Elle n’éclairait pas seulement par ses « bougies » mais par les sciences et la culture. Un document à lire absolument sur le niveau atteint par nos anciennes cités.
Située au cœur de l’espace méditerranéen et ancienne capitale du royaume hammadite, la ville de Béjaïa (Bougie, Bugia, Bgayet, Buzzea) - qui donna son nom aux petites chandelles et à partir de laquelle les chiffres arabes allaient être popularisés en Europe - fut, à l’époque médiévale, l’un des centres culturels et scientifiques les plus dynamiques du Maghreb. Elle était le pôle d’attraction de l’élite intellectuelle (musulmane, chrétienne et juive) qui venait y poursuivre des études, débattre des idées, faire des recherches et des observations astronomiques (1). Après la destruction de la ville par les Espagnols, au début du XVIe siècle, le relais, dans le domaine de l’astronomie, est assuré par la province. C’est l’épopée des zaouïa ou instituts de la Kabylie.
Des traités sont rédigés qui permettent aux lettrés locaux de transmettre le savoir. Le niveau de connaissances de ces lettrés du XIXe siècle, ainsi que leurs pratiques, peuvent être appréhendés en analysant le contenu de la Bibliothèque savante de manuscrits de Cheikh Lmuhub, exhumés en 1994. Les pratiques anciennes perdureront jusqu’à la formation des premiers astronomes contemporains au début du XXe siècle. La prédiction de l’apparition des croissants lunaires, l’orientation (direction de La Mecque), ainsi que la détermination des instants de prières ont de tout temps constitué la préoccupation majeure des musulmans. Or, les heures des prières, par exemple, sont en relation directe avec la hauteur du soleil, et varient suivant la latitude du lieu et la déclinaison du soleil.
La pratique de l’astronomie était donc nécessaire, et de nombreux instruments d’observation portatifs (astrolabes, cadrans solaires) furent fabriqués et développés. On verra même naître au XIIIe siècle une discipline distincte, Ilm al-Miqat (la science des moments déterminés), qui s’occupe uniquement des prescriptions religieuses liées à l’astronomie. Les travaux sur l’astronomie dans les pays de l’Islam débutent au IXe siècle en Orient (Syrie, Irak), avec la traduction de l’Almageste de Ptolémée, célèbre astronome d’Alexandrie au IIe siècle. Dès le Xe siècle, cet ouvrage est connu au Maghreb, en particulier à Kairouan. Dans cette importante ville de l’Ifriqiya (ndlr : actuellement la Tunisie), fondée en 670, ont vécu un grand nombre de scientifiques.
On peut citer le célèbre astronome et astrologue Ibn Abi Ridjal (m. 1040), connu en Europe sous le nom d’Albohazen (ou Aben Rajel) (2). Il aurait assisté à des observations astronomiques faites à Baghdad en 989. Son principal ouvrage, Kitab al-Bari fi Ahkam al-Nudjum (L’Ingénieux en astrologie judiciaire), fut traduit en castillan pour le roi Alphonse X (vers 1254), et de là en latin (fig.1), en hébreu, en portugais, en français et en anglais. Ce remarquable ouvrage a joué un rôle important dans la diffusion de l’astronomie et de l’astrologie musulmanes en Europe. Suite à l’attaque des Hilaliens et à la ruine de Kairouan en 1057, l’élite savante de cette ville, et de l’Ifriqiya en général, est allée s’établir à Mahdia (Tunisie), la nouvelle capitale du royaume ziride, et à la Qal‘a des Béni Hammad (près de M’sila, en Algérie). C’est à Mahdia que travailla le grand astronome Abu l’Salt Umayya, qui rédigea au début du XIIe siècle un traité d’astronomie et une Risala fi `Ilm al-Asturlab (Traité sur l’usage de l’astrolabe). Cependant, suite à la menace toujours incessante des Hilaliens, c’est en 1067 que le prince al-Nasir transfère la capitale du royaume berbère des Hammadites de la Qal`a vers Béjaïa.
