(Thomas Gounet)
A propos du livre "Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours" de Paul Bairoch
Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, il est une évidence que la bourgeoisie mondiale ne veut plus mettre en question : le capitalisme a gagné ; il est plus efficace que le socialisme ; il a remporté la bataille économique ; et, en outre, il est démocratique, alors que le socialisme est ‘‘totalitaire’’, un mot qui ne veut rien dire, mais qui a l’avantage de placer sur le même pied communisme et fascisme. Sur cette base, l’arrogance patronale est sans bornes. Tout doit disparaître au profit des multinationales, car elles sont les seules à pouvoir apporter la prospérité et le progrès à l’humanité.
Témoin de cette certitude, le nouveau livre de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), le club des pays riches, intitulé ‘‘Pour l’ouverture des marchés’’. Les avantages de la libéralisation des échanges et de l’investissement. Dans celui-ci, on peut lire en effet : ‘‘S’il demeure exact - ce qui est probablement inacceptable - que 1,5 milliard de personnes vivent encore dans la misère aujourd’hui, il n’en est pas moins vrai que le relèvement des niveaux de vie associé à un ordre commercial plus libéral a effectivement contribué à tirer quelque 3 milliards d’autres individus hors de la pauvreté depuis la fin de la guerre.’’ 1
Et : ‘‘Le commerce et l’investissement internationaux n’opèrent pas un partage entre gagnants d’un côté et perdants de l’autre. En fait, le commerce et l’investissement offrent à tous les pays la possibilité d’atteindre une plus grande prospérité.’’ 2
Le livre de Paul Bairoch, Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, permet de réfuter ce genre d’affirmations gratuites. Bairoch est économiste, spécialiste des données quantitatives. Il veut retracer, à travers 2 788 pages, l’histoire du monde depuis l’an 1500. La tentative ne manque pas d’atouts et mérite le détour en tant que telle, car basée sur des faits et des chiffres. Le point faible réside sur le plan théorique : il essaie de formuler des conclusions générales à partir des données quantitatives, au lieu de débattre des théories en tant que telles sur base des chiffres et des faits. Mais un des points les plus intéressants, c’est le constat que Bairoch tire de l’expérience des pays socialistes : ce sont de relatifs succès économiques.
Et, pourtant, il souligne, comme tous les anticommunistes, le caractère ‘‘non démocratique’’ des régimes qui ont instauré une alternative au capitalisme. Il utilise aussi les sources occidentales, car il trouve que celles élaborées par les experts socialistes ne sont pas assez fiables. Il tente sans cesse de relativiser les conclusions auxquelles il doit aboutir en lisant les données quantitatives qu’il présente. Ce n’est donc pas un livre complaisant pour le socialisme.
1. L’expérience soviétique :
Ce qui est étonnant dans les constats établis par Paul Bairoch, c’est que, bien qu’il ne le nomme pas comme tel, il présente Staline comme celui qui a assuré le progrès économique en URSS. D’abord, il a dû rétablir la situation qu’avait engendré la Première Guerre mondiale et la Guerre civile. En 1920, la production agricole était tombée à la moitié de celle de 1913 et, pour l’industrie, il s’agissait d’un sixième ou d’un huitième. 3
C’est le programme de Staline qui a permis le succès. Commencé au milieu des années 20, il se poursuit au moins jusqu’à la prise de pouvoir de Khrouchtchev en 1956. Mais, même par la suite, il a encore des effets. D’abord, au niveau de l’industrie : ‘‘Globalement, dans le domaine industriel, la réussite a été indubitable. En se fondant sur les estimations occidentales, on aboutit à la conclusion que, comparée par exemple avec les Etats-Unis, l’URSS a rattrapé une partie importante de son retard en matière d’industrialisation. Ainsi, en 1928, le niveau d’industrialisation de l’URSS par habitant devait représenter 10 à 12% de celui des Etats-Unis ; vers 1958, il s’agissait de 26 à 28%, et ce malgré le fait que les Etats-Unis ont largement profité de la guerre.’’ 4
