Après une offensive dévastatrice contre les rebelles, Alep, est en passe de tomber aux mains du régime.Hier, les efforts diplomatiques redoublaient pour mettre fin au carnage.
Soumises à un déluge de feu depuis quatre semaines, les dernières poches de résistance rebelle à Alep-Est ne tiendront plus longtemps. La deuxième ville de Syrie est ainsi en passe de repasser sous le contrôle de Bachar al-Assad, offrant au régime sa plus grande victoire depuis le début du conflit en 2011. Dans ce contexte, les instances internationales craignent qu'un énième bain de sang ne clôture la bataille…
Hier, un accord a été conclu pour l'évacuation «des habitants et des rebelles avec leurs armes légères, des quartiers assiégés d'Alep», a affirmé Yasser al-Youssef, responsable d'un groupe rebelle avant de préciser qu'il n'«entrerait en vigueur dans les prochaines heures». Un accord conclu «sous la houlette de la Russie et de la Turquie», soutiens respectifs du régime et de la rébellion.
«L'évacuation des blessés et des civils se fera en premier. Par la suite, les rebelles sortiront avec leurs armes légères», a indiqué M. Youssef avant de préciser que «ceux qui partent choisiront d'aller soit dans l'ouest de la province d'Alep ou vers la province (voisine) d'Idleb (nord-ouest)».
Dans la journée, le Conseil de sécurité de l'ONU tenait une réunion d'urgence à New York à la demande de la France. «La pire tragédie humanitaire du XXIe siècle se déroule sous nos yeux», a déploré l'ambassadeur français François Delattre.
Crimes de guerre
En quatre semaines, l'opération militaire a coûté la vie à plus de 415 civils à Alep-Est selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Plus de 130 000 civils ont fui les quartiers assiégés depuis le 15 novembre.
«Nous devons tout faire pour mettre fin à l'effusion de sang, pour évacuer la population en toute sécurité», a-t-il déclaré. Et d'ajouter : «Nous demandons à la Russie de faire quelque chose à propos de ce désastre à Alep». L'ambassadeur a fait état «d'informations crédibles» portant sur des «meurtres brutaux de familles» entières, des exécutions sommaires et des attaques ciblant des hôpitaux. «Le pire est peut-être encore à venir», sous la forme «d'autres massacres de sang-froid», a-t-il conclu. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve a dénoncé hier les «innombrables atrocités» et les «massacres» commis par le régime syrien contre des civils à Alep «avec l'appui» de la Russie, qui peuvent constituer des «crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité».
L'ambassadeur britannique à l'ONU Matthew Rycroft a évoqué «un jour tragique» pour la ville et souligné que «la guerre elle-même a des règles et que chacune de ces règles a été violée».
Le régime (re)perd Palmyre
L'attention et les effectifs de l'armée étant concentrés sur Alep, le régime n'a pas pu contrer une offensive surprise du groupe jihadiste État islamique (EI), qui a repris dimanche la ville de Palmyre, malgré les frappes russes. Une contre-offensive éclair a permis aux terroristes de conquérir la cité antique, neuf mois après en avoir été chassés. Cette défaite du régime démontre que l'armée syrienne, dont les effectifs sont réduits, reste très dépendante de ses alliés russe et iranien
Jacques Bérès, Chirurgien, président de France Syrie Démocratie et cofondateur de Médecins sans frontières
«L'humanité a vraiment sombré à Alep»
Dans quelle situation humanitaire se trouve la ville d'Alep ?
C'est une horreur totale. Épouvantable. Monstrueux. L'Humanité a vraiment sombré à Alep. Que faire à part pleurer s'indigner, vomir, s'énerver, casser les meubles… Mes contacts téléphoniques directs à Alep remontent à presque 15 jours. Depuis, rien. Les personnes que je connaissais ne répondent plus, ou sont mortes ou les deux à la fois…
Avez-vous déjà connu pareille situation dans votre carrière ?