Cette ville profita ainsi de l’exode de l’élite savante de la Qal’a, parmi laquelle de nombreux mathématiciens. Elle fut dotée de beaux monuments et récupéra aussi des œuvres d’art provenant de la Qal’a. Elle devint alors une cité florissante. Plus tard, la Reconquista chrétienne, qui mettra un terme à la civilisation musulmane andalouse, va favoriser l’immigration de nombreux savants andalous à Béjaïa, parmi lesquels de nombreux astronomes et mathématiciens venus de différentes villes, notamment de Murcie, Séville, Valence et Jativa. En plus des facteurs déjà cités à l’origine de l’arrivée de l’élite savante à Bougie, cette ville, avec son port très actif, avait la particularité d’être un point de passage obligé sur la route Occident-Orient, notamment pour l’accomplissement du pèlerinage de La Mecque ou pour poursuivre des études.
Par ailleurs, la tolérance et le dynamisme des princes de Bougie, ainsi que la qualité des relations officielles nouées avec les républiques chrétiennes méditerranéennes (Gênes, Pise, Marseille, Venise, Catalogne, Majorque) qui conduisirent à la signature de nombreux traités (traités de paix, traités de commerce, traités sur les biens des naufragés, etc.), vont jouer un rôle majeur dans le processus de transmission du savoir musulman, mais cette fois-ci de Bougie vers l’Occident chrétien. C’est à Bougie, par exemple, que le fils d’un marchand italien, Leonardo Fibonacci (1170-1240), considéré comme le premier grand mathématicien de l’Occident chrétien, bénéficie d’un enseignement « admirable » (mirabili magisterio), selon son propre témoignage, en science du calcul et en algèbre. Il s’initie au système de numération, aux méthodes de calcul et aux techniques commerciales des pays de l’Islam. Il apprend à calculer les latitudes et les longitudes. De retour à Pise, c’est lui qui va faire connaître les travaux des musulmans et stimuler la renaissance des études mathématiques en Europe.
Bien avant Galilée
Bougie était célèbre par le niveau de son école. De nombreux astronomes célèbres y ont vécu et travaillé à l’époque médiévale. Les débats y étaient intenses. Citons un exemple de controverse : dans la classification faite par deux savants de Bougie, l’astronomie n’est pas intégrée à la même discipline ; pour Ibn Sab`in l’astronomie fait partie de la physique tandis que pour Ibn Khaldun, elle appartient aux mathématiques. Quelques connaissances et concepts de l’astronomie, profondément ancrés dans les esprits de cette époque et véhiculés au quotidien, nous donnent une idée du haut niveau d’instruction. Par exemple, dès le XIIe siècle, de nombreux lettrés de Bougie étaient convaincus de la sphéricité de la Terre et de l’énormité du Soleil (Ibn Sab’in, Ibn Khaldun, Ibn Sa’id, al-Gubrini et d’autres).
Par ailleurs, les instruments astronomiques ont atteint le haut degré de complexité et de perfectionnements que nécessite toute spécialisation. À Bougie, de nombreux spécialistes, tel al-Burji (1310-1384), assurent l’élaboration de ces instruments. Selon le témoignage d’Al-Idrisi (1100-1166), célèbre géographe du roi normand Roger II de Sicile, il y avait à Bougie toute une industrie « d’étranges et exceptionnels appareils ».
Parmi les réalisations de premier plan qui ont marqué la ville, citons les observations astronomiques d’Abu l’Hassan Ali et l’établissement de tables astronomiques par Ibn Raqqam (3). L’astronome marocain Abu l’Hassan Ali, originaire de Marrakech et grand voyageur, « a ajouté aux connaissances qu’il avait acquises celles des plus savants hommes des seules contrées où les sciences fussent alors cultivées avec succès ». Il s’exprime ainsi : « Nous avons écrit en encre rouge les noms des villes dans lesquelles nous avons été, et dont nous avons observé nous-même la latitude. »
De par son propre témoignage, nous savons qu’Abu l’Hassan (mort en 1262) se livra à des observations astronomiques à Bougie. Il observa la hauteur du pôle et détermina la longitude et la latitude de la ville (36° 5’). Il effectua le même travail, avec une précision bien supérieure à celle des anciens, pour 40 autres villes de l’Andalousie et de l’Afrique septentrionale. Il consigna ses observations dans un ouvrage magistral Jamiou al- Mabadi wa l’Gayiat fi `Ilm al-Miqat (Collection des commencements et des fins). Ce traité est divisé en quatre parties : la science du calcul, l’utilisation des appareils, et les études pour acquérir connaissance et puissance créative. L’ouvrage fut traduit partiellement au XIXe siècle par J. J. Sedillot, orientaliste et astronome français, qui affirme que « ce traité est le plus complet qui ait été composé sur ce sujet par aucun astronome de la nation musulmane ». L. A. Sédillot achèvera l’œuvre de son père en effectuant la publication, en 1841, du Mémoire sur les instruments astronomiques des Arabes.