Même analyse pour la production de denrées agricoles : ‘‘Pour l’agriculture, le diagnostic ressemble un peu à celui de l’industrie. En effet, en ce qui concerne les céréales, le bilan est plutôt positif. Entre 1926-1930 et 1958-1962 la production a progressé de près de 70%, alors que la population n’a augmenté que de 40%. Donc une progression de la production par habitant de l’ordre de 20%. (...) Mais comme les exportations nettes étaient pour 1958-1962 plus faibles qu’avant la guerre, cela implique une augmentation de la consommation par habitant d’environ 25%. D’ailleurs, le pain était très bon marché, ce qui conduit toujours à des effets pervers, donc au gaspillage. En revanche, pour les autres produits agricoles, et surtout pour les produits élaborés, tels que la viande et les produits laitiers, les fruits et légumes, la progression a été beaucoup plus modérée.’’ 5
(Extrait du livre de Ludo Martens, page 250.) Des dizaines de milliers de jeunes paysannes, hier encore analphabètes sont devenues des tractoristes et des techniciennes. La mise sur pieds des stations-machine tracteur a révolutionné l'agriculture. (1930s)
C’est une vision qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Des auteurs comme Charles Bettelheim, Samir Amin ou René Dumont n’ont cessé de répéter l’échec de la transformation agricole en URSS. Mais Bairoch développe un autre point de vue, plus proche de ce qu’on peut lire dans Un autre regard sur Staline. 6
Conclusion : ‘‘Les experts occidentaux situent la croissance du PNB par habitant de l’URSS entre 1928 et 1958 à environ 4 à 5% par an, ce qui constitue un rythme environ deux fois plus élevé que celui de l’Occident durant la même période. (...) Donc, globalement, pour la période 1928-1958, on peut considérer que la planification a permis à l’URSS de combler une partie de son retard et de se doter plus rapidement que l’Occident d’une base industrielle. La comparaison la plus significative est celle avec l’Espagne et l’Italie. (...) Vers 1928, l’URSS avait un niveau d’industrialisation inférieur de près de la moitié à celui de l’Italie et de 30% à celui de l’Espagne. Or, pour 1962-1964 (période la plus proche de 1958), l’URSS dépassait d’environ 12 à 16% l’Italie et d’environ 140 à 160% l’Espagne.’’ 7
Bairoch poursuit : le ralentissement économique est surtout notable dans les années 70. Mais, depuis la chute du Mur, c’est la dégringolade. Pour l’ensemble des pays de l’Est, il s’agit d’un effondrement de 40% entre 1989 et 1995. 8 Mais, cela, tout le monde peut le remarquer. Le socialisme ‘‘stalinien’’ est donc une incontestable réussite économique. Et le révisionnisme ‘‘khrouchtchévien’’, qui voulait assurer la même production en URSS qu’aux Etats-Unis pour les années 80, un échec. Il a conduit à la restauration du capitalisme qui s’est révélée être une catastrophe. En outre, autre discours qu’on n’a pas l’habitude d’entendre, la période ‘‘stalinienne’’ a assuré un progrès social remarquable.
‘‘Les acquis sociaux en URSS ? Ce sont essentiellement une distribution moins inégale des revenus ; un progrès extrêmement rapide de l’éducation et de la médecine ; et (ce qui a déjà été évoqué) l’absence de chômage.’’ 9 ‘‘D’ailleurs, l’article 40 de la Constitution proclamait le droit au travail garanti par l’Etat.’’ 10
Bairoch souligne que, durant cette période, l’écart régional a été réduit : ‘‘L’écart du niveau de vie entre la région la plus pauvre et la région la plus riche était de l’ordre de 1 à 2 seulement. A titre de comparaison, aux Etats-Unis, à la même époque (fin des années 1950), l’écart était de 1 à 3. Et dans le tiers monde, on trouve de nombreux cas où cet écart dépasse le 1 à 6.’’ 11
Quand on pense qu’on a justifié la séparation des Etats indépendants de l’URSS par l’écart de richesses entre régions et le besoin des contrées pauvres de se développer enfin ! En 1960, il y a proportionnellement deux fois plus d’universitaires en URSS qu’en Europe occidentale. Le taux d’analphabétisme est pratiquement nul en 1958. La mortalité infantile est passée de 250 pour mille en 1910, soit le double de l’Europe occidentale, à 33 pour mille en 1958, soit l’équivalent de l’Occident. Les taux de criminalité, de toxicomanie, de prostitution sont très faibles. 12 Quand on voit ce que le capitalisme a fait de tous ses acquis, on s’aperçoit plus encore du bien-être apporté par le socialisme aux travailleurs du pays.