Ce qui est nouveau, c'est que tout cela se passe sous les yeux du monde entier, devant des centaines de millions de téléspectateurs. Un spectacle morbide, inhumain dont tout le monde serait au courant. On n'a pas mémoire de crime aussi effroyable depuis Guernica (ndlr : en avril 1937) où les civils avaient été massacrés par Franco. Picasso avait alerté le monde avec son tableau. Depuis, il y a eu d'autres exemples comme Grozny en Tchétchénie où j'étais et dont on a moins parlé.
On a donc franchi un pas dans l'horreur à Alep ?
On a même franchi plusieurs pas à la fois. Quand on laisse de telles latitudes à M.Poutine… Et qu'Obama donne un permis de tuer à Bachar al-Assad : il a toléré un certain degré d'atrocité en fixant pour ligne rouge l'utilisation d'armes chimiques. Cela signifiait : «vous pouvez tuer par tous les moyens avant d'en arriver à ce type d'armement». Or le recours aux armes chimiques a été avéré. Il n'y a même pas de négationnisme là-dessus. Le régime de Bachar en serait presque fier au point s'en vanter. À Alep, il y a encore eu récemment des bombardements au chlore… Depuis des mois, des crimes contre l'Humanité y sont perpétrés. Outre les armes chimiques, il y a eu les attaques délibérées contre les hôpitaux d'Alep qui ont tous été détruits, les destructions systématiques de pharmacies, privant la population civile de soin. Sans compter sur les bombardements aux barils d'explosifs remplis de clous sur des civils bloqués. Ainsi que le pilonnage de l'aviation de M.Poutine qui était rentré dans la coalition internationale au motif de combattre Daech. Or rappelons-le Daech est absent d'Alep.
L'ultimatum humanitaire lancé lundi par François Hollande au régime syrien peut-il avoir une incidence ?
M. Hollande a fait une déclaration sur Alep mais il a été lâché par les Anglais et Obama. Vous savez personne ne va aller faire la guerre à M.Poutine, il est bien trop puissant. Finalement l'Histoire se répète. En 1938, on avait bien laissé Hitler envahir les Sudètes… Et au final, on retrouve encore des dictatures à l'origine des massacres et de crimes contre l'Humanité. Le peuple syrien est un peuple héroïque, martyr, abandonné des démocraties Occidentales. L'Histoire jugera cet épisode très sévèrement.
Recueillis par Benoît Rouzaud
ladepeche
Soumises à un déluge de feu depuis quatre semaines, les dernières poches de résistance rebelle à Alep-Est ne tiendront plus longtemps. La deuxième ville de Syrie est ainsi en passe de repasser sous le contrôle de Bachar al-Assad, offrant au régime sa plus grande victoire depuis le début du conflit en 2011. Dans ce contexte, les instances internationales craignent qu'un énième bain de sang ne clôture la bataille…
Hier, un accord a été conclu pour l'évacuation «des habitants et des rebelles avec leurs armes légères, des quartiers assiégés d'Alep», a affirmé Yasser al-Youssef, responsable d'un groupe rebelle avant de préciser qu'il n'«entrerait en vigueur dans les prochaines heures». Un accord conclu «sous la houlette de la Russie et de la Turquie», soutiens respectifs du régime et de la rébellion.
«L'évacuation des blessés et des civils se fera en premier. Par la suite, les rebelles sortiront avec leurs armes légères», a indiqué M. Youssef avant de préciser que «ceux qui partent choisiront d'aller soit dans l'ouest de la province d'Alep ou vers la province (voisine) d'Idleb (nord-ouest)».
Dans la journée, le Conseil de sécurité de l'ONU tenait une réunion d'urgence à New York à la demande de la France. «La pire tragédie humanitaire du XXIe siècle se déroule sous nos yeux», a déploré l'ambassadeur français François Delattre.
Crimes de guerre
En quatre semaines, l'opération militaire a coûté la vie à plus de 415 civils à Alep-Est selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Plus de 130 000 civils ont fui les quartiers assiégés depuis le 15 novembre.
«Nous devons tout faire pour mettre fin à l'effusion de sang, pour évacuer la population en toute sécurité», a-t-il déclaré. Et d'ajouter : «Nous demandons à la Russie de faire quelque chose à propos de ce désastre à Alep». L'ambassadeur a fait état «d'informations crédibles» portant sur des «meurtres brutaux de familles» entières, des exécutions sommaires et des attaques ciblant des hôpitaux. «Le pire est peut-être encore à venir», sous la forme «d'autres massacres de sang-froid», a-t-il conclu. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve a dénoncé hier les «innombrables atrocités» et les «massacres» commis par le régime syrien contre des civils à Alep «avec l'appui» de la Russie, qui peuvent constituer des «crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité».
