires du bidonville, écoute attentivement. Cette mère de famille vient au séminaire tous les jours, dans l’espoir de piocher une idée pour transformer son quartier.

    Le chantier est immense. Adebayo Modupe cite l’absence d’hôpital public pour soigner les 100 000 habitants de Makoko. Elle se plaint des canaux bouchés par les détritus faute de tout-à-l’égout. Elle regrette que la route se transforme en chemin dès que l’on s’enfonce dans les ruelles. Et puis elle aimerait bien avoir un lycée pour ses trois enfants.

    « Mais les choses s’améliorent lentement », concède la commerçante, en passant devant la nouvelle école primaire et secondaire dont les ouvriers achèvent la construction.

    Marché refait à neuf et chiffres d’affaire en hausse

    À l’entrée de Makoko, le marché a été entièrement refait à neuf par la municipalité et les bailleurs de fonds internationaux. Aéré, propre, il a attiré de nouveaux clients et a augmenté le chiffre d’affaires des commerçants. Bosi Kayoum, une jeune émigrée béninoise, vend ses légumes derrière son étal.

    « Ma famille est venue ici car il y a du travail, explique-t-elle. Lagos est l’endroit où il faut être en Afrique de l’Ouest. Ça bouge. Vous ne reconnaîtrez pas la ville si vous revenez dans une dizaine d’années. »

    Autour du marché, des dames en combinaison orange balaient la chaussée. Elles font partie des nouvelles équipes de nettoyage organisées et payées par les autorités locales. Depuis son élection à la tête du gouvernement de l’État de Lagos en 2007, Babatunde Fashola est décidé à rétablir les services publics dans la plus grande ville d’Afrique au sud du Sahara.

    « Il a entrepris de transformer et de gérer cette mégalopole réputée ingérable », constate Kevin Huard, chef de projet de l’Agence française de développement.

    Prochain défi : éliminer les 42 bidonvilles de Lagos

    Le gouverneur s’est entouré de collaborateurs efficaces et de techniciens compétents à la tête de régies clés tel que l’eau, les transports, la gestion des déchets. Face à la croissance exponentielle de la commune, passée de 660 000 habitants en 1960 à 18 millions aujourd’hui, les hommes de Fashola ont engagé une course contre la montre. Et ils ont marqué des points : chute de l’insécurité, retour de l’ordre au bord des routes, création de squares et d’éclairages, extension du réseau d’eau, construction de quartiers résidentiels, multiplication par 500 du nombre de camions de collecte des ordures…

    « Singapour reste notre modèle, raconte Ben Akabueze, ministre de l’économie et du développement de l’État de Lagos. Dans les années 1960, nous étions au même niveau de développement que cette ville-État. Puis les régimes militaires qui se sont succédé jusqu’en 1999 se sont accaparé les ressources. Ils ont négligé d’investir dans les infrastructures. Les habitants ont été abandonnés à leur sort. L’absence de services a favorisé l’anarchie. Nous avons commencé par restaurer la loi et la justice. Notre prochain défi, éliminer les 42 bidonvilles recensés. Le chemin sera long. »

    Les quartiers informels délaissés par les réformes

    Les élus locaux le reconnaissent à mots couverts : les efforts de modernisation se sont concentrés sur le centre des affaires et les banlieues sécurisées pour riches Nigérians et expatriés fortunés qui vivent en bordure de la lagune. Mais la rénovation urbaine mord peu à peu sur les faubourgs populaires et souvent insalubres du continent. C’est ici que se concentrent les deux tiers de la population, le petit peuple de Lagos, avec ses commerçants, vendeurs des rues, chauffeurs de taxis, chômeurs.

    Le quartier informel d’Ajegunle est le plus vaste et le plus peuplé des bidonvilles de la mégalopole. Ils sont près de 500 000 à s’entasser dans les maisons en brique ou les taudis en bois qui s’étalent en rangs serrés sur des dizaines de kilomètres, coincés entre une bretelle d’autoroute, le port et des canaux.

    Ajegunle accueille chaque semaine des centaines de nouveaux citadins débarqués du nord du pays ou des États voisins, tous chassés par la misère des campagnes, tous attirés par les lumières de la mégalopole.

    Des rénovations en cours

    On y parle une centaine de langues différentes. On prie Dieu et Allah. On survit au quotidien grâce à son étal à poisson ou son salaire de petit fonctionnaire, insensible au soleil accablant ou aux odeurs des eaux stagnantes.

    Ici et là, des programmes de rénovation ont été lancés. Un dispensaire a ouvert ses portes. Une école a été construite. Des routes prolongées. Des canaux de drainage creusés. « Ajegunle est aux portes du développement, constate son maire, Kamal Bayewu. L’habitat doit se régénérer en gagnant de la hauteur. »

    Un premier projet de rénovation a été lancé par la Banque mondiale au début 2000. L’organisme a voulu piloter le dossier en dehors des circuits administratifs locaux. Une erreur. Les infrastructures n’ont été que partiellement réalisées, faute d’avoir obtenu le soutien du gouvernement local.

    Entente entre les organismes d’aide et les autorités

    L’Agence française de développement cible aujourd’hui une liste de bidonvilles susceptibles de recevoir une aide financière. Reste à s’entendre sur les modalités avec l’État de Lagos. Les autorités lorgnent sur les terrains des bidonvilles proches du centre où le prix du mètre carré pourrait se négocier très cher.

    Leur idée ? Détruire les taudis et les remplacer par des immeubles neufs. Or aucun bailleur de fonds étranger ne veut prendre le risque d’une solution aussi radicale. Ce genre de chantier entraîne en effet l’expulsion des plus pauvres vers la périphérie. Il génère souvent des manifestations, voire des violences.

    « Il n’y aura pas de retour en arrière, prévient l’historien Bolaji Uthman, directeur des archives municipales. Les autorités ont repris la main sur la ville. Elles ne la lâcheront plus. Même en ces temps de crise, nous sommes capables de nous développer par nous-mêmes, avec ou sans l’aide des étrangers. À Lagos, se dessine le futur de la ville africaine. »

    OLIVIER TALLÈS, à LAGOS (Nigeria)
    La Croix



    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Bientôt nous pourrons y aller par route ...Quelle aventure !
    L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote

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