En route vers la Syrie, le groupe aéronaval russe doit se ravitailler après le passage de Gibraltar. Mais il éprouve des difficultés à le faire après les refus des Espagnols et des Maltais de l’approvisionner en carburants. On évoque des pressions des USA et de l’Otan. Les regards se tournent alors inéluctablement vers l’ami algérien qui entretient des relations militaires étroites avec la Russie. Information prise, aucune escale n’est prévue pour l’instant dans un port algérien. Reste que la question n’est pas de savoir si le groupe aéronaval, qui comprend le porte-avions Amiral Kuznetzov et un certain nombre d’unités d’appui et de logistique, accostera ou non sur la côte algérienne. Il s’agit plutôt de savoir si nos autorités accepteraient de le ravitailler. Dans cette affaire, qui n’est pas si banale que ça, l’Algérie se retrouve assise entre deux chaises. Il lui est difficile de ne pas porter assistance à l’ami stratégique russe. Comme il lui est délicat de se mettre en porte-à-faux avec les Occidentaux qui ont des moyens de pression sensibles : le blé et les futurs éventuels crédits financiers dont elle auraient éventuellement besoin. Mais au vu des relations importantes avec la Russie, fondées notamment sur un «partenariat stratégique» et un appui militaire russe permanent et de qualité, il serait assez difficile pour nos dirigeants de faire la sourde oreille au besoin du groupe naval russe. D’ailleurs, pourrait-on refuser à nos grands amis russes ce que nous avons déjà consenti aux Français à travers les opérations Serval Et Barkhane au Mali ? Gageons donc qu’une solution de compromis serait vite trouvée : le groupe naval ne ferait pas escale en Algérie, mais pourrait envoyer un ravitailleur pour faire le plein. Le passage de l’Amiral Kouznetzov est donc l’occasion d’un focus sur ce que ce sont, dans la réalité historique et la profondeur stratégique, les relations bilatérales, militaires plus précisément depuis l’ère soviétique. Il est vrai qu’elles remontent au début de la guerre d’Indépendance même si elles ont un peu mal débuté. Alors que la majorité des pays progressistes soutenaient la Révolution algérienne, l’URSS, elle, avait fait le pari de ne pas mécontenter le général de Gaulle qui donnait du fil à retordre à l’Otan et aux Etats-Unis. L’Union Soviétique a certes appuyé l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU en juin 1956. Mais c’est sous l’impulsion de Khrouchtchev, à partir de 1960, que l’URSS a soutenu diplomatiquement le FLN, reconnu le GPRA et commencé à accueillir les cadres de l’ALN dans différents secteurs de formation. Mais il n’y a pas que ça et nous, Algériens, sommes redevables à l’URSS de tant de choses. Comme, par exemple, le fait qu’elle fut le seul pays à avoir envoyé des contingents entiers de soldats volontaires pour déminer les frontières avec la Tunisie et le Maroc et permettre à la vie de revenir dans des régions désertées par leurs habitants. Jusqu’à la chute du Mur de Berlin, des milliers de coopérants russes sont venus enseigner ou occuper des postes en Algérie, et l’Union soviétique a formé des milliers d’Algériens, surtout dans les domaines techniques et scientifiques. Et surtout ne jamais oublier la coopération militaire, dense et exemplaire. L’Algérie est, derrière l’Inde, le second importateur d’équipements militaires de Russie. Avec une enveloppe d’un minimum de dix milliards de dollars, c’est un véritable partenariat stratégique que les deux pays ont établi sous les ères Poutine-Bouteflika. L’Algérie est même privilégiée par rapport aux autres pays arabes dans la vente d’équipements sensibles. A ce jour, l’ANP est toujours la seule armée dans le monde arabe à disposer de missiles anti-aériens S300PMU2, et elle a été la première armée à acquérir des avions Yak 130, ainsi que les systèmes de défense anti-aériens Pantsir Janus. Entre autres. Reste que l’on pourrait reprocher à nos amis russes le fait de n’avoir jamais accepté d’installer des usines d’armement de pointe en Algérie. Reproche qui prend une nouvelle signification au moment où des partenaires occidentaux acceptent un certain transfert technologique vers notre pays. Par ailleurs, le fâcheux épisode des Mig-29SMT d’occasion, mais maquillés en neuf et vendus en l’état à l’ANP, a envenimé un moment le climat de bonne coopération militaire entre les deux pays. Mais pas assez pour en faire aujourd’hui un frein et refuser de prêter assistance à la mission de l’Amiral Kouznetzov.
N. K.
latribunedz
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