C’est en 1266 que l’astronome Ibn Raqqam (mort en 1315) quitte son Andalousie natale pour se rendre à Béjaïa et s’y initier à l’astronomie. Vers 1280, il composa son célèbre ouvrage al-Zij al- Shamil fi Tahdib al-Kamil suivant la tradition de l’école initiée par le célèbre astronome andalou Arzachel (mort en 1100). Cet ouvrage comprend trois parties : la première est un abrégé du traité Al-Zij al-Kamil fi at-Ta`anim d’Ibn al-Haim (composé vers 1205-1206). La deuxième partie est une production d’Ibn Raqqam lui-même. Quant à la troisième partie, elle est consacrée aux tables astronomiques (Zij) permettant de prédire différents événements célestes (les éclipses, les passages des planètes...). Il serait intéressant par la suite de vérifier si ces tables conviennent vraiment à la latitude de Béjaia. Une copie de Al-Zij al-Shamil est répertoriée sous le numéro 249 au musée al-Kindili (Istanbul).
Plusieurs lettrés qui ont vécu à Bougie étaient versés en géographie. C’est le cas d’Ibn Sa’id al-Magribi (1214-1286) qui a composé un ouvrage de géographie en se basant sur les traités de Ptolémée, d’al-Idrisi, d’Ibn Fatima et d’al- Khawarizmi. Il fit accompagner les lieux les plus importants de leurs longitudes et latitudes. Ce qui le distingue de ses semblables est l’intérêt qu’il porte à l’Europe et aux pays non musulmans. L’oeuvre d’Ibn Sa’id semble avoir eu un impact très au-delà de la région. En effet, plusieurs chapitres de l’ouvrage d’Abu al-Fida’ (1271-1331), largement inspirés de celui d’Ibn Sa’id, ont été traduits et publiés en Europe.
Située au cœur de l’espace méditerranéen et ancienne capitale du royaume hammadite, la ville de Béjaïa (Bougie, Bugia, Bgayet, Buzzea) - qui donna son nom aux petites chandelles et à partir de laquelle les chiffres arabes allaient être popularisés en Europe - fut, à l’époque médiévale, l’un des centres culturels et scientifiques les plus dynamiques du Maghreb. Elle était le pôle d’attraction de l’élite intellectuelle (musulmane, chrétienne et juive) qui venait y poursuivre des études, débattre des idées, faire des recherches et des observations astronomiques (1). Après la destruction de la ville par les Espagnols, au début du XVIe siècle, le relais, dans le domaine de l’astronomie, est assuré par la province. C’est l’épopée des zaouïa ou instituts de la Kabylie.
Des traités sont rédigés qui permettent aux lettrés locaux de transmettre le savoir. Le niveau de connaissances de ces lettrés du XIXe siècle, ainsi que leurs pratiques, peuvent être appréhendés en analysant le contenu de la Bibliothèque savante de manuscrits de Cheikh Lmuhub, exhumés en 1994. Les pratiques anciennes perdureront jusqu’à la formation des premiers astronomes contemporains au début du XXe siècle. La prédiction de l’apparition des croissants lunaires, l’orientation (direction de La Mecque), ainsi que la détermination des instants de prières ont de tout temps constitué la préoccupation majeure des musulmans. Or, les heures des prières, par exemple, sont en relation directe avec la hauteur du soleil, et varient suivant la latitude du lieu et la déclinaison du soleil.
La pratique de l’astronomie était donc nécessaire, et de nombreux instruments d’observation portatifs (astrolabes, cadrans solaires) furent fabriqués et développés. On verra même naître au XIIIe siècle une discipline distincte, Ilm al-Miqat (la science des moments déterminés), qui s’occupe uniquement des prescriptions religieuses liées à l’astronomie. Les travaux sur l’astronomie dans les pays de l’Islam débutent au IXe siècle en Orient (Syrie, Irak), avec la traduction de l’Almageste de Ptolémée, célèbre astronome d’Alexandrie au IIe siècle. Dès le Xe siècle, cet ouvrage est connu au Maghreb, en particulier à Kairouan. Dans cette importante ville de l’Ifriqiya (ndlr : actuellement la Tunisie), fondée en 670, ont vécu un grand nombre de scientifiques.