L'ambassadeur britannique à l'ONU Matthew Rycroft a évoqué «un jour tragique» pour la ville et souligné que «la guerre elle-même a des règles et que chacune de ces règles a été violée».
Le régime (re)perd Palmyre
L'attention et les effectifs de l'armée étant concentrés sur Alep, le régime n'a pas pu contrer une offensive surprise du groupe jihadiste État islamique (EI), qui a repris dimanche la ville de Palmyre, malgré les frappes russes. Une contre-offensive éclair a permis aux terroristes de conquérir la cité antique, neuf mois après en avoir été chassés. Cette défaite du régime démontre que l'armée syrienne, dont les effectifs sont réduits, reste très dépendante de ses alliés russe et iranien
Jacques Bérès, Chirurgien, président de France Syrie Démocratie et cofondateur de Médecins sans frontières
«L'humanité a vraiment sombré à Alep»
Dans quelle situation humanitaire se trouve la ville d'Alep ?
C'est une horreur totale. Épouvantable. Monstrueux. L'Humanité a vraiment sombré à Alep. Que faire à part pleurer s'indigner, vomir, s'énerver, casser les meubles… Mes contacts téléphoniques directs à Alep remontent à presque 15 jours. Depuis, rien. Les personnes que je connaissais ne répondent plus, ou sont mortes ou les deux à la fois…
Avez-vous déjà connu pareille situation dans votre carrière ?
Ce qui est nouveau, c'est que tout cela se passe sous les yeux du monde entier, devant des centaines de millions de téléspectateurs. Un spectacle morbide, inhumain dont tout le monde serait au courant. On n'a pas mémoire de crime aussi effroyable depuis Guernica (ndlr : en avril 1937) où les civils avaient été massacrés par Franco. Picasso avait alerté le monde avec son tableau. Depuis, il y a eu d'autres exemples comme Grozny en Tchétchénie où j'étais et dont on a moins parlé.
On a donc franchi un pas dans l'horreur à Alep ?
On a même franchi plusieurs pas à la fois. Quand on laisse de telles latitudes à M.Poutine… Et qu'Obama donne un permis de tuer à Bachar al-Assad : il a toléré un certain degré d'atrocité en fixant pour ligne rouge l'utilisation d'armes chimiques. Cela signifiait : «vous pouvez tuer par tous les moyens avant d'en arriver à ce type d'armement». Or le recours aux armes chimiques a été avéré. Il n'y a même pas de négationnisme là-dessus. Le régime de Bachar en serait presque fier au point s'en vanter. À Alep, il y a encore eu récemment des bombardements au chlore… Depuis des mois, des crimes contre l'Humanité y sont perpétrés. Outre les armes chimiques, il y a eu les attaques délibérées contre les hôpitaux d'Alep qui ont tous été détruits, les destructions systématiques de pharmacies, privant la population civile de soin. Sans compter sur les bombardements aux barils d'explosifs remplis de clous sur des civils bloqués. Ainsi que le pilonnage de l'aviation de M.Poutine qui était rentré dans la coalition internationale au motif de combattre Daech. Or rappelons-le Daech est absent d'Alep.
L'ultimatum humanitaire lancé lundi par François Hollande au régime syrien peut-il avoir une incidence ?
M. Hollande a fait une déclaration sur Alep mais il a été lâché par les Anglais et Obama. Vous savez personne ne va aller faire la guerre à M.Poutine, il est bien trop puissant. Finalement l'Histoire se répète. En 1938, on avait bien laissé Hitler envahir les Sudètes… Et au final, on retrouve encore des dictatures à l'origine des massacres et de crimes contre l'Humanité. Le peuple syrien est un peuple héroïque, martyr, abandonné des démocraties Occidentales. L'Histoire jugera cet épisode très sévèrement.
Recueillis par Benoît Rouzaud
ladepeche
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