2. Un même constat positif pour les autres économies socialistes :
Bairoch s’attaque alors à une autre grande expérience socialiste : la Chine. De nouveau, l’analyse est simple : la période capitaliste est celle de la stagnation et de la misère ; après 1949 et la révolution, c’est le progrès économique et social, certes pas uniforme, mais quand même rapide si on le considère sur une longue période. L’économiste souligne :
‘‘La Chine, au moment de la création de la république populaire, est un pays meurtri par les conséquences de l’invasion japonaise et la longue guerre civile. En revanche, elle a hérité aussi des investissements réalisés par le Japon en Mandchourie. Toutefois, son niveau d’industrialisation par habitant vers 1949 était à peu de chose près celui de 1938 qui, lui-même, n’était que légèrement supérieur à celui de 1913 ; donc, pratiquement une stagnation du niveau d’industrialisation entre 1913 et 1949, alors qu’en Inde, par exemple, on a assisté à un doublement. Vers 1949, le niveau d’industrialisation de la Chine était voisin ou un peu inférieur à celui de la moyenne du tiers monde à économie de marché. Or, le niveau atteint par la Chine en 1976 à la mort de Mao est (d’après mes estimations basées sur les sources occidentales) supérieur de quelque 65 à 70% au niveau d’industrialisation moyen du tiers monde à économie de marché (mais supérieur de seulement 40 à 45% à celui de l’Inde ; et inférieur de 60 à 70% à celui du Brésil).’’ 13
Et l’économiste d’ajouter ce qui est remarquable dans cette performance : primo, cette croissance concerne une longue période ; secundo, c’est un pays très important du point de vue démographique ; tertio, le pays a été très peu aidé par l’étranger.
A propos du livre "Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours" de Paul Bairoch
Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, il est une évidence que la bourgeoisie mondiale ne veut plus mettre en question : le capitalisme a gagné ; il est plus efficace que le socialisme ; il a remporté la bataille économique ; et, en outre, il est démocratique, alors que le socialisme est ‘‘totalitaire’’, un mot qui ne veut rien dire, mais qui a l’avantage de placer sur le même pied communisme et fascisme. Sur cette base, l’arrogance patronale est sans bornes. Tout doit disparaître au profit des multinationales, car elles sont les seules à pouvoir apporter la prospérité et le progrès à l’humanité.
Témoin de cette certitude, le nouveau livre de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), le club des pays riches, intitulé ‘‘Pour l’ouverture des marchés’’. Les avantages de la libéralisation des échanges et de l’investissement. Dans celui-ci, on peut lire en effet : ‘‘S’il demeure exact - ce qui est probablement inacceptable - que 1,5 milliard de personnes vivent encore dans la misère aujourd’hui, il n’en est pas moins vrai que le relèvement des niveaux de vie associé à un ordre commercial plus libéral a effectivement contribué à tirer quelque 3 milliards d’autres individus hors de la pauvreté depuis la fin de la guerre.’’ 1
Et : ‘‘Le commerce et l’investissement internationaux n’opèrent pas un partage entre gagnants d’un côté et perdants de l’autre. En fait, le commerce et l’investissement offrent à tous les pays la possibilité d’atteindre une plus grande prospérité.’’ 2
Le livre de Paul Bairoch, Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, permet de réfuter ce genre d’affirmations gratuites. Bairoch est économiste, spécialiste des données quantitatives. Il veut retracer, à travers 2 788 pages, l’histoire du monde depuis l’an 1500. La tentative ne manque pas d’atouts et mérite le détour en tant que telle, car basée sur des faits et des chiffres. Le point faible réside sur le plan théorique : il essaie de formuler des conclusions générales à partir des données quantitatives, au lieu de débattre des théories en tant que telles sur base des chiffres et des faits. Mais un des points les plus intéressants, c’est le constat que Bairoch tire de l’expérience des pays socialistes : ce sont de relatifs succès économiques.