On peut citer le célèbre astronome et astrologue Ibn Abi Ridjal (m. 1040), connu en Europe sous le nom d’Albohazen (ou Aben Rajel) (2). Il aurait assisté à des observations astronomiques faites à Baghdad en 989. Son principal ouvrage, Kitab al-Bari fi Ahkam al-Nudjum (L’Ingénieux en astrologie judiciaire), fut traduit en castillan pour le roi Alphonse X (vers 1254), et de là en latin (fig.1), en hébreu, en portugais, en français et en anglais. Ce remarquable ouvrage a joué un rôle important dans la diffusion de l’astronomie et de l’astrologie musulmanes en Europe. Suite à l’attaque des Hilaliens et à la ruine de Kairouan en 1057, l’élite savante de cette ville, et de l’Ifriqiya en général, est allée s’établir à Mahdia (Tunisie), la nouvelle capitale du royaume ziride, et à la Qal‘a des Béni Hammad (près de M’sila, en Algérie). C’est à Mahdia que travailla le grand astronome Abu l’Salt Umayya, qui rédigea au début du XIIe siècle un traité d’astronomie et une Risala fi `Ilm al-Asturlab (Traité sur l’usage de l’astrolabe). Cependant, suite à la menace toujours incessante des Hilaliens, c’est en 1067 que le prince al-Nasir transfère la capitale du royaume berbère des Hammadites de la Qal`a vers Béjaïa.
Cette ville profita ainsi de l’exode de l’élite savante de la Qal’a, parmi laquelle de nombreux mathématiciens. Elle fut dotée de beaux monuments et récupéra aussi des œuvres d’art provenant de la Qal’a. Elle devint alors une cité florissante. Plus tard, la Reconquista chrétienne, qui mettra un terme à la civilisation musulmane andalouse, va favoriser l’immigration de nombreux savants andalous à Béjaïa, parmi lesquels de nombreux astronomes et mathématiciens venus de différentes villes, notamment de Murcie, Séville, Valence et Jativa. En plus des facteurs déjà cités à l’origine de l’arrivée de l’élite savante à Bougie, cette ville, avec son port très actif, avait la particularité d’être un point de passage obligé sur la route Occident-Orient, notamment pour l’accomplissement du pèlerinage de La Mecque ou pour poursuivre des études.
Par ailleurs, la tolérance et le dynamisme des princes de Bougie, ainsi que la qualité des relations officielles nouées avec les républiques chrétiennes méditerranéennes (Gênes, Pise, Marseille, Venise, Catalogne, Majorque) qui conduisirent à la signature de nombreux traités (traités de paix, traités de commerce, traités sur les biens des naufragés, etc.), vont jouer un rôle majeur dans le processus de transmission du savoir musulman, mais cette fois-ci de Bougie vers l’Occident chrétien. C’est à Bougie, par exemple, que le fils d’un marchand italien, Leonardo Fibonacci (1170-1240), considéré comme le premier grand mathématicien de l’Occident chrétien, bénéficie d’un enseignement « admirable » (mirabili magisterio), selon son propre témoignage, en science du calcul et en algèbre. Il s’initie au système de numération, aux méthodes de calcul et aux techniques commerciales des pays de l’Islam. Il apprend à calculer les latitudes et les longitudes. De retour à Pise, c’est lui qui va faire connaître les travaux des musulmans et stimuler la renaissance des études mathématiques en Europe.
Bien avant Galilée
Bougie était célèbre par le niveau de son école. De nombreux astronomes célèbres y ont vécu et travaillé à l’époque médiévale. Les débats y étaient intenses. Citons un exemple de controverse : dans la classification faite par deux savants de Bougie, l’astronomie n’est pas intégrée à la même discipline ; pour Ibn Sab`in l’astronomie fait partie de la physique tandis que pour Ibn Khaldun, elle appartient aux mathématiques. Quelques connaissances et concepts de l’astronomie, profondément ancrés dans les esprits de cette époque et véhiculés au quotidien, nous donnent une idée du haut niveau d’instruction. Par exemple, dès le XIIe siècle, de nombreux lettrés de Bougie étaient convaincus de la sphéricité de la Terre et de l’énormité du Soleil (Ibn Sab’in, Ibn Khaldun, Ibn Sa’id, al-Gubrini et d’autres).
Par ailleurs, les instruments astronomiques ont atteint le haut degré de complexité et de perfectionnements que nécessite toute spécialisation. À Bougie, de nombreux spécialistes, tel al-Burji (1310-1384), assurent l’élaboration de ces instruments. Selon le témoignage d’Al-Idrisi (1100-1166), célèbre géographe du roi normand Roger II de Sicile, il y avait à Bougie toute une industrie « d’étranges et exceptionnels appareils ».
Parmi les réalisations de premier plan qui ont marqué la ville, citons les observations astronomiques d’Abu l’Hassan Ali et l’établissement de tables astronomiques par Ibn Raqqam (3). L’astronome marocain Abu l’Hassan Ali, originaire de Marrakech et grand voyageur, « a ajouté aux connaissances qu’il avait acquises celles des plus savants hommes des seules contrées où les sciences fussent alors cultivées avec succès ». Il s’exprime ainsi : « Nous avons écrit en encre rouge les noms des villes dans lesquelles nous avons été, et dont nous avons observé nous-même la latitude. »
De par son propre témoignage, nous savons qu’Abu l’Hassan (mort en 1262) se livra à des observations astronomiques à Bougie. Il observa la hauteur du pôle et détermina la longitude et la latitude de la ville (36° 5’). Il effectua le même travail, avec une précision bien supérieure à celle des anciens, pour 40 autres villes de l’Andalousie et de l’Afrique septentrionale. Il consigna ses observations dans un ouvrage magistral Jamiou al- Mabadi wa l’Gayiat fi `Ilm al-Miqat (Collection des commencements et des fins). Ce traité est divisé en quatre parties : la science du calcul, l’utilisation des appareils, et les études pour acquérir connaissance et puissance créative. L’ouvrage fut traduit partiellement au XIXe siècle par J. J. Sedillot, orientaliste et astronome français, qui affirme que « ce traité est le plus complet qui ait été composé sur ce sujet par aucun astronome de la nation musulmane ». L. A. Sédillot achèvera l’œuvre de son père en effectuant la publication, en 1841, du Mémoire sur les instruments astronomiques des Arabes.
C’est en 1266 que l’astronome Ibn Raqqam (mort en 1315) quitte son Andalousie natale pour se rendre à Béjaïa et s’y initier à l’astronomie. Vers 1280, il composa son célèbre ouvrage al-Zij al- Shamil fi Tahdib al-Kamil suivant la tradition de l’école initiée par le célèbre astronome andalou Arzachel (mort en 1100). Cet ouvrage comprend trois parties : la première est un abrégé du traité Al-Zij al-Kamil fi at-Ta`anim d’Ibn al-Haim (composé vers 1205-1206). La deuxième partie est une production d’Ibn Raqqam lui-même. Quant à la troisième partie, elle est consacrée aux tables astronomiques (Zij) permettant de prédire différents événements célestes (les éclipses, les passages des planètes...). Il serait intéressant par la suite de vérifier si ces tables conviennent vraiment à la latitude de Béjaia. Une copie de Al-Zij al-Shamil est répertoriée sous le numéro 249 au musée al-Kindili (Istanbul).
Plusieurs lettrés qui ont vécu à Bougie étaient versés en géographie. C’est le cas d’Ibn Sa’id al-Magribi (1214-1286) qui a composé un ouvrage de géographie en se basant sur les traités de Ptolémée, d’al-Idrisi, d’Ibn Fatima et d’al- Khawarizmi. Il fit accompagner les lieux les plus importants de leurs longitudes et latitudes. Ce qui le distingue de ses semblables est l’intérêt qu’il porte à l’Europe et aux pays non musulmans. L’oeuvre d’Ibn Sa’id semble avoir eu un impact très au-delà de la région. En effet, plusieurs chapitres de l’ouvrage d’Abu al-Fida’ (1271-1331), largement inspirés de celui d’Ibn Sa’id, ont été traduits et publiés en Europe.
Commentaire