Et, pourtant, il souligne, comme tous les anticommunistes, le caractère ‘‘non démocratique’’ des régimes qui ont instauré une alternative au capitalisme. Il utilise aussi les sources occidentales, car il trouve que celles élaborées par les experts socialistes ne sont pas assez fiables. Il tente sans cesse de relativiser les conclusions auxquelles il doit aboutir en lisant les données quantitatives qu’il présente. Ce n’est donc pas un livre complaisant pour le socialisme.
1. L’expérience soviétique :
Ce qui est étonnant dans les constats établis par Paul Bairoch, c’est que, bien qu’il ne le nomme pas comme tel, il présente Staline comme celui qui a assuré le progrès économique en URSS. D’abord, il a dû rétablir la situation qu’avait engendré la Première Guerre mondiale et la Guerre civile. En 1920, la production agricole était tombée à la moitié de celle de 1913 et, pour l’industrie, il s’agissait d’un sixième ou d’un huitième. 3
C’est le programme de Staline qui a permis le succès. Commencé au milieu des années 20, il se poursuit au moins jusqu’à la prise de pouvoir de Khrouchtchev en 1956. Mais, même par la suite, il a encore des effets. D’abord, au niveau de l’industrie : ‘‘Globalement, dans le domaine industriel, la réussite a été indubitable. En se fondant sur les estimations occidentales, on aboutit à la conclusion que, comparée par exemple avec les Etats-Unis, l’URSS a rattrapé une partie importante de son retard en matière d’industrialisation. Ainsi, en 1928, le niveau d’industrialisation de l’URSS par habitant devait représenter 10 à 12% de celui des Etats-Unis ; vers 1958, il s’agissait de 26 à 28%, et ce malgré le fait que les Etats-Unis ont largement profité de la guerre.’’ 4
Même analyse pour la production de denrées agricoles : ‘‘Pour l’agriculture, le diagnostic ressemble un peu à celui de l’industrie. En effet, en ce qui concerne les céréales, le bilan est plutôt positif. Entre 1926-1930 et 1958-1962 la production a progressé de près de 70%, alors que la population n’a augmenté que de 40%. Donc une progression de la production par habitant de l’ordre de 20%. (...) Mais comme les exportations nettes étaient pour 1958-1962 plus faibles qu’avant la guerre, cela implique une augmentation de la consommation par habitant d’environ 25%. D’ailleurs, le pain était très bon marché, ce qui conduit toujours à des effets pervers, donc au gaspillage. En revanche, pour les autres produits agricoles, et surtout pour les produits élaborés, tels que la viande et les produits laitiers, les fruits et légumes, la progression a été beaucoup plus modérée.’’ 5
(Extrait du livre de Ludo Martens, page 250.) Des dizaines de milliers de jeunes paysannes, hier encore analphabètes sont devenues des tractoristes et des techniciennes. La mise sur pieds des stations-machine tracteur a révolutionné l'agriculture. (1930s)
C’est une vision qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Des auteurs comme Charles Bettelheim, Samir Amin ou René Dumont n’ont cessé de répéter l’échec de la transformation agricole en URSS. Mais Bairoch développe un autre point de vue, plus proche de ce qu’on peut lire dans Un autre regard sur Staline. 6
Conclusion : ‘‘Les experts occidentaux situent la croissance du PNB par habitant de l’URSS entre 1928 et 1958 à environ 4 à 5% par an, ce qui constitue un rythme environ deux fois plus élevé que celui de l’Occident durant la même période. (...) Donc, globalement, pour la période 1928-1958, on peut considérer que la planification a permis à l’URSS de combler une partie de son retard et de se doter plus rapidement que l’Occident d’une base industrielle. La comparaison la plus significative est celle avec l’Espagne et l’Italie. (...) Vers 1928, l’URSS avait un niveau d’industrialisation inférieur de près de la moitié à celui de l’Italie et de 30% à celui de l’Espagne. Or, pour 1962-1964 (période la plus proche de 1958), l’URSS dépassait d’environ 12 à 16% l’Italie et d’environ 140 à 160% l’Espagne.’’ 7
Bairoch poursuit : le ralentissement économique est surtout notable dans les années 70. Mais, depuis la chute du Mur, c’est la dégringolade. Pour l’ensemble des pays de l’Est, il s’agit d’un effondrement de 40% entre 1989 et 1995. 8 Mais, cela, tout le monde peut le remarquer. Le socialisme ‘‘stalinien’’ est donc une incontestable réussite économique. Et le révisionnisme ‘‘khrouchtchévien’’, qui voulait assurer la même production en URSS qu’aux Etats-Unis pour les années 80, un échec. Il a conduit à la restauration du capitalisme qui s’est révélée être une catastrophe. En outre, autre discours qu’on n’a pas l’habitude d’entendre, la période ‘‘stalinienne’’ a assuré un progrès social remarquable.
‘‘Les acquis sociaux en URSS ? Ce sont essentiellement une distribution moins inégale des revenus ; un progrès extrêmement rapide de l’éducation et de la médecine ; et (ce qui a déjà été évoqué) l’absence de chômage.’’ 9 ‘‘D’ailleurs, l’article 40 de la Constitution proclamait le droit au travail garanti par l’Etat.’’ 10
Bairoch souligne que, durant cette période, l’écart régional a été réduit : ‘‘L’écart du niveau de vie entre la région la plus pauvre et la région la plus riche était de l’ordre de 1 à 2 seulement. A titre de comparaison, aux Etats-Unis, à la même époque (fin des années 1950), l’écart était de 1 à 3. Et dans le tiers monde, on trouve de nombreux cas où cet écart dépasse le 1 à 6.’’ 11
Quand on pense qu’on a justifié la séparation des Etats indépendants de l’URSS par l’écart de richesses entre régions et le besoin des contrées pauvres de se développer enfin ! En 1960, il y a proportionnellement deux fois plus d’universitaires en URSS qu’en Europe occidentale. Le taux d’analphabétisme est pratiquement nul en 1958. La mortalité infantile est passée de 250 pour mille en 1910, soit le double de l’Europe occidentale, à 33 pour mille en 1958, soit l’équivalent de l’Occident. Les taux de criminalité, de toxicomanie, de prostitution sont très faibles. 12 Quand on voit ce que le capitalisme a fait de tous ses acquis, on s’aperçoit plus encore du bien-être apporté par le socialisme aux travailleurs du pays.
2. Un même constat positif pour les autres économies socialistes :
Bairoch s’attaque alors à une autre grande expérience socialiste : la Chine. De nouveau, l’analyse est simple : la période capitaliste est celle de la stagnation et de la misère ; après 1949 et la révolution, c’est le progrès économique et social, certes pas uniforme, mais quand même rapide si on le considère sur une longue période. L’économiste souligne :
‘‘La Chine, au moment de la création de la république populaire, est un pays meurtri par les conséquences de l’invasion japonaise et la longue guerre civile. En revanche, elle a hérité aussi des investissements réalisés par le Japon en Mandchourie. Toutefois, son niveau d’industrialisation par habitant vers 1949 était à peu de chose près celui de 1938 qui, lui-même, n’était que légèrement supérieur à celui de 1913 ; donc, pratiquement une stagnation du niveau d’industrialisation entre 1913 et 1949, alors qu’en Inde, par exemple, on a assisté à un doublement. Vers 1949, le niveau d’industrialisation de la Chine était voisin ou un peu inférieur à celui de la moyenne du tiers monde à économie de marché. Or, le niveau atteint par la Chine en 1976 à la mort de Mao est (d’après mes estimations basées sur les sources occidentales) supérieur de quelque 65 à 70% au niveau d’industrialisation moyen du tiers monde à économie de marché (mais supérieur de seulement 40 à 45% à celui de l’Inde ; et inférieur de 60 à 70% à celui du Brésil).’’ 13
Et l’économiste d’ajouter ce qui est remarquable dans cette performance : primo, cette croissance concerne une longue période ; secundo, c’est un pays très important du point de vue démographique ; tertio, le pays a été très peu aidé par l’étranger